Attention, subjectivité ! Par définition, la beauté est propre à chacun. Dès lors, tenter de déterminer quelle est la plus belle des bagues de l’Histoire nous mènera forcément à travers les méandres de la partialité. Avec cette série, l’objectif est de faire battre notre cœur de fan, et de revivre les grands moments des plus beaux sacres. Aujourd’hui, mettons un coup de projecteur sur le titre des Boston Celtics en 1984.
Pour lire ou relire l’épisode 1, consacré au sacre des Dallas Mavericks en 2011
Pour lire ou relire l’épisode 2, consacré au sacre des Chicago Bulls en 1996
Alors que la saison 2018-2019 s’est prématurément achevée du côté de Boston, l’heure est venue de rappeler à ses innombrables fans les heures les plus chatoyantes de leur vaste Histoire. Prenons la direction de la saison 1983-1984, à l’issue de laquelle Larry Bird & consorts ont remporté le quinzième titre de la maison verte. Ce sacre, intervenu à la suite d’une saison régulière remarquable et d’une campagne de playoffs acharnée et inoubliable, est encore aujourd’hui cité parmi les plus beaux de tous les temps. Rétrospective.
I. Les attentes de pré-saison
Les Celtics de Boston ont connu deux grandes et fastes périodes. Lors de la première, ils ont tout simplement bâti la plus grande dynastie de tous les temps. Au cours de celle-ci, ils ont vampirisé le titre NBA durant toute la décennie 1960. Onze bagues en treize ans entre 1957 et 1969 pour la bande de Bill Russell qui, à titre personnel, faisait partie des onze campagnes victorieuses. Il va sans dire que jamais plus la franchise de Boston n’a connu une telle période de domination. Néanmoins, après avoir glané deux titres au cours des seventies, le début des années 1980 fut le théâtre d’une nouvelle période triomphante du côté des Celtics. Cette période porte l’empreinte indélébile d’un des plus grands joueurs de tous les temps : Larry Bird.
Larry Bird est devenu, dès sa saison rookie, le visage de la mythique franchise des Celtics. Il deviendra très rapidement l’un des deux visages de la NBA. Celle-ci a, en effet, énormément capitalisé sur la rivalité entre Larry Bird et Magic Johnson, que tout oppose au premier coup d’œil, pour attirer un nouveau public et redorer son image. Au-delà de ce statut médiatique, l’impact sportif de Bird du côté de Boston s’est immédiatement fait ressentir. Alors que les Verts restaient sur une saison 1978-1979 conclue avec 29 victoires, les Celtics version 1979-1980 termineront premiers de la conférence Est avec 61 victoires. Soit un total de +32 victoires d’une saison à l’autre, bilan que très peu de rookies peuvent se targuer d’avoir (Larry Bird, David Robinson et Tim Duncan).
Pourtant, tout le monde n’était pas forcément convaincu par le potentiel du jeune Bird. Red Auerbach, General Manager de Boston en 1979, était alors réticent à faire signer un gros contrat à son rookie, puisqu’il estimait :
“Un ailier ne peut pas dominer un match, au contraire d’un pivot ou d’un meneur”.
Comme quoi, vous pouvez être l’un des meilleurs coachs de l’Histoire et l’un des General Manager les plus estimés, cela ne vous empêchera jamais de dire, parfois, des énormités.
En effet, Bird va faire mentir Auerbach dans des proportions gigantesques. Pour ses trois premières saisons, il a connu deux défaites en finales de conférence. Il est aussi le leader de l’équipe qui remporta le titre NBA en 1981, aux côtés de Tiny Archibald, Cedric Maxwell (MVP des finales), Robert Parish ou encore Kevin McHale.
Néanmoins, les résultats probants des trois premières saisons de la décennie 1980 vont connaître un coup d’arrêt. La saison 1982-1983 s’est achevée en demi-finale de conférence pour Bird et sa bande, qui furent sweepés par des Bucks de Sidney Moncrief et Bob Lanier. C’est en gardant à l’esprit cette défaite retentissante que les Celtics ont entamé leur saison 1983-1984.
Entre les deux saisons, le roster de la franchise a quelque peu évolué. Le 22 juillet 1983, le vieillissant Tiny Archibald est coupé de l’effectif. Il rebondira à Milwaukee, pour une dernière saison au sein de la grande Ligue. Les plus modestes Charles Bradley et John Schweitz connurent le même sort au mois d’octobre. Le départ d’Archibald est compensé numériquement par l’arrivée de Dennis Johnson, futur Hall-of-famer, en provenance des Phoenix Suns. Dès lors, à l’aube de la saison 1983-1984, Boston dispose du cinq majeur suivant : Gerald Henderson, Dennis Johnson, Cedric Maxwell, Larry Bird, Robert Parish. Le sixième homme n’était autre que Kevin McHale, All-Star cette année là.
Tout ce petit monde est coaché par K.C Jones, lui qui restait sur six saisons en tant qu’assistant coach au sein de la franchise. Lancé dans le grand bain en tant qu’head coach, Jones aura la lourde tâche de remplacer le coach sortant, Bill Fitch, qui affiche comme plus mauvais bilan une saison conclue avec 56 victoires. Autant dire que l’enjeu est grand pour K.C Jones.
La casquette d’entraîneur principal ne lui est toutefois pas inconnue, puisqu’il a dirigé les Bullets de Washington durant trois saisons avant de devenir assistant coach à Boston. Il est d’ailleurs entraîneur de l’équipe des Bullets de 1975, qui dominera l’ensemble de la conférence Est, avant d’échouer en finale contre les Warriors de Rick Barry. Red Auerbach a donc jeté son dévolu sur un homme qui possède une solide expérience au sein de la maison verte, mais qui, de surcroît, a déjà obtenu des résultats convaincants en tant que coach principal d’une équipe.
Dès lors, à l’instar de toutes les saisons depuis l’arrivée de Larry Bird au sein de la franchise, les attentes sont grandes du côté du Massachusetts. Comme toujours, Boston entre à grand fracas dans le wagon des favoris au titre NBA. Pour autant, les Celtics n’ont pas forcément toutes les faveurs des bookmakers. Au sein de la conférence Est, les Sixers viennent d’écraser l’intégralité de la Ligue pour remporter, en 1983, le second titre de leur Histoire. Menés par Julius Erving et Moses Malone, qui viennent de rafler les trois derniers titres de MVP, les Sixers font légitimement office d’épouvantail de la conférence Est.
