Quelle place accorder aux Clippers à l’aube de la saison passée ? De toute évidence, l’équipe était complète. Il y avait de bons joueurs partout, certains même se battraient pour se faire une place au All Star Game, mais de là à envisager les Playoffs ? Nous étions dubitatifs. A vrai dire, l’une des principales problématiques était la suivante : leur meilleur joueur avait tendance à manquer de longues périodes, et l’effectif n’allait en prime pas forcément connaître la stabilité en raison de la volonté de Jerry West de faire un grand coup sur la free agency 2019. Du coup ? On optait pour une belle saison, mais trop légère pour envisager la post-saison.
Alors ? Bah nous fûmes loin d’une saison décevante. Tout d’abord, l’équipe pratiquait un jeu excitant et les hommes de Doc Rivers semblaient s’éclater dans le système du Doc, mais en prime Danilo Gallinari faisait une campagne très complète et de haut vol aux côtés de Tobias Harris. Comme on pouvait s’y attendre, elle s’appuyait sur une excellente attaque, tout ce qu’il y a de plus agréable à voir avec une agréable circulation de balle. L’équipe ne possédant aucune star, mais pléthore d’options offensives, la balle changeait vite de mains et trouvait toujours une menace pour porter l’estocade. Grâce à un effectif d’une dantesque de profondeur, les Clippers s’imposaient donc comme une équipe à suivre, même si arrivés à la trade deadline, ce à quoi il fallait s’attendre se produit : une multitude d’échanges tombèrent de toutes parts.
Tobias Harris, Mike Scott et Boban Marjanovic faisaient les frais du trade principal et partaient aux Sixers, tandis que Landry Shamet, Mike Muscala et Wilson Chandler faisaient route inverse. Le remodelage ne s’arrêtait pas là et “l’autre franchise de LA” semblait en sortir amoindrie. De quoi démotiver le groupe ? Il n’en fut rien, malgré tous les échanges qui eurent lieu, l’équipe restait profonde et continuait d’avancer dans la bonne direction. A quel point ? Au point d’obtenir son billet pour la post-saison et s’offrir un affrontement avec l’ogre de Golden State.
Quitte à entrer en Playoffs et affronter une fin certaine, les Clippers décidèrent alors de jouer sans peur. Mieux, ils entraient dans chaque rencontre avec la volonté de ne jamais lâcher. Résultat, en plus de faire très bonne figure et de proposer une des saisons les plus excitantes de l’histoire de la franchise, ils ennuyaient les doubles champions en titre en les poussant bien plus loin que prévu dans la série. Résultat ? Deux victoires arrachées aux Warriors, les deux fois à l’extérieur, dont un retour magistral après avoir été menés de 31 points ! Deux attaques d’élite s’affrontaient, donnant un résultat spectaculaire. Derrière les énormes coups de chaud de Lou Williams, et les bonnes rencontres de Danilo Gallinari, les LAC allaient jusqu’au 6eme match, avant de rendre les armes, avec les honneurs et l’admiration de toute la NBA.
De quoi aborder l’été avec le sourire, malgré la défaite.
Résumé de l’été
Pourtant, la suite des Playoffs, vue en tant que spectateurs a dû être maussade pour les dirigeants des Clippers. Un an plus tôt, dans une situation désastreuse avec les Spurs, Kawhi Leonard avait clamé son envie de jouer avec la bande de Doc Rivers. L’objectif ? Retourner à la maison, et devenir l’une des stars de sa ville. La requête était claire, mais n’empêchait pas les texans d’envoyer Leonard bien loin des plages californiennes, dans le grand nord Canadien. Si la passe d’arme ressemblait à un pari d’un an pour Toronto et comme le déclenchement d’une longue opération séduction, un scénario paraissait contraignant : que les Raptors flamboient. Et c’est là que les choses se compliquèrent. A l’aise à Toronto, bien suivi médicalement et très bien entouré, Kawhi se prend à sortir une campagne de Playoffs magistrale et historique. Prolifique au scoring, toujours énorme en défense, l’ailier rentre un tir déjà au panthéon des Playoffs NBA pour clore la série face aux Sixers. Dans la foulée, il triomphe des Bucks puis met fin à l’ère de domination de Golden State, opposé à des californiens décimés. Les Raptors sont champions, et les Clippers voient leur statut de favori à la signature de Leonard, principale cible de l’équipe, décliner. Dans la foulée, les Lakers, autres prétendants naturels à la signature de The Klaw forcent enfin leur chemin vers Anthony Davis et améliorent leur CV dans l’opération séduction.
