New York. Depuis toujours, la ville qui ne dort jamais intrigue autant qu’elle ne fascine. Politique, culture ou économie, chaque domaine possède son point de rencontre dans Big Apple. Le sport ne déroge pas à la règle. Que ce soit les Rangers, les Giants ou les Knicks, toutes ces équipes dans leurs activités respectives sont des gages de popularité sur le continent et même sur le globe entier.
C’est cette dernière qui va nous intéresser, et plus particulièrement son plus grand représentant. Comment aborder les Knickerbockers sans parler du grand Patrick Ewing ? D’autres légendes sont en compétition avec lui pour le titre de « meilleur Knicks de l’histoire », mais son histoire est bien trop belle pour ne pas être racontée.
De la Jamaïque au Madison Square Garden
Tout commence en 1962, en Jamaïque. C’est ici que Patrick Aloysius Ewing naît et passe les premières années de sa vie. Pour raison professionnelle, sa mère part dans le Nord-Est des Etats-Unis, et Patrick la rejoint en 1975, à 13 ans.
Il commence le basket à cet âge, progresse et intègre la très réputée faculté de Georgetown en 1981. Ce fût plutôt une bonne décision. Le pivot marche sur la ligue universitaire durant tout son cursus et les Hoyas participent à 3 finales NCAA en 4 ans avec Ewing dans la peinture. Seul point d’ombre, un seul titre, en 1984, face à un certain Akeem (oui, sans H à l’époque) Olajuwon dont nous reparlerons en détails plus tard.
Malgré sa petite finale d’un point de vue statistique face à l’adversaire de sa vie, Big Pat est élu Most Oustanding Player du tournoi (sensiblement la même chose que le MVP mais version NCAA ).
Ce titre est le premier (et unique à l’heure actuelle) de Georgetown ; il a donc accompli sa mission. Son destin devait être tout tracé : rejoindre la ligue majeure par la grande porte, celle d’un vainqueur NCAA et ainsi s’assurer une haute place dans la prochaine draft.
Or Patrick avait un autre objectif essentiel à ses yeux : finir son cursus universitaire, comme promis à sa mère avant son décès, en 1983. Le voici de nouveau sur les parquets afin de réaliser un back to back qui serait historique pour les Hoyas. Malheureusement, comme en 1982 et la défaite face à North Carolina d’un certain Michael Jordan, il échoua lors du dernier match de la saison. Son chemin vers le sacre est cette fois-ci stoppé par Villanova.
Après un cursus universitaire plein, et étant attendu par toute la NBA, Ewing se présente à la draft 1985. Il n’y avait aucun doute, l’équipe possédant le first pick le choisira.
Grâce au nouveau système de loterie, les Knicks, sortant d’une saison honteuse, ont la chance (pour certains), ou l’aide de David Stern (pour d’autres) de dispose du premier choix de cette draft, qui se déroule le 18 juin 1985.
Patrick Aloysius Ewing est donc un Knicks. Pour toujours.
1985-1994 : du fond de la NBA au sommet (ou presque)
Orphelin de Bernard King depuis mars 1985, la franchise new-yorkaise souhaite se reconstruire de façon plus cohérente autour du futur Hall Of Famer. Ils veulent faire de lui la pierre angulaire de leur système, et cela des deux côtés du terrain. Pendant une quinzaine d’année, Ewing va donc être la tour défensive sur laquelle s’appuie une défense de fer, ainsi qu’une première option offensive plus que destructrice.
En effet, les attributs physiques du pivot lui permettent d’extrêmement bien protéger son cercle. Mesurant plus de 210 centimètres et pesant environ 110 kilos, Patrick est un rebondeur féroce. Il n’hésite pas non plus à contrer tout ce qui pénètre dans sa raquette, comme en témoigne sa moyenne de 2,4 contres par match en carrière. Mais au-delà des statistiques, il est un monstre d’engagement, très solide pour défendre au poste bas, ce qui est très important dans cette ère où les pivots sont rois.
Ses capacités offensives sont tout aussi intéressantes. Que ce soit proche du cercle ou à quelques mètres avec son fameux turn around jumpshot, sa facilité à scorer impressionne. Entre son arrivée,dans la ligue et la saison 1997-1998, The beast a toujours inscrit au minimum vingt points par match. Ce qui, disons le, est loin d’être négligeable.
Malgré son adaptation très rapide à l’environnement NBA, Patrick Ewing passe deux premières saisons plutôt médiocres sur le plan collectif. Individuellement, les statistiques sont bonnes ( ce qui lui permet de remporter le trophée de Rookie Of the Year en 1986) , mais les Knicks squattent toujours les bas fonds de la ligue.