Au sein de cette même conférence, une autre franchise prétend à une place en finale NBA. Les Bucks, coachés par Don Nelson, restent sur quatre campagnes de playoffs plus que probantes, dont une finale de conférence l’année précédente, après – rappelez-vous – avoir corrigé les Celtics. Les cadres de la saison 1982-1983 n’ont pas bougé, et Tiny Archibald se verrait bien couper l’herbe sous le pied de ses anciens coéquipiers. Les Knicks, de leur côté, n’ont plus connu de finale de conférence depuis 1974, et s’apprêtent à bâtir l’une des meilleures équipes des dix prochaines années, en draftant Patrick Ewing en 1985. Néanmoins, sur la ligne de départ de la saison 1983-1984, le roster de la franchise New-Yorkaise ne semble pas suffisant pour se tailler une place vers les sommets de la Ligue.
De l’autre côté du pays, tous les observateurs ont les yeux rivés sur une seule franchise : les Lakers de Los Angeles. L’effectif de la franchise est tout bonnement lunaire, et son cinq majeur a de quoi effrayer n’importe quel adversaire.
La mène est confiée à celui qui deviendra le meilleur meneur de l’Histoire, en la personne de Magic Johnson. Parfait contraire de Bird, Magic entame sa cinquième saison et reste sur un exercice 1982-1983 en quasi triple-double : 16,8 points, 8,6 rebonds, 10,5 passes décisives. Johnson partage principalement le backcourt avec le plus anonyme Mike McGee. Le frontcourt, quant à lui, est tout bonnement composé de trois futurs hall-of-famer. Les postes à l’aile sont partagés entre Jamaal Wilkes et James Worthy, tandis que l’indéboulonnable Kareem Abdul-Jabbar occupe le poste de pivot. Un cinq majeur digne d’un monstrueux film d’horreur, pour une franchise qui reste sur deux finales NBA (une victoire, une défaite).
Les chevaux furent lâchés le 28 octobre. L’ensemble des supporters espèrent alors voir, en finale NBA, un affrontement entre les deux franchises historiques du pays : les Celtics et les Lakers. East Coast versus West Coast. Les verts contre les jaunes. Bird contre Magic. Et, bien entendu, à l’issue d’une saison régulière maîtrisée de bout en bout, la prophétie allait se réaliser. Pour le plus grand bonheur de tous les fans de balle orange.
II. La saison régulière est un long fleuve tranquille
En ce 28 octobre 1983, les Celtics se déplacent chez les Pistons de Détroit. Chuck Daly vient tout juste de poser ses valises du côté du Michigan, et s’apprête à créer les bad boys qui rouleront sur la NBA en fin de décennie. Certains joueurs de cette équipe mythique foulent déjà le parquet en cet automne 1983 : Isiah Thomas et Bill Laimbeer, pour ne citer qu’eux. Toutefois, cela fait désormais six ans que la franchise de Détroit n’a pas connu les joies des playoffs. Et pourtant, pour ce match inaugural, ce sont bien les Pistons qui empochent la victoire, 127 – 121. Les Celtics ont loupé la première partie de leur opération rachat, eux qui ont encore la joue chaude après l’immense claque assénée l’année passée par les Bucks.
Considérons cette première rencontre comme un échauffement. Dès le second match, la “machine Celtics” s’est mise en route. Avec, comme résultat, neuf victoires consécutives. Après dix matchs, les Celtics ont donc déjà pris les rênes de la Conférence Est, pour ne plus jamais les lâcher. Notons tout de même que, pour ce run de neuf victoires, Boston a bénéficié d’un calendrier relativement favorable. Les joueurs du Massachusetts ont ainsi croisé le fer avec quatre franchises qui se qualifieront finalement en playoffs. Les plus matheux d’entre-vous comprendront donc que cinq rencontres ont été disputées contre des équipes qui prendront place sur leur canapé une fois le printemps arrivé.
Et encore. Parmi les quatre équipes qualifiées pour la post-season, nous retrouvons tout d’abord les Washington Bullets, qui décrocheront le huitième spot qualificatif avec un piteux bilan de 35 victoires pour 47 défaites. A titre de comparaison, jamais une franchise ne s’est qualifiée en playoffs avec un bilan aussi faible au XXIème siècle. De la même manière, les Celtics se sont imposés (140 – 124) sur le terrain des Denver Nuggets, qui termineront la saison avec un sésame pour les playoffs, malgré un bilan de 38 victoires pour 44 défaites. Enfin, remarquons que les Bulls qui ont subi le courroux de la bande de Bird se préparent à une énième saison galère, la dernière avant la draft de Michael Jordan en 1984.
Au-delà de ce bilan provisoire de neuf victoires pour une seule défaite, nous constatons que les Celtics ont entamé leur saison statistique sur les chapeaux de roue. Sur ces dix rencontres, le rating offensif de la franchise est de 119,9 (contre 110,9 à la fin de la saison). Si l’attaque est ultra performante, la défense, elle, est également permissive : 109 de defensive rating au 15 novembre 1983, contre 104 à la fin de la saison régulière. Les curieux qui se déplacent au Boston Garden en ont donc pour leur argent, avec des matchs globalement très offensifs.
Alors qu’ils semblaient jusqu’alors parfaitement huilés, les rouages des Celtics vont soudainement se gripper. En back-to-back après la probante victoire contre les Nuggets, les joueurs de K.C Jones se rendent sur le parquet d’un Utah Jazz moribond. Pourtant emmené par Adrian Dantley, scoreur incroyable qui reste sur trois saisons à plus de 30 points de moyenne, le Jazz affiche un bilan négatif (4 victoires, 5 défaites) à l’heure de recevoir des Celtics en pleine bourre.
Et pourtant, à l’issue des quarante-huit minutes de match, c’est bel et bien Parish, McHale et compagnie qui sortent du Salt Palace la tête basse. Après un premier quart temps serré, les joueurs de Salt Lake City ont pris la tête de la rencontre juste avant la mi-temps, pour ne plus jamais être repris. Le Jazz a notamment profité de la défaillance de Larry Bird, qui termine la rencontre avec 8 petits points, à 4/15 au tir et 38 minutes de jeu. A titre de comparaison, sur les 79 matchs que Larry legend disputera au cours de cette saison régulière, il dépassera la barre des 10 points à … 77 reprises.
Malheureusement pour les Celtics, la piteuse performance de Bird contre le Jazz n’était pas qu’un accident passager. L’ailier va connaitre l’une des pires semaines de sa carrière de joueur, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. Cette défaite contre le Jazz n’est, en effet, que la première d’une série anormalement longue pour une franchise prétendante au titre. Sur les quatre rencontres prévues entre les 16 (sur le parquet du Jazz) et 22 novembre 1983, les Celtics vont ainsi enchaîner quatre défaites.
