Cela fait maintenant six saisons consécutives que les Portland Trail Blazers participent aux playoffs à l’Ouest. Une régularité admirable, récompensée par une apparition surprise en finale de conférence la saison passée. Désormais bien installés parmi les gros, les joueurs de l’Oregon s’attaquent à un défi de taille, celui de garder cette place malgré le nombre toujours croissant de concurrents.
Depuis l’éclosion de CJ McCollum, la recette n’évolue pas beaucoup : Portland s’appuie sur le duo explosif formé par ce dernier et Damian Lillard pour mener l’attaque, profitant de leurs qualités individuelles hors normes. Rien de criminel à cela, surtout au regard du succès que cela a engendré pour la franchise. Cette complicité éprouvée du noyau de l’équipe pouvait laisser espérer un bon début de saison à l’heure où les nouveaux assemblages de stars cherchent encore à cohabiter efficacement. Pourtant, l’entrée en matière des Blazers est plutôt poussive (3-3), et nous tâcherons ici de vous proposer quelques éléments d’explication.
Avant toute chose, il faut se rappeler qu’en dehors de Lillard et McCollum, l’effectif de Portland a subi un gros remaniement cet été. Si l’on compare le cinq majeur avec celui de l’an passé, seuls les deux arrières sont fidèles au poste. Hassan Whiteside est arrivé pour pallier à l’absence de Jusuf Nurkic, dont la date de retour est toujours inconnue. Zach Collins et Rodney Hood ont quant à eux pris les places de Mo Harkless et Al-Farouq Aminu. Forcément, du temps sera nécessaire pour trouver les automatismes entre les titulaires et il est normal que tout ne soit pas parfait dès le début.
Néanmoins, à la vue des premiers matchs, des doutes auraient vite fait de pointer le bout de leur nez. On l’a dit, Portland s’appuie avant tout sur sa traction arrière en attaque, et les deux pistoleros sont déjà particulièrement chauds avec 29.8 pts pour Lillard et 21.8 pts pour McCollum, de quoi normalement mettre leurs coéquipiers sur de bons rails. Pourtant, l’équipe est redescendue autour de la 10e place à l’offensive rating, alors qu’elle évoluait à une remarquable 3e place la saison passée. Quelque chose cloche.
En y regardant de plus près, qu’est-ce qui a changé dans l’organisation offensive de l’Oregon ? Pas mal de choses, en fait. Commençons par le plus évident, avec le remplacement de Jusuf Nurkic par Hassan Whiteside au poste de pivot. Véritable troisième roue du carrosse l’an passé, le Bosnien apportait de la variété au jeu de Portland par sa capacité à marquer au poste bas mais également à sanctionner à mi-distance si son vis-à-vis lui laissait un peu trop de champ. Une aptitude très intéressante lorsque vous disposez de deux polarisateurs de défense sur votre backcourt. Malheureusement pour les Blazers, Whiteside est très loin de pouvoir se vanter de posséder une telle panoplie offensive. On ne parle même pas ici des problèmes d’attitude du transfuge de Miami, qui font de lui un gros point d’interrogation pour la suite de la saison. On parle d’un point de vue purement basket, en faisant le constat simple que l’on ne peut décemment pas exiger de Whiteside une carburation identique à celle de Nurkic dans la raquette. Adieu donc le tir à mi-distance, adieu le jeu dos au panier, on part sur quelque chose de beaucoup plus minimaliste, à base de lay-ups sous le cercle et de points sur rebonds offensifs. La perte est importante, d’autant plus si l’on regarde le banc, où l’on retrouve une configuration similaire : Enes Kanter, 13,1 pts par match en 2018-2019, est parti à Boston, et c’est à Skal Labissière que revient le rôle de pivot remplaçant. Là encore, au niveau offensif, les Blazers ont beaucoup perdu dans l’opération. Entre la blessure du Bosnien et le départ du Turc, ce sont 28 pts par match qui ont foutu le camp de la raquette oregonienne. Rude.
