A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 1 sur l’équipe féminine c’est par ici !
Episode 1 – À la préhistoire du basket (1893 à 1931)
Une naissance « sous couveuse »
Il va falloir être patient pour voir une équipe nationale de basket-ball venir à la vie. Car si le basket arrive en France en décembre 1893, l’équipe de France masculine, elle, va prendre presque 3 décennies à naître. Mais cette naissance ne sera pas le fruit d’une décision brute, mais plutôt le résultat d’une longue gestation qui correspond à l’organisation du sport dans l’hexagone.
Et le basket-ball dans l’hexagone, il apparaît pour la première fois dans une salle au 14 rue de Trévise à Paris le 27 décembre 1893. QIbasket vous avait ouvert les portes de cette salle l’an passé. Sauf qu’à l’époque, le basket-ball était pratiqué pour la même raison que ce qui justifia sa création : un sport d’intérieur en attendant que la météo soit plus clémente pour les activités externes organisées par l’UCJG (Union Chrétienne des Jeunes Gens de Paris), filiale française de la YMCA, association à l’origine du basket. Conclusion : pourquoi créer des équipes, des compétitions, des pratiques annuelles si il ne s’agit que de se dégourdir les jambes pendant l’hiver ?
En plus de ça, le basket-ball va très longtemps rester dans une espèce d’entrisme. Loin d’être pour autant malsain, cet entre soi s’expliquait surtout par l’aspect confessionnel de l’UCJG, et aussi par le fait que les matchs vont longtemps se jouer simplement entre les membres de l’association. Malgré son immense popularité dans le monde aujourd’hui, on ressent encore parfois le basket comme un sport ou les pratiquants maintiennent cet entrisme, surtout pour un sport où l’on se lève à 2 heures du matin…
Mais ces jeunes gens qui jouent au basket à Paris, vont rester pendant longtemps les représentants français du basket-ball sous les noms de « équipe verte » ou « équipe blanche » et autres couleurs.
Priorité aux femmes ?
Pour avoir une équipe nationale, il faut que le basket français dispose de plus d’atouts. Le premier club de basket-ball arrive en 1894 (le BBC Trévise). Mais le sport reste trop marqué sur le volet religieux, n’est pas vraiment accessible aux autres couches sociales et peine à rejoindre les autres sports reconnus à l’international. Alors l’UCJG essaie de s’ouvrir petit à petit, notamment aux femmes. Les premières compétitions arrivent, ainsi que les premiers challenges. Le basket sort de son cocon de Trévise, la France va pouvoir exprimer son basket.
Alors que le basket-ball masculin se structure petit à petit, l’équipe de France féminine, elle, arrivera dès 1923. Le basket-ball n’ayant jamais été un sport patriarcal, ni machiste, les sections féminines n’ont jamais été observées comme inappropriées ou rejetées dès sa naissance, un fait remarquable, quand on sait qu’à l’époque en France, si vous n’étiez pas un homme, vous n’aviez pas de droit de vote, de droit d’ouverture d’un compte en banque et votre indépendance se résumait presque au droit du choix du prénom vos enfants.
En réalité d’ailleurs, notre équipe de France gagnera son premier championnat d’Europe non pas en 2013 avec la génération Parker, mais bien…dès 1930 avec Mesdames Moreau, Lunet, Velu, Marinat et Radideau et leur victoire contre l’Italie 27 à 3. Championnes d’Europe…et du monde aussi. Car en 1934, à Londres, ce sont les Garnier, Flouret, Velu, Santais et Richelot qui vaincront les USA en finales des championnats du monde, oui, rien que ça.
Une équipe de France…militaire.
Mais chez les garçons, le parcours sera plus long. Mais alors où commence-t-il et ou voit-on la première équipe à porter le nom « France » ? Les historiens du basket comme Gérard Bosc dans son fabuleux ouvrage « l’Histoire du Basket-ball français » immense encyclopédie de trois volumes, ont rapidement identifié cette équipe : elle pose le pied sur le terrain de manière plutôt improvisée en 1917. Pourquoi improvisée ? Parce que ce match est surtout issu d’un souhait des américains de s’amuser et passer le temps depuis leur débarquement à Saint Nazaire. Ceux-ci, à peine arrivés sur le sol français, avaient engagé une cohabitation amicale qui s’était facilement mise en place entre les armées française et américaine. Sur le front, ils combattent ensemble, et à l’arrière, ils cherchent à créer des liens.
Et à l’arrière justement, qui est notamment en charge de s’occuper des soldats dans l’ennui par des exercices physiques ? La YMCA. Quelques jours seulement après avoir offert aux habitants de Nantes le tout premier concert de Jazz en Europe sur la place Graslin dans le centre-ville, les « Sammies », encouragés par l’association, proposent aux militaires français, épuisés par trois années d’un conflit ignoble et inhumain, de se détendre et de toucher un peu la balle plutôt que de risquer de la prendre.
