Depuis combien d’années parlons-nous des « sublimes losers », les Ewing, Malone, Barkley ou autre Baylor, qui, malgré de superbes carrières, n’ont jamais eu en main le fameux graal, le trophée O’Brien ? Que de regrets, de talents non récompensés. Avec le temps, les fans de NBA ont fait émerger le terme de « sublime losers ». Mais durant les années où LeBron peinait à obtenir son premier titre (oui, cette époque a existé), un gag récurrent faisait surface dans la websphère des basketteurs, que certains inconnus, sans talents, avaient ironiquement, mais finalement plus de titres que Lebron. Est alors apparue la catégorie que nous appellerons les « golden losers ».
Par ce terme, on entend des joueurs improbables, qui posent les pieds sur un parquet NBA, d’une discrétion telle que personne ne se rappellera qu’ils étaient là. Et pourtant, ces petits gredins terminent leurs carrières NBA dans l’oubli, mais dans leurs cartons, il y a un petit anneau qui manque injustement à tant de stars ! Chez QiBasket, on adore fouiller pour trouver ces petites perles de notre NBA history. Dernier profil, ultime Golden Loser.
Kobe avant Kobe : le White Mamba
Vous l’avez deviné, on va parler du GOAT, du Seigneur, du Tout-Puissant des Golden loser. Le créateur même du Golden Loser d’ailleurs. Génial rouquin, portant le mythique numéro 44 ou le 24 (numéro de Kobe Bryant…coïncidence ?)
Oui, nous parlons bien de cet homme, que le public a tant adoré et dont il réclamait la présence sur le parquet en cœur. Notre homme est une légende, au sens original du terme, et au sens plus original encore, à l’ère de tous les excès, il est considéré comme un Dieu du basket. Ainsi, notre prétendue mais néanmoins adoubée divinité honorera les Nets, les Celtics et les Bulls de sa présence sur leurs bancs et leurs parquets, ne se montrant pourtant que très peu.
Et pourtant oui, c’est bien lui qui inspira cette série “Golden Losers”, rendons donc hommage pour ce 10e et dernier numéro au seul et vrai, à l’unique, dans l’histoire de la NBA, du monde, de l’univers et de notre dimension, le seul White Mamba, le seul Scal, le seul…
Brian Scalabrine !
Scalabrine sortant du banc alors qu’un fan explose au second plan
Révélation divine ok… mais tardive
Oui, oui nous le savons tous mes frères, Brian Scalabrine est le meilleur joueur de tous les temps. Du moins, c’est ce qu’on a finit par mettre sur l’épitaphe de sa carrière NBA. En réalité, le Scal n’a pas particulièrement donné signe de vie dans la balle orange aussi tôt que la plupart des joueurs de NBA. Né à Long Beach en Californie, le Chuck Norris de la NBA n’est pas vraiment ce qu’on appellerait un sublime concentré de basket puisqu’il faudra attendre seulement le collège pour qu’il se révèle, du haut de ses 2m06 -de muscles purs on imagine, vu la réputation. Le jeune Brian décide d’intégrer Highline College, près de Des Moines dans le Washington. L’adage de ce campus aujourd’hui est “L’excellence dans l’éducation“. Avec un tel degré de vénération, on se demanderait presque si ça n’est pas lui qui a inventé la devise…
Le coach des “Thunderbirds” de Highline le placera au poste de power-forward, poste auquel Brian impose 16.9 points par match, exige 9.6 rebonds et acceptera humblement de céder 3 passes décisives à ces modestes coéquipiers. Dès sa première année à l’université, les Thunderbirds terminent à 31-1 et remportent le Junior College Championship.
