A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 4 sur l’équipe féminine, c’est par ici !
Épisodes précédents :
Épisode 1 – A la préhistoire du basket (1893 à 1931)
Episode 2 – Premiers trophées et période trouble (1932 à 1945)
Episode 3 – Un retour en grâce dans l’après-guerre (1948 à 1963)
Episode 4 – Aux oubliettes (1964 à 1982)
1964 : la relève ne suit pas
A la période faste de la génération Busnel, ne succède qu’une période discrète sans grande réussite, voir même de vache maigre, très maigre. Le point de départ, c’est 1964. Basket-retro.com vous décrit cette véritable « Annus Horribilis » en reprenant les propos de Robert Busnel justement parlant d’un stage à Antibes avant 1964 : « les jeunes espoirs ont manifesté une tel dédain, parfois même un tel manque de savoir-vivre que les entraîneurs, unanimement, avaient décidé d’exclure la majorité des stagiaires. ». Une génération maudite ? Ils s’appellent Alain Gilles, Dorigo, Rat, Degros, Moroze (ça ne s’invente pas…), Le Ray, Christ etc…et leur tâche est simple : maintenir la France et son basket à sa place dans le sport international.
Et ça tombe bien, il y a des Jeux Olympiques en 1964 ! Revenons vers Basket-retro.com qui nous décrit précisément ces hommes : « Maxime Dorigo qui a dynamité les défenses à Rio était l’archétype de l’ailier moderne, indiscutablement un des tous meilleurs en Europe à son poste. Alain Gilles, bien sûr. A 19 piges seulement, il a planté, en vain, 21 pions contre la Hongrie. Et Jean Degros, le petit meneur organisateur, qui a été un exemple pour ton pote Tony. Christian Baltzer, Jérôme Christ, (qui, au passage, deviendront respectivement présidents du MSB et de la SIG), Michel Le Ray, Michel Rat… ». Vous sentez un certain dépit dans ces descriptions ? C’est normal, parce que la France ne va même pas se qualifier pour ces Jeux Olympiques au Japon, une première tout simplement ! Jean Legros est aussi un exemple de cette génération. On le surnomme l’indomptable : « Capable au plus fort de sa notoriété, d’aller s’en payer une bonne tranche sur la Côte-d’Azur, plutôt que de rallier un rassemblement de l’équipe de France » et dans la fiche du joueur, l’ouvrage ajoute cette note assassine : « Alors qu’il clamait que son désir le plus cher était de devenir sélectionneur des bleus, il dut se contenter du banc de l’équipe d’Angola aux JO d’Atlanta. (La Grande Histoire du Basket français, l’équipe, 2007, p24). Tout est dit.
A cela s’ajouteront des moments embarrassants, tel qu’en 1976, où 11 joueurs sélectionnés feront l’impasse sur la convocation en bleu, jugeant ces convocations répétitives inutiles, la plupart seront suspendus pendant plusieurs mois. Cela amènera, par la suite, la FFBB à mettre en place une véritable « politique des équipes de France » (Gérard Bosc, Une Histoire du Basket Français, Tome II, p63).
Une scène internationale trop forte ?
Alors quoi de mieux que de se rattraper à l’Eurobasket 1965 en URSS ? Oui mais non : défaite contre la Yougoslavie, 80 à 54, contre la Pologne, 72 à 53, la Grèce, 64 à 63, la Bulgarie, puis l’Espagne. La France se contentera de deux petites victoires pour du beurre, terminant à une très très anecdotique 9e place. Inquiétant.
1964 puis 1965 ne sont que le début. L’équipe de France est belle et bien partie pour une traversée du désert qui n’est pas prête de s’arrêter.
Un timbre postal soviétique à l’occasion de l’Eurobasket 1965 annonçant au passage la domination de l’homme rouge !va se compter en années, en décennies. Pendant cette période, aucun tournoi Olympique, aucun tournoi mondial, et des Eurobasket sans saveur, à l’image du suivant, en 1967 à Herlsinki, où les bleus, avec Gilles, Degros, un certain Jean-Claude Bonato, ou encore Charles Tassin, Francis Schneider, ne font qu’une très décevante 11e place.
Mais c’est aussi le contexte qu’il faut prendre en compte désormais. Nous ne sommes plus aux premiers âges du basket, celui-ci se modernise. Le jeu devient plus rapide, plus habile, les scores dépassent les 70-80-90-100 points parfois, les légendes se forgent en Europe, aux Etats-Unis. Autrefois, il s’agissait de vaincre trois ou quatre cylindrées pour espérer rapidement avoir la médaille. Mais dans les années 1960, le bloc de l’Est s’affirme fortement : la Pologne est un adversaire de choix et la Yougoslavie devient une nation du basket, tout comme la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, et l’URSS qui a largement la capacité de rivaliser avec les américains. Et d’ailleurs, à l’Eurobasket 1967, quatre équipes du bloc soviétique qui terminent en tête…elles seront minimum trois équipes de ce bloc dans le top 4, encore en 1969, et puis encore en 1971, et puis encore en 1973, 1975, 1977, 1979, 1981. Il faudra attendre 1983, date limite de cet épisode, pour que l’Italie s’offre une finale contre l’Espagne et que seule une équipe du monde communiste ne figure sur le podium.
Dans un tel monde, que peuvent faire les Français ? A ces Eurobasket, ils termineront successivement…non qualifié (69), 9e (71), 10e (73), non qualifié (75), 11e (77), 8e (79-81). Et les coupes du monde ? Uruguay 1967, Yougoslavie 1970, Porto Rico 1974, Philippines 1978, Colombie 1982 ? Aucune participation. Là aussi, les qualifiés européens représentent avant tout l’Europe centrale et l’Est. Et pour couronner le tout, les bleus échoueront à tous leurs tournois de qualification olympique. Et même pire, dès l’Eurobasket de 1963, le sélectionneur Buffière « préconisait le forfait parce qu’il craignait une déroute » (Gérard Bosc, Une Histoire du Basket Français, Tome I, p223). Quand on vous disait vache maigre, on ne vous a pas menti.
