Nous avions laissé les Lakers le soir du 17 juin 2008, anéantis après une défaite cruelle mais logique face à Boston en finale. Malgré les progrès réalisés, l’équipe a buté sur la dernière marche et se retrouve maintenant face à un challenge de taille : revenir en finale pour goûter enfin à la douche de champagne. Cependant, la douleur de la défaite va servir de moteur tout au long de la saison, permettant aux Lakers de partir sur les chapeaux de roue sans jamais regarder dans le rétroviseur. Bien analysées, les erreurs passées se transforment en apprentissage salutaire pour un groupe qui arrive à maturité et s’apprête à devenir une machine à gagner absolument inarrêtable. Embarquons pour la dernière étape du voyage, qui verra les Lakers accomplir leur destinée.
Acte V : inarrêtables
Contrairement aux intersaisons précédentes, la priorité de la franchise n’est plus à l’ajout de pièces importantes. La fin de saison précédente a convaincu Phil Jackson que tous les ingrédients étaient réunis, et qu’il ne restait plus qu’à les harmoniser pour concocter un plat 5 étoiles. L’été est ainsi très calme de ce côté de la Californie, avec le départ de Ronny Turiaf et l’arrivée de Josh Powell comme seuls mouvements notables. La meilleure nouvelle au niveau de l’effectif vient évidemment du rétablissement complet d’Andrew Bynum, qui avait manqué aux Lakers durant les playoffs. Jackson peut enfin aligner son pivot dans la raquette aux côtés de Pau Gasol, décalant Lamar Odom sur le banc pour occuper le rôle de sixième homme de luxe. Un changement de rotation auquel il faudra s’adapter mais qui ne semble déranger personne tant l’équipe est focalisée sur son objectif ultime, le titre. Du premier au quinzième homme, chacun est en mission et cela se ressent dès le training camp, où le “1, 2, 3, RING !” (en référence à la bague de champion) s’impose rapidement comme le cri de ralliement lors du huddle. La couleur est annoncée et les Lakers n’ont qu’une envie, en découdre.
Cette surdose de motivation ne manque pas de se refléter à l’amorce de la saison régulière, débutée par 14 victoires en 15 matchs. Ce ne sont pourtant pas des peintres qui se présentent face à Kobe et consorts : Rockets, Hornets, Suns, Mavericks et Nuggets doivent ainsi tous ployer le genou – sans pour autant nous rabattre les oreilles avec des “she’s my queen” à longueur de journée – devant la défense guantanamo-style des Californiens, qui font très tôt comprendre à tout le monde qu’ils n’auront pas d’égal à l’ouest cette année.
Le cavalier seul continue sur le mois de décembre, malgré quelques défaites ça et là. À l’approche de la cuite annuelle avec tonton Roger des fêtes, un premier gros test attend cependant nos héros. Les Celtics, champions en titre et détenteurs du meilleur démarrage de l’histoire en saison régulière (27-2), sont en effet de passage en ville pour le réveillon. Un doux air de revanche flotte dans une enceinte qui a vu, 6 mois plus tôt; ses ouailles gâcher une avance de 24 points dans un match des finales, offrant le titre à l’ennemi vert sur un plateau. Heureusement pour les fans, ce scénario n’aura pas l’occasion de se reproduire et la dinde sera savourée dans de bonnes conditions : les Lakers mettent une fois de plus les barbelés en défense et sortent vainqueurs 92-83. Ce match a l’effet d’un gros coup de poing sur la table et prouve ce que beaucoup commençaient à pressentir, cette cuvée des Lakers n’a jamais été aussi forte. Elle continuera d’ailleurs de le prouver en janvier, en allant tranquillement disposer des Cleveland Cavaliers jusqu’alors invaincus dans leur antre de la Quicken Loans Arena. Seule petite ombre au tableau, les deux défaites concédées face au Magic d’Orlando, seul cador à même de résister à la furia californienne (tiens donc). Pas de quoi alarmer les Lakers qui enchaînent 6 victoires en 7 matchs et s’apprêtent à malaxer les Grizzlies façon moldave lorsque le cri déchirant d’Andrew Bynum retentit, suivi d’un silence de mort.