Vous me direz, à juste titre d’ailleurs, que l’enchaînement de quatre défaites au cours d’une saison régulière n’a rien d’alarmant. C’est tout à fait vrai. Néanmoins, chaque rencontre est source d’information. En l’espèce, ces défaites ont toutes été concédées contre des équipes qui seront finalement prétendantes à une place en finale NBA. En effet, le Jazz, malgré son début de saison en dent de scie, va terminer sa saison régulière à la seconde place de la conférence Ouest, derrière les intouchables Lakers. Hasard du calendrier, ce sont ensuite les Knicks, à deux reprises, ainsi que les Sixers, qui se dressent sur le chemin des Celtics.
Résultat, trois défaites en autant de rencontres, avec un écart final qui n’a jamais atteint la dizaine de points. Trois matchs serrés, au cours desquels Larry Bird fut absolument méconnaissable : 17 points de moyenne, 9 rebonds, 8 passes décisives. En tant que telle, la ligne statistique ferait rêver l’immense majorité des joueurs de NBA. Néanmoins, le numéro 33 des Celtics avait manifestement laissé son adresse à la maison. Lui qui est considéré par certains comme le meilleur shooteur de l’Histoire, affiche un très vilain 21/61 au tir sur l’ensemble de ces trois défaites, soit 34,4% de réussite. Loin, très loin du joueur qui créera le club des “50-40-90” en 1986-1987, pour rééditer cette incroyable performance en 1987-1988.
La seconde de ces quatre défaites est concédée à Boston, contre les Knicks d’un Bernard King très inspiré : 32 points à 13/19 au tir. Côté Massachusetts, c’est la performance globale des joueurs qui est en-deçà des standards, avec une adresse en berne. C’est là un élément rassurant pour les Celtics : ils n’ont perdu que de sept points alors que la quasi intégralité du roster a joué avec des moufles.
Ces moufles, la plupart des joueurs les ont laissées au vestiaire du Wells Fargo Center, pour une rencontre au sommet contre Philadelphie. Les Sixers semblent être les seuls du côté Est du pays à pouvoir regarder l’effectif de Boston droit dans les yeux, sans sourciller. Nous avons d’ores et déjà cité les noms de Julius Erving et de Moses Malone. Ce dernier peut d’ailleurs être légitimement considéré comme le meilleur joueur au monde en ce début de décennie 1980, comme en attestent ses trois titres de MVP (1979, 1982, 1983). A leurs côtés se retrouve notamment Maurice Cheeks, meneur de talent et introduit au Panthéon des joueurs en 2018. Le backcourt est également composé d’Andrew Toney, joueur plus discret que ses coéquipiers, mais relativement précieux lorsqu’il s’agit de mettre le ballon dans le panier.
Au terme d’une rencontre âpre et défensive, c’est Philadelphie qui s’impose d’un petit point. Larry Bird a entrainé son compère Dennis Johnson dans les affres de la maladresse chronique. A eux deux, ils cumulent la moitié des tirs ratés par l’ensemble de l’équipe (21 sur 43), et ont forcément hypothéqué les chances de victoire de Boston.
Le dernier épisode de cette quadrilogie de défaites se tient sur le parquet du Madison Square Garden. Digne d’une version longue du Seigneur des anneaux, la rencontre fut particulièrement haletante, avant que Boston ne rende les armes lors de la seconde prolongation.
Ainsi, alors que les Verts dominaient de la tête et des épaules la conférence Est, cette série de quatre défaites les a fait redescendre de l’Olympe sur lequel ils s’étaient juchés. De là à considérer cette équipe comme banale ? Pauvres fous ! Alors que seul un huitième de la saison n’a été joué, les Celtics comptabilisent déjà, sans le savoir, un quart de leurs défaites. Jamais plus, lors de cette saison, ils ne perdront plus de deux fois d’affilée. Comme si, du côté du Boston Garden, un brillant scientifique avait inventé un vaccin contre la défaite.
C’est ainsi que s’ouvre, le 25 novembre 1983, le second volet de la saison des Celtics. Désormais, que ce soit à domicile comme à l’extérieur, les joueurs de K.C Jones se montrent intraitables. Il fallait d’ailleurs bien cela pour suivre le rythme effréné adopté par les Lakers de l’autre côté du pays. Plus que jamais, la franchise de Los Angeles se positionne en favorite au titre, et toute la Ligue semble chercher un moyen de faire plier l’ogre Jaune.
Toute ? Non ! Une irréductible franchise résiste encore et toujours à l’envahisseur aux Lakers. Nous y reviendrons plus longuement, mais les Celtics, menés par un Bird au physique de svelte gaulois, se chargeront de ramener les stars hollywoodiennes à la réalité du terrain.
Pourtant, en cette saison régulière, Boston peine à élever son niveau contre les franchises qui postulent au titre NBA. D’un côté, les matchs contre Philadephie se soldaient souvent par des rencontres ultra serrées. Néanmoins, force est de constater que sur l’ensemble des six rencontres entre ces deux franchises, les Celtics en ont perdu quatre.
D’un autre côté, les deux confrontations contre les Lakers ont tourné à l’avantage de ces derniers, avec une formule connue de tout le monde : le jeune Magic à la passe (14 de moyenne sur ces deux rencontres) et Abdul-Jabbar à la finition (30 points de moyenne, à 36 ans).
Ces deux franchises mises à part, les Celtics passent l’ensemble de la Ligue à la moulinette. Ils terminent finalement la saison avec le meilleur bilan de toute la NBA, avec 62 victoires pour 20 défaites. De quoi leur assurer l’avantage du terrain jusqu’en finale NBA, si, bien sûr, finale il y a. Vous qui lisez cet article, vous l’avez compris : finale il y aura.
Tout en produisant un jeu relativement lent pour l’époque (99,7 de PACE, 15ème rang de la NBA), les Celtics s’appuient à la fois sur une attaque performante et sur une défense imperméable. Au final, c’est avec des certitudes quasi absolues des deux côtés du terrain (6ème offensive rating, 3ème defensive rating), que les Celtics se préparent à croquer dans les playoffs.
Dans une Ligue composée alors de vingt-trois franchises, les Celtics termineront avec un bilan positif contre dix-sept d’entre-elles. Parmi les équipes qui parviendront à faire jeu égal avec les Celtics, nous retrouvons trois franchises de la conférence Ouest : le Jazz, les Rockets et les San Diego Clippers (1-1). Les Knicks, de leur côté, ont remporté trois des six matchs qui les ont opposé à Boston (3-3). En conséquence, comme nous l’avons évoqué, Boston ne présente un bilan négatif que contre les Sixers et les Lakers. Un mal pour un bien, serions-nous tentés de dire. Une rencontre Celtics-Sixers en playoffs est bien entendu envisageable, mais pas avant les finales de conférence. Au-delà, fort logiquement, les Verts de Boston ne rencontreront les Jaunes de Los Angeles qu’en cas de qualification pour les finales NBA.
