La saison 2018-2019 avait été envisagée avec des ambitions. Après une année rognée par les blessures et la fin d’un cycle, les Grizzlies espéraient allier jeunesse et expérience pour réaliser un bel exercice. Si l’envie était là, que le début de saison fut des plus séduisants, la réalité est néanmoins revenue frapper à la porte des dirigeants. Tout excellent que soit leur combo meneur-pivot, tout mature que soit leur très jeune ailier fort, l’effectif mis en place n’était pas de taille pour se frayer un chemin durable dans la course aux Playoffs, à fortiori dans une conférence Ouest toujours pétrie de talents. Malgré leur excellente défense, les lacunes offensives faisaient vite surface, et enterraient rapidement les velléités du club. En dépit de quelques bonnes surprises, parmi lesquelles le retour en forme de Joakim Noah au relai de Marc Gasol, il était temps de se rendre à l’évidence : le Grit & Grind voyait ses grandes heures passées, et le temps était venu de tourner la page.
A la trade deadline, Marc Gasol prenait donc la porte, marquant la fin d’une époque et le début d’une longue agonie pour une équipe désormais construite pour enchaîner les défaites… et se tourner vers la draft.
Résumé de l’été
La dernière pièce de la plus grande époque de la franchise est donc partie. Après Marc Gasol, leader de la franchise et visage emblématique de la dernière décennie, c’est Mike Conley qui a été remercié. Le meneur, savait bien que le temps viendrait pour lui aussi de partir, et c’est le Jazz qui lui a offert une porte de sortie. Le mouvement faisait d’ailleurs suite à l’acquisition du second choix de draft : Ja Morant, destiné à évoluer à la même position que Conley. Et pour cause, depuis le départ de Gasol, Memphis n’a pas chômé. Pour enfin commencer la véritable reconversion de l’équipe, les dirigeants ont multiplié les actions afin de positionner la franchise du Tennessee dans une position saine. A ce titre, obtenir la 2eme sélection lors de la draft était un coup de main de taille donné aux dirigeants. Dans un système de draft remanié, la médiocrité moins récompensée, plusieurs équipes ont eu de mauvaises surprises.
A la draft, les Grizzlies faisaient donc deux bonnes acquisitions. Morant, d’une part, comme susmentionné, mais aussi Brandon Clarke, ailier fort polyvalent et défensif dont les qualités intriguaient de nombreuses franchises. Outre ces deux rookies, Memphis obtenait Grayson Allen, Jae Crowder et Kyle Korver en provenance du Jazz, pour leur désormais ex-meneur : Mike Conley. Si seuls les deux premiers restaient, Zach Kleiman n’en restait pas là. Dans la foulée, il absorbait le contrat d’André Iguodala pour libérer du cap aux Warriors, et contre toute attente, décidait de ne pas couper le joueur sans contrepartie, mettant toujours le joueur en attente à l’heure où cette preview sera publiée.
Ceci fait, le GM de Memphis se tournait vers les Suns pour un nouvel échange. Les Grizzlies faisaient ainsi l’acquisition de Josh Jackson, en difficulté à Phoenix et de De’Anthony Melton, extérieur besogneux contre Jevon Carter et Kyle Korver, tout juste arrivé d’Utah.
Enfin, dernier échange majeur, les Grizzlies se débarrassaient enfin de l’énorme contrat de Chandler Parsons contre Solomon Hill et Miles Plumlee, en provenance d’Atlanta. Un moyen de s’offrir un peu plus de flexibilité pour de potentiels échanges à venir.
Pour conclure l’été, la franchise prolongeait Jonas Valanciunas, arrivé en février dans l’échange de Marc Gasol. Le pivot qui avait marqué la fin de saison par ses excellentes performances offensives, recevait 45M sur 3 ans. De quoi s’illustrer durablement dans le projet. Enfin, Memphis ayant laissé partir Delon Wright (autre pièce de l’échange) chez les Mavericks, jetait son dévolu sur le meneur remplaçant des Timberwolves : Tyus Jones. Désireux de ne pas s’aligner, les Wolves accordaient donc une nouvelle recrue à Zach Kleiman, qui pouvait alors boucler son effectif avec l’arrivée de Marko Guduric, arrière Serbe sorti non drafté en 2017.
