A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 9 sur l’équipe féminine, c’est par ici !
Épisodes précédents :
Épisode 1 – A la préhistoire du basket (1893 à 1931)
Episode 2 – Premiers trophées et période trouble (1932 à 1945)
Episode 3 – Un retour en grâce dans l’après-guerre (1948 à 1963)
Episode 4 – Aux oubliettes (1964 à 1982)
Episode 5 – Les premières légendes (1983 – 1996)
Episode 6 – Retour au premier plan (1997-2000)
Episode 7 – Génération Parker (2001-2009)
Episode 8 – Devenir une équipe (2010-2012)
2013 : Le retour des doutes.
A l’approche de l’Eurobasket 2013, plusieurs questions se posent : est-ce que la France est capable d’aller plus loin ? Après un Eurobasket 2011 plus que convainquant et des Jeux Olympiques à Londres pour le moins frustrants, mais qui confirmaient la force de l’effectif, la nouvelle compétition dans le charmant pays slovène, qui n’entend pas encore les pas du divin Doncic arriver, doit être une confirmation pour la France. Mais une autre question va alors se poser : avec qui confirmer ? Car encore une fois, le groupe français subit des forfaits en série et particulièrement au poste sur lequel la France avait justement besoin d’un bon gros renfort : la raquette. Ainsi, Kévin Séraphin des Wizards, Ian Mahinmi à Dallas, Joakim Noah aux Bulls, tournent les talons aux bleus, pour diverses raisons, principalement de santé. On se tourne vers Ronny Turiaf, champion NBA 2012, mais lui aussi explique : il veut prendre soin de son corps. Vincent Collet lui-même se met à douter « je vous avoue, quand j’ai vu cette cascade de forfaits (…) j’ai eu un moment de doute » déclare-t-il à ses joueurs. L’heureux élu s’appelle donc Alexis Ajinça, tout juste écarté des parquets NBA, noté à 42 sur NBA 2k13, soit le pire joueur du célèbre jeu vidéo, et qui recommence tout à zéro à Strasbourg. Au final, le groupe est fait : Parker, De Colo, Batum, Diaw, Ajinça, Diot, Gelabale, Kahudi, Lauvergne, Pietrus, et Johan Petro, qui comme Ajinça, n’a pas su convaincre en NBA. Fournier, Tillie et Westermann attendront leur tour, et des gars comme Lauvergne ou Pétro n’ont jamais joué de compétition en bleu…
En dépit de la frustration, la préparation n’est pas mauvaise, mais n’apporte pas de gros espoirs sur le respect de la hiérarchie du basket européen : victoires convaincantes contre la Finlande, l’Allemagne, la Croatie, la Géorgie, la Slovénie et la Serbie, défaites contre la Grèce et l’Espagne. On sent que le groupe est prêt, mais il est évident qu’il manque quelque chose. On se rassure comme on peut, avec Nicolas Batum qui se met très en avant et assure qu’il veut marquer le coup. Les Français débarquent assez tôt en Slovénie, et prennent le temps de s’installer, de visiter les lieux. Il faut une bonne ambiance, car cet Eurobasket sera long, avec des phases de poules interminables et aux calculs difficiles à suivre. George Eddy nous confiera d’ailleurs “cette horrible formule avec deux phases, oh, heureusement que c’est fini ! Ça a duré trois semaines, mais on était dans un cadre génial à Ljubjana. Mais il y avait trop de match sans enjeux. J’étais confiant qu’on pouvait aller au bout”.
Eurobasket 2013 : le chemin vers la Délivrance
Les caméras de l‘Equipe21 pour l’émission “Intérieur Sport” vont décider de suivre les bleus dans ce périple, nous donnant des images saisissantes de ce reportage qui sera intitulé plus tard “Délivrance”. En Slovénie, dans une salle aux trois quarts vides, le premier match des français les oppose aux allemands. Un adversaire qui ne présente pas particulièrement de danger immédiat. Mais c’est rapidement sous-estimer le mental français qui gâche totalement l’entrée en matière. Rien n’y est : Batum est en pleine crise de confiance, Parker est isolé, et en face, c’est une équipe menée par Dirk Nowitzki qui ne se pose pas de question. Collet reste confiant : « ce qu’on est venu chercher ici, c’est tout à fait possible », rappelant les performances de son groupe en 2011 et 2012. Les bleus vont rectifier : victoires contre la Grande-Bretagne (88-65), Israël (82-63) et l’Ukraine (77-71) mais les mises au point se font encore, en pleine compétition, alors que la France bat la Belgique, après avoir été menée de 12pts. Mais ça passe, les bleus sont qualifiés pour le second tour. Collet s’agace : « je ne sais pas ce qu’il vous faut pour avoir cette piqûre de rappel ! ».