Si le bilan collectif de cette saison régulière est si bon, c’est notamment parce que l’ensemble des cadres de l’équipe ont évolué à haut niveau. Trois d’entre eux ont pris part au match des étoiles, dont le sixième homme, Kevin McHale. A la lecture des temps de jeu de chacun des membres du roster, on constate que l’effectif est scindé en deux. D’un côté, six joueurs qui passent tous entre 26 et 38 minutes sur les parquets. Nous y retrouvons bien entendu les cinq titulaires, ainsi que McHale, qui possède le quatrième temps de jeu le plus important de l’effectif. De l’autre côté, nous retrouvons six joueurs de rotation, au temps de jeu bien plus modeste, et parmi lesquels figure notamment Danny Ainge, actuel General Manager de la maison verte.
Larry Bird, lui, domine les débats. Il est le meilleur marqueur, le meilleur passeur et le meilleur intercepteur de la meilleure équipe de la Ligue. Précisons qu’à 0,5 rebond près, Bird aurait également piqué le titre honorifique de meilleur rebondeur au pivot de l’équipe, Robert Parish. Bird n’a d’ailleurs pas uniquement dominé les catégories statistiques au sein de sa propre équipe. Il a éclaboussé de son talent l’entier pays, au point d’être nommé, pour la première fois de sa carrière, MVP de la saison. Le premier de ses trois titres consécutifs. Bird a commencé sa razzia, et il semblerait que sa faim de victoires ne se cantonne pas qu’à la saison régulière. Le voilà lancé dans l’une des plus belles campagnes de playoffs de l’Histoire avec, sur son dos, les espoirs de toute la communauté des Celtics.
III. Les playoffs : les formalités de la conférence Est
En tant que solide leader de la conférence Est, les Celtics s’octroient le luxe d’affronter les Wahington Bullets au premier tour des playoffs. Pour rappel, si les Bullets se sont bel et bien qualifiés, leur bilan reste extrêmement faiblard (35 victoires). Tout un chacun imagine donc que l’affrontement va virer au massacre en règle, et que les joueurs de la capitale se feront magistralement corriger. C’est trop vite oublier que sur les six affrontements entre les deux franchises lors de la saison régulière, Washington en a tout de même remporté deux.
A cette époque, jamais un huitième n’avait réalisé l’exploit d’éliminer le premier de conférence au premier tour des playoffs. Ce ne sera pas non plus pour cette année. Il faudra attendre les playoffs 1994 pour voir les Nuggets se qualifier en cinq rencontres aux dépends des Sonics du duo Payton – Kemp.
Ainsi, vous l’aurez compris, c’est Boston qui compostera son ticket pour les demi-finales de conférence. Tout n’a néanmoins pas été simple pour les Verts du Massachusetts. Dans un premier tour qui se joue en trois matchs gagnants, Boston aura eu besoin de quatre rencontres pour venir à bout d’accrocheurs Bullets. La faute à une défaite, en prolongation, lors du game 3. Au-delà, chacune des victoires des Celtics a été accrochée (4,3 points d’écarts en moyenne).
Ces quatre rencontres n’offrent pas d’éléments notables qu’il conviendrait de souligner. Disons tout de même qu’à l’instar de bien des coachs, K.C Jones profite des playoffs pour resserrer ses rotations. Alors qu’il avait pour habitude d’utiliser douze joueurs différents en pleine saison régulière, ce sont huit joueurs qui ont foulé les parquets contre les Bullets. Seuls trois joueurs de banc ont fait leur entrée sur le terrain, et le temps de jeu des titulaires a, par conséquent, drastiquement augmenté.
Côté Bullets, saluons la condition physique du pivot Jeff Ruland. Joueur plus qu’honorable, deux fois All-Star dans sa carrière (1984 et 1985), Ruland a terminé la saison régulière 1983-1984 avec un bon gros double-double : 22,2 points et 12,3 rebonds avec, quand même, 4 passes décisives. Surtout, il est celui qui a passé le plus de temps sur les parquets, 41,1 minutes de moyenne par rencontre. Le côté marathonien de Jeff Ruland se retrouve au cours de ce premier tour des playoffs. Sur les 197 minutes jouées en quatre rencontres (48 x 3 + 52), le pivot américain en a disputé … 187. Il a donc passé 95% de la série sur le terrain, en étant clairement le leader offensif de cette vaillante équipe de Washington.
Néanmoins, l’endurance de Ruland n’y fait rien et ce sont bel et bien les Celtics qui rejoignent les Knicks au second tour des playoffs, après une victoire 99 – 96 acquise à l’extérieur.
En effet, les Knicks, qui semblaient posséder un roster moyen, sont tout de même parvenus à terminer la saison régulière à la cinquième place de la conférence Est. Mieux encore, ils ont éliminé, au meilleur des cinq matchs, les Pistons d’Isiah Thomas et de Chuck Daly.
Cette qualification porte, plus que jamais, le sceau de Bernard King, franchise player des Knicks. Joueur au potentiel offensif hors du commun (32,9 points de moyenne lors de la saison 1984-1985), Bernard King a tout simplement réalisé une série all-time : 42,6 points de moyenne à 60% au tir, 8 rebonds et 2,5 passes décisives. Soit la bagatelle de 213 points en cinq rencontres, pas très loin du record détenu par Michael Jordan (226 points en 5 rencontres contre les Cavs en 1988). Bernard King, qui porte décidément plutôt bien son nom, échoue également non loin d’un autre record, celui de la moyenne de points sur une série de playoffs : 46,3 points (Jerry West contre les Bullets en 1965).
La demi-finale qui s’ouvre entre ces deux gros marchés de la conférence Est semble indécise. Rappelons que les Knicks ont remporté trois des six confrontations en saison régulière. Pourtant, les deux premières rencontres, disputées au Boston Garden, se soldent par deux victoires très nettes des locaux.
Le premier match est dominé de bout en bout par les hommes de K.C Jones, qui se sont rapidement contentés de gérer leur avance. Avec quatre joueurs à 14 points ou plus les Celtics ont étouffé les Knicks d’un Bernard King bien trop seul. Celui-ci termine tout de même meilleur marqueur du match (26 points). 26, ce n’est même pas le total de points inscrits en cumulé par Truck Robinson, Bill Cartwright et Ray Williams, trois autres titulaires (9 + 6 + 7). La victoire des Celtics, 110 – 92, ne souffre donc d’aucune contestation.