Roster
Meneurs : Ja Morant, Tyus Jones, De’Anthony Melton, John Konchar
Arrières : Grayson Allen, Marko Guduric
Ailiers : Kyle Anderson, Dillon Brooks, André Iguodala, Jae Crowder, Solomon Hill
Ailiers Forts : Jaren Jackson Jr., Brandon Clarke, Bruno Caboclo, Yuta Watanabe
Pivots : Jonas Valanciunas, Miles Plumlee, Ivan Rabb
Memphis a désormais un effectif qui indique clairement sa situation : celui d’une équipe en reconstruction, qui multiplie les joueurs susceptibles d’être échangés. Entre une jeunesse attendue comme la relève (Ja Morant, Jaren Jackson Jr. et dans une moindre mesure Josh Jackson, Grayson Allen, Tyus Jones, Dillon Brooks ou Brandon Clarke), et des vétérans possédant une valeur réelle (André Iguodala, Jae Crowder), tout cela ne donne pas une impression d’équilibre parfait ou de produit fini. Une nouvelle qui en soi, n’a rien d’affolante, puisque, c’est exactement la situation dans laquelle Zach Kleiman souhaitait se trouver. En effet, en dépit de plusieurs vétérans qui peuvent contribuer, tout porte à croire que leur mission est de léguer un savoir-faire avant d’être converti en “assets futurs”. Autrement dit, un jeune role player intéressant ou des tours de draft lointains. L’an prochain devrait être un test grandeur nature pour cette jeunesse, dont on n’attendra pas des miracles, mais juste les prémices d’un fond de jeu, sous la coupe de Taylor Jenkins, nouveau coach de la franchise. Ce dernier, assistant de Mike Budenholzer l’an passé à Milwaukee, aura pour mission de faire émerger une identité collective, et poser les esquisses de leur plan de jeu pour les années à venir.
Jeu & Coaching
Une fois ne fut pas coutume, l’an passé, les Grizzlies s’imposèrent, malgré le tanking, comme une des forteresses les plus imprenables de la NBA. En fin décembre, la franchise avait le 5eme defensive rating de la ligue, à la fin de la saison, malgré le ralentissement global, elle émargeait encore à la 9eme place. Offensivement, là aussi, peu de changement, puisque ces derniers avec leur rythme de jeu très lent, ne profitaient que de peu d’attaquants de premier plan. Bref, malgré les coachs qui s’étaient succédé depuis Lionel Hollins, Memphis s’appuyait toujours invariablement sur la même recette : une défense de fer et une attaque faiblarde (entre le 23eme et 27eme offensive rating tout au long de l’année).
Sauf que parler de l’année précédente a-t-il encore du sens ? En effet, comme précédemment évoqué, l’ensemble de l’équipe a été remanié, et pourrait encore l’être dans les mois à venir. De manière complètement prospective, pourtant, en dépit des nombreux départs et du nouveau coach, tout porte à croire que les Grizzlies pourraient pourtant avoir une identité proche de ce qu’elle fut depuis une décennie. En effet, de nombreuses recrues, partagent ce même profil de joueurs à vocation défensive, au style de jeu rugueux, qui ont fait les beaux jours de Memphis. Entre Grayson Allen, De’Anthony Melton, Kyle Anderson, Jaren Jackson Jr, Brandon Clarke et les vétérans André Iguodala et Jae Crowder, tous se sont montrés à leur avantage dans des missions défensives, ou dans des équipes réputées pour leur propension à gagner grâce à leur rideau de fer.
En ce sens, je pense que nous devrions voir une équipe qui cherchera à garder cette même mentalité qui a fait son succès. Chris Wallace, en dépit des critiques qu’il a connues, sait que ce fond de jeu colle à la peau de sa franchise, et cherchera probablement à le conserver. Mais sans la paire Conley-Gasol, il conviendra désormais de déterminer où peut se situer cette équipe en la matière. Avec deux des joueurs les plus intelligents à leurs postes respectifs pour articuler l’équipe, le cap avait été maintenu, peu importe qui était à la tête de l’effectif. Valanciunas est néanmoins très loin d’être un défenseur d’élite, et on peut se questionner sur la mentalité de Ja Morant en la matière. Pourtant, c’est de lui que de nombreuses réponses vont dépendre l’an prochain.
En effet, ce dernier sera la principale force de création offensive de l’équipe. De la manière dont Taylor Jenkins va appréhender les capacités de son meneur, et de la liberté qu’il lui accordera dépendront beaucoup de choses pour les Grizzlies. Est-ce que Memphis va continuer à affectionner le jeu sur demi terrain, ou allons-nous voir beaucoup plus de jeu rapide et de contre-attaque ? Mettre plus de rythme pour permettre à ce jeune groupe de prendre du plaisir et de s’exprimer avec plus d’envie semble tout à fait cohérent. La transformation des Sacramento Kings entre l’année 1 et l’année 2 de Dave Joërger pourrait faire office d’exemple à suivre pour le néo-head coach des Grizzlies. Ce dernier avait en effet voulu répéter les préceptes de jeu qu’il avait mis en place à Memphis, à sa nouvelle troupe. Résultat, les défaites s’enchaîner et on sentait la jeune bande incapable de prendre plaisir sur le terrain. En année 2, il avait décidé de laisser son équipe s’exprimer en pratiquant un basketball débridé, permettant notamment à De’Aaron Fox d’exploiter son talent, sa vitesse et son explosivité. Taylor Jenkins pourrait faire face au même dilemme.