Sauf que le second tour n’apporte toujours pas la réponse aux doutes : défaite nette et sévère contre la Lituanie et la Serbie. La seule victoire contre la Lettonie, avec 25pts d’Ajinça, suffit à qualifier les français pour les quarts, grâce au système incompréhensible de la compétition qui intégrait les scores du premier tour. On multiplie les discours pour trouver la bonne formule : « on doit avoir une meilleure préparation d’avant-match » dit Diaw, « je ne sais pas par où commencer » soupire Collet. Mais le cas qui inquiète le plus, c’est Batum, en totale perdition. Devant les caméras, il explique le regard perdu, mais empli de bonne foi : « je fais tout ce que je peux à côté, mais ça ne veut pas. Je change de chaussures, j’en ai des nouvelles, elles sont arrivées tout à l’heure, je change tout ».
Le quart de finale ne se fera pas dans une petite arène à l’ambiance du dimanche, car en face, c’est Dragic et la Slovénie, chez elle. L’ambiance à Ljubjana est absolument géniale pour le basket, avec une fanzone remplie
chaque soir, surtout quand l’équipe nationale est de sortie. Alors en face, les bleus eux, semblent en position de se faire dévorer. Sauf que voilà, le réveil, la délivrance mentale intervient au meilleur moment. Batum pas efficace en attaque ? Il devient intraitable en défense, et surtout face à Dragic dont l’heure n’est pas encore venue, et Parker, lui, plante 27 pions aux slovènes dans une salle rendue verte, autant sur les habits que sur les visages. Tony rappelle qu’il est au sommet de son basket, mais aussi un des meilleurs joueurs de la NBA, et pour l’Europe, de tous les temps. Score final 72-62, salle fessée pour les Slovènes, mais qui connaîtront leur heure de gloire eux aussi, en 2017. Et voilà, bon gré mal gré, la France est encore là, en demi-finale.
France-Espagne : le discours pour l’histoire.
En demi-finale, aucune surprise, aucun cadeau, aucune pitié, ce seront les espagnols, encore eux. Et ils ont bien l’intention de regarder les bleus de haut et ne leur laisser aucune pensée positive. Que dire face à cette équipe ? Marc Gasol, Reyes, Calderon, Rodrigues, Navarro, Llull, Rubio, Fernandez…bref, ça va claquer sévère dans les joues des français, parce que cette équipe d’Espagne envoyait du alley-hoop face à Team USA en finale des JO un an plus tôt. Team USA qui peinera à venir à bout de cette équipe, malgré un cinq Chris Paul-Kobe Bryant-LeBron James-Kevin Durant-Tyson Chandler, mais également Westbrook, Harden, Love, et Anthony Davis sur le banc… Nous, on a Lauvergne, Pétro, et Kahudi.
