Après une mise en jambe des plus bucoliques, les choses sérieuses démarrent dans la conférence Est. Les 4 candidats attendus au début de la saison sont là, et les deux duels qui nous attendent promettent énormément. Les Sixers et les Raptors ont ouvert les hostilités hier, et c’est maintenant au tour des Bucks et des Celtics de ferrailler devant nos yeux ébahis. Deux équipes aux trajectoires opposées, que l’on retrouve aux places attendues mais pas dans le bon ordre. Décryptage.
Le bilan du 1er tour
Sweep par-ci, sweep par-là. Bucks et Celtics ont vécu un premier tour assez tranquille, leur permettant de se préserver pour la bataille à venir. Il ne fallait pas lambiner et assumer son statut d’entrée de jeu, c’est chose faite des deux côtés.
Sur la lancée de leur saison exceptionnelle, les Bucks ont littéralement laminé les Pistons, considérablement amoindris par la blessure de Blake Griffin. L’issue ne faisait déjà pas de doute avec le rouquin à 100%, mais alors sur une jambe, on tombe dans le carnage pur et simple : 122 points par match, un écart moyen de 24 points, le tout sans avoir besoin de donner plus de 30 minutes de temps de jeu à un seul membre de l’équipe. Une bonne petite séance d’entraînement grandeur nature, au cours de laquelle Milwaukee a pu répéter ses gammes sans pression et commencer à se préparer aux échéances futures. Sans forcer son talent, Giannis Antetokounmpo nous a tout de même gratifiés d’un bon petit 26-12 de moyenne, histoire de montrer qui était le patron et de fêter sa première qualification au second tour comme il se doit. Mais au final, peu d’enseignements sont à tirer de cette série, tant le gouffre qui séparait les deux équipes était vaste.
Moins vaste était celui entre les Celtics et les Pacers, pourtant l’issue fut la même. Irréguliers pendant la saison régulière, les joueurs de Brad Stevens n’ont pas résolu tous leurs problèmes mais ont retrouvé quelques certitudes, surtout en défense, en tenant Indiana sous les 100 points lors de 3 des 4 matchs de la série. Une statistique intéressante mais à relativiser, tant l’absence de Victor Oladipo a pesé sur les épaules des Pacers, totalement incapables de relancer la machine offensive lorsque celle-ci venait à se gripper. Les limites de cette équipe dénuée de franchise player ont été exposées dans les grandes largeurs, et l’opposition proposée fut loin de celle espérée. Quoi qu’il en soit, Boston a fait le boulot sérieusement, avec 6 joueurs à plus de 10 points de moyenne, et des performances encourageantes de Jayson Tatum et Gordon Hayward, deux des joueurs les plus affectés par le doute persistant qui a pesé sur le vestiaire vert cette année. Tout n’est pas parfait mais la jauge de confiance est clairement plus haute à l’heure actuelle qu’elle ne l’était il y a deux semaines, et c’est bien là l’essentiel.
Les match-up clés
L’adresse
Derrière Houston, les Bucks étaient la deuxième équipe avec le plus grand nombre de tentatives à 3 points par match cette saison. Au regard de la faculté assez monstrueuse du Greek Freak à attirer les défenseurs, pas de quoi être étonné, reste que l’adresse longue distance est devenue de ce fait un ingrédient majeur dans la recette du succès de la franchise. Les Bucks ont dynamité plus d’un adversaire cette saison grâce à leur alternance intérieur-extérieur, et comptent bien faire subir le même sort aux Celtics. Boston avait la 5e meilleure défense (ex-aequo avec les Clippers) en terme de pourcentage à 3 points, c’est le moment de montrer que cette statistique n’est pas que du vent.
De l’autre côté, même constat. Boston a le 7e pourcentage de réussite et le 7e plus gros volume de tirs derrière l’arc. Le succès passera donc forcément par une grosse efficacité dans ce secteur, surtout que les Bucks sont moins à leur avantage en défense (23e au pourcentage adverse à 3 points). Cela ne les empêche pas d’avoir le meilleur defensive rating de la ligue par ailleurs, mais c’est tout de même un point important à noter, étant donnée la tendance de Boston à utiliser le tir extérieur.
Nous sommes donc en présence de deux équipes efficaces derrière l’arc, mais l’adresse est un élément fluctuant, même sur les tirs ouverts. Clairement, si l’un des deux camps traverse une crise d’adresse qui dure, ses chances de victoire dans la série seront grandement diminuées. Et l’on pourra faire toutes les analyses que l’on veut, il est impossible de prédire l’apparition de tels phénomènes.
Le match des lieutenants
Giannis Antetokounmpo et Kyrie Irving ont des physiques et des aptitudes très différentes mais une chose est sûre, il est quasiment impossible de les museler. Le plan défensif, de chaque côté, sera probablement focalisé sur les lieutenants des deux all-stars, et c’est l’équipe qui parviendra le mieux à mettre sous l’éteignoir les “non-superstars” qui aura le plus de chances de s’imposer dans la série.
Il y a beaucoup de potentiel de chaque côté, et le petit avantage de Boston en terme de “réservoir de talent” est compensé par la (bien) meilleure alchimie qui s’est créée dans le Wisconsin cette saison.