Les cartes sont jouées, il ne reste plus qu’à attendre. Dès l’ouverture de la free agency, le marché explose, les signatures s’accumulent à une vitesse jamais vue. Sauf pour 3 équipes : Raptors, Clippers, Lakers. Tous ont décidé de consacrer leur été à l’acquisition de l’ailier, sauf qu’à l’inverse des autres agents libres, fidèle à lui-même, Leonard prend son temps. Alors que la majorité des agents libres ont signé un contrat ailleurs, les 3 franchises s’accrochent à leur salary cap. Après 6 jours qui en parurent 30, néanmoins, ce dernier doit s’apprêter à donner sa décision. Cela fait déjà 3 jours que cette rumeur revient. L’ailier est le sujet majeur des médias spécialisés, et l’essentiel d’entre eux voient désormais les Clippers comme la 3eme roue du carrosse.
Sauf que Leonard a entouré sa venue de secrets, et en coulisse, la condition est donnée : ce sera les Clippers… si une autre star lui est associée. Finalement, le 6 juillet, la nouvelle tombe. Il a réussi à convaincre Paul George de le rejoindre. Ce dernier demande son transfert et les deux ailiers débarquent à Los Angeles pour former un duo détonnant.
Évidemment, tout cela ne se fit pas sans casse. Bien que Maurice Harkless avait rejoint les Clippers au début de l’été, les Clippers ont dû sacrifier le futur sophomore Shai Gilgeous-Alexander, qui sortait d’une saison très prometteuse à la mène, mais surtout, Danilo Gallinari, leader offensif de l’équipe, tous deux envoyés au Thunder pour permettre la venue de Paul George. Jerry West s’activait donc pour combler les trous de l’effectif suite à l’été mouvementé. Mfiondu Kagenbele, Terance Mann débarquaient donc quelques jours après les deux ailiers. Le lendemain, c’est Rodney McGruder, ex-Heat qui obtenait un contrat avec les Clippers tandis qu’Ivica Zubac arraché aux Lakers obtenait une prolongation méritée. Enfin, gros dossier, c’est l’excellent JaMychal Green qui se voyait aussi octroyé une prolongation, une aubaine par sa polyvalence. L’effectif était ensuite comblé par plusieurs contrats courts, et l’arrivée de Patrick Patterson désireux de se relancer après un épisode très mitigé au Thunder.
Roster
Meneur de jeu : Patrick Beverley, Derrick Walton Jr.
Arrières : Paul George, Lou Williams, Rodney McGruder, Jerome Robinson, Landry Shamet, Amir Coffey (Two-way contract)
Ailiers : Kawhi Leonard, Maurice Harkless, Terence Mann, Terry Larrier
Ailiers forts : JaMychal Green, Patrick Patterson, Donte Graham, Mfiondu Kagenbele, Johnathan Motley (Two-way contract)
Pivots : Montrezl Harrell, Ivica Zubac
Jeu & Coaching
L’an dernier, les Clippers jouaient pied au plancher. Forcément, quand on a pas de véritables stars pour détruire l’adversaire en isolation, mais une multitude de bonnes armes offensives, on est tenté de pousser la balle le plus vite possible pour tirer parti de ses tireurs et slashers. Vous ne serez donc sûrement pas étonné si vous ne suiviez pas la troupe de Doc Rivers de savoir que leur rythme de jeu était très soutenu. Pour ordre d’idée, les LAC possédaient le 7eme PACE de toute la NBA, ce qui signifie généralement qu’une fois le rebond défensif arraché, on se lance directement en transition pour tenter d’arracher des points faciles avant que la défense adverse ne se replace. Ce qui est intéressant, que c’est qu’ils se trouvaient au milieu de beaucoup de d’équipes beaucoup plus jeunes que l’âge moyen de l’effectif. La petite différence ici, c’est que les Clippers aimaient jouer vite, mais ne marquent que peu en transition. En revanche, ils utilisaient les décalages créés pour placer leur attaque et maintenir leur coup d’avance.