Comme un an auparavant, face au même adversaire, le pivot se blesse lourdement au genou, le droit cette fois. Ce clin d’oeil dont l’histoire aurait largement pu se passer vient mettre un énorme coup au moral de l’équipe, abasourdie par le sentiment de déjà vu et la douleur exprimée devant leur yeux. Même Kobe, loin d’être le plus expressif quant à ses émotions, n’en revient pas. Il faut pourtant repartir de l’avant, comme les Lakers l’ont toujours fait, en espérant des jours meilleurs pour leur big man aux genoux d’argile. Heureusement, comme il l’a montré par le passé, le black mamba connaît parfaitement la formule pour faire oublier les malheurs des siens l’espace d’un soir. Séquence nostalgie.
Nous sommes le 2 février 2009, soit à peine deux jours après les tristes événements du Fedex Forum, et les Lakers se rendent au Madison Square Garden pour y affronter les Knicks (on vous rassure, ceux-ci étaient déjà passablement mauvais). Une salle mythique, un contexte difficile, un adversaire friable et un Spike Lee ayant la fâcheuse tendance de prendre un peu trop la confiance depuis le bord du terrain, toutes les conditions sont réunies pour que Kobe lâche les chevaux. Et il va les lâcher, mais d’une violence…
Avez-vous déjà vu un joueur être en feu de la première à la dernière minute d’un match ? C’est plus ou moins ce qui va se passer ce soir-là. Kobe délivre un nouveau récital offensif aux pauvres mortels que nous sommes, en passant en revue la totalité de sa palette offensive, le tout saupoudré d’actions d’une classe absolument indécente comme celle-ci. Pau Gasol n’est pas en reste avec un bon gros 31-14 des familles mais honnêtement, tout le monde s’en fout. La foule n’a d’intérêt que pour la page d’histoire qui est en train de s’écrire au rythme des assauts frénétiques du n°24. Au total, ce sont 61 points qui s’abattront sur la tête de Knicks incapables d’arrêter l’incendie, et les fans n’ont d’autre choix que de donner une standing ovation à celui qui vient de réaliser la plus grande performance au scoring que le Madison Square Garden ait connu jusqu’alors – ce record sera dépassé par Carmelo Anthony (62 points), quelques années plus tard.
En 48 minutes, le MVP a fait de la blessure d’Andrew Bynum un lointain souvenir, donnant un élan de confiance à toute l’équipe : elle a excellé sans son pivot par le passé, elle en est encore parfaitement capable et va s’empresser de le prouver avec 11 victoires pour 2 défaites en février. La machine tourne trop bien pour se gripper à cause d’une simple absence. Un petit retour de Lamar Odom dans le starting lineup par ci, un petit décalage de Pau Gasol au poste de pivot par là, et le rouleau compresseur redémarre comme si de rien n’était. Sans surprise, Kobe et Pau sont sélectionnés pour le All-Star Game.
Le sprint final se lance et quelques changements interviennent dans l’organisation des Lakers. Récompensé pour son travail défensif en sortie de banc, Trevor Ariza obtient la place d’ailier titulaire, reléguant le soldat Luke Walton sur le banc – Vladimir Radmanovic, quant à lui, a été échangé à la trade deadline contre Shannon Brown et Adam Morrison. L’autre nouvelle de taille est le retour d’Andrew Bynum au début du mois d’avril, pile pour le début des playoffs. De quoi voir, enfin, ce que ces Lakers au complet ont dans le ventre.
Vous noterez que nous n’avons pas beaucoup évoqué la concurrence lors de cette saison régulière, la raison étant que celle-ci n’existe tout simplement pas. Comme annoncé plus haut, LA a roulé sur la conférence Ouest du premier au dernier soir, et boucle l’exercice avec 65 victoires au compteur, soit onze de plus que le dauphin, Denver. Les formalités administratives sont donc expédiées assez facilement, reste maintenant à prendre une revanche étincelante sur les finales passées.
Entre confiance et nonchalance
La première étape de l’opération rédemption passe par l’Utah, un adversaire déjà croisé par Kobe et les siens en 2008. Le Jazz est une équipe habituée des playoffs et se frotter à eux dès le premier tour a des allures de piège pour un leader peu concentré. Seul problème pour le Jazz, l’ambiance n’est pas vraiment au relâchement en californie. Mais pas du tout. Deron Williams et Carlos Boozer auront beau se démener, il n’y a pas grand chose à faire face au collectif des Lakers. Bryant, Gasol et Ariza passent tous la barre des 20 points lors de la première manche mais ce n’est qu’un échauffement en comparaison avec la démonstration du game 2, durant lequel pas moins de 7 Lakers franchiront la barre des 10 points marqués. Les angelinos reprennent leurs bonnes habitudes de 2008 en remportant les deux premières rencontres à la maison, et le voyage à Salt Lake City va être un peu plus tranquille cette fois-ci.
