Il a été le temps des previews, et il est désormais venu le temps des pronostics concernant les trophées phares de la Grande Ligue. Chaque année la rédaction de QiBasket s’essaye aux pronostics concernant ces trophées qui alimentent les débats passionnément tout au long d’une saison NBA… Paradoxalement, la cérémonie orchestrée pour leur remise a tendance à les faire tomber dans un relatif anonymat, ou du moins un intérêt bien moindre qu’à l’époque où ils étaient remis entre la saison régulière et les playoffs. Bref, il est temps de se risquer à quelques pronostics, et aujourd’hui, c’est le trophée du Défenseur de l’année qui va nous intéresser !
Le pelotons de favoris
1 – Rudy Gobert
On sait que le résultat divise mais c’est un fait : si Rudy Gobert n’est peut-être pas le meilleur défenseur intrinsèque de NBA, c’est bien lui le double tenant en titre du trophée de Défenseur de l’année. Rien que pour ça, il est évidemment dans les favoris à sa propre succession. Autant le dire de suite : après le back-to-back, le three peat est clairement dans le viseur de l’ami Rudy.
Gobert excelle dans le registre bien connu du pivot défensif et protecteur de cercle. S’il est moins mobile que certains de ses compères que l’on étudiera plus tard, le pivot français et ses 2m36 d’envergure savent protéger la raquette quand besoin en est, et surtout comme peu savent le faire.
Sa longueur de bras et son physique sont clairement ses atouts premiers, lui permettant d’être une force de dissuasion d’un niveau exceptionnel près du cercle, obligeant les extérieurs adverses à changer leur trajectoire de tir ou à trouver des angles de tir/passes très difficiles. Ajoutez à ce cocktail de qualités physiques naturelles un très bon sens du placement entre le défenseur et le cercle, et un très bon sens du contre (parfois kamikaze, mais c’est le lot des grands défenseurs intérieurs), et vous avez là un monstre de protection de cercle. Je vous épargne le lot de statistiques avancées que l’on peut trouver sur le sujet, mais retenez une chose : Rudy Gobert est le joueur avec la plus grande influence défensivement parlant sur les tirs les plus proches du panier. Quand on sait qu’avec le 3pts, ces tirs sont les plus prisés, forcément qu’affronter une raquette avec Gobert en point d’ancrage est un peu plus compliqué offensivement.
Surtout, ce qui peut frapper avec le pivot d’Utah, c’est la différence entre la défense du Jazz sans lui, et avec lui sur le terrain. Plus encore que les statistiques, l’impression visuelle et la dynamique qu’il insuffle à ce secteur rendent un verdict sans appel : Rudy Gobert est un patron défensif. Sa présence dans la raquette rassure ces coéquipiers, conscient de la Tour infernale qu’ils ont dans leur dos pour assurer leurs arrières.
Pour couronner le tout et même si les stats brutes ne veulent pas tout dire, on sait quel rôle et quelle influence elles peuvent jouer dans l’attribution d’un trophée comme celui du DPOY. Et dans ce domaine-là, Rudy fait également le boulot, en étant le 3ème contreur de la ligue l’an dernier et le 4ème meilleur rebondeur.
Avec la fraîche arrivée de Mike Conley à la mène, l’un des meilleurs meneurs-défenseurs de ces dernières années à Memphis, l’identité défensive du Jazz ne fait qu’être réaffirmée. Sauf surprise, on devrait à nouveau retrouver la franchise parmi les défenses les plus efficaces de la Ligue, et nul doute que Rudy Gobert n’y sera pas pour rien.
Alors, oui, on sait : en playoffs, c’est plus compliqué. Mais le DPOY vient récompenser le meilleur défenseur NBA sur la saison régulière et à ce petit jeu-là, Rudy est le numéro 1 ces dernières saisons. Pour l’illustrer et pour conclure, on ne résiste pas à l’idée de vous citer l’excellente image trouvée par nos homologues de Basket-Infos sur le non moins excellent papier “Darwin, colosses et polymorphes (ou de l’évolution du pivot défensif dans le jeu NBA moderne)” :
Rudy Gobert, c’est une Ferrari haut de gamme qui a très clairement distancé tout le monde sur l’autoroute de la saison régulière et à qui on demande soudainement en playoffs d’aller remorquer un poids lourd tombé en panne. Ou à qui on demande de transporter 30 cartons de déménagement, ou de faire voyager une famille nombreuse : il n’est tout simplement pas fait pour ça. Ce qui n’enlève en rien le fait que, effectivement, sur l’autoroute, personne n’arrive à suivre le rythme.