Offensivement, forcément, comme mentionné, l’équipe était très bonne : 9eme offensive rating de la NBA, qui correspond aux points marqués pour 100 possessions. Deux bonnes nouvelles donc, ils étaient prolifiques grâce à leur rythme, mais n’en perdaient pas en efficacité. Plusieurs raisons à cela : la balle tournait avec justesse, à savoir que les Clippers n’étaient pas parmi ceux qui faisaient le plus de passes, mais la multitude d’armes offensives rendaient l’essentiel des ballons donnés à un coéquipier dangereux. D’ailleurs, ils étaient probablement une des équipes dont le jeu offensif se rapprochait le plus de la motion offense des Warriors, dans l’esprit (et non dans la forme). S’ils possédaient moins de stars, toujours est-il que l’ensemble était diablement efficace.
Côté défensif, en revanche, l’équipe ne pouvait pas se targuer de faire partie de l’élite. Avec le 19eme defensive rating, les Clippers faisaient même partie des mauvais élèves de la ligue, loin des mastodontes de la NBA capables à la fois de porter l’estocade avec efficacité, mais aussi de proposer un rideau défensif digne de ce nom. Ne possédant pas de réel protecteur d’arceau, avec des ailiers corrects en défense mais incapables d’éteindre un adversaire, ils manquaient en quelque sorte de réels spécialistes défensifs pour construire leur ligne Maginot.
Néanmoins, l’effectif a changé dans les grandes lignes. Plus de SGA, ni de Danilo Gallinari. L’effectif a perdu une multitude de joueurs au cours de la saison dernière. Surtout, deux joueurs majeurs sont arrivés dans une équipe sans All-Star. De quoi changer radicalement le jeu des Clippers ? Possible.
Cette évolution, dépendra essentiellement de l’intégration de Paul George et Kawhi Leonard. Il faut, d’ailleurs, s’aventurer sur le jeu de ces deux stars un peu particulières. En effet, lorsqu’il s’agit de recruter une star NBA, il y a deux types de profils. Celles qui ont besoin d’incarner le système de l’équipe, et celles qui peuvent se greffer plus facilement. Dans la première catégorie, vous trouverez à l’heure actuelle LeBron James, Russell Westbrook, James Harden, Nikola Jokic, Giannis Antetokoumpo, etc. Ces joueurs ont tous besoin d’être la pièce centrale d’une équipe pour exploiter leur plein potentiel. Dans la seconde catégorie, du coup, on peut mettre un certain nombre d’autres noms comme Stephen Curry, Kevin Durant, Joël Embiid, Anthony Davis qui peuvent produire plus facilement leur jeu sans avoir l’absolue nécessité d’avoir un système construit autour d’eux. A cette catégorie, selon leur réputation, il faut ajouter Paul George et Kawhi Leonard. Tous les deux sont, sans l’ombre d’un doute, des joueurs aux qualités offensives qui font qu’ils peuvent obtenir leurs tirs dans l’essentiel des effectifs, sans pour autant dénaturer le jeu originel de l’équipe.
Ceci étant dit, qu’en est-il vraiment ?
Contrairement à ce qu’ils ont connu précédemment, la création va essentiellement devoir passer par eux. En effet, George évoluait avec Westbrook, qui reste un meneur dévastateur lorsqu’il s’agit de créer des espaces – mais aussi Schroëder, tandis que Leonard quitte Lowry, ainsi que Siakam, Van Vleet et Gasol qui sont tous les quatre capables de créer pour autrui. Chez les Clippers, ils vont devoir être initiateurs de beaucoup plus d’actions. Inquiétant ? Oui et non. Contrairement à ce que leur réputation laisse présager, tous deux ont un USG% très élevé, ce qui signifie qu’ils gardent la balle en main longuement, comme l’essentiel des stars NBA (30 pour Kawhi et 28,5 pour George). Pas de dépaysement à venir dans la nature des ballons touchés pour eux, en revanche, c’est plutôt dans la fréquence de leur recours que cela devrait changer. Grosso modo, 50% des points que marquent George et Leonard proviennent soit d’actions en isolation, soit en tant que porteur de ballon sur pick & roll. En isolation, Kawhi fait partie des tous meilleurs en NBA, tandis que George s’en sort honorablement – en ce qui concerne le P&R, ils sont tous les deux bons sans être au niveau de l’élite en la matière. Ce qui change donc, c’est qu’en l’état, ce sera à eux d’être ces premiers créateurs. Un excellent moyen pour briller individuellement, mais aussi une charge fatigante qu’ils vont devoir porter tout au long de la saison si l’effectif reste tel quel.