Si la révolte du Jazz a bien lieu dans le match 3 (comprendre par là qu’ils s’en sortent d’extrême justesse et remercient Kobe pour son sublime 5/24), la suite ne laissera que peu de doutes sur l’identité de la meilleure équipe. La rumeur insinue d’ailleurs qu’une cellule psychologique a été ouverte d’urgence en plein match 4 pour y accueillir le pauvre Ronnie Brewer, chargé de défendre sur Kobe et malheureusement réduit à l’état de pantin désarticulé par un black mamba décidé à clouer le bec de toute la salle, voire même de tout l’état. Ses 38 points à 16/24 sont une nouvelle démonstration éclatante de classe, et le Jazz n’est pas suffisamment armé pour répondre. Les Lakers passent un 16-2 dans le second quart-temps et s’envolent vers la victoire, pour mener 3-1 avant le retour à LA. Il ne reste alors plus qu’à terminer le travail, ce qui sera fait dans la foulée grâce aux 57 points du duo Kobe-Odom. Il ne reste que 12 matchs à gagner pour accomplir l’objectif, et les 4 prochains devront l’être aux dépens des Houston Rockets.
Amateurs de séries bizarres, munissez vous de la gourmandise de votre choix et installez-vous confortablement, ce qui suit devrait vous intéresser. Un peu trop détendus par leur premier tour maîtrisé, les Lakers se présentent en demi-finale avec beaucoup de confiance. Sûrs de leur force, ils affrontent en plus une équipe de Houston privée de Tracy McGrady, inférieure sur le papier malgré la présence de Yao Ming dans la raquette et le duo Ron Artest / Shane Battier sur les extérieurs. Et comme on ne se fatiguerait pas à vous dire tout cela si les Lakers avaient ruiné les Rockets, vous avez compris que le match 1 allait assez mal se passer pour LA.
Incapables de mettre en place leur jeu, les locaux s’engagent dans un match de traînard risqué contre un adversaire mort de faim. Après avoir laissé les Rockets prendre 8 points d’avance à plusieurs reprises, ils pensent avoir fait le plus dur en reprenant l’avantage à 8 minutes de la fin grâce à deux lancers de Shannon Brown. Ce sera pourtant le dernier soubresaut des Lakers, mis K-O par un dernier run collectif distillé par des Rockets loin d’être affectés par l’enjeu, et qui sortent logiquement gagnants de ce premier round. Kobe a fait du Kobe (32 pts à 14/31) mais la performance globale laisse grandement à désirer. Il va falloir faire beaucoup mieux pour s’éviter une cruelle désillusion.
Heureusement, cette équipe a du caractère et va remettre les pendules à l’heure avec fermeté sur les deux rencontres suivantes. Comme souvent, cela démarre avec Kobe qui décide de transformer Shane Battier – un des meilleurs défenseurs des années 2000 – en paillasson, avec 40 points dans le match 2. L’ailier a beau se démener, mettre la main devant le visage du n°24 à chaque fois que celui-ci arme son tir, c’est aussi utile que Les Visiteurs : la révolution et les Lakers prennent un avantage déterminant en deuxième mi-temps. Le match 3 sera du même acabit, même si Kobe redescend un peu de son nuage en termes d’adresse (33pts mais à 11/28). La défense californienne montre les crocs au retour des vestiaires en limitant les Rockets à 14 points durant le 3e quart-temps, pour prendre une avance de 10 points et ne plus jamais lever le pied de l’accélérateur. En parlant de pied…
La pire nouvelle de la soirée côté Rockets n’est en effet pas la défaite. Après l’avoir vu quitter le parquet en boitant, on apprend que Yao Ming sera forfait pour tout le reste de la saison. Ce sera malheureusement la blessure de trop pour le chinois, même s’il l’ignore encore. Quoi qu’il en soit, la situation est désespérée pour les Texans, tant ils semblent désormais inférieurs. C’est maintenant que la série va officiellement devenir particulière.