Ça commence comme prévu : le stress absolu, une équipe de France qui déjoue, des espagnols qui nous étouffent, qui s’imposent. Gelabale envoie un parpaing dans l’équerre, Ajinça est bâché par Gasol…la France surnage grâce à un Parker en mode légende qui marque 10 des 14 premiers points français. Au premier quart, les bleus paraissent malgré tout encaisser, en dépit d’un alley-hoop Rodriguez-Fernandez (18-14). Mais au second, ça prend l’eau. Parker sort un peu, et l’Espagne déroule, pendant que les bleus font 0/8. La frustration gagne les rangs, les shoots faciles ne rentrent pas… la France prend un 13-0 que seul Parker, encore lui, peut stopper. Gasol lui, arrive à passer les murs et chambre les intérieurs français. Tony, sur l’action suivante, se fait cogner par son vis-à-vis, alors qu’il tentait de feinter. C’en est trop pour Boris qui, sur la contre-attaque qui s’en suit défonce Sergio Llull, puis exprime son dégoût du scénario que prend le match. Il ne le sait pas encore, mais alors que Llull fait la comédie pour les arbitres, Capitaine Boris vient de sonner le réveil dans toutes les têtes de son équipe. A la mi-temps (34 – 20) les français rentrent au vestiaire, furieux, et Tony Parker prend ses responsabilités. Il réclame la fin de la comédie et trouve enfin le bon discours, avec 10 ans de frustration dans les mots :
« Il faut qu’on se réveille les gars. Franchement, on joue comme si on avait peur. Je ne parle pas de l’attaque. C’est la défense. On dit des trucs qu’il faut faire, on ne sort pas sur les pick and rolls et on les laisse shooter à trois points. On ne va pas aux rebonds. Ils nous agressent. On ne peut même pas mettre la balle en jeu ! Il faut qu’on joue plus physique que ça ! La Slovénie, on a joué physique. Là, on ne joue pas physique. Ils nous dominent parce qu’ils pensent qu’on est de la merde. Et ça se voit dans leur visage. Ils nous prennent pour de la merde. Je me fous de ce qui arrive en deuxième mi-temps. Même si on perd. Au moins, on joue avec notre fierté. Et on joue dur. Après, on perd, c’est pas grave, c’est la vie. Mais moi, je préfère perdre en se battant. Mais pas comme ça là… Là, on se fait défoncer. Plus rien à perdre maintenant, on joue ».
Message reçu ? Petit à petit, les bleus rejouent avec énergie, volonté, vitesse, bousculent les espagnols qui résistent encore, et cherchent à rejouer la comédie pour déstabiliser les bleus, sans succès. Antoine Diot enchaîne deux trois points, Tony met les espagnols en faute. On sent qu’il n’y a plus de peur côté français. Collet met une défense de zone, et Gasol envoie un bon air ball, et Tony un 3pts. Les bleus recollent ! Les commentateurs de FranceTV ne se sentent plus et braillent à chaque coup de sifflet. Gelabale devient intenable, mais l’Espagne ne lâche rien, il va falloir remettre un coup, un stop. Et c’est chose faite : la défense devient intraitable et la France revient. A 1min55, Parker plante un trois points, et la France repasse devant ! Parker est à 28pts. Les espagnols reprennent un point d’avance (65-64) à une minute de la fin, ça devient très très tendu. Ajinça manque un panier en or. « Il faut le mettre putain ! » s’exclame le commentateur. Mais le pivot a les lancers : 1 sur 2. Egalité. Balle espagnole : Rodriguez se faufile, lance son layup, mais le ballon se pose sur l’arceau avant de lentement retomber ! Diot récupère et cherche Parker, en isolation, qui va au panier à toute vitesse, mais se fait contrer ! 11 secondes, les espagnols cavalent pour trouver Calderon à trois points : ça rebondit sur l’arceau mais Gasol reprend la balle et…la renvoie sur l’arceau encore ! Prolongation alors que le cœur du basket européen est en pleine palpitation !
Mais cette fois-ci, les doutes, c’est fini. Les français jouent sans peur, les espagnols sont tout petits, la défense des bleus est étouffante, Tony prend toutes ses responsabilités. Après 4min de jeu, seuls deux paniers ont été mis ! Tout va se jouer sur des micro-détails : deux lancers de Parker (69-67), Claver fait air-ball puis fait une grosse faute sur Tony, le banc français est survolté et ce sont les ibériques qui sont frustrés ! Parker met ses lancers 71-67, à 32pts.
Que peut-il arriver aux bleus, sinon le retour des frayeurs inutiles ? Alors que Rodriguez marque (71-69), la remise en jeu est chaotique et précipitée, et les bleus nous refont le coup de la Grèce en 2005 et laissent sortir la
balle ! Remise en jeu espagnole, mais Rodriguez est trop court sur son shot ! Antoine Diot prend le rebond et a le privilège de finir l’Espagne, une bonne foi pour toute. L’arrière ne tremble pas : 2 sur 2 (73-69). Mais ces satanés ibériques avec Rodriguez foncent droit vers l’arceau : panier et la faute ! 19 secondes, 73-72 ! Diot est encore envoyé sur la ligne, mais ne tremble vraiment, vraiment pas : 75-72. Rodriguez attaque encore, rate, mais Batum a les mains qui glissent et les espagnols gardent cette fichue balle ! 10 secondes, remise en jeu : Calderon est suivi par Parker, et laisse la gonfle à Gasol, qui trouve Pietrus dans son short, ses chaussures, sa tête. Le pivot regarde l’arceau, et envoie une brique, cette fois-ci, on les a eus.