Mais sur le jeu global, à quoi s’attendre ?
On sait que cette équipe des Clippers a besoin que la balle bouge vite, de mouvement pour s’exprimer. Cela tombe bien, c’est dans un jeu semblable que George s’est invité dans le top de la course au MVP cette saison. Pour l’arrière, qui aime beaucoup shooter et s’exprime mieux lorsqu’il récupère la balle en mouvement (plutôt que sur de l’isolation), l’incorporation à un jeu semblable paraît cohérente. Leonard quant à lui, s’il préfère un jeu plus demi-terrain, avec plus de possessions, où il prend en charge création et finition, ne semble pas incohérent de l’intégrer dans le moule tel qu’il est actuellement. En effet, même s’il devrait un peu ralentir les Clippers, son ajout ne devrait pas aller à l’encontre des fondamentaux de son équipe. Imaginer LA chuter au niveau des rankings de PACE semble néanmoins envisageable. Quoi qu’il en soit, l’objectif pour l’équipe sera de se maintenir où elle se trouvait offensivement. Car tous dominants que les nouveaux arrivants soient, les départs de SGA, Gallinari, Harris notamment, représentent de véritables pertes à combler.
En somme, l’équipe a beau jouer vite, elle ne devrait pas faire d’énorme progrès quant aux points marqués en transition (seulement 13,5% de son total), mais devrait continuer à pratiquer beaucoup de Pick & Roll (top 1 l’an passé en fréquence) et accroître sa part d’isolation (faible l’an passé).
En revanche, c’est en défense que les choses risquent d’être bouleversées. Parmi les principales raisons qui font que le duo des Clippers a de quoi inquiéter la concurrence, c’est car ils sont deux des meilleurs défenseurs NBA sur les lignes extérieures. Longtemps comparés, les 2 joueurs font partie d’un effrayant trio de two-players extérieurs avec Jimmy Butler. Leurs capacités à éteindre leur vis-à-vis, mais aussi à lire les attaquants adverses vont rendre l’équipe de Doc Rivers bien plus compliquée à affronter. Lorsqu’ils seront alignés ensemble, avec Patrick Beverley, ils peuvent former un trio cauchemardesque pour toute équipe qui base son attaque sur un ou plusieurs extérieurs. En outre, si c’est une statistique qui ne représente pas souvent la notion de bonne défense, ce sont deux des intercepteurs les plus prolifiques de la NBA qui ont été réunis. A eux deux, ils représentent 4 ballons volés par match l’an dernier. Or 4 possessions peuvent faire une différence énorme sur le cours d’un match.
Tout l’enjeu pour les Clippers, s’ils veulent faire partie de l’élite en défense, sera de trouver l’équilibre derrière les extérieurs pour exploiter leur travail. Sans véritable intimidateur, et avec un poste 4 garni de joueurs qui ont tout à prouver, il devrait y avoir de la place pour les attaquants adverses. En outre, on sait qu’aligner les bons défenseurs ne signifie pas forcément construire une bonne défense, tout comme il est possible d’être très bon, sans une légion de spécialistes. Néanmoins, soyons clair : le potentiel est là.
Quel 5 majeur ?
La question du 5 de départ des Clippers est une question véritablement intéressante. Ce que l’on sait avec certitude, à priori, c’est que Patrick Beverley débutera à la mène, tandis qu’Ivica Zubac devrait conserver la responsabilité de titulaire sur le poste de pivot. En effet, si Harrell reste probablement le meilleur joueur à ce poste, tout porte à croire que Doc Rivers voudra conserver son duo Lou Williams-Montrezl Harrell en sortie de banc. Ensuite, on sait certes que Paul George et Kawhi Leonard débuteront les rencontres, toute la question est de savoir à quel poste PG13 sera aligné.