Il en ira de même pour la seconde rencontre. Amis du suspens, passez votre chemin. Boston a remporté les quatre quart-temps, pour une victoire finale 116 – 102. Pourtant, un vent de rébellion a agité les joueurs de la Grosse Pomme. Ils sont désormais six a atteindre la barre des 10 points. Malheureusement pour eux, cet effort collectif sera ruiné, une fois n’est pas coutume, par la piètre prestation de Bernard King (13 points à 31% au tir). Un King dans ses habituels standards aurait pu permettre aux Knicks de pousser les Celtics dans leurs retranchements.
Côté Verts, soulignons la Masterclass de Larry Bird, qui possède le meilleur offensive rating et le meilleur defensive rating de la rencontre. Sa performance est digne du MVP en puissance qu’il est récemment devenu : 37 points à 73% au tir (16/22), 11 rebonds, 4 passes, 4 interceptions, 2 contres. Une chose est certaine : si un génie scientifique est parvenu à créer le vaccin contre la défaite, il n’est pas parvenu à inventer celui contre la boulimie statistique de Bird.
Alors que la série se déplace à New-York, tout suspens sur la qualification finale semble avoir disparu, tant les Celtics ont dominé les débats. Amis des “remontadas”, bienvenu ! En deux rencontres au Madison Square Garden, New-York va réussir l’exploit de mettre les pendules à l’heure, et de faire douter les imperturbables Celtics.
Pour une fois, les Knicks ont tous évolué à haut niveau lors du game 3, remporté 100 – 93. Ce n’est toutefois pas, à mon sens, l’origine de leur victoire. Celle-ci se retrouve plutôt du côté de la performance indigeste de certains joueurs des Celtics. Johnson, Maxwell et McHale cumulent un incroyable 4/25 au tir, soit 16% de réussite. Ce n’était plus des moufles qu’ils avaient, mais des moignons. Bird et Parish, eux, ont sorti leurs performances habituelles, mais insuffisantes pour compenser la maladresse de leurs coéquipiers.
A partir de la quatrième rencontre, Bernard King redevint le tueur qu’il fut lors du premier tour de ces playoffs. C’est lui, uniquement épaulé par Ray Williams, devenu sixième homme, qui assassina les Celtics pour remettre la balle au centre dans la série. 43 points salutaires, qui ont permis aux Knicks de conserver leur avantage acquis dès le premier quart-temps (remporté 36 – 25). Au final, une victoire méritée pour des courageux Knicks, qui retournent à Boston avec la sensation d’un travail bien fait.
Alors que le “collectif Boston” s’est montré une nouvelle fois intraitable à domicile (blow-out 121 – 99), les Verts ont l’occasion de composter leur ticket vers la finale de conférence au cours d’un game 6. Celui-ci peut quasiment se résumer à un mano à mano entre les deux meilleurs joueurs de chaque franchise. King et Bird se répondent coup pour coup. Si la première mi-temps est à l’avantage des bleu et orange de New York (+9), la seconde porte la marque d’un Bird bien décidé à se passer d’un septième match. Au final, Larry Legend et ses 35 points à 50% au tir devront déposer les armes face aux 44 points d’un Bernard King incandescent et inarrêtable. Résultat, 106 – 104 pour les Knicks. A l’instar de la saison régulière, New-York aura bien embêté son voisin de Boston.
La grandeur d’un champion se mesure, parait-il, lorsqu’il se retrouve au pied du mur. Le 13 mai 1984, les Celtics jouent leur qualification devant leur public. Une défaite serait synonyme d’un échec retentissant. Dès lors, pour s’assurer une victoire tranquille, quoi de mieux que de battre son record de points en post-season ? Je vais vous le dire : battre son record de points en réalisant un triple-double. C’est la performance réalisée par Larry Bird en ce game 7.
A l’instar de toutes les rencontres disputées à Boston au cours de cette série, il n’y a pas eu match. Jamais Boston n’a tremblé. Pourtant, les Knicks ne réalisent pas forcément une mauvaise rencontre. C’est simplement que Bird se trouvait sur une autre planète. Au-delà d’enregistrer son quatrième triple-double de la campagne, Bird a dégouté ses vis à vis avec une facilité déconcertante. 39 points (54% au tir, quand même), 12 rebonds, 10 passes décisives et le droit de s’octroyer une revanche contre les Bucks en finale de conférence. Avec cette performance, Bird devient le quatrième joueur à valider un 35 – 10 – 10 en playoffs (avec Oscar Robertson, Wilt Chamberlain et Kareem Abdul-Jabbar, des joueurs honnêtes).
Plus que mes mots, le plus bel hommage vient probablement d’Hubie Brown, coach des Knicks :
“J’espère que personne ne sous-estime la performance de Larry Bird, Il était remarquable”.
Quoiqu’il en soit, cette performance permet aux Celtics de retrouver les Bucks en finale de conférence. Si les deux franchises évoluaient en jaune, nous pourrions parler d’un Acte II. Curieusement, les Bucks, seconds de cette conférence Est, sont ceux qui, jusqu’à présent, présentent le moins bon bilan en saison régulière contre les Bostonois. Ces derniers n’ont en effet pas fait dans la dentelle, en remportant cinq des six matchs contre les daims. Il y a d’ailleurs eu de tout dans ces confrontations. Deux des cinq victoires des Celtics ont été acquises au finish et d’un petit point, dont une après une double prolongation (129 – 128 le 9 mars 1984). Les trois autres victoires sont assez similaires, avec un écart qui oscille entre 10 et 15 points.
La victoire de Milwaukee, quant à elle, est une véritable correction, aux airs de demi-finales de conférence 1983 (106 – 87, 37% au tir côté Celtics, dont 23% pour Bird).
Malheureusement pour notre récit, ces finales de conférence ne présentent pas un attrait spécifique. Les résultats, eux, sont la copie conforme de la saison régulière. Rares sont les anecdotes croustillantes qui viendraient embellir cette série de cinq rencontres. Car, en effet, Boston va tranquillement se qualifier en finale NBA, en disposant facilement de Milwaukee, sur le score final de 4 – 1. Petit clin d’oeil toutefois au game 2, remporté par les Celtics 125 – 110, au cours duquel le trio Bird – Johnson – McHale ont eu à tirer 30 lancers francs, pour … 30 filoches. Un joli clin d’œil au documentaire 30 for 30 d’ESPN.