Tony Parker a tout gagné dans sa vie. On l’a vu, avec les trophées en mains, collectifs, individuels, de la NBA, de l’Europe, mais jamais, jamais on n’avait vu ce regard de rage et ce cri de victoire lorsque le buzzer retentit. Rapidement pris dans les bras de De Colo et Diot, il ne cesse à aucun moment de hurler et de laisser sortir 10 ans d’échecs qui viennent de se transformer en une réussite, la plus belle de l’histoire du basket français…du moins, pour 48h. « Quel orgueil, quelle fierté » « c’est GÉNIAL » s’époumonent les commentateurs de FranceTV, pendant que Boris rappelle tout le monde à l’ordre : il en reste un. George Eddy nous explique, durant notre interview : “ce n’est pas le plus grand match de l’histoire du basket français, on met zéro trois points en première mi-temps, mais on en met neuf dans le deuxième.”. L’essentiel est là : la médaille est à portée.
Champions
On vous passera un résumé long de la finale, parce que la France va tout simplement survoler la partie. L’Espagne battue, plus rien ne pouvait arrêter les bleus. Après un premier quart temps équilibré, le groupe de Vincent
Collet décide de jouer, au meilleur moment de son histoire, le match parfait : la défense ? Parfaite. L’attaque ? Parfaite. L’adresse ? Parfaite. Le coaching ? Parfait. A l’image de ce temps mort demandé à 0.5s de la mi-temps par Collet pour mettre en place un système qui donne à Diot l’occasion de faire ficelle à 1 mètre de la ligne médiane. Le leadership de Tony ? Exemplaire. Celui de Pietrus, de Diaw, également. Bref, score final : 80-66.
La marseillaise retentit, et moi, ce soir là dans un bar de Bruxelles, devant l’écran géant, avec un seul compatriote, face à 200 lituaniens, on se regarde l’air hagard, mais émerveillé : je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Tony Parker est nommé MVP de l’Eurobasket. Il ne le sait pas encore, mais 2013-2014 sera la plus grande année de sa carrière, même encore mieux que 2007, puisqu’il enchaînera champion d’Europe, MVP de l’Eurobasket, et champion NBA : une légende. En France, la presse, d’ordinaire peu intéressée par les parcours de nos équipes de basket, sonne le jour de gloire.
La gloire ira jusque dans la cour de l’Elysée. Alors que les bleus reviennent en France, un homme entre dans le bureau du Président de la République au Palais de l’Elysée. Il est amateur de basket depuis longtemps, et aussi ancien Premier Ministre. Lionel Jospin vient en effet convaincre François Hollande : cette équipe, on ne peut pas la laisser partir. Le Président est d’accord, et les bleus sont alors accueillis au 52 Rue Faubourg Saint-Honoré. Un moment unique pour le basket français. Sur le perron de l’Elysée, Lionel Jospin ne boude pas son plaisir et vient parler basket avec le groupe, retraçant leurs parcours, lui qui était déjà dans le vestiaire des bleus en 1999. Le locataire de l’Elysée n’est pas très amateur de basket, lui qui faisait plutôt des passes approximatives avec l’équipe de foot parlementaire, il se contente de dire les bonnes phrases, en communiquant averti. Jospin lui, résume la chose non sans admiration, avec plus de sincérité dans la voix : « c’est un accomplissement extraordinaire ».
C’était le plus grand accomplissement de l’équipe de France masculine de basket-ball. Presque 100 ans après leur premier match au stade Pershing au bois de Vincennes, les bleus ont cessé de se satisfaire des jolis parcours, des presque-succès, cette fois-ci, c’est bien arrivé : ils sont devenus des Champions. Pour George Eddy, lors de notre échange, cet Eurobasket 2013 : “C’est le summum”. Difficile de dire autrement, la France est au sommet de son histoire.