Statistiques 2018-19 : 15.9pts, 12.9 rebonds, 2 assists, 2.3 contres par match
2 – Giannis Antetokounmpo
Sur le plan individuel, difficile pour Giannis Antetokounmpo de faire mieux que sa saison 2018-19. Le MVP en titre a porté son équipe de Milwaukee jusqu’au sommet de la Ligue… Du moins en saison régulière. Si offensivement la machine qu’avait mis en place Mike Budenholzer impressionnait, les Bucks étaient tout aussi impressionnant défensivement, terminant là-aussi, 1ère défense de la Ligue. Et à l’image de son équipe – ou l’inverse -, Giannis était dominant de ce côté du terrain, ce qui lui valut d’arriver 2ème du trophée du DPOY, à deux doigts de réaliser l’impensable doublé MVP-DPOY. Ce n’est pas son coach qui dira le contraire.
“J’insistais il y a peu sur sa capacité à prendre des rebonds, à contrer et à défendre sur plusieurs positions. La réussite défensive de l’équipe est pour beaucoup le simple reflet de ses efforts. Tout le groupe colle bien ensemble, mais je pense que le fait qu’il soit à la fois dans les discussions pour le MVP et le meilleur défenseur est un indicateur de son impact.”
En terme de physique surnaturel, évoquer Giannis suffirait amplement à décrire le phénomène. En général, on ne vous surnomme pas le “Greek Freak” pour rien. 2m11 sous la toise, 2m21 d’envergure, des jambes interminables, des bras en forme de lianes, une mobilité d’ailier dans un corps de pivot, bref, l’ailier grec possède la panoplie complète du parfait extraterrestre, et du basketteur ultime. A l’instar de Rudy Gobert, son physique est évidemment son premier et principal atout. S’il n’a pas le sens du placement ou de l’anticipation en aide défensive que peut avoir un Draymond Green, s’il n’a pas la maîtrise de la défense sur l’homme que peut avoir un Kawhi Leonard, Giannis possède les mêmes qualités que le pivot français en termes de protection de cercle et force dissuasive. Lorsque Giannis intervient en aide, en second rideau ou qu’il est sur le chemin entre l’attaquant et le panier, c’est un effort supplémentaire qui est demandé aux inconscients qui attaquent sa raquette pour tenter de parvenir à tirer ou à passer la gonfle. Avec ses immenses bras, même s’il se fait prendre dans le drive ou en backdoor, il a su développer un timing de contre suffisamment aiguisé pour venir cueillir son opposant au dernier moment.
Giannis possède déjà tous les ingrédients pour pouvoir un jour prétendre à ce que son nom soit gravé sur le trophée : palette défensive, défense collective au niveau, statistiques, impression visuelle. Si les Bucks parviennent à maintenir une défense collective de haute volée, comme ils ont su le faire toute la saison dernière, Giannis devrait être à nouveau leur pièce maîtresse en la matière. Le meilleur défenseur de la meilleure défense, voilà un nouvel argument de poids pour le grec…
De là à ce qu’il soulève le trophée de DPOY en fin de saison prochaine ? Pourquoi pas. Au regard de sa progression dingue les deux dernières saisons, qui sait si le grec n’en n’a pas déjà fait un de ses objectifs personnels ? Quand on sait que le bonhomme n’a pas encore soufflé sa 25ème bougie et quand on voit la marge de progression dont il bénéficie malgré son niveau de MVP, pas sûr que le reste de la Ligue soit rassuré à l’idée d’attaquer le demi-terrain de Giannis dans les années à venir…
Statistiques 2018-19 : 27.7pts, 12.5 rebonds, 5.9 assists, 1.3 interceptions et 1.5 contres par match
3 – Kawhi Leonard
La nouvelle armada californienne compte dans ses rangs deux des meilleurs défenseurs extérieurs de la Ligue (les deux meilleurs même, pourrait-on dire), mais entre les deux joyeux lurons, il fallait en choisir un, et notre choix s’est finalement porté sur le champion NBA en titre. Si Paul George devrait évidemment s’insérer comme chaque année ou presque dans la discussion, Kawhi reste le meilleur two way player de la Ligue lorsque la santé suit.