Si le personnel est différent, nous devrions voir cette équipe évoluer offensivement, tout en tentant de garder ce socle défensif qui a fait son succès.
Quel 5 majeur ?
Comme l’an passé, construire le 5 majeur de Memphis sera un mélange d’évidences et de concessions. Si l’émergence de Jackson Jr et l’arrivée en trombe de Jonas Valanciunas tendent à sécuriser la raquette, reste le casse tête du poste 2/3. Grayson Allen fait office de choix par défaut, dans une équipe qui devrait cruellement manquer de spacing. Quant à Kyle Anderson, s’il a été engagé dans l’optique d’être titulaire, sa première saison fut plutôt décevante. Pourtant, tout porte à croire que l’objectif numéro 1 de cette saison sera de faire jouer la jeunesse et de commencer à dégrossir un groupe de joueurs pour les années à venir. Dès lors,si Jae Crowder ferait un meilleur ailier titulaire, compliqué de lui accorder le 5 de départ sur l’ensemble de la saison, alors que tout porte à croire que ce dernier ne devrait pas terminer l’année dans le Tennessee.
Ja Morant – Grayson Allen – Kyle Anderson – Jaren Jackson Jr. – Jonas Valanciunas
On part du principe qu’Iguodala ne fera pas partie du roster, ce 5 de départ apparaît donc comme probable. Ce qui saute aux yeux, ici, c’est le manque de certitude sur les lignes extérieures. Ja Morant est un rookie, Grayson Allen n’a pas le niveau d’un titulaire NBA et Kyle Anderson a déçu pour sa première saison dans la franchise. Peu importe, l’objectif ici est de progresser et de dégrossir une identité, d’ailleurs, nous devrions voir une multitude d’essais de la part du coaching staff pour bricoler sur les postes 2 et 3.
Forces du roster
Memphis Grizzlies oblige, il n’est pas impossible de voir une équipe sérieuse en défense. Comme déjà évoqué, il y a les qualités pour monter un rempart tout à fait correct, avec des qualités athlétiques et un Jaren Jackson Jr. qui s’est déjà imposé comme le prolongement de la tradition défensive de Memphis. Toute la difficulté sera de créer des bonnes habitudes dont la paire Conley-Gasol semblait détentrice. Néanmoins, en l’état, c’est dans ce compartiment du jeu que pourrait se trouver la clé pour faire des Grizzlies une équipe difficile à battre.
Reste à ne pas calquer un modèle sans prendre en compte les besoins des joueurs, et notamment, de Ja Morant.
Faiblesses du roster
Les faiblesses apparentes de ce roster sont évidemment plus nombreuses. La première, c’est l’inexpérience générale, notamment à la mène où Ja Morant va devoir franchir un cap rapidement. Tout comme la formation d’un pivot, la formation d’un meneur est souvent longue. Or, l’ex-Racer va devoir s’adapter à la NBA rapidement, en reprenant le poste de meneur titulaire, tenu par Mike Conley durant plus d’une décennie. Une tâche qui ne sera pas facilitée par l’un des gros défauts de cette équipe : l’absence de spacing. Avec très peu de shooters réguliers (et de volume), les défenses vont pouvoir protéger l’accès au cercle, rendant la tâche plus difficile pour Morant. Athlétique, ce dernier peut profiter de sa vitesse pour faire la différence, mais l’affaire sera rendue bien plus compliquée par le manque de menaces longue distance. Les postes 2-3 risquent de coûter cher, et représentent très certainement la suite du chantier pour les Grizzlies.
Le joueur clé : Ja Morant
Cette équipe des Grizzlies va avoir besoin d’une étincelle offensive et tous les yeux seront braqués sur la première saison de Ja Morant. Au sortir d’une année universitaire de très haut vol, le joueur doit montrer qu’il a le QI Basket pour évoluer en NBA. Alors que la ligue possède encore pléthore de meneur de haut vol, les dernières saisons ont vu le nombre de stars potentielles à ce poste diminuer. Transformer Morant en un meneur de jeu majeur donnerait un visage des plus séduisants à la reconstruction du Tennessee. Le joueur a progressé dans tous les domaines entre sa première et sa seconde saison à Murray State. Au point de devenir le second choix de la draft. Il faudra que ce dernier montre que les progrès effectués au shoot sont viables, y compris à l’étage supérieur, mais aussi qu’il pourra continuer à scorer face à des défenseurs plus athlétiques. Quoi qu’il en soit, il est supposé être le métronome de cette équipe pour les années à venir, et nul doute que les responsabilités seront élevés dès l’an 1.