Coupe du monde 2014 : Et Boris Diaw écrasa l’Espagne
Le mondial est évidemment un autre niveau que l’Eurobasket, qui gagne néanmoins en intensité à chaque édition. La coupe du monde 2014 se présente en Espagne, et il faut l’admettre, la France a envie d’y faire bonne figure, mais aussi de souffler un peu après cette épique victoire en 2013, acquise non sans stress et au bout de 40 ans de frustrations, dont 10 pour cette génération. En campagne de playoffs NBA chaque année depuis 2002, finaliste en 2013 et encore champion en 2014, Tony Parker a été clair et n’a pas entretenu de doute : il souhaite se reposer un peu. Sa franchise est salutaire, et le champion est invité a prendre son repos bien mérité. D’autre part, c’est avec l’esprit plus libéré que Vincent Collet construit son effectif. Tony Parker en break, c’est l’occasion idéale pour lui de faire progresser son groupe, de tenter des choses, et d’intégrer des nouvelles têtes, comme le petit Rudy Gobert, tout juste drafté par le Jazz d’Utah.
La mission est donc simple : accepter de ne pas viser trop haut, pour ajuster, peaufiner et parfaire un groupe qui doit devenir une écurie de classe mondiale et dominer la FIBA. Vincent Collet part donc avec un cinq Heurtel-De Colo-Batum-Diaw-Gobert, pour responsabiliser Heurtel, et introduire Gobert, mais aussi donner du leadership à De Colo et Batum. A ceux-là s’ajoutent Evan Fournier, Edwin Jackson, Charles Kahudi, Kim Tillie, Joffrey Lauvergne, Mickaël Gelabale et le capitaine Florent Piétrus. Un juste équilibre entre vétéran et nouvelles têtes. Malheureusement, De Colo devra déclarer forfait, suite à une blessure durant la préparation, une occasion en or pour Evan Fournier.
Il ne faudra pas longtemps à cette sympathique mayonnaise pour s’ajuster avec bien plus de sérénité qu’en 2013. Malgré une préparation avec quelques faux pas (défaites contre la Serbie, l’Ukraine et l’Australie), et un départ manqué contre le Brésil à Grenade (63-65), le groupe trouve rapidement sa vitesse de croisière et obtient une victoire de caractère contre la Serbie (74-73), puis l’Egypte (94-55) et l’Iran (81-76). Les français céderont une deuxième défaite en poules contre les locaux espagnols (88-64) qui pensent alors avoir mis les choses au point face à leur bourreau de 2013… Ils ne sont pas au bout de leurs surprises.
Les bleus sont donc en huitièmes de finales, et affrontent une équipe de Croatie sérieuse et appliquée, qui offre un bon duel dont la France parvient à sortir vainqueur (69-65), au terme d’un excellent travail défensif. Et là, le destin : l’Espagne, chez elle, dans sa coupe du monde, se dresse encore et toujours face à l’équipe de France. Sauf que cette fois-ci, les bleus n’ont plus ce complexe, ce spectre sur la tête. Eux sont simplement venus jouer, l’Espagne a un rang à tenir. Mais c’était sans compter sur le capitaine français, Boris Diaw, qui, non rassasié de la victoire de 2013, a souhaité ajouté une ligne d’humiliation à l’histoire du basket espagnol. George Eddy nous confie alors : “c’est un de mes plus grand souvenir de commentateur !”