En effet, que ce soit parce que Yao est forfait ou parce qu’ils mènent 2-1, une chose est sûre, les Lakers se sont pas mal chauffés niveau nonchalance pour le match 4. Et évidemment, la sanction tombe. Houston est privé de son colosse mais le lutin Aaron Brooks prend feu avec 32 points, pendant que la défense texane limite LA à 87 points. Les soldats de Rick Adelman (Battier, Artest, Scola, Landry…) se serrent les coudes et haussent le ton pour défendre leur territoire et revenir à 2-2. Les Lakers auraient pu se passer de cette défaite mais ils ont repris l’avantage du terrain et la situation n’est pas réellement préoccupante. Elle l’est encore moins après ce match 5 remporté 118-78. Il ne reste alors plus qu’à terminer le travail et le dernier voyage à Houston est un candidat idéal pour cela. L’issue de la série ne fait quasiment plus aucun doute mais c’était sans compter sur la bonne idée de Kobe et ses partenaires, qui choisissent ce moment précis pour livrer une performance absolument pathétique, indigne d’un candidat au titre. Bryant est en mode arrosage automatique, Odom et Gasol se font bien trop discrets et les Lakers sont incapables de marquer plus de 80 points à ces Rockets qui jouent, pour rappel, sans leurs deux meilleurs éléments. Alors que l’affaire aurait pu être entendue en 5 matchs avec un peu moins de nonchalance, nous nous retrouvons face à un game 7 totalement improbable.
Le spectre de la désillusion ne planera cependant pas longtemps sur le Staples Center. L’urgence de la situation semble avoir mis un coup de pied salutaire à l’arrière-train des Lakers qui prennent la rencontre décisive par le bon bout, avec la formule classique défense-intensité. Le score est de 51-31 à la pause, de quoi pousser un ouf de soulagement généralisé. Valeureux mais limités, les Rockets ont donné tout ce qu’ils avaient pour en arriver jusque là mais sont impuissants face à un prétendant au titre qui joue enfin en tant que tel (l’histoire ne dit cependant pas si des colifichets ont été lancés). Les Lakers se sont compliqué la tâche comme ce n’est pas permis mais le billet pour la finale de conférence est composté, place à la suite.
Le futur champion s’affirme
De nouvelles retrouvailles attendent les hommes de Phil Jackson puisqu’ils y affrontent les Nuggets, déjà croisés durant la campagne de 2008. Mais l’équipe du Colorado a bien changé depuis cette époque. Son nouveau général en chef, Chauncey Billups, apporte la sérénité et la rigueur qui manquaient tant, et c’est tout le groupe qui semble avoir gagné en maturité, Carmelo Anthony en tête. Les Nuggets veulent oublier le sweep de l’année passée et affichent leurs intentions au cours d’un match 1 extrêmement disputé. Kobe (40 pts) et Melo (39 pts) se livrent un duel mémorable qui reste indécis jusque dans le money time. Derek Fisher plante un énorme 3 points dans le coin (tout sauf étonnant) mais Billups aka Mr Big Shot lui répond dans la foulée (tout sauf étonnant, volume 2). Au jeu des rebonds offensifs et des lancers francs, les Lakers se procurent deux points d’avance à trente secondes de la fin (101-99), mais les Nuggets ont la balle pour égaliser sur une remise en jeu mi-terrain. C’est le moment choisi par Anthony Carter et Trevor Ariza pour nous offrir le remake de la boulette d’Isiah Thomas à Boston 22 ans plus tôt, avec une belle passe casse-croûte du meneur de Denver interceptée par l’ailier de LA, qui sécurise la victoire douloureuse des siens. La frustration des Nuggets est immense mais la série est loin d’être finie, surtout qu’ils viennent de se prouver qu’ils pouvaient mettre sérieusement en danger le leader de l’Ouest.
Ils vont d’ailleurs récidiver dès le deuxième round, avec 27 points de Chauncey Billups pour épauler Melo (34 pts), une nouvelle fois embarqué dans un duel épique au scoring face à Kobe (32 pts). Les Lakers prennent l’avantage tôt dans la rencontre mais les Nuggets reviennent au train, avant de prendre l’avantage dans le dernier quart-temps, se retrouvant dans une situation similaire au game 1. Kobe refuse de laisser filer le match, enchaîne les gros shoots et l’on se retrouve encore avec une égalité parfaite, 99-99, à deux minutes de la fin. Un nouveau money time de folie se prépare, au cours duquel les Nuggets seraient bien inspirés de ne pas faire n’importe quoi cette fois-ci, histoire de ne pas sombrer psychologiquement. On vous rassure, ce n’est pas vraiment le projet. Sur une action peu académique, Nenê trouve Kenyon Martin seul sous le cercle à 30 secondes de la fin pour donner un avantage décisif à Denver. La défense obtient un stop derrière et, logiquement, les deux équipes se retrouvent à 1-1. On notera d’ailleurs la remarquable similarité des scores, preuve de la tension qui règne dans ce début de finale de conférence : 105-103 au game 1, 106-103 au game 2. Difficile de faire plus serré.