Chemin rapide vers la NBA
Devant la – très attendue – réussite totale de sa première saison, Scal’ change néanmoins d’université et part chez les Troyens à USC (University of Southern California) où il mènera son équipe au scoring, au rebond et au pourcentage au shoot (54%), tout en étant top 10 de la Pac-10 aux contres… Pas mal du tout. Mais Brian enchaîne les nominations : All-Pac-10 First Team, et le grade de meilleur marqueur de USC. Mais alors que l’ascension tant attendue continue, USC est finalement éliminé en 2001 en quart de finales de la March Madness, le fameux “Elite Eight“.
L’histoire et la popularité de Scalabrine en NBA vont pouvoir décoller alors que la draft NBA 2001 se profile. On se plait à imaginer la scène :
“Pour le 34è pick de la draft 2001, au second tour, Moi, Brian [applaudissement général dans la salle] choisit les Nets du New Jersey comme équipe”.
Effet immédiat ?
Alors, vous me direz, New Jersey avait K-Martin, Kittles, Jefferson, et surtout Jason Kidd. Néanmoins, l’année où Brian Scalabrine arrive aux Nets, ceux-ci passent de 26 à 56 victoires, et arrivent en Finales NBA pour la première fois de leur histoire. Ceci est – et demeure – troublant, quoi qu’on en dise !
Parce que oui, il y avait Jason Kidd, Kenyon Martin, Kerry Kittles et Richard Jefferson, mais les Nets de 2001-2002 c’est aussi les Keith Van Horn, Jason Collins, Todd MacCulloch, Lucious Harris. On retiendra la phrase “Maybe the world is flat after all” lorsque les Nets arriveront en finale, tant cette présence était inédite. Et le Scal’ dans tout ça ? Une saison à 2.1pts, 0.8ast, 1.8reb : legend.
Le Messie arrive à Boston
L’année suivante, après un bon sweep bien sale de la part de L.A en Finales 2002, rebelote : New Jersey ne descend pas de son nuage et retourne en Finales en 2003. Et Scalabrine reste sur son altitude de croisière avec une saison sophomore à 3.1pts et 2.4 rebonds… et une deuxième finale NBA perdue, cette fois face à un tout jeune Tony Parker mais surtout Bruce Bowen, Manu Ginobili, David Robinson et Tim Duncan. Les Nets n’eurent qu’un renfort notable : celui de Mutombo.
A la troisième saison, Brian donnerait presque mine de s’intéresser au basket (6.3pts par match) avant de mettre fin à la blague la quatrième saison (2.9 points). Le futur Dieu de la NBA est en recherche d’un challenge… Si du moins le challenge à l’audace de se trouver sur son chemin. Et heureusement, c’est le cas, puisqu’il est transféré à Boston, à la dérive depuis presque 15 ans – mais ça, ça va changer. Sa moyenne de point y demeurera… admirable : 2.7pts sur ses 4 saisons aux Celtics.
La légende ne dira pas si c’est la présence de Scalabrine dans l’effectif qui convaincra Ray Allen et Kevin Garnett de rejoindre les Celtics en 2007. Mais c’est une certitude, le TD Garden de Boston rugit de nouveau de plaisir et Boston fonce vers le titre. En face des Celtics pour ces Finales 2008, ce sont Kobe et les Lakers, de nouveau. Cependant cette fois-ci, ça passe pour Scalabrine après 3 Finales et ce fameux game 6 de 2008 qui se termine par une boucherie des Celtics aux dépends des Lakers : 131 à 92 pour Boston. Un match que Scalabrine ne prendra même pas la peine de jouer.
Fin de carrière en apothéose ?
Alors que l’ailier (si) fort des Celtics tourne à 2.1pts par match sur ses deux dernières saisons à Boston, le son du trade raisonne de plus en plus, alors que depuis le titre de 2008, la popularité du Scal’ s’est soudainement développée parmi les fans de NBA. Et au final, lorsqu’on se fait surnommer le GOAT, autant aller dans la ville du GOAT ? Alors direction Chicago en 2010. Hélas, Brian Scalabrine se contentera du numéro 24, ne pouvant apparemment pas porter le 23 à cause d’un certain Mike Jordan, un truc comme ça. Entre temps, la mode consistant à glorifier le joueur grandit, dans les tribunes, sur internet. L’homme devient un meme, une blague, mais attention, il n’est pas une moquerie.