La problématique de l’équipe : Maintenir le cap 82 matchs
A l’aube d’une saison, même les équipes les plus évidemment médiocres ont des ambitions élevées. Nul doute que durant le media day, ces Grizzlies auront leur lot de déclarations tapageuses. La réalité, c’est que de n’importe quel vestiaire NBA, émane une confiance certaine. Néanmoins, en dépit de cette dernière, ces Grizzlies vont devoir essuyer un paquet de revers, sûrement parfois des blow-outs brutaux dans une conférence ouest on ne peut plus compétitive. Pour tirer un maximum d’expérience de cette première année de reconstruction, il faudra ainsi maintenir le cap et la concentration d’un groupe, non dénué de talent, mais assurément incomplet. Le risque, évidemment, que le vestiaire éclate sous les coups de boutoir de la concurrence et transforme la saison en une longue agonie. Un scénario qui doit à tout prix être évité et contre lequel Taylor Jenkins risque de de devoir lutter après quelques mois de compétition.
Pronostic
15eme à l’Ouest (Entre 27 et 33 victoires)
Cette fois, plus de doutes sur ce que feront les Grizzlies cette saison. Contrairement aux deux saisons précédentes, il n’y a plus de taulier pour espérer, et c’est sans surprise que nous devrions voir Memphis essuyer de nombreux revers. De quoi bouder Memphis sur le League Pass ? Assurément pas. Entre le joyau brut qu’est Jaren Jackson Jr, et l’arrivée de Ja Morant, il devrait y avoir du spectacle et des enjeux. S’il est difficile d’imaginer un jeu d’une fluidité impeccable, l’équipe manquant de plusieurs éléments indispensables dans le basketball moderne, on peut imaginer voir une équipe accrocheuse, profitant notamment en début d’année de nombreuses équipes en manque de repères (en raison des nombreux mouvements de cet été), pour obtenir quelques victoires retentissantes. Sur le déroulé de la saison, toutefois, il paraît impossible de voir les Grizzlies jouer les trouble-fêtes.
L’Avis du Compte FR – @GrizzliesFR
Quel bilan tires-tu de la saison passée ?
Forcément le bilan est contrasté, nos attentes étaient toutes autres si l’on remonte quelques mois en arrière. Avec un Gasol en patron de la meute et un Conley de retour en pleine santé, on espérait oublier l’horrible saison tanking pour retrouver un peu de compétitivité. Pas au point de penser Playoffs mais au moins espérer une place dans le peloton de cette ultra-dense conférence Ouest. Au final rien de tout ça, on coule rapidement jusqu’au point de non-retour : la mise sur le marché de nos deux derniers représentants du GNG… Une fois Gasol parti et l’émotion passée, on peut quand même se satisfaire de notre très bonne deuxième moitié de saison. On se bat à chaque match avec nos nouveaux visages arrivés à la deadline, aucune trace de tanking et un bilan quasi à l’équilibre post-ASG… tout cela étant récompensé par une loterie plus que favorable qui nous sert sur un plateau le pick #2 et offre une magnifique éclaircie à cette saison jusque-là en demi-teinte.
Que penses-tu de l’été de la franchise ?
Dès la saison finie, on n’a pas perdu de temps en faisant sauter l’organigramme : exit Bickerstaff, exit Chris Wallace et place à un tout nouveau staff pour tourner la page et amorcer la grande reconstruction. Et jusqu’ici, on est pas loin du sans faute de leur part ! L’été a été beaucoup plus agité qu’on ne l’imaginait, Conley a été bougé et on réussit à en tirer beaucoup plus que prévu, notamment à base de futurs picks de draft. Tous les moves réalisés vont dans le même sens et répondent au même objectif : libérer du cap-space et accumuler les assets. Très satisfait du travail effectué d’autant qu’en parallèle la Draft de Ja Morant et Brandon Clarke (Summer League MVP) est source de belles promesses.
Quelles sont les attentes pour la saison prochaine ? Quel scénario te convient pour l’équipe actuelle ?
Pour la première fois depuis bien longtemps, les attentes ne vont pas se quantifier en nombre de victoires puisque l’intérêt sera ailleurs. Aucun objectif de résultat cette année, le maître mot sera développement. On veut que Jaren confirme sa saison rookie, que Dillon revienne au top après sa longue blessure, que Ja devienne le leader créatif espéré, que Brandon transpose ses perfs de Summer League à l’échelon supérieur… Si j’avais un scénario idéal, j’aimerais une saison à la Hawks 2019 : une équipe joueuse, qui ne cherche pas le tanking, qui laisse prendre du galon à ses jeunes talents en travaillant sérieusement, histoire de mettre en place les bases d’un vrai projet. Avec un petit coup de pouce à la loterie ça serait encore mieux, notre pick étant encore sous la menace d’un départ pour Boston (protection top-6).