Sur le papier, le joueur a le physique d’un ailier. Pas aussi costaud que certains mastodontes à ce poste, il est en revanche grand, long et athlétique. La problématique, c’est que le joueur préfère le poste d’arrière, où il domine physiquement ses adversaires et crée des mismatchs grâce à sa taille et sa mobilité. Or, si un trio Beverley-George-Leonard (1-2-3) permettrait de donner le ton des deux côtés du terrain, cela réduit l’importance du banc sur le poste où il y a le plus de densité : le poste d’arrière. En dépit de cela, je pense que c’est cette option qui sera choisie pour débuter de la saison. A voir comment les joueurs sur le poste 4 évoluent, et ce que donnent les éventuels recrutements en cours de saison. Ainsi, voici le 5 majeur prôné :
Patrick Beverley – Paul George – Kawhi Leonard – JaMychal Green – Ivica Zubac
Le 5 de départ serait donc complété par Green. Pas encore évoqué dans cette preview, sa présence en tant que titulaire ne fait que rendre le 5 plus effrayant défensivement.
Forces de l’effectif
En dépit des diverses pertes depuis 1 an, les Clippers pourront toujours s’appuyer sur leur “seconde force” : autrement dit, les points inscrits par leur banc. Si la profondeur n’est plus aussi impressionnante sur certains postes, toujours est-il qu’ils pourront compter sur plusieurs relais de qualité derrière leurs titulaires. Sur les lignes arrières, ils pourront toujours compter sur l’incontestable meilleur sixième homme de la ligue. Lou Williams repousse chaque saison les limites de ce qui a été fait par des remplaçants en matière de points inscrits. Avec ses 20pts par match en sortie de banc, il s’est octroyé son 3eme trophée de 6eme homme de l’année l’an dernier, tout en faisant encore plus fort une fois arrivé en Playoffs. A ses côtés, il devrait toujours être épaulé de l’excellent Montrezl Harrell. L’intérieur est un excellent scoreur et apporte une énergie incomparable à chaque fois qu’il est appelé par son coach. A cela, il faudra ajouter diverses bonnes pioches accumulées à la trade deadline et cet été : Mo Harkless, Landry Shamet et Rodney McGruder ou encore Patrick Patterson. Cet ensemble de bonnes rotations va permettre deux choses aux Clippers : ménager les cadres, qui, on le sait, ont été sujets à des blessures handicapantes ces dernières années, mais aussi s’adapter aux adversaires en proposant des line-ups différents selon l’opposant et ses forces-faiblesses. Dans l’optique de disputer l’avantage du terrain sans y laisser trop de force, Jerry West sait Ô combien conserver une ossature dense était nécessaire. C’est chose faite.
Autres forces nouvelles : la consistance. L’une des faiblesses des Clippers la saison passée était la suivante : les deux visages que pouvait afficher l’équipe dans le même match. S’ils étaient capables de come-backs insensés, comme ce fut le cas en Playoffs, l’équipe pouvait aussi complètement imploser sur certaines périodes. Pourquoi ? Parce que c’est toujours plus difficile sans des stars, dont le statut est acquis par un simple état de fait : la régularité au plus haut niveau. Depuis le départ de Chris Paul et le transfert de Blake Griffin, on savait que l’équipe souhaitait se réformer. En récupérant Kawhi et George, les dirigeants ont franchi le Rubicon. A eux désormais de tirer le meilleur de leurs talents. Et la première chose qu’ils devraient leur offrir, c’est un surplus de constance de chaque côté du terrain.