Après une saison blanche avec les Spurs, et malgré une saison allégée avec le fameux “load management” mis en place pour lui à Toronto, l’ailier a pris le temps de se rappeler aux bons souvenirs des fans et observateurs NBA, tant offensivement que défensivement. Sa campagne de playoffs fût un chef d’oeuvre en la matière offensivement, mais défensivement l’ex-texan-canadien-néo-californien a également su donner le tempo et emporter avec lui les Raptors jusqu’au titre. Demandez plutôt à Giannis Antetokounmpo, qui après avoir marché sur Boston lors des derniers playoffs, s’est retrouvé bloqué par la défense collective canadienne, Kawhi Leonard en tête. Ou même à son ex-coéquipier, Danny Green :
“Tu dribbles en pensant être à l’aise et, la seconde d’après, son bras s’approche de toi et te vole le ballon. Tu ne réalises ce qui est en train de se passer qu’à la deuxième ou troisième fois. Il change complètement la manière de jouer sur le terrain”.
On connait désormais l’animal. Des qualités athlétiques et naturelles énormes – tout comme Draymond Green, Kawhi a une envergure phénoménale de 2m21 pour “seulement” 2m01 sous la toise. Techniquement parlant, Kawhi possède le bagage ultime du défenseur extérieur : vitesse d’appui, sens du placement, anticipation, mains actives, maîtrise du drive, chasseur de contre-attaques, sens de l’aide défensive, solidité pour encaisser les coups de butoir au poste… Bref, Kawhi peut défendre 4 positions comme rarement on l’a vu en NBA. Oui, c’est à ce niveau-là, all-time : ni plus, ni moins.
Avec un Leonard associé sur les ailes à Paul George, et potentiellement dans une line up avec Patrick Beverley par séquences, les fans des Clippers se prennent déjà à rêver d’une ligne extérieure infranchissable et cauchemardesque pour les attaques adverses. Qui de PG13 ou The Klaw héritera de la plus grosse menace offensive adverse et prendra le lead défensif ? A vrai dire, qu’importe, tant les deux hommes possèdent les mêmes qualités pour défendre les postes extérieurs, quel que soit le profil qu’on leur oppose. La défense devrait être le fer de lance de cette équipe des Clippers, qui a le potentiel pour se retrouver parmi les meilleures en la matière sur la saison si le collectif suit. Deux fois lauréat du DPOY, nul doute qu’un Kawhi Leonard sans restriction de matchs/minutes a de quoi effrayer la Ligue à tous les niveaux…
Statistiques 2018-19 : 26.6pts, 7.3 rebonds, 3.3 assists, 1.8 interceptions par match
4- Draymond Green
Vainqueur du trophée en 2017, Draymond a depuis laissé la lumière du DPOY à Rudy Gobert. Mais quand vient l’heure de se demander qui est le meilleur défenseur NBA, il y a de bonnes chances que son nom apparaisse plus d’une fois dans la bouche de ses pairs et des observateurs NBA.
Gêné au cours de la saison dernière par les blessures, Green avait pris conscience de la nécessité qu’il avait à se remettre en forme à l’approche des playoffs. Ni une, ni deux, début mars Draymond prit les choses en main et entama un régime spécifique d’une quinzaine de jours pour se remettre d’aplomb sans perdre pour autant d’énergie pour la fin de saison.
“Je savais que je n’étais pas en bonne condition physique. Mais je savais aussi que si quelqu’un sait comment se mettre en forme et le faire vite, c’est moi. J’ai fait ça toute ma vie.”
C’est peu dire que les résultats allaient être visibles, tant dès l’entame des playoffs Green semblait avoir retrouver ses jambes, paraissant plus en rythme, plus léger, plus mobile, et plus saignant défensivement. Sa mobilité semblait être revenue à son meilleure niveau, et c’est tout Golden State qui en profitait, des deux côtés du terrain qui plus est. On retrouvait alors sur certaines séquences le Draymond que l’on avait vu les saisons précédentes, capable de gêner le drive d’un arrière au cercle, puis de ressortir en trombe sur un closeout sans se livrer, avant de venir fermer l’accès au cercle en aide sur un nouveau drive, tout ça sur la même action.
Draymond Green est un spécimen rare, pour ne pas dire générationnel. Tout juste 2m01 pour 104 kilos, une envergure exceptionnelle de 2m17 pour sa taille, une capacité de reprise d’appuis bien au-dessus de la moyenne, un sens du placement all-time, un QI défensif des plus aiguisés, une mobilité qui lui permet de défendre au large sans soucis, une force dans le haut du corps lui permettant de gêner n’importe quel intérieur adverse, un maître dans l’anticipation et la communication défensive, et vous avez devant vous un des cocktails les plus explosifs défensivement parlant que la NBA n’est jamais produit.