La série part vers le Colorado, avec pour objectif côté Lakers de récupérer l’avantage du terrain, si possible dès le game 3. L’affaire paraît pourtant mal embarquée puisqu’après 36 minutes, ils sont relégués à 8 longueurs, 79-71. Cependant, cela tient surtout à un manque d’efficacité des angelinos, car les Nuggets sont très maladroits. Alors, quand Los Angeles se met en route, l’écart fond immédiatement, et un troisième money time irrespirable se profile – on est quand même sur de la série bien sympathique niveau suspense, vous en conviendrez. Le problème pour Denver, c’est qu’un certain Kobe B. est en train de monter gentiment en pression, et que les dégâts vont être colossaux. L’arrière réussit dans un premier temps un and-1 acrobatique pour prendre l’avantage à 3 minutes de la fin, mais ce n’est rien en comparaison de ce tir à 3 points décoché au-dessus de JR Smith alors que Denver avait réussi à reprendre 2 points d’avance (pour voir ce shoot, tapez “climatisation” sur youtube ou cliquez ici). Le mamba est en train d’écoeurer le Pepsi Center mais l’espoir subsiste pour Denver. Ils n’ont que deux points à rattraper, il reste 37 secondes quand Kenyon Martin s’avance pour effectuer la remise en jeu mi-terrain.
On sait très bien à quoi vous venez de penser, et oui, vous avez raison : les hommes de coach Karl vont une nouvelle fois dire adieu à leurs espoirs sur une remise en jeu ratée. Une double erreur aussi impardonnable que surprenante à la vue du niveau affiché sur ce début de série. Et c’est encore une fois Trevor Ariza qui s’en va voler le ballon décisif. Quel aurait été le score de la série si Denver avait sécurisé ces deux ballons et s’était offert de réelles chances de pousser jusqu’en prolongations ? Afin de ne pas plagier un certain concept d’article présent sur ce site, nous nous abstiendrons de répondre à cette question et nous nous contenterons de dire qu’avec cette victoire, les Lakers viennent de frapper très fort tant sur le plan comptable que psychologique.
Les Nuggets ont en effet de quoi s’en vouloir, habités par le sentiment d’avoir donné deux victoires à leurs opposants. En quête de pardon, ils réalisent un travail collectif de grande qualité sur le match 4 avec 7 joueurs à 10 points ou plus. Bryant et les siens tentent de résister pendant un temps mais il est impossible de lutter contre la furia offensive qui habite les Nuggets ce soir-là. La défense explose complètement dans le dernier quart-temps, et nous tenons enfin notre premier blow-out de la série : 120-101, 2-2.
Ce petit interlude au cœur des batailles de tranchées fut sympathique mais celles-ci reprennent du service dans le game 5, qui sent bon la poudre. Les trois premiers quart-temps se soldent par des scores de parité et on se dit que l’on va encore faire une bonne séance de cardio devant la fin de match. Sauf que les Lakers en ont assez de ces flagorneries, et ont décidé que le temps était venu d’agir en champion. Bousculé jusque là par le physique des intérieurs de Denver, le trio Gasol-Odom-Bynum sonne la révolte avec 42 points et 26 rebonds en cumulé. Surtout, la défense prend sa revanche sur le match précédent en limitant les Nuggets à 18 points dans les 12 dernières minutes, pour une victoire 103-94 des Lakers qui ne sont plus qu’à une marche des finales. Comme on l’a dit, le mode champion est activé, et s’il y a bien une chose qu’un champion sait faire, c’est apprendre de ses erreurs.
Ainsi, dans une configuration identique à la série contre Houston, avec la possibilité de conclure sur le parquet adverse, les purple and gold vont effacer leurs mauvais souvenirs en dominant outrageusement ce qui allait donc être la dernière manche de ces finales de conférence. 57% de réussite, 75 points pour le trinôme Bryant-Gasol-Odom, 4 quart-temps remportés… autant de chiffres qui prouvent l’absence totale de débat dans ce match 6. Denver s’est battu mais Denver a fini par céder, comme tous les autres. Les Lakers conservent leur titre de champion de la conférence Ouest, et vont avoir l’occasion de prendre la revanche tant désirée depuis un an.