S’il y a toute une série de choses très tangibles que l’on peut évaluer dans le basket, que nous mettons en avant dans nos articles, il en est d’autres que l’on oublie parfois d’évoquer. Pourtant, lorsque l’on parle des Clippers, après la saison passée, des termes beaucoup moins techniques comme “alchimie”, “énergie” ou “envie” me semblent inéluctables. Au milieu d’une conférence Ouest bardée de stars, l’équipe de la saison passée a su s’élever et jouer les yeux dans les yeux avec l’élite de la NBA. Cela veut donc dire que les nouveaux arrivants vont rejoindre une structure qui a su trouver ce supplément d’âme qui font les choses intangibles et inattendues du sport. S’ils arrivent à s’intégrer et créer une continuité dans ce qui est en place, alors les Clippers partiront avec une longueur d’avance sur de nombreuses équipes ayant bouleversé leur effectif.
Ensuite, bien sûr, on devrait retrouver des forces plus pragmatiques. La défense extérieure sera très certainement intraitable, tandis qu’offensivement, la franchise vient de récupérer deux joueurs qui représentaient plus de 56 points par match à eux deux.
Faiblesses de l’effectif
Si les forces seront très nombreuses, que le recrutement a créé un faramineux enthousiasme autour de la franchise, cela n’occulte pas certaines faiblesses incontournables de cet effectif.
Celle qui me semble la plus importante, à cette heure, c’est l’absence de véritables créateurs au poste de meneur. On sait que Paul George et Kawhi sont capables d’obtenir leurs points. Tout comme Lou Williams sait le faire en sortie de banc. En ce sens, oui, les Clippers continueront à scorer. En Playoffs, néanmoins, nous avons vu toute l’importance pour les Raptors d’avoir une multitude de joueurs susceptibles de porter le danger et de structurer le jeu : Kyle Lowry, Fred Van Vleet, Pascal Siakam et Marc Gasol étaient tous de véritables dangers balle en main. Paul George, s’il sait jouer le P&R et est “correct” en isolation, n’est toutefois pas ce qui se fait de mieux en tant que porteur de ballon. Or, à la mène, la franchise n’a que Patrick Beverley, qui a fait sa carrière sur sa défense, son shoot, mais jamais sur sa faculté à gérer le tempo ou à être un danger en ball handler. Cela peut paraître anodin, mais c’est une faiblesse qui paraît très limitante pour ces Clippers, et qui va rendre l’équipe très dépendante de la présence et du niveau de jeu du trio susmentionné. D’ailleurs, il me paraît à cette heure difficilement crédible que l’équipe reste aussi limitée à la mène.
Autre faiblesse : la raquette. Sur le papier, il y a de nombreux éléments intéressants : Patterson, Green, Zubac, Harrell. Jusque-là, nous sommes d’accord. En revanche, aucun d’entre eux n’est un véritable intimidateur, calibre de joueur qui semblerait pourtant si important pour sécuriser l’assise défensive de l’équipe. Car oui, du poste 1 à 4, il y a d’excellents défenseurs. Mais rien ne vaut un pivot athlétique et long pour décupler sa défense. Certes, les Warriors ont prouvé qu’on pouvait faire sans. Mais les Clippers ne possèdent pas non plus un ailier de 2m13 pour combler le manque dans l’effectif.
A ce titre, une autre faiblesse relative (et déjà présente l’an passé) devrait persister : la faiblesse au rebond. L’équipe a pêché la saison passé des deux côtés du terrain. Un peu fébrile quant à la protection de son rebond défensif, mais également peu capable de se procurer des secondes chances. Dans les deux catégories, les Clippers étaient au-delà de la 20eme place. Or, sur le papier, l’équipe n’a pas franchement changé la structure de son équipe au point d’imaginer une véritable progression à ce niveau-là.
Enfin, vient la santé. Mais nous y reviendrons plus tard.
Le joueur clé : Paul George
Pour commencer à parler de l’importance de Paul George, je vais parler de Kawhi Leonard. Si j’ai choisi l’arrière plutôt que le double MVP des finales, c’est parce qu’il semble qu’à l’heure actuelle, Kawhi peut être Kawhi dans n’importe quel contexte. Après avoir été le porteur des espoirs des Spurs, avoir été celui dont certains pensaient qu’il pouvait faire vaciller les Warriors, Leonard a montré qu’il pouvait briller aux Raptors. A ce propos, sa campagne au Canada l’a aussi fait entrer dans une dimension supérieure en termes de perception du public. Sa campagne l’a élevé aux rangs des joueurs ayant produit des campagnes historiques, le plaçant parmi des joueurs comme LeBron James et Michael Jordan. Des actions de grande classe, décisives, concluant des séries entières faites de chiffres ahurissants et d’une régularité effarante. C’est pourquoi, s’il est en réalité le joueur clé de la réussite de sa franchise, il ne sera pas celui qu’il faudra le plus scruter pour évaluer les chances de succès de cette équipe.