La France en NBA !
Alors quoi, les compétitions internationales ne nous ont plus à la bonne, c’est l’occasion de se faire plaisir non ? Dans les années 1960, le basket subit de plein fouet la gloire montante d’une ligue américaine qui devient de plus en plus la référence mondiale : la NBA. Cette ligue est alors loin d’être aussi fournie en franchises qu’elle peut l’être aujourd’hui, mais ses écuries mythiques sont déjà présentes : les Knicks, les Celtics, les Lakers, les Royals (futurs Kings) etc.
La notoriété mondiale de la NBA mais aussi l’exportation de basketteurs américains, dans le championnat de France, dans les championnats européens, ou encore la popularité des Harlem Globe Trotters, incitent la fédération à envoyer ses bleus, en 1965, faire une petite tournée en Amérique. Daniel Champsaur et Philippe Cazaban expliquent ce choix : « Ce voyage aux Etats-Unis est une première pour l’époque et pour l’équipe de France. L’idée est de faire progresser les bleus au contact des meilleurs, dans le monde encore mystérieux du basket américain ». (Géants, toute l’histoire du basket, Cazaban et Champsaur, Chronique éditions, p162). Et voilà notre équipe de France…au Madison Square Garden, pour un match levé de rideau contre la Pologne, avant une rencontre entre les Knicks et les Royals. Si vous ne savez pas ce que représente le Madison Square Garden, QIbasket vous y avait emmené en février dernier.
S’en suivront des rencontres à Chicago, Denver et San Francisco, puis un passage à Tahiti sur le chemin du retour, dont on soupçonne d’être plus une pause-vacance qu’une étape de préparation sportive. Mais là encore, que cela soit face à la Pologne, les Jamaco Saints, les Ottawa Falstaff, les Capital Fédéral Savingo ou les Chinese Americans, la France n’aura que des défaites, parfois sévères, et même, pour Gérard Bosc, les Français auront fait « des démonstrations pitoyables (…) Joë Jaunay (le successeur de Buffière, ndlr) fait des expériences à trois pivots. Alain Gilles est furieux et le déclare à la presse » (Gérard Bosc, Une Histoire du Basket Français, Tome I, p239). Ambiance !
Des miettes de pain comme faits d’armes
A défaut d’avoir des compétitions officielles en nombre pour venir jouer les médailles, la France va se mettre en
valeur dans des tournois secondaires. Il en sera ainsi du Tournoi des Nations pour le Trophée Paul Geist (1969), de la Tournée de l’amitié à Madrid (1970), des Jeux d’Alger (1975) Tournois de Sofia (1977), Saragosse (1978), de Sofia, de Stockholm, de Hongrie et Bulgarie (1978) du Tournoi de Noël à Paris, de la Tournée africaine (1979). Dans ces tournois modestes, les Cachemire, Clabau, Beugnot, Lamothe, Bello, Demars, mais aussi un certain Senegal, un Dubuisson, feront leurs preuves en bleus.
Un autre fait d’arme à mettre au crédit de cette génération, lui aussi lié à l’Amérique, sera néanmoins à mettre au crédit de cette génération : la première, toute première, victoire des bleus sur Team USA, dans un match amical à Lyon, le 5 mai 1979 !
Préparer la génération suivante ?
Comme à ses prémices, l’équipe de France ne va pas réussir à venir sur le devant de la scène parce que c’est avant tout en interne que le basket-ball cherche à se structurer toujours plus. Il faudra attendre la fin des années 1970 pour avoir une définition et une mise en place du basket professionnel dans l’Hexagone. Il faut par exemple, et dans un contexte encore plus général, attendre 1975 pour que la première loi sur le sport, permettant de mieux structurer son fonctionnement en France, soit votée.
Pourtant, cette génération post-Busnel se voulait jeune, à l’image d’Alain Gilles qui commença en bleu dès ses 17 ans. Mais en début d’article, nous savions l’avis de l’ancien sélectionneur sur ces joueurs, son avis sur le staff n’en était pas moins alarmant : erreurs tactiques impardonnable, manque de bon sens, absence de direction (trop d’assistants) manque d’observation » (Gérard Bosc, une Histoire du Basket Français, Tome I, p215). Sanglant quand on sait que c’est son ancien relais sur le terrain, Buffière, qui a pris la suite de la sélection. La jeunesse n’a pas tout fait, Buffière ne dura pas et laissa sa place au sélectionneur Joë Jaunay, qui tentera tout. Cette génération est aussi l’arrivée des naturalisés : Barry White (oui oui), Bob Riley, venus des USA, Mathieu Bisseni, venu du Cameroun, seront parmi l’effectif du successeur de Jaunay, Pierre Dao, qui tentera d’amorcer un retour au premier plan.
Pour Champsaur et Cazaban, cette période triste pour les bleus doit néanmoins annoncer un renouveau avec ceux qui vont arriver bientôt : « Hervé Dubuisson l‘artilleur, pressenti en NBA, Richard Dacoury, le défenseur bondissant, apportent une dimension spectaculaire nouvelle au jeu français (…). La politique de formation se structure, il faudra cependant du temps pour en récolter des fruits. » (Géant, toute l’histoire du basket, Cazaban et Champsaur, Chronique éditions, p180). Ces noms, et d’autres, vont représenter le renouveau des bleus, et les récits des premières légendes.
Prochain épisode :
Episode 5 – Les premières légendes (1983 – 1997)