On ne peut pas dire que le Front Office new-yorkais fait tout pour mettre le first pick 1985 dans de bonnes conditions. A l’époque, le coach Hubie Brown, garde Bill Cartwright dans un poste de pivot titulaire et décale Ewing à un poste d’ailier-fort qui ne lui correspond absolument pas.
Heureusement, cela va rapidement évoluer. Lors de l’intersaison 1987, Brown est poussé vers la sortie pour laisser la place sur le banc du MSG à Rick Pitino. De plus, Mark Jackson, excellent meneur gestionnaire, est choisi en 18ème position de la draft.
Désormais installé au poste de pivot, la situation s’améliore considérablement pour les Knicks. New York retrouve la post-season, et ne la quittera plus avant le nouveau millénaire.
Malgré une élimination au premier tour, les espoirs concernant la future réussite des Knicks sont de retour dans Big Apple.
Mais les dirigeants le savent. Avec cet effectif, New York n’ira pas beaucoup plus loin. C’est pour cela qu’un trade est organisé avec Chicago, et durant l’été 88 : Oakley arrive à Manhattan quand Bill Cartwright fait le trajet inverse. Installé au poste 4, ils forment avec Big Pat une raquette dure, physique, besogneuse qui donne le tempo pour le reste de l’équipe.
La saison suivante est donc placée sous le signe de l’espoir, de l’amélioration. Patrick propose toujours des statistiques pures incroyables (22,7 points, 9,3 rebonds et 3,5 contres par match). La franchise réussit à passer un tour de Playoffs, et est éliminée cette année-ci en demi finale de conférence par les Bulls de Jordan. C’est la première fois que les deux franchises se croisent en post-season. Ce qu’ils ne savent pas encore à cette époque, c’est que ce n’était (de loin) pas la dernière. Leurs affrontements allaient devenir mythiques.
Lors de cette série, les plus hautes instances new-yorkaises ont pu voir que Pitino ne faisait pas (plus ?) l’affaire, il est donc remercié. Arrive donc a l’orée de la saison 1989-1990, Stu Jackson, qui ne restera qu’un peu plus d’une saison. Nouvel exercice hors norme du pivot avec près de 29 points de moyenne, accompagné de 11 rebonds et quasiment 4 contres. Il a même inscrit son record de points en carrière, avec un match à 51 points (avec pas moins de 18 rebonds) face aux Celtics. Cela lui a valu une place dans la first NBA Team, pour la seule fois de sa carrière.
Une fois la saison régulière finie, les mêmes déconvenues refont surfaces. Au premier tour, alors que Boston mène 2-0 et que les coéquipiers d’Oakley et Cie sont au bord du gouffre, The Beast décide d’enfiler sa cape de super-héros. Trois matches consécutifs où il découpe la raquette vieillissante des Verts :
- Game 3 : 33 points et 19 rebonds.
- Game 4 : 44 points, 13 rebonds, 7 interceptions.
- Game 5 : 31 points, 8 rebonds et 10 passes décisives.
Ewing installe toute la ville sur ses épaules et l’amène en demi-finales de conférence comme un véritable franchise player. Mais les Knicks tombent nez à nez avec une équipe de Detroit en mission, qui ne leur laisse aucune chance, et les balayent 4-1. Ewing est agacé ; il est mal entouré et se demande si la suite de sa carrière ne prendrait pas une meilleure tournure dans une autre ville. Lors des Playoffs 91, même constat. Beaucoup de stats, pour finir avec un sweep des Taureaux de Chicago, en route vers leur premier titre.
A la suite de ce nouveau revers, le clan Ewing et les dirigeants ne sont plus sur la même longueur d’onde. Après de nombreuses discussions, les Knicks ont rassuré leur star en annonçant un renforcement considérable du roster.
Le premier renfort est peut être le plus important. Pat Riley, gourou des Lakers des années 80, 4 fois champion, arrive au poste de Head Coach. Cette légende du coaching comprend rapidement qu’il faut mettre un place un jeu rugueux. On entoure donc Patrick de guerriers. En plus de Oakley, Jackson ou McDaniels qui sont déjà dans l’équipe, on y ajoute John Starks et Anthony Mason, deux joueurs capables de se sacrifier pour leurs coéquipiers.