En revanche, Paul George, lui, en dépit de sa réputation, me semble un élément plus dur à cerner. De sa carrière, on peut retenir de formidables séries de Playoffs, dont est sorti le surnom “Playoff P”, des passages stratosphériques en saison régulière ou encore un joueur extrêmement complet de chaque côté du terrain. On peut toutefois voir également le verre à moitié vide et les manquements du joueur. Des saisons en dent de scie, une perte d’agressivité vers le cercle l’ayant poussé à se reposer sur un aspect plus aléatoire de son jeu : le tir, ou encore un manque de leadership le poussant parfois à se mettre inexplicablement en retrait. Souvent gêné par son physique ces dernières saisons, il convient donc de voir quelle version de Paul George les Clippers vont avoir, mais surtout, à quel moment la meilleure version de lui-même sera disponible.
Sur le papier, l’arrière est une excellente pièce pour les Clippers, car ses qualités s’imbriquent totalement dans le jeu des hommes de Doc Rivers. Mais comment se positionnera-t-il aux côtés de celui qui devrait être l’option numéro 1 de la franchise ? On imagine qu’il aura à cœur de laver les derniers échecs de post-saison qu’il a vécu. Pour cela, mieux vaudra assurer l’avantage du terrain en saison régulière. Et ils auront besoin de lui pour cela, car les prétendants au top 4 sont nombreux (Lakers, Rockets, Jazz, Nuggets, Warriors et Blazers pour les principaux).
La problématique de l’équipe : “Load Management, blessures et compétitivité…”
Désolé pour l’anglicisme, néanmoins, il fallait faire court. Le “load management” définit en quelques sortes la gestion de la charge que représente une saison NBA. Au sortir de sa blessure lui ayant valu une quasi-saison blanche, Kawhi Leonard avait fait de la gestion de sa santé une condition indispensable au bon déroulement de sa vie avec une franchise. Avec 82 matchs de saison régulière, les nombreux déplacements que cela implique, le sommeil détraqué, difficile de rester en bonne santé. Gregg Popovich avait introduit le ménagement de ses cadres depuis plusieurs saisons chez les Spurs, en faisant une norme NBA au fil des années.
Cette saison, on imagine que s’il entend jouer un peu plus de matchs, nous ne verrons pas The Klaw jouer toute la saison régulière, même s’il s’en sentait capable. Pour preuve, cette méthode a porté ses fruits en Playoffs, lui permettant d’arriver frais. Et malgré cela, le joueur a joué avec de nombreuses douleurs, le gênant notamment durant les finales. Si l’avenir semble écrit pour Kawhi, il faut aussi prendre en compte que Paul George devrait rater le début de saison et que ce dernier a été gêné par des blessures à l’épaule et au coude ces deux dernières saisons. Lui aussi a déjà connu une saison blanche.
De fait, les deux stars de l’équipe devraient multiplier les absences. A cela, il faut ajouter le reste des aléas de la saison NBA, les blessures que cela engendre de manière systématique et d’éventuels autres cas problématiques. Pour l’exemple, Patrick Beverley, seul meneur de renom de l’effectif a lui aussi connu ses déboires. Cela fait donc plusieurs cadres de l’équipe à surveiller, et si cet aspect là est un indispensable, c’est d’autant plus prégnant pour une équipe construite autour de beaucoup de vétérans, dont l’essentiel a déjà connu des problèmes.
Aussi, si les Clippers sont bien armés et profonds – si nous en avons fait notre favori à l’Ouest, ne perdons pas de vue que la gestion de chaque cas devrait gêner la dynamique de l’équipe. Oui, les cadres rateront des rencontres, même quand ils seront en forme. Et en saison régulière, ce sera un réel handicap pour la troupe du Doc.