Mais le gros du travail, il est surtout, et encore, défensif, car sans Parker et son jeu centré sur l’attaque et la vitesse, Collet mise sur la défense, et la tour géante : Rudy Gobert. Le pivot du Jazz impressionne et martyrise
tout attaquant osant s’approcher un tant soit peu du panier. Et en attaque, qui peut prendre le relais ? Gobert attaché à la question défensive, Diaw ou Lauvergne peuvent s’écarter du cercle et étirer les défenses. Et c’est comme ça que contre l’Espagne, le pauvre Marc Gasol ne sait pas où donner de la tête, pendant que Boris et Jeoffrey artillent derrière l’arc. Gobert s’attelle aussi à gêner Gasol ou Ibaka pour permettre des coupes habiles de Diot ou Fournier. Batum a quant à lui retrouvé confiance. Les espagnols n’en croient pas leurs yeux… La balle, le jeu, le match, est pour les blancs et bleus, qui enchaînent les actions collectives admirables. Il faut arrêter l’hémorragie côté ibérique : Llull prend le relais de Fernandez pour essayer d’enrayer les extérieurs. Mais le souci, c’est que les Gasol et Ibaka sont totalement hagards en défense ! Emmené par 15pts de Diaw, et les 13reb de Gobert, la France colle un 23-9 dans le quatrième quart-temps ! Score final, 65-52. Il n’y eu même pas de discussion. L’Espagne quitte son mondial, humiliée par une équipe de France sans Parker et De Colo, mais tout de même meilleure qu’elle, et de loin. George Eddy, dans “Génération Parker” rappelle que cette génération de joueurs “n’avait pas cette histoire avec l’Espagne, comme les anciens. Ils n’avaient aucun complexe” (Génération Parker, p168), et lors de notre entretien à QIBasket, il précise cependant aussi que : “On a de la chance parce que Marc Gasol est devenu papa, et il n’a pas dormi pendant 48h avant de jouer le match… Il a été totalement transparent. Allez savoir, peut être que ça aurait été différent s’il avait été en forme. On était au top de notre niveau défensif, avec Gobert qui montrait ce qu’il allait devenir plus tard : le meilleur défenseur au monde !”.
La France en finale de la coupe du monde ? On y croit, car les Champions d’Europe paraissent absolument intenables, imprévisibles. Avant dernière étape avant TeamUSA : la Serbie. Mais voilà, les Serbes sont en missions, eux qui veulent enfin retrouver les sommets depuis tant d’années. Ils sont emmenés par un superbe Milos Teodosic. Celui-ci termine à 24pts, alors que les serbes prennent rapidement un avantage qu’ils ne lâcheront pas une seule fois du match. Nicolas Batum, loin de ses déboires et questionnements de 2013, est héroïque et plante 35pts ! Dans le dernier quart, les bleus tentent tout en marquant 39pts, mais les serbes en mettent 29. Et pour leur première demi-finale de coupe du monde de leur histoire, les bleus s’inclinent 90-85. La frustration est immense après avoir défait l’Espagne et alors que la Serbie avait été battue par la France en phase de poule.
A la Serbie le rôle de victime de TeamUSA pour la finale à Madrid. Les bleus doivent se ressaisir. Comme un symbole, c’est la Lituanie, leur adversaire de la finale de 2013, qui se dresse eux aussi de nouveau devant eux. Toujours emmené par un Batman-Batum incroyable avec 27pts, et par le leadership du champion NBA Boris Diaw, la France termine le travail, de peu : 95-93. Les bleus repartent avec une troisième médaille en quatre ans, et la toute première médaille de coupe du monde de leur histoire.
Quand le destin d’un Etat croise celui des bleus
A l’origine, le championnat d’Europe 2015 était prévu en Ukraine, et la préparation de la compétition se passait tout à fait normalement dans cette optique pour la FIBA et l’ensemble des équipes espérant y participer. Mais c’était sans compter sur les tensions géopolitiques qui entouraient cet ancien pays du bloc soviétique. Le point de rupture ? La Crimée, péninsule modeste au bord de la Mer Morte. Ce territoire est tout simplement annexée par la Russie de Vladimir Poutine. Des combats sont engagés, et l’intégrité du territoire ukrainien est en sursis. Dans ces conditions, un Eurobasket est inenvisageable, et le destin va désormais se tourner vers l’équipe de France.
La FIBA, pour remplacer l’Ukraine, décide de mettre en place une formule originale : les quatre groupes de six équipes joueront chacun dans un pays, dont un seul conservera l’accueil de la phase finale. Ainsi, la Lituanie, la Croatie et l’Allemagne vont accueillir un groupe chacun. Le dernier groupe et les phases finales revenant à la France. Les champions d’Europe en titre ont l’occasion de faire un back-to-back chez eux. Mais devant quel public ? On choisit, pour les phases de poules, la salle omnisport de Montpellier, excellente structure où le public va répondre présent. Mais les phases finales ? Bercy ? En 2015, un jeune stade, dont la construction fit débat pendant une décennie, mais fin prêt pour l’Euro de foot 2016, vient tout juste d’ouvrir et montre rapidement ses capacités d’accueil et sa modernité : le stade Pierre Mauroy de Lille, qui n’accueille pas que du foot, mais aussi des concerts d’envergure (comme Rihanna ou autres popstars), des matchs de coupe Davis de tennis, et il est en capacité d’accueillir des matchs de basket. La France va donc jouer ses phases finales, devant, potentiellement, plus de 25 000 spectateurs, du jamais vu dans l’histoire du basket-ball européen.