Le fait que cette finale de conférence ne soit pas spécialement enthousiasmante est finalement un mal pour un bien. En effet, les finales NBA qui se profilent à l’horizon seront non seulement haletantes et indécises, mais également très riches en anecdotes. Elles sont le théâtre de la rencontre entre les deux franchises les plus iconiques et dominantes de l’Histoire. Chaque match, ou presque, possède une singularité qu’il convient de mettre en avant. Cessons le teasing et lançons-nous, dans ce qui peut, encore aujourd’hui, être considéré comme les plus belles finales de tous les temps.
IV : La finale NBA : à vaincre avec péril, on triomphe avec gloire
La rivalité entre Boston et Los Angeles ne date pas d’hier. Pourtant, à l’heure d’entamer ces finales 1984, force est de constater que la victoire, jusqu’alors, a très clairement choisi son camp. C’est déjà le huitième affrontement entre les deux équipes en finales NBA. Les sept premiers ont été remportés par Boston, entre 1959 et 1969. C’est dire si les deux franchises survolaient la NBA à cette époque. Certaines de ces finales ont accouché d’une souris (4 – 0 pour les Celtics en 1959), tandis que d’autres ont donné lieu à un suspens difficilement soutenable (4 – 3 en 1962, 1966 et 1969).
Évoquons très rapidement les finales 1969, qui auraient très bien pu faire l’objet d’un long format dans le cadre de cette série d’épisodes. A cette époque, tout le monde pense enfin assister à une victoire des Lakers, qui disposent en leur sein d’un trio fantastique : Jerry West, Elgin Baylor et Wilt Chamberlain. Trois des cinq meilleurs joueurs de la décennie, rien que ça. En face, l’effectif de Boston est également pléthorique : Sam Jones, John Havlicek, Don Nelson, Bill Russell … Au final, ce sont huit futurs hall-of-famers qui s’affrontent sur les parquets.
Toutes les rencontres, ou quasiment, sont serrées, et chacune des deux équipes remporte les trois premiers matchs joués à domicile. Ces victoires tiennent parfois à un cheveu (120 – 118 pour les Lakers au game 1, 89 – 88 pour les Celtics au game 4, sur un tir au buzzer de Sam Jones …). C’est le game 7 qui reste bien entendu en mémoire. L’organisation des Lakers avait disposé un nombre impressionnant de ballons au plafond, et comptait les lâcher dès le coup de sirène finale, synonyme, elle en était certaine, de victoire de ses protégés. Ces préparatifs de festivité n’ont que moyennement été appréciés par Bill Russell, qui, avant le match, prononcera ces paroles devenues légendaires :
“Ces p*tains de ballons resteront au plafond”.
Des paroles prophétiques, puisque les Celtics remportent le match sur le score, toujours serré, de 108 – 106.
Depuis 1969, les deux équipes ne se sont plus jamais jouées en finale NBA. Une disette d’une longueur bien inhabituelle, signe que le niveau global de la NBA a commencé à se niveler à partir des années 1970. Pourtant, même en l’absence de confrontation directe, l’animosité entre les deux franchises reste bien réelle, comme en témoigne cette scène absolument inédite et lunaire, qui s’est déroulée au septième match des finales de conférence Est 1982. Lors du dernier quart-temps de ce match disputé au Boston Garden, il ne faisait plus aucun doute que les protégés de Bill Fitch allaient être éliminés, laissant le sésame de la finale à Philadelphie. C’est le moment choisi par les supporters des Celtics pour crier : “BEAT L.A, BEAT L.A, BEAT L.A”. Comprenez “Battez Los Angeles” (à partir de 6m35 dans la vidéo ci-dessous).
Depuis lors, Chamberlain, West, Russell et consorts profitent d’une retraite bien méritée. Pourtant, si les spectateurs affluent en masse au Forum d’Inglewood et au Boston Garden, c’est parce que le casting de cette finale 1984 est grandiose. Il y a de la légende à tous les postes. Surtout, c’est enfin l’affrontement tant attendu entre le souriant et volubile Magic Johnson et le plus taiseux Larry Bird. Deux joueurs déjà opposés en NCAA et dont la rivalité, sportive et médiatique, est la plus grande de l’Histoire du Basketball. Une rivalité dont l’acte de naissance est enregistré depuis longtemps, mais qui allait connaître son premier instant mémorable en NBA.
Nous l’avons vu, les Celtics disposent encore de l’avantage du terrain pour ces finales NBA. Un avantage tout sauf négligeable si l’issue de la série devait se décider au terme d’un septième match. Jusqu’alors, dans cette post-season 1984, jamais les Celtics n’ont été menés au score dans une série. Ils ont certes perdu un nombre non négligeable de rencontres (6 jusqu’à présent), mais la maison Verte n’a pas encore été placée au pied du mur.
C’est donc pleins de certitudes que Bird et sa troupe se présentent le 27 mai 1984 dans un Boston Garden qui fait salle comble pour la 168ème fois d’affilée.
Certitudes qui ne vont pas tarder à partir en fumée, tant la première période de ce game 1 est à l’avantage des Lakers. Mené par Kareem-Abdul Jabbar, Los-Angeles mène de 13 points au bout de 24 minutes. Un écart important, mais clairement pas suffisant pour se permettre le moindre relâchement. Ceci sera confirmé par le troisième quart-temps, au cours duquel les Celtics sont revenus avec de bien meilleures intentions, et une adresse retrouvée. Au moment d’entamer la dernière période, les Lakers ne mènent plus que de quatre points, et il semblerait que le momentum du match ait changé de camp. Il n’en fut rien, et les Purple and Gold vont conserver leur avantage jusqu’à la fin de la rencontre.
Si la bataille des rebonds a été remportée par Boston (47 contre 42) et que chaque franchise a perdu un nombre de ballons similaire (17 contre 16), c’est bien l’adresse au tir qui a fait pencher la balance en faveur des Lakers. En effet, alors qu’aucun titulaire des Celtics ne présente un pourcentage de réussite de 50%, seul Michael Cooper est descendu sous ce seuil côté Angelinos. Abdul-Jabbar et ses 32 points à 70% de réussite a, à 37 ans, été le joueur clé de ce premier match des finales. Vieux tonton fait de la résistance.
Voici donc les Celtics menés au score dans une série. La situation n’est ni dramatique, ni alarmante. Toutefois, impossible d’envisager une seconde défaite à domicile, sous peine de grandement compromettre les chances de titre.