Pronostic
1er à l’Ouest (Entre 56 et 61 victoires)
Entre l’arrivée de deux superstars, une équipe surfant sur une bonne dynamique, il y a de quoi être séduit par ces Clippers. Beaucoup de joueurs dans l’effectif sortent de saisons de haut vol, y compris au regard de leurs carrières personnelles. Il y a de quoi rester une bonne attaque, gagner en régularité dans la production offensive, mais surtout, réaliser un bond en défense. Pour les hommes de Rivers, l’objectif atteignable et clair doit être de passer de 19eme défense à top 10 pour réaliser une progression nette. Le personnel à disposition laisse présager que cela devrait se produire.
Nonobstant, si une force nouvelle, prétendante au titre vient de naître, il ne faudra pas omettre les faiblesses abordées précédemment, ni la problématique de l’équipe. Oui, les Clippers sont désormais une des meilleures équipes NBA, se basant sur des stars faciles greffer dans un effectif qui a déjà ses marques. Pour autant, la route est longue, et l’ouest est bardé d’équipes compétitives, profondes, désireuses de s’offrir l’avantage du terrain au terme de la régulière. Les Clippers ont les armes et la franchise peut espérer connaître une période faste et excitante. En 2019, dire qu’ils n’ont jamais eu un joueur de l’envergure de Kawhi Leonard est presque tentant. Reste à en user de la bonne manière.
L’avis du compte FR : @ClippersFR
Quel bilan tirez-vous de la saison passée ?
C’était juste incroyable. Les Clippers viennent de réaliser l’une des saisons les plus dingues de leur histoire, grâce à un groupe de guerriers qui aura rendu toute la Clipper Nation plus fière que jamais. Honnêtement, depuis que je la suis, j’ai rarement été aussi comblé par cette équipe : il y a tout juste un an, on espérait plus ou moins finir dans le Top 10 à l’Ouest, développer nos jeunes, jouer dur et attendre l’été prochain patiemment, sans trop croire à beaucoup plus. Mais ces Clippers, eux, ont décidé de jouer sans le moindre calcul, avec leur coeur et leurs tripes. Résultat : groupe ultra-soudé, très profond, capable de taper du monde et qui a surpris la NBA d’entrée. Même quand tout le monde les voyait tanker après la trade deadline de février, ces Clippers n’ont rien lâché. On ne pensait même pas faire les Playoffs, et ces gars-là sont allés gagner deux matchs à l’Oracle Arena lors d’un premier tour inoubliable. C’est cette nouvelle identité qui a attiré l’oeil de tout le monde, y compris d’un certain Kawhi, donc merci messieurs.
Que pensez-vous de l’été de la franchise ?
Magique, irréel, parfait sur tous les plans. Je pourrais passer des heures à vous dire à quel point je suis heureux de l’été que viennent de nous sortir les Clippers. Au fond de moi, j’y croyais, j’étais sûr qu’après la saison qu’on venait de taper, les moves qu’on avait choisis de faire depuis plus d’un an, et avec Jerry aux manettes, on allait bien ramener quelqu’un, au moins un gros joueur… et on termine avec deux superstars, tout en gardant le noyau dur intact. Tu gardes les patrons Beverley, Williams et Harrell, des jeunes comme Shamet et Zubac, tu y ajoutes Kawhi et PG, t’entoures tout ça avec des cols bleus comme Green et Moe Harkless… franchement, c’est impressionnant. Le recrutement est cohérent, droit dans la ligne de conduite que les Clippers veulent respecter : un jeu dur, défensif, collectif et très, très solide. Bravo, le front-office.
Quelles sont vos attentes pour la saison prochaine ? Quel scénario te convient pour l’équipe actuelle ?
Ça me fait toujours bizarre de l’écrire, mais oui, les Clippers doivent jouer le titre cette saison, ni plus, ni moins. Avec une telle équipe, une telle profondeur, les ambitions se doivent d’être très hautes. Ce qui est dingue, pour une équipe qui n’a jamais passé le deuxième tour des Playoffs. Il est temps de changer ça, pour de bon. Toute histoire a bien un début… la notre commence maintenant.