L’Eurobasket 2015 : l’avènement de l’ère française ?
L’effectif sélectionné pour l’Eurobasket 2015 est une armée de combattants, aussi bien fournie en attaque qu’en défense. Le cinq est talentueux et expérimenté : Parker-De Colo-Batum-Diaw-Gobert. Soit un quadruple champion NBA et MVP des finals, un champion et MVP d’Euroleague, un des meilleurs role player de la NBA, un autre champion NBA et un futur meilleur défenseur de la NBA et plus grand joueur (en taille) de la ligue en activité. Aucune équipe de France n’avait présenté un tel cinq. A cela s’ajoutent des remplaçants de marque : Joffrey Lauvergne, alors aux Nuggets, Evan Fournier du Magic, Charles Kahudi, le vétéran Florent Pietrus, Mickael Gelabale, et des jeunes comme Léo Westermann et Mam Jaiteh alors promis à la draft NBA. En conséquence, pour la première fois de son histoire, la France n’est pas en lice pour faire bonne figure, l’équipe de Vincent Collet est venue pour gagner, et rien d’autre. Seule la victoire sera belle, et rien d’autre.
La préparation du tournoi ne donne aucun doute sur les prétentions des bleus. Cette équipe n’a pas peur. Puis arrive la compétition. A Montpellier, les adversaires se montrent plus rudes que prévu, mais les bleus ne vont laisser aucun match filer. Devant 10 000 personnes, la France débute contre la Finlande en confiance pendant trois quart temps, avant de prendre un 13-21 dans les 10 dernières minutes. La France maintient sa fâcheuse tendance à rater ses débuts de tournois et à ne pas savoir gérer ses avantages. Mais avec 23pts de Parker, ça passe en prolongation. S’en suit un défilé : 81 à 54 contre la Bosnie, victoire gérée contre la Pologne (69-66), la Russie (74-67), et Israël (86-61) avec notamment 15pts et 10reb pour Gobert. Les bleus terminent premiers de leur groupe : 5 victoires, aucune défaite.
La puissance intérieure des bleus fait peur, avec Rudy Gobert qui veut s’imposer comme le nouveau grand pivot européen, Boris Diaw et son leadership, son talent et son expérience, mais aussi Lauvergne qui assure de très bonnes rotations, avec Mam Jaiteh en soutien.
Arrive alors la phase finale : déménagement à Lille, au Stade Pierre Mauroy, où 26 000 supporters déchaînés attendent la France. Pour ce 8e de finale, c’est la Turquie qui se présente. Vice-championne du monde 2010, l’équipe Turque semblait être un adversaire sérieux. Il n’en fut rien : 76 à 53. De Colo déroule avec 15pts et 7 passes. En quart de finale, c’est la Lettonie qui s’incline 84-70 avec Parker à 18pts et 6 passes. Pour la 3e fois en 4 ans, la France jouera une médaille à l’Eurobasket. La victoire approche, nous en sommes tous persuadés.
Jeudi 17 septembre 2015 : le rendez-vous raté avec l’histoire.
Qui se dressera sur le chemin de cette machine ? Des équipes fortement taillées et expérimentées comme la Russie, la Turquie, la Lettonie, se sont toutes faites écrasées par la force française. Alors qui peut venir à bout de cette équipe sinon… Le destin.
En quart de finale, les espagnols se défont, non sans difficulté, d’une équipe de Grèce qui, menée par un certain Giannis, a fortement maltraité la Roja. Et nous voilà de nouveau devant l’affiche inévitable, mais que beaucoup de français auraient aimé éviter : France vs Espagne. Sauf que cette fois-ci, les bleus n’ont peur de rien et la Roja le sait.