La saison 1991-1992 est donc marquée par ces Knicks, beaucoup plus physiques. Le pivot sort toujours une ligne de statistique incroyable ( 24 points, 11,2 rebonds et 3 contres). Lors du premier tour des Playoffs, les Pistons sont éliminés. Le duel tant attendu entre Knicks et Bulls aura donc de nouveau lieu en demi-finale de conférence. Malgré un Game 1 extraordinaire d’Ewing avec pas moins de 34 points, 16 rebonds et 6 contres et une victoire arrachée au Game 6 malgré une douleur à la cheville, les coéquipiers de Jordan se qualifient pour les finales de conférence en 7.
Après avoir passé l’été à Barcelone avec ses amis de la Dream Team, Patrick et ses camarades reviennent surmotivés. Soixante victoires à la fin de la saison régulière, ce qui constitue le record de franchise. Riley est élu Coach of The Year et Ewing termine quatrième de la course au MVP (24 points, 12 rebonds et 2 contres). Cette année est surement la bonne pour les Knickerbockers.
Elimination rapide et efficace des Pacers, puis des Hornets pour enfin accéder aux finales de conférences et ainsi retrouver Jordan et toute sa bande.
Après les 2 premiers matchs, New York mène 2-0. Mais les Bulls remportent les 4 matchs suivants et filent vers un three-peat. On pense donc que Chicago dominera jusqu’à ce que Michael Jordan daigne baisser son niveau de jeu, ce qui ne devrait pas arriver avant quelques années.
Mais le 6 octobre 1993, une conférence de presse change le destin de la grande ligue. His Airness, qui sort de 3 sacres consécutifs accompagnés de 3 trophées de MVP des finales, prend sa (première) retraite sportive. Le monde du basket est en ébullition car cette décision rebat totalement les cartes des saisons à venir.
La saison 1993/1994 paraît donc très ouverte. Les Knicks font parti des contenders pour le titre final, mais ne sont pas seuls. Après s’être qualifiés aisément en demi-finale de conférence, ils retrouvent encore et toujours les Taureaux de Windy City, orphelins du meilleur joueur de leur histoire. Enfin, cette rivalité tourne en faveur des new-yorkais, mais que ce fût compliqué. Après sept matches âpres, physiques, et un poster phénoménal de Scottie Pippen sur le pauvre pivot de Gotham, l’équipe de Riley atteint les finales de conférences afin d’y retrouver les Pacers.
Bis repetita, Big Apple aura besoin de sept nouveaux matches, et d’un match de mastodonte d’Ewing lors du Game 7 pour se qualifier en NBA Finals. Lors de la dernière confrontation, les Knicks étaient menés de 12 points au milieu de la partie. C’est à ce moment que le grand pivot décide de poser 24 points et 22 rebonds, et ainsi propulser les Knicks au sommet de la conférence Est.
Un bonheur incommensurable. Voilà ce que tout Manhattan, et même tout New York a ressenti grâce à cette qualification, attendue depuis vingt et un ans.
Malheureusement, la dernière marche était trop haute pour ce groupe de rôle player. Les Rockets d’un certain Hakeem Olajuwon ont brisé tout espoir de titre de cette équipe. The dream était bien trop fort pour The beast, et a donc pris sa revanche qu’il attendait depuis sa défaite en NCAA. Il aura malgré tout fallu sept matchs ultra défensifs ( pas une équipe au dessus de 93 points) pour voir la franchise texane s’imposer, bien aidée par un John Starks contré à la dernière seconde au game 6 par Olajuwon et proposant une horrible sélection de shoot lors du match décisif (2/18).
Pour Patrick et ses coéquipiers, c’est la douche froide. Ils étaient si proche d’obtenir le Graal, à un petit match d’être au paradis. Les observateurs NBA étaient unanimes pour dire que le temps de ces Knicks est passé, surtout avec le départ de Riley à l’intersaison 1995. Et pourtant, cette équipe de Gotham version 90’s nous réserve une dernière belle surprise.
1994 – 2002 : la construction d’une épopée mythique
Après une saison « hangover » post défaite en finales NBA où Ewing s’est vu éliminé en demi-finale de conférence par les Pacers (encore eux, et ce n’est pas fini), une grosse page se tourne dans la ville qui ne dort jamais avec le départ de leur coach en Floride. Information complémentaire de l’intersaison, Jordan est lassé par le baseball et revient sur les parquets dans sa franchise de “toujours”, Chicago.
Une nouvelle idéologie souhaite être mise en place, incarnée par Don Nelson. Cette philosophie de jeu, très rapide, offensive, n’est pas très adaptée à l’effectif en place. Le GM de l’époque décide donc, après simplement trente-quatre matchs (et de nombreux conflits), de le faire remplacer et d’installer Jeff Van Gundy au poste d’Head Coach.