Une victoire sans équivoque
Alors que la logique était parfaitement respectée de l’autre côté du pays, les playoffs à l’Est étaient bien plus riches en rebondissements. Trois équipes étaient clairement au-dessus du lot : les Cleveland Cavaliers du MVP LeBron James, meilleur bilan de la ligue, les Boston Celtics tenants du titre, et le Magic d’Orlando qui monte en puissance année après année dans le sillage d’une défense de fer cornaquée par Dwight Howard. Les hostilités entre ces mastodontes débutent en demi-finale avec le duel entre Boston et Orlando, qui aura besoin de 7 matchs pour se trouver un vainqueur. Dans un TD Garden abasourdi, Orlando écrase Boston dans la rencontre décisive et accède aux finales de conférence face à Cleveland. Toute l’année, la rivalité entre LeBron et Kobe a été montée en flèche, et la possibilité de voir ces deux monstres se défier en finale fait rêver énormément de fans. Hélas, vous n’êtes pas sans savoir que ce duel n’aura jamais lieu. Dwight Howard réalise un chantier monstrueux dans la raquette de l’Ohio, Hedo Turkoglu et Rashard Lewis sont absolument parfaits au scoring et dans l’animation, et Orlando réalise l’upset en 6 matchs malgré un LeBron stratosphérique (38.5 pts, 8.3 rbds, 8 ast). Alors que trois équipes avaient gagné plus de 60 matchs lors de cette saison 2008-2009, le Magic vient d’en éliminer deux coup sur coup et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Le premier match de cette finale inédite se tient au Staples Center le 4 juin 2009. Lors des deux précédentes séries, les Lakers avaient été malmenés sur leur parquet lors du Game 1, alors qu’Orlando s’est fait une spécialité de récupérer l’avantage du terrain dès l’ouverture de la série. Il serait donc assez malvenu de prendre ce match à la légère et il ne faudra pas longtemps pour comprendre que ce n’est pas le cas. Habitué à se déchaîner sous le cercle, Dwight Howard est complètement déstabilisé par le schéma défensif imposé par Phil Jackson, avec un ⅙ au tir à des années lumière de son rendement habituel. Globalement, c’est tout Orlando qui balbutie son basket avec 29% de réussite. Impossible d’espérer quoi que ce soit dans ces conditions, surtout quand Kobe vous plante 40 points sur la tête de l’autre côté. LA prend les commandes de cette finale en toute tranquillité, 100-75.
Cette raclée a eu pour effet de réveiller le Magic, qui joue enfin avec un niveau digne des finales dans le match 2. Rashard Lewis est en feu (34 pts), Dwight Howard monte en pression en deuxième mi-temps, aussi bien offensivement que défensivement, et le match devient tendu. Des paniers bien clutch sont à décompter de part et d’autre, et le score est de 88-88 à trente secondes de la fin du match. Kobe a le ballon de la victoire dans les mains et on sent le crève-cœur arriver gros comme une maison pour le Magic, sauf qu’Hedo Turkoglu contre le tir du n°24. Il reste six dixièmes à l’horloge, un intervalle suffisant pour permettre au Magic de prendre un dernier tir. Stan Van Gundy prend un temps-mort et dessine un dernier système pour remporter le match. Avec si peu de temps à jouer, les possibilités sont limitées mais pas nulles. Turkoglu se prépare à remettre en jeu (non, vous ne rêvez pas, on va encore parler d’une remise en jeu décisive à mi-terrain), pendant que Rashard Lewis pose un écran dans l’axe dans le dos de Kobe, permettant à Courtney Lee de se démarquer vers le cercle. Turkoglu lance le ballon vers le cercle, le rookie prend son envol… et manque l’immanquable. Le ballon heurte la planche et roule brièvement sur le cercle avant de ressortir. Les deux équipes vont en prolongation mais Orlando vient de laisser passer sa chance. L’overtime sera dominé par Kobe et Gasol, donnant une victoire 101-96 à des Lakers qui s’en sortent très bien mais qui ne sont plus qu’à deux victoires de la consécration.