Compte tenu de ce que l’on vient d’énoncer, on serait logiquement tenté de se tourner vers les ailes pour rechercher les points perdus. En apparence, il y a de quoi faire de ce côté avec Rodney Hood, qui s’est montré à son avantage en fin de saison passée. Mais ce n’est pas aussi simple. L’an dernier, Hood évoluait en sortie de banc et n’était quasiment jamais sur le parquet en même temps que Damian Lillard et CJ McCollum. Avec l’un des deux, oui, mais jamais les deux ensemble. L’ancien Cavalier avait donc plus de responsabilités et surtout, plus souvent la balle en main pour créer son propre tir, chose qu’il aime faire, notamment à mi-distance derrière un écran. Cependant, lorsque Hood est sur le parquet cette saison, ce sont ses coéquipiers du backcourt qui se chargent le plus souvent de pénétrer pour semer la zizanie dans la défense adverse. S’il cherche à évoluer lui aussi dans ce registre, Portland s’expose au risque de tomber dans l’isolation à chacun son tour entre Lillard, McCollum et Hood – c’est déjà parfois le cas – pour un plan de jeu non seulement peu divertissant mais aussi très facile à contrer pour un adversaire organisé en défense.
L’idéal serait donc que l’ami Rodney se mette plus souvent dans le rôle d’un tireur en catch and shoot à l’opposé, comme le faisait Al-Farouq Aminu. L’ennui, c’est que l’efficacité du premier nommé dans ce registre est à peine suffisante pour l’instant (1 point par possession), et cela constitue un réel handicap pour Portland qui ne peut se reposer que sur Zach Collins ou Anthony Tolliver pour sanctionner la défense lorsque celle-ci décide d’aider sur le duo arrière. Cependant, l’échantillon de matchs joués est trop faible pour statuer d’un vrai problème pour Hood à ce niveau, qui traverse peut-être simplement une panne d’adresse, en plus des difficultés engendrées par l’acclimatation à son nouveau rôle de titulaire. Il n’y a pas de raison de paniquer pour le moment et son très bon match au tir face aux 76ers en est la preuve : Hood sait encore mettre dedans.
Mais l’introduction de Hood dans le cinq soulève une autre question. Le banc de Portland a beaucoup changé depuis la saison dernière : exit Curry, Kanter, Leonard, hello Bazemore, Hezonja, Tolliver… Bref, du bon gros remaniement comme on les aime, avec les errances initiales que cela sous-entend. Le fait est que pour le moment, Portland est à la rue dans le domaine, avec la 27e moyenne de points parmi les bancs de la ligue. Très léger pour envisager de conserver l’avance que les titulaires auraient éventuellement pu obtenir. Forcément, l’idée de faire de Rodney Hood le leader de la second unit (ce qui ferait de Kent Bazemore le titulaire au poste 3) est à étudier, pour tenter de rééquilibrer un peu les choses et permettre à Lillard et McCollum de souffler sur le banc en sachant qu’un créateur est présent pour prendre le relai. Ce constat est d’autant plus vrai que la rotation des Blazers souffre de quelques blessures en ce moment, augmentant encore un peu la charge portée par le backcourt. Comme dit plus haut, seul un échantillon de matchs plus important pourra guider le coach vers les décisions à prendre éventuellement.
Dans l’ensemble, Portland présente les caractéristiques d’une équipe qui se cherche. Elle se repose ainsi trop sur ses points forts, sur ce qui marche, au point d’en devenir parfois caricaturale. La balle circule moins (ce n’était déjà pas Byzance en la matière, on vous l’accorde), 45% des possessions débouchent sur un pick and roll ou de l’isolation, contre 30% l’an passé, où l’attaque carburait bien mieux – quel hasard. Les joueurs qui apportaient de la variété dans le jeu (Nurkic, Kanter, Aminu…) ne sont plus là et les Blazers n’ont pas trouvé de palliatif pour le moment. Le mois de novembre sera une bonne occasion pour Terry Stotts de jauger la valeur de son équipe, avec un programme équilibré entre gros poissons et équipes en construction. Avant, pourquoi pas, de procéder à des changements dans la hiérarchie de l’équipe.