C’est bien conscient de cet enjeu que les Celtics croquent à pleines dents dans le premier quart-temps de cette seconde rencontre. +10 pour Boston après 12 minutes. Toujours dominateurs au rebond, notamment offensif, les Celtics compensent leur adresse fluctuante par une combativité sous les cercles qui leur offre bien souvent une “seconde chance”. Néanmoins, loin d’être abattus, les Lakers reviendront petit à petit dans la rencontre, misant toujours sur une adresse incroyable au tir. James Worthy illustre bien cet état de grâce au shoot, lui qui convertit 11 de ses 12 tentatives, pour 29 points au total. Magic n’est d’ailleurs pas en reste, avec un presque triple-double absolument convaincant : 27 points, 10 rebonds, 9 passes décisives à 71% au tir.
La rencontre est serrée. Après deux quart-temps, Los-Angeles est revenu sur les talons des Celtics. Ces derniers mènent encore de trois points avant de disputer les 12 dernières minutes du temps réglementaire. Et pourtant, la catastrophe faillit s’abattre sur le Massachusetts, pour engloutir tous les espoirs de la ville de Boston. A 18 secondes du coup de sifflet final, ce sont bel et bien les Lakers qui mènent, 113 – 111. Pire encore, la balle est dans les mains de James Worthy, pour une remise en jeu. Après deux passes, Worthy tente une passe latérale, peu appuyée, et surtout téléphonée. Gerald Henderson, meneur des Verts, se précipite sur la balle pour aller inscrire un lay-up primordial. 113 partout, balle au centre. A l’issue de la prolongation, Boston est encore en vie : victoire 124 – 121, presque inespérée à la vue du déroulé de la rencontre.
La série migre quatre mille kilomètres à l’Ouest pour les rencontres 3 et 4. Direction le bouillant Forum d’Inglewood, ancêtre de l’actuel Staples Center, antre des Lakers. Ceux-ci ont toutes les raisons du monde d’être optimistes. Certes, le second match leur a échappé dans des circonstances gaguesques. Mais ne retenir que cela serait occulter le fait que, déjà, Magic et sa bande ont repris l’avantage du terrain dans cette confrontation. Sur ces deux premières rencontres, les Lakers ont globalement fait meilleure impression que leurs adversaires.
La manière, les Angelinos l’ont mise dans leur troisième rencontre, qui figure dans les annales des finales NBA comme étant l’une des plus grosses corrections de l’Histoire. Toujours très peu inspirés au tir, les Celtics se sont littéralement fait manger au rebond (63 contre 44) et ont totalement sombré dans une rencontre où ils n’auront pas vu le jour. Alors qu’absolument tous les Lakers ont une box +/- (différentiel entre les points marqués et les points encaissés lorsqu’un joueur est sur le terrain) positive, seul Larry Bird et Quinn Buckner sont dans ce cas côté Celtics. Une statistique qui illustre parfaitement la débâcle subie par Boston dans une rencontre à sens unique, qui débouche sur une défaite bien plus inquiétante que celle du game 1.
Ainsi, cette défaite avec 33 points d’écart (137 – 104) reste l’une des plus marquantes de l’Histoire des finales NBA. Rares sont les rencontres qui ont terminé avec un écart de score plus fleuve que celui-ci. Nous en recensons une tout de même, à savoir la victoire des Bulls de Jordan contre le Jazz du duo Stockton – Malone en 1998 : +42, 96 – 54. Un match d’une faiblesse offensive incroyable du côté de Utah, dont le nombre de points marqués est plus proche d’une rencontre de U13 départemental que d’une finale NBA.
Le troisième quart-temps de cette rencontre fait également entrer les Celtics dans les livres d’Histoire, de manière bien défavorable. La défense des Verts, si intraitable entre octobre et avril, a pris l’eau comme jamais cette saison, avec 47 points encaissés en 12 minutes. La performance offensive des Lakers constitue à nouveau un presque record. Celui-ci appartient depuis peu au Sixers d’Embiid et Simmons, qui ont passé 51 points aux Nets dans le troisième quart-temps du game 2 du premier tour des playoffs 2019.
Au final, perdre d’un point ou de trente-trois revient au même sur le papier : une défaite est une défaite. Celle-ci aurait pu, cependant, taper fort sur le casque des Celtics à l’heure de préparer la quatrième rencontre, toujours disputée dans la Cité des Anges.
Dire que les Lakers ont mis tous les ingrédients pour s’assurer la victoire dans ce game 4 serait un euphémisme. A la mi-temps, les locaux mènent de 10 points. Surtout, nous avons la forte impression que l’ensemble du roster pourrait faire ficelle tout en tirant les yeux fermés. Le cinq majeur des Lakers affiche un hallucinant 65,4 % de réussite au tir, et James Worthy reprend ses bonnes habitudes du second match, avec 30 points à 14/17 au tir.
En face, les Celtics tentent, tant bien que mal, de résister aux assauts des Lakers. Leur adresse est, à l’instar des premières rencontres, assez mitigée. Néanmoins, l’attitude agressive au rebond, qui avait tant fait défaut au game 3, est, elle, bien présente. Les Celtics ont avalé plus de rebonds offensifs que de rebonds défensifs ! De quoi s’offrir le luxe d’inscrire des points dans la raquette. Chose que Bird et Parish ne se sont pas privés de faire, avec 54 points et 33 rebonds à eux deux.
Les Celtics remportent assez largement la seconde mi-temps, pour recoller au score au bout des 48 minutes : 113 – 113, direction les prolongations. Le triple-double de Magic Johnson (20/17/11) n’y changera rien, ce sont les Celtics qui, sur leur lancée de la seconde période, remporteront ce match sur le score de 129 – 125. Pourtant, les Lakers ont joué leur partition de manière presque impeccable. Reste tout de même un point noir sur leur tableau. Si, nous l’avons vu, l’adresse globale est incroyablement bonne, celle sur la ligne des lancers-francs est étonnamment mauvaise. Ce sont ainsi 14 points qui ont été vendangés de la sorte (25/39, soit 64%). De l’autre côté, les Celtics convertissent 84% de leurs tentatives. C’est certainement dans l’exercice si spécifique des lancers-francs que la balance a définitivement penché du côté des Celtics.
Boston a subi, Boston s’est battu et Boston revient dans le Massachusetts en vie. Mieux encore, l’avantage du terrain est récupéré. Mission accomplie, donc. L’heure est maintenant venue pour nous d’évoquer la cinquième rencontre de ces finales. Nous avons coutume de dire que celui qui remporte le match 5 (lorsque la série est à 2 – 2) sortira vainqueur de la série. C’est dire si l’issue de la rencontre est prépondérante.
Ce game 5 reste dans les mémoires comme étant appelé “ The Heat game”. Une rencontre disputée dans un Boston Garden qui ne dispose pas d’air conditionné, et sous une chaleur accablante. Il faisait 36 degrés sur le parquet. Cette chaleur, inhabituelle pour la saison sur la côte Est du pays, a donné lieu à toute une série d’images passées à postérité.