Ces deux premiers matchs ont laissé un goût amer dans la bouche du Magic. Le fantôme de 1995, quand Orlando s’est fait sweeper pour sa première apparition en finales, rôde aux abords de l’Amway Arena avant ce game 3. La pression est clairement sur les épaules des locaux, qui ne peuvent pas se permettre de perdre une nouvelle fois s’ils veulent entretenir l’espoir de gagner cette série. Ce sont pourtant les Lakers qui prennent le meilleur départ avec 17 points de Kobe dans le premier quart-temps, mais Orlando ne panique pas et revient progressivement, notamment grâce à Rafer Alston, enfin à la hauteur après un début de finale transparent. Les minutes passent et le niveau de jeu monte de plusieurs crans, Orlando essaie de distancer les Lakers par tous les moyens mais ceux-ci reviennent au contact grâce à des tirs primés de Kobe et Fisher. Le money time approche, mais son héros ne porte pas le maillot violet et or, il arbore le n°20 du Magic et il est français. Désigné comme le défenseur attitré de Bryant depuis le début de la série, Mickaël Piétrus s’apprête à vivre son heure de gloire en finales. Elle commence par une claquette à la limite du goal tending sur un tir manqué de Turkoglu, permettant à Orlando de prendre 2 points d’avance avec un peu plus de 2 minutes à jouer, 101-99. Les défenses cadenassent cette fin de rencontre et le score évolue peu.
Orlando est à 34 secondes de la première victoire en finale de son histoire et mène 104-102 grâce à un énorme tir de Rashard Lewis. C’est bien évidemment Kobe qui prend la responsabilité de ramener son équipe à hauteur. Gasol lui propose un écran en tête de raquette mais la paire Howard-Piétrus le bloque à la perfection. Le ballon roule par terre, Gasol se jette dessus mais Piétrus le dépossède du ballon une nouvelle fois, pour une action décisive qui permet à toute la salle d’exulter. Les Lakers n’étaient pas loin de réussir le coup parfait, mais c’est tout l’inverse qui se produit. Orlando reprend espoir.
Sur sa lancée, le Magic roule sur la première mi-temps du game 4, achevée sur le score de 49-37. Les Lakers sont plus en danger que jamais dans cette finale, comment vont-ils surmonter cette nouvelle vague d’adversité ?
Et bien comme ils l’ont fait toute l’année, chers lecteurs, en se recentrant sur les fondamentaux : défense et intensité. On ne sait pas quels mots ont été trouvés par Phil Jackson pour remettre ses troupes sur le droit chemin, toujours est-il que l’équipe qui revient sur le parquet après la pause n’a pas grand chose à voir avec celle qui était présente 15 minutes plus tôt. Trevor Ariza est omniprésent et se rappelle au bon souvenir de son ancienne équipe en amorçant le comeback des Lakers. L’ailier inscrit 13 points dans le seul troisième quart-temps, assortis d’actions défensives toutes plus importantes les unes que les autres. Orlando n’y arrive plus du tout, prend un 30-14 sur le coin de la figure et perd toute l’avance créée jusqu’alors. Avec 12 minutes à jouer, LA mène 67-63 mais les floridiens se remettent la tête à l’endroit et un nouveau chassé-croisé se met en place dans le money time. Hedo Turkoglu marque deux énormes tirs coup sur coup et Orlando pense avoir fait le plus dur : 87-84, et une dernière possession qui viendra entériner leur victoire s’ils marquent. Les Lakers font prise à deux sur le porteur mais le ballon circule bien jusqu’à trouver Dwight Howard sous le cercle, qui s’élève pour dunker et tuer le match, avant d’être arrêté par une faute de Kobe.
Prenons quelques instants pour analyser la situation. Howard vient de réaliser un match dantesque en défense, établissant un record des finales avec 9 contres. Il vit ses premières finales et son équipe est proche de revenir à égalité après 4 matchs. Beaucoup de choses doivent se bousculer dans sa tête au moment de se placer sur la ligne de réparation, exercice dans lequel il ne brille déjà pas particulièrement en temps normal, soyons honnêtes. Il faut pourtant en inscrire au moins un des deux pour sécuriser la victoire…
De manière extrêmement surprenante, Howard échoue dans ses deux tentatives, à la Nick Anderson, et laisse une ultime chance aux Lakers de revenir. Ils cherchent évidemment Kobe, mais celui-ci est pris en tenaille sur la remise en jeu, et est obligé de transmettre à Ariza, qui donne à Fisher. Le meneur s’avance jusqu’à la ligne des 3 points, s’arrête, et déclenche un tir sans aucune hésitation alors qu’il n’a pas mis une banderille de la soirée. Et bien sûr, parce que c’est Derek Fisher, ça fait ficelle.
Comble de la cruauté pour Orlando, le meneur va récidiver 5 minutes plus tard. La prolongation est une nouvelle fois extrêmement disputée et nous sommes à 91-91 dans la dernière minute. Kobe est dos au panier sur Piétrus, quand Jameer Nelson se sent inspiré et lâche son marquage sur Fisher pour venir doubler, sans qu’aucun joueur du Magic ne vienne compenser. Bon, si en plus vous commencez à donner le bâton à Fisher pour qu’ils vous batte, il ne faut pas venir pleurer derrière. Le n°2 assassine Orlando d’un nouveau tir primé, et les champions de l’Est ne s’en remettront pas. 99-91, LA vient de faire un pas de géant vers le titre.