Les Knicks restent les Knicks. Peu importe le coach, il n’y a des choses qui ne changent pas. Les éliminations en post season par Jordan ne dérogent pas à la règle. C’est de nouveau le cas en 1995 en demi-finale de conférence.
Pendant cette première année de transition post Riley, Ewing commence à exprimer son mécontentement sur le cast support qui l’accompagne.
Aussitôt demandé, aussitôt fait. A l’intersaison 1996, 2 renforts de poids déposent leurs bagages au MSG : Allan Houston signe libre. Larry Johnson lui emboite le pas, par l’intermédiaire d’un trade qui envoie Mason à Charlotte.
Malgré les ajouts de ces menaces extérieures, les saisons suivantes ressemblent aux précédentes : saison de Patrick à plus de 20 points par match, grosse régulière, et défaite en playoffs par la suite, que ce soit par Miami en 1997 ou les Pacers l’année suivante.
Mais comme tout être humain, le franchise player new-yorkais vieillit. Moins de rapidité, plus de blessures, la fin de carrière approche. C’est dans cet état d’esprit que commence l’exercice 1998-1999, qui voit New York accrocher les playoffs de justesse après une saison tronquée par le lock-out. Toute la ligue voit les Knicks se faire détruire par le Heat de Riley, mais c’est ici que commence l’une des plus belles campagnes de post season de tous les temps.
En ayant récupérer Sprewell, Camby et Thomas à l’intersaison précédente, Gotham s’est reconstruit une belle équipe de tête brûlées.
Revenons en au premier tour, qui fût bien plus serré que prévu. Les Knicks ne sont pas venus en sparring-partner, et le montrent bien. Ils poussent le Heat au Game 5, se retrouvant dans une confrontation à élimination directe. Rencontre une nouvelle fois très serrée, qui se conclue par un tir victorieux d’Allan Houston. 3-2 Knicks. Miami en vacances et New York en demi finale de conférence.
C’est déjà une victoire pour une équipe ayant commencé cette campagne au Seed 8, mais ils ne comptent pas s’arrêter là. Sweep des Hawks en demi, vacances également pour Atlanta. Le Garden redevient le volcan d’antan, les joueurs donneraient leur vie pour la franchise, l’histoire est en route. En finale de conférence, retrouvailles avec Indiana pour la 5ème confrontation en 10 ans.
Premier coup dur pour New York dans cette campagne : Patrick Ewing, la tour de contrôle, l’emblème de l’équipe se déchire le tendon d’Achille lors du Game 2. Une blessure qui sonne le glas de sa saison.
Malgré ce coup de massue, la série reste extrêmement disputée. Lors du game 3, déterminant pour la suite de la série (1-1 à cet instant), Larry Johnson inscrit l’un des shoots les plus iconiques de l’histoire. New York était mené de 3 points à quelques secondes de la fin de la partie. Pas de problème pour Granmama, qui pull-up de derrière l’arc. 3 points ajoutée à la faute. Scène de liesse dans la salle. Lancer inscrit. Game 3 remporté.
A la suite de cette fin de match digne des plus grands films, les Knicks clôturent la série comme des patrons. 4-2 New York. Les Knicks sont donc de retour en NBA Finals, qui l’aurait crû en début de campagne ! Cette postseason devient la meilleure de l’histoire pour une équipe classée Seed 8.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Amputé d’Ewing, le duel face aux twin Towers des Spurs tourne en massacre. Le duo Duncan – Robinson marche sur la raquette Thomas – Camby et les Spurs vont chercher le premier titre de leur histoire plutôt aisément.
L’élimination de cette magnifique équipe marque la fin d’une ère. Après une dernière saison qui termine par une élimination en finale de conférence face aux rivaux d’Indiana et faute d’accord pour une prolongation de contrat, Ewing est (honteusement) tradé à Seattle contre Rice, Longley et Maxwell.
Cette saison 1999/2000 marque la fin du règne de Patrick sur toute la franchise des Knicks. Franchise player pendant 15 ans, ayant vécu des joutes mythiques de playoffs, Ewing part la tête haute de sa franchise.
Après une pige aux Sonics, il signe à Orlando durant l’été 2001 pour sa dernière saison professionnelle. Il raccroche les sneakers le 17 septembre 2002, après 17 saisons sur les parquets.
Il aura réussi à atteindre onze fois le All Star Game, sept fois la All NBA Team, mais n’aura pas atteint son objectif principal : accrocher une nouvelle bannière de champion en haut du Madison Square Garden. En revanche, il peut être sûr de sa place de légende qu’il aura dans les archives NBA, et de celle d’idole dans le coeur des new-yorkais.
Super article, très intéressant