Nous avons ainsi vu l’arbitre de la rencontre, Monsieur Earl Strom, faire une crise de déshydratation à la mi-temps. De son côté, le robuste Robert Parish est perclus de crampes. Enfin plus édifiant encore, le légendaire Kareem Abdul-Jabbar doit se munir d’un masque à oxygène à chaque temps mort, signe que la chaleur qui écrase la ville de Boston rend la rencontre quasiment injouable.
Il en est un que la chaleur ne dérangeait manifestement pas. Pas spécialement réputé pour sa rapidité, Larry Bird réalise l’une de ses plus belles performances, dans ces conditions si compliquées. Tandis qu’Abdul-Jabbar est en mode arrosage automatique (7/25 au tir, pour un pivot), et que tous les autres joueurs échouent à atteindre la barre des vingt points, Bird sort de sa boîte pour alimenter sa propre légende. Scoring, rebond, trashtalking, leadership, tout y passe. A la mi-temps de la rencontre, le score est, une fois encore, serré. +2 pour Boston. Le moment choisi par Bird pour exhorter ses coéquipiers :
“Vous voulez gagner ? Donnez-moi la balle et cassez-vous !”
Aussitôt dit, aussitôt fait. Homme de parole, Larry Bird enchaîne les paniers et place ses Celtics sur orbite. Il ressort de la rencontre avec une valise bien remplie : 34 points, 17 rebonds à 15/20 au tir. Les Celtics, eux, se sont promenés en seconde période, pour remporter ce match d’une importance capitale : 121 – 103. Pour la première fois de la série, les Verts sont devant au score. Il aura fallu jouer dans une fournaise pour avoir raison de ces Lakers. Bien qu’épuisé, le mot de la fin revient à Abdul-Jabbar :
“Nous jouions au ralenti. C’était comme si nous courrions dans la boue”.
La sixième rencontre est moins riche en anecdotes. Nous assistons à un match comme nous en avons vu – et nous en verrons – des centaines. Chose amusante tout de même, les rôles entre les deux franchises ont été inversés. Jusqu’alors, les Lakers avaient pris l’habitude de faire la course en tête, tandis que les Celtics courraient après le score. Los Angeles était dans l’action, Boston dans la réaction.
C’est tout l’inverse qui se passe dans ce game 6, finalement remporté par les Lakers sur le score de 119 – 108. Un écart de onze points qui résulte d’un dernier quart-temps à sens unique, remporté 36 – 21 par L.A, qui se donne le droit de disputer une septième rencontre, comme pour exorciser le souvenir de 1969.
Avant un match important, la parole est laissée aux anciens. Ceux qui disposent d’une expérience suffisante pour insuffler au collectif un supplément d’âme. C’est donc Cedric Maxwell, Celtic depuis 1977, qui se charge de motiver ses troupes avant le game 7, l’ultime rencontre de cette série hors norme. Il faut dire que s’il n’a jamais été All-Star, Maxwell sait comment remporter des finales NBA, lui qui fut élu MVP des finales 1981. C’est donc sur ces mots qu’il lance les hostilités :
“Montez sur mon dos les gars, je me charge de vous emmener au sommet”.
Dans une rencontre où la majorité des acteurs semblent tétanisés par l’enjeu (Magic, Rambis, Parish, Bird, Johnson, aucun d’eux ne tire à plus de 38% de réussite), c’est Cedric Maxwell qui tient tête à Kareem Abdul-Jabbar pour permettre à Boston de prendre la tête dans le second quart-temps, dans un match similaire au précédent. Le banc des Celtics prend également la mesure de celui des Lakers, et Kevin McHale et Danny Ainge viennent apporter vingt points salutaires pour les Celtics. Cette septième rencontre est un melting pot des six premières. Ressortons les vieilles recettes et faisons un nouveau match. Les Lakers tirent mieux, les Celtics prennent bien plus de rebonds.
Chose stupéfiante tout de même, c’est que les Celtics ont tiré près de deux fois plus de lancers-francs que les Lakers (43/51 pour les Verts, 18/28 pour les Jaunes). Boston a donc inscrit 25 points de plus que Los Angeles sur la ligne des lancers-francs. Un chiffre non négligeable, qui enterrera définitivement les espoirs de titre des Angelinos. Après trois quart-temps, les Celtics ont neuf doigts posés sur le trophée Maurice Podoloff, avec leurs 13 points d’avance. Le dernier run des Lakers n’y changera rien. Boston s’impose 111 – 102, et conserve son invincibilité en finale NBA contre son meilleur ennemi.
Larry Bird, meilleur joueur de sa franchise, pose logiquement les mains sur son premier trophée de MVP des finales. Après 1981, et juste avant 1986, Bird et les Celtics remportent leur second titre de la décennie, considérée comme l’une des plus denses de tous les temps. La seconde moitié de celle-ci sera le théâtre des affrontements entre plusieurs franchises légendaires : les Lakers et les Celtics, toujours fidèles au rendez-vous, croisent le fer avec les Bulls du jeune Jordan, les Rockets de la paire Olajuwon – Sampson, les Knicks de Ewing ou encore les Bad Boys de Detroit.
En attendant, ce titre de 1984 est, encore aujourd’hui, cité parmi les plus beaux de l’Histoire. Il fait suite à une saison régulière maîtrisée, mais surtout une campagne de playoffs comme nous en avons peu vues. Les franchises de l’Est rechignaient manifestement à dérouler le tapis rouge des finales NBA aux hommes de K.C Jones, et se sont montrés combatifs. Les Knicks étaient d’ailleurs à deux doigts de réaliser l’exploit de l’année.
La finale NBA, elle, semble sortir tout droit de la plume d’un écrivain inspiré, tant elle recèle d’histoires, d’anecdotes et de détails totalement fous. Dans une opposition de style, elle a choisi de consacrer non pas l’équipe la plus clinquante, mais celle qui a jeté toutes ses armes dans chaque bataille, chaque rencontre. Bird a donc remporté sa première confrontation contre Magic. Celui-ci allait rapidement pouvoir lui rendre la pareille.
Terminons ici de rendre hommage à cette fabuleuse équipe des Celtics 1984. La parole est désormais à vous, qui avez patiemment lu l’intégralité de cet article. Je vous invite à nous dire si, de votre point de vue, ce sacre de 1984 mérite sa place parmi les plus beaux de tous les temps. A mon sens, cela ne fait aucun doute : il y figure, et y figurera encore longtemps.
A jamais ?