Impitoyables, les Lakers ne laisseront aucune chance au Magic de sauver l’honneur dans le match 5. Cette dernière victoire sera symbolique de ce qu’est devenue cette équipe : un Kobe franchise player mais pas dictateur (30 pts), avec des lieutenants bien plus entreprenants que de simples spectateurs. Pau Gasol, Lamar Odom, Trevor Ariza et Derek Fisher dépassent tous les 10 unités lors du match 5, dominé de la tête et des épaules. Howard est une nouvelle fois très bien verrouillé par la raquette de LA, et Orlando est obligé d’admettre sa défaite, dépassé par une équipe qui joue son meilleur basket au meilleur moment. Le chrono s’écoule lentement jusqu’à son terme, officialisant le couronnement des Los Angeles Lakers, champions NBA 2009. C’est la fin du voyage, l’aboutissement parfait d’un périple amorcé dans les couloirs du Palace d’Auburn Hills 5 ans plus tôt.
Epilogue
Le bus avance lentement, sous la chaleur du soleil de LA. Sa fille dans un bras, le trophée de MVP des finales dans l’autre, Kobe contemple les dizaines de milliers de personnes venues acclamer le triomphe de celui qu’elles auraient pu renier deux ans plus tôt. En 5 ans, l’image du n°24 est passée de star impossible à coacher à leader charismatique de la meilleure équipe de basket au monde, d’enfant terrible à légende à qui tout, ou presque, est pardonné. Les caprices qui ont causé le départ du Shaq ? Oubliés. Les tensions avec Phil Jackson ? Elles se sont apaisées au fil du temps avant de disparaître sous des litres de champagne dans les vestiaires de l’Amway Arena. Un résultat inespéré, qui ne tient qu’à la soif maladive de victoires de deux hommes qui ont accepté de faire un pas vers l’autre pour le bien commun.
Car si Kobe a accompli un énorme travail sur lui-même, le Zen Master a également su mettre de l’eau dans son vin pour arriver à tirer toute la quintessence de son groupe. Le sacro-saint triangle est toujours là mais s’est vu quelque peu altéré, pour permettre à Kobe et Gasol de briller de mille feux. Comme d’habitude, Jackson aura le triomphe modeste, en insistant sur la performance de ses joueurs plutôt que sur son rôle. Mais personne ne se fait d’illusion quant à sa capacité hors du commun à créer une alchimie et à amener une équipe, quasiment systématiquement, à accomplir son destin. Toujours philosophe, à la limite du mystique, il déclare, lors de son discours devant les fans : “La bague, ce n’est pas seulement cet anneau doré, c’est le cercle qui a créé un lien entre tous les joueurs”.
La phrase peut prêter à sourire mais n’est certainement pas dénuée de vérité. Au-delà de Kobe Bryant et Phil Jackson, cette victoire est avant tout celle d’un groupe. Des Lakers défaits en 2004, il ne reste que Kobe, Fisher et Walton. Il a fallu reconstruire une équipe, retrouver les éléments pour se hisser à nouveau au firmament de la ligue. Il y a eu quelques erreurs de casting, mais aussi des pioches fabuleuses. Tous ont apporté leur pierre à l’édifice, avec des actes de bravoure accomplis jusque dans les moments les plus critiques de la saison. Que ce soit pour les moves de Gasol au poste, le style de jeu atypique d’Odom, les tirs cruciaux de Fisher, l’intensité d’Ariza ou la présence dissuasive de Bynum, il est tout bonnement impossible de résumer ce titre au Zen Master et son disciple.
La formule a mis du temps à apparaître, mais lorsque la mise en route s’est faite, Los Angeles est devenu un rouleau compresseur dont la domination ne souffre d’aucune contestation. La décennie s’achève comme elle avait commencé, avec les Lakers au sommet de la NBA, et un appétit encore loin d’être assouvi. Ils conserveront ainsi leur couronne en 2010, complétant leur oeuvre en prenant leur revanche sur les Celtics au bout de 7 matchs absolument dantesques. Ce sera leur dernière apparition en finale, avant de passer le flambeau, indirectement, au Heat de LeBron puis aux Warriors de Curry. Jusqu’à la prochaine reconquête ?