Ils sont 26 922 dans le Stade de Lille Métropole pour assister à ce duel de colosses, c’est tout simplement la plus forte affluence de l’histoire pour un match de basket en Europe. Le rendez-vous s’annonce épique, tout comme les duels attendus : Gobert vs Gasol, Parker vs Navarro, Diaw vs Mirotic, De Colo vs Llull. Les bleus, sur le papier, ont clairement des avantages que les espagnols, fatigués de leur duel avec la Grèce, et sans Marc Gasol, ni Serge Ibaka, ne semblent pas vraiment avoir. Du côté français, la confiance est là et le public répond présent avec une ambiance du niveau de match de playoffs NBA.
La balle est lancée dans les airs, et la France joue son jeu. Les bleus viennent chercher les espagnols, les bons mouvements et les bons shots, Gobert prend la mesure de son rival gasolien du soir et met très
vite les choses au clair en prenant rebonds et alley-hoops. Plus que l’attaque, les bleus sont concentrés défensivement et les espagnols manquent beaucoup de shots. Un premier quart-temps maîtrisé, terminé sur un 3pts de Fournier qui fait rugir la salle, face à une Roja trop concentrée sur Gasol. Le second quart devient plus équilibré, les espagnols recollent, mais la confiance demeure chez les bleus qui maintiennent un avantage d’un point. Puis arrive le premier ascenseur émotionnel : dans le 3e quart, et quand bien même les espagnols restent près, la France montre une impressionnante intelligence à gérer son avantage. Ils obtiennent des fautes, rentrent leurs shots, et Parker est absolument intenable. Côté espagnol, Gasol est encore au centre du jeu et remplit une feuille de stats de plus en plus impressionnante. Mais à la fin du 3e QT, la France a fait l’écart : +8.
Le second ascenseur émotionnel arrive alors : à 4min de la fin du match, les bleus ont 7 points d’avance. Mais comme une maladie chronique, comme un fatalisme automatique, ils sont soudain gagnés par la peur de vaincre. De plus, Gasol devient à son tour intenable, cherche de très nombreuses fautes, parfois [très] généreusement accordées et parvient à mettre Gobert et Lauvergne en difficulté. Mais le « choke » est bien là, et la France, à 55 secondes du terme, est menée d’un point. C’est étouffant, De Colo prend une offensive, Sergio Rodriguez parvient à fuir vers l’arceau et met un layup que Batum et Gobert tentent de bloquer de toutes leurs forces. 16 secondes, +3 pour l’Espagne. Temps mort France. La remise en jeu vient de Parker, qui transmet immédiatement à Batum, qui se retourne rapidement et plante un 3pts d’anthologie. Lille, la France et le basket explosent devant ce shot épique. Gasol prend alors la balle, vient au panier, et se fait contrer par Gobert ! Prolongation.
Puis l’ultime émotion arrive : les espagnols gèrent totalement leur prolongation, Batum obtient…et rate 3 lancers à -3 à 15 secondes. Plus rien à faire, Gasol, que George Eddy désigne comme “l’arme absolue” écrase un ultime dunk, le buzzer sonne, et il n’y a plus un bruit dans la salle. Comme en 2012, le mental français a cédé aux espagnols. Ce match est le plus grand traumatisme de l’histoire de l’équipe de France de basket.
Les espagnols remporteront l’Or face à la Lituanie qui malheureusement perd une seconde finale d’affilée, dans une indifférence totale. Les bleus eux, doivent terminer le tournoi avec un objectif : Rio 2016. Pour cela, il faut battre la Serbie. Le public, bien que meurtri, poussera la France jusqu’à la victoire, avant qu’une mémorable marseillaise ne soit chantée pour la remise de la médaille, mais qui n’était qu’en bronze. Pour George Eddy, qui se confie à QiBasket : “Cette année là c’était pire que tout, parce que c’est l’année ou Canal a arrêté le basket sur la France. C’était vraiment la fin d’une époque extraordinaire qui datait de 30 ans, le sentiment de déprime était total ! On perd contre l’Espagne contre 25 000 personnes, ça aurait pu être un sommet absolu pour le basket français. Malheureusement Parker était un peu cramé”.
La fin d’une ère ? Le temps des victoires est-il révolu ? Les bleus sont désormais en recherche de la rédemption.
Episode final
Rédemption (2016-2019)