Dans cette saison 2019-20 en forme de nouveau cycle à Golden State, avec les départs notables de Kevin Durant, d’Andre Iguodala, la retraite de Shaun Livingston, la blessure longue durée de Klay Thompson, Draymond Green devrait être plus que jamais la clé de voûte de la défense californienne. Si tout le monde s’attend à voir Stephen Curry prendre les commandes de l’attaque sans être bridé de quoi que ce soit, il faut à notre sens tout autant parler du boulot qui attend Draymond Green défensivement. En l’absence de Klay Thompson, les lignes extérieures sont nécessairement plus exposées, et le secteur intérieur remodelé manquera de bases défensives collectives en début de saison. Il y a fort à parier que Steve Kerr laissera une nouvelle fois les clés du secteur défensif à son guerrier en chef.
Avec Draymond, on le sait, les statistiques brutes peuvent être trompeuses. Il ne sera ni dans les meilleurs rebondeurs de la Ligue, ni dans les meilleurs contreurs, peut-être dans les meilleurs intercepteurs – encore que -, mais une chose est sûre : s’il est capable de rester en bonne forme physique toute la saison et qu’il orchestre la défense des Dubs de A à Z avec succès, on pourrait bientôt revoir parler de lui pour le DPOY. Et ça, aucune attaque NBA n’en n’a envie.
Statistiques 2018-19 : 7.4pts, 7.3 rebonds, 6.9 passes, 1.4 interceptions et 1.1 contres par match
Le trouble-fête : Joël Embiid
Il était pour certains l’un des prétendants au podium l’an dernier après sa 2ème place il y a deux ans, mais s’est finalement fait doubler par Giannis et Paul George. Pivot au physique et à la mobilité exceptionnelle, Joël Embiid rentre lui aussi dans la catégorie des très bons défenseurs intérieurs NBA, sans être pour autant catégoriser “pivot défensif” à l’image de son compère d’Utah Rudy Gobert.
Avec l’arrivée d’un vétéran expérimenté comme Al Horford à ses côtés pour tenir la raquette des Sixers, nul doute qu’Embiid aura des cours du soir de l’ex-chef de la défense de Boston à prendre. Horford était la pièce maîtresse du système défensif de Brad Stevens, excellait, et excelle toujours d’ailleurs en termes de timing, d’anticipation, d’aide, d’orientation, de communication et plus globalement de QI défensif. S’il parvient à transmettre quelques leçons à son nouveau coéquipier Embiid, ce dernier devrait passer un cap supplémentaire dans un secteur où ses qualités naturelles – surtout sa mobilité et sa taille – lui donnent déjà deux atouts formidables. Parfois confronté à des soucis de fautes, le pivot camerounais devrait tirer profit de cette cohabitation, du moins en théorie.
Si Joël Embiid se décide à devenir en défense ce qu’il est déjà en attaque, attention aux yeux…
Peuvent aussi entrer dans cette catégorie : Jimmy Butler, Paul George, Myles Turner, …
Les “J’aurais pu, mais non”
Marcus Smart
Le pitbull en chef des Celtics aura à nouveau fort à faire cette saison défensivement. Que ce soit aux côtés du nouveau venu Kemba Walker ou en sortie de banc, c’est à lui que reviendra la difficile tâche de patron défensif de la maison verte après le départ de Al Horford durant l’été. Car si Smart incarne le cœur et les tripes de cette équipe de Boston et de sa défense, Horford en était le cerveau et le discret patron.
Très dur sur l’homme, capable de mettre la tête où vous ne mettriez même pas le pied, Marcus Smart devrait encore électriser le TD Garden de quelques beaux plongeons et passages en force bien provoqués. Mais pour le DPOY ça fera un peu court, désolé Marcus.
Patrick Beverley
On a déjà parlé de Kawhi, on a mentionné PAUL George, alors on se permet d’en glisser une petite pour Patoche. Dans la même veine que Smart à Boston, Beverley héritera des meneurs et arrières trop petits pour PG ou Kawhi, et devrait gratifier le Staples Center de quelques belles séquences de défense tout terrain, prêt à se jeter dans les genoux de son adversaire s’il le faut. Mais là encore, pour le trophée, on repassera.
Peuvent aussi être mentionnés : Paul Millsap, LaMarcus Aldridge, Jarett Allen, …