Car si le talent du joueur NBA n’est effectivement pas particulièrement mis en valeur, le garçon à d’autres qualités : l’humour. Si bien que Brian joue totalement le jeu de la dérision, de son statut de 6e roue du carrosse. Résultat ? Les fans se sentent proche de lui et jouent également le jeu. Le meilleur exemple restera ce match de saison régulière, ou soudain, tout le United Center demandera à ce que Brian profite enfin un peu de temps de jeu dans un garbage time amplement entamé… Mais quelques secondes suffisent à animer toute une foule :
Le passage de Scalabrine aux Bulls sera tout aussi notable que celui aux Celtics. Lorsque Lauri Markannen arrivera aux Bulls en 2017, il demandera à Scalabrine de pouvoir s’honorer à porter son numéro ! (NDLR : attention, ceci n’est plus une blague, c’est vraiment ce qu’il s’est passé).
Mais pour Brian Scalabrine, il est temps de se rendre à l’évidence, il ne perce pas vraiment en NBA, certainement pas autant que sur 9gag ou dans les soirées arrosées des fans. Alors Brian prit sa retraite, et passa quelques mois du côté d’Oakland en 2014 en tant qu’assistant coach des Warriors.
L’année suivante, Golden State gagnait le titre… un hasard ? Bien sûr que non.
Brian Scalabrine en NBA c’est 520 matchs, 3.1pts, 2reb, 0.8ast. Et un titre NBA. Alors oui, il entre dans la catégorie des Golden Loser, mais c’est sous-estimer son immense popularité qui le distingue des neufs autres candidats à cette dénomination. Plus qu’un Golden Loser, Scalabrine est LE Golden Loser Originel.
Conclusion des Golden Losers :
J’espère que cette série vous aura plu, avec ce dernier épisode un peu plus en décalage. Certes, elle est faite pour donner avant tout le sourire, mais aussi rappeler que la réussite en sport n’est jamais une garantie, et que l’aléa, l’étrange, l’impensable et le paradoxe seront toujours une part dans la balance du jeu. De la même manière que le PSG peut se prendre deux remontada, on doit apprendre à ne jamais pouvoir tout maîtriser. Un grand champion peut ne jamais rien gagner, et un grand inconnu peut se retrouver sur le toit du monde.
Mais la carrière de Scalabrine, c’est aussi rappeler que la NBA est aussi faite de ces joueurs moins talentueux, peu en vue, mais que le public apprécie, et qui font partie de ce qui nous fait l’aimer. Brian a su jouer son rôle de A à Z, car il comprenait que les moqueries était totalement marquées d’amour de la part des fans. Le sport, c’est quelque chose qui doit rester humain, un moment de plaisir, un moment entre amis, entre amoureux de quelque chose, et Brian était aussi ce bon pote qu’on aime chambrer dans le vestiaire, mais dont pour rien au monde on ne souhaiterait le départ.
Le fan de NBA, vous, moi, n’importe qui, à travers ce joueur qui n’était pas un surhumain, un cyborg, une montagne de muscle blindée de tatouages, d’accessoires, de chaussures à 20.000 dollars, qui n’était pas une icône, un modèle de fondamentaux, était rassuré en le voyant. Il était simple, mais il n’en était pas moins passionné par le basket, et la réalité, c’est que comme tout joueur de NBA, Brian avait un talent et des capacités physiques rares, qui lui auront permis d’être là pendant près de 520 matchs dans la grand ligue.
Je vous laisse voter pour qui est, au final, le plus grand Golden Loser de l’histoire de la NBA :
Mengke Bateer – Dickey Simpkins – Sun Yue – Chris Jent – Eddie Curry – Andrew Gaze – Gabe Pruitt – Adam Morrison – John Celestand – Brian Scalabrine