L’arrivée de l’équipe de France dans l’histoire du basket-ball est question de point de vue. Si l’on souhaite se contenter de dire que la simple appellation « France » d’une équipe peut suffire, alors c’est bien en cette année 1917, au stade Pershing, que la France fait donc son premier shoot, à l’occasion de ce qui sera nommé « Les jeux interalliés ». La première équipe estampillée France chez les hommes, sera composée des soldats Ragay, Aube, Chauvet, Aguillaume et Duralie, sous la direction du Lieutenant Caste. Le premier résultat de l’histoire de la France au basket ? Défaite 96 à 6 contre les USA.
Bien qu’improvisée en 1917, l’équipe de France « Militaire » restera présente dans l’univers français du basket-ball. Notamment entre les années 80 et 90 pendant laquelle cette équipe remportera ses plus beaux succès.
1926 le premier match international de « Balle au panier »
1917 n’était cependant pas un match réellement officiel, puisqu’il n’avait aucun cadre réglementaire. Alors pourquoi il fallut encore attendre si longtemps pour qu’un match de basket entre deux pays se mette en place en France ? Les jeux interalliés continueront jusqu’en 1919. Une fois le Traité de Versailles en application, tout le monde rentrera chez soi, et le basket va devoir recommencer son travail de diffusion dans le pays.
Enfin sorti des milieux parisiens et religieux, il fallait tout d’abord réussir à organiser le basket-ball sur le territoire, au local, au régional, au national. Et de la même manière que pour avoir des élèves, il faut des professeurs, avant d’avoir des joueurs, il fallut des arbitres ! C’est au prix de ces longs apprentissages, des laborieuses négociations pour régir les différentes fédérations, harmoniser les règles, créer des assemblées délibérantes, que le basket va enfin réussir à s’organiser au plan national et que des sélections vont enfin pourvoir s’organiser.
Et en 1926, c’est enfin le grand saut pour l’équipe de France masculine qui nait officiellement par son premier match justement officiel. Mais les USA ne sont plus là, alors qui voudrait jouer au basket-ball avec nous ? Réponse : l’Italie, et nos voisins belges.
Pourquoi fut-ce-t-il si problématique de trouver un adversaire ? Tout simplement parce que le sport ne se jouait pas de la même manière partout ! Et ne serait-ce qu’au-delà des Alpes, seulement, la simple procédure de l’entre-deux était différente de celle en France. D’autres parts, si la France est rapidement devenue une terre de basket, ça n’est pas forcément le cas partout ailleurs, notamment à l’échelle du début du XXe siècle, où il suffisait de passer une frontière ou deux (quand on peut…) pour que ce sport devienne inexistant. Ça ne vous suffit pas ? Et bien sachez qu’il faudra attendre 1935 et les Jeux Universitaires de Bucarest, pour qu’en France, l’on réalise qu’il était possible de défendre à 5. Oui, vous avez bien lu : jusqu’en 1935, en France, on considère que les deux « avants » peuvent rester en attaque. Mike D’Antoni aurait été un dieu à cette époque.
Par ailleurs, une Commission chargée des relations internationales au sein de la fédération, n’interviendra qu’à partir de 1927. Et la France ne pourra fournir des arbitres internationaux qu’à partir…de 1935 également, justement à l’occasion des Jeux Universitaires.
Le premier match à donc lieu à Milan, le 4 avril 1926. L’Italie l’emportera 23 à 17. L’événement sera relié par l’ancêtre du journal l’Equipe de l’époque : L’Auto. Mais le journal se contentera de rapporter quelques faits de match dans les colonnes d’actualités diverses, entre celles du « Lawn-Tennis » et de la course à pied.
Envol difficile
D’autres rencontres vont suivre cet événement historique. Mais la victoire n’est pas encore au rendez-vous avant 1928. Le 18 avril 1927, rebelote contre l’Italie et nouvelle défaite 22 à 18. Puis le 6 mai 1928, la bande à Duponchelle, Beaulieu, Lafontaine, Guilloux ou Sahuguet, obtiennent enfin une victoire face à la Belgique !
Mais ces rencontres restent strictement occasionnelles. Ainsi, le 8 juin 1930, les tricolores se défont de nouveau de la Belgique 35 à 21, puis en avril 1931, par 53 à 21. En Mai de la même année, direction Porto, pour un long périple pour l’époque, en vue d’affronter l’équipe nationale portugaise décrite par l’historien Gérard Bosc comme « vraiment trop débutante » (L’histoire du Basket-ball Français ; Tome I ; Le Louvres Presses : p34). Résultat : 32 à 9 pour la France.
Mais avec ces deux premiers matchs officiels et ceux qui ont rapidement suivi, l’équipe de France masculine de basket-ball débutait enfin sa fabuleuse histoire. Mais tout restait à faire, et l’aventure n’en était qu’à ses prémices.
Prochain épisode :
Premiers trophées et période trouble (1931 à 1945)