Middleton, Lopez & co arrivent avec énormément de confiance et de certitudes après leur saison exceptionnelle. Le plan de jeu mis en place par Mike Budenholzer a permis de sublimer ce groupe de joueurs talentueux pour en faire les compléments parfaits d’Antetokounmpo, capables de sanctionner le moindre espace, le moindre flottement. De plus, le souvenir de la saison passée devrait doper la motivation des Bucks. Khris Middleton avait mis un bazar pas possible dans la défense verte et ne serait sans doute pas opposé à l’idée de recommencer. Quant à Eric Bledsoe, il a une revanche à prendre après avoir été dominé par Terry Rozier. Si Brogdon revient en cours de série, nul doute qu’il voudra rattraper le temps perdu et montrer l’importance de sa présence dans l’équipe.
Boston doit donc se tenir prêt à voir tout ce petit monde attaquer pied au plancher, et être au niveau dans l’engagement. La série contre Indiana a accouché de signes encourageants mais c’est cet affrontement contre Milwaukee qui servira de révélateur, pour que l’on sache si Boston a réellement mis la machine en route. On scrutera donc avec attention les performances des Hayward, Tatum et autres Rozier, qui entrent dans le vif du sujet de leur mission “fermage de bouches”, où de simples performances individuelles ne suffiront pas. Pour faire trembler les Bucks, il faudra agir en équipe, défensivement (ça devrait le faire) et offensivement (et là, c’est le drame). Boston a tellement alterné entre le bon et le mauvais dans ce registre qu’il est iImpossible de savoir à quelle sauce nous allons être mangés à ce niveau-là.
Jeunesse vs Expérience
Les Bucks n’avaient plus atteint le 2e tour depuis 2001. Après d’innombrables échecs, le cap a enfin été franchi, avec la manière. Le bilan et l’impression dégagée par les Bucks leur collent forcément l’étiquette de favori sur le dos, une étiquette qu’il va falloir assumer. Car en matière d’expérience en postseason, ces Bucks sont jeunes, très jeunes. Le 5 majeur qui devrait être aligné par coach Budenholzer ne compte ainsi que 98 matchs de postseason au compteur, contre 282 pour celui de Boston. Il n’y a pas photo, surtout lorsque l’on sait qu’une grosse partie de ces 98 matchs étaient des défaites au premier tour.
L’expérience est un facteur important en playoffs et Boston possède là l’un de ses plus gros avantages, malgré la présence rassurante d’Ersan Ilyasova et George Hill sur le banc de Milwaukee. Les Bucks arrivent avec leur jeunesse et leur allure de “premier de la classe”, mais personne ne sait pour l’instant ce que cette équipe vaut sous la pression (non parce que la série contre Detroit, voilà quoi). Selon toute vraisemblance, Boston ne manquera pas d’essayer de durcir le ton pour faire sortir les cerfs de leurs gonds, et il sera intéressant de voir si ces derniers peuvent devenir plus méchants si le besoin s’en fait sentir.
La bataille psychologique avait été âpre lors de la série de l’an passée, et Milwaukee l’avait perdue assez largement. L’équipe a bien changé en un an, mais le parcours souverain – qui est tout à leur honneur – des Bucks n’a pas donné l’occasion de voir leur comportement lorsqu’ils étaient confrontés à l’adversité de manière répétée. Comment vont-ils réagir face à l’intensité défensive étouffante parfois imposée par les Celtics ? Qui mettra le hola quand il faudra calmer tout le monde ? Qui pour répondre à Kyrie Irving dans le money time ? Nous n’avons pas les réponses, mais les Bucks ont largement de quoi nous les donner.
A quoi s’attendre ?
Les Bucks aiment dissuader leurs adversaires d’attaquer le cercle et préfèrent les inciter à utiliser le tir extérieur (36 tentatives par match, plus haut total de la ligue). Ils n’auront cependant pas beaucoup d’efforts à faire pour y parvenir ici, puisque c’est exactement le style de jeu de prédilection les Celtics. Boston sait être efficace dans ce registre, et les Bucks n’ont certainement pas oublié les 24 tirs primés concédés au TD Garden en début de saison.
Néanmoins, une grosse adresse extérieure sera nécessaire mais ne suffira pas aux Celtics pour tenir la cadence face à une attaque aussi destructrice que celle des Bucks. La meilleure équipe de la conférence Est se dresse sur leur chemin, et faire le boulot comme d’habitude ne garantira pas la victoire. Il va falloir se faire violence et apporter le danger de partout, c’est à dire aller au mastic dans la raquette, récupérer des lancers francs et mettre ses adversaires en foul trouble.
Kyrie Irving sera bien évidemment l’option n°1 pour aller mettre le boxon dans la raquette de Milwaukee mais il ne devra pas être seul. Gordon Hayward semble avoir retrouvé de la confiance et celle-ci ne sera pas de trop. Ce n’est pas en restant passif et en se contentant de shoots à mi-distance que son impact permettra à son équipe de s’élever au-dessus de la mêlée. Il faudra, comme à Indiana, se montrer incisif, déterminé sur ses prises d’intervalle, et agressif près du cercle. Il en va de même pour Jayson Tatum, plutôt bon au premier tour mais en dent de scie durant toute la saison, qui devra à tout prix garder la tête froide et éviter de se prendre les pieds dans des isolations infructueuses. De manière générale, les Celtics devront afficher leur plus beau visage collectif. Heureusement pour eux, Milwaukee n’est pas spécialement prompt à provoquer des turnovers (21e), ce qui devrait leur permettre de faire circuler la balle plus facilement.
C’est d’ailleurs un des rares domaines où les Bucks sont médiocres en défense. A côté de ça, ils sont la meilleure équipe au pourcentage au tir effectif adverse, la meilleure au pourcentage de rebonds défensifs, et l’équipe qui offre le moins de lancers francs. La stratégie consistant à descendre très bas sur les écrans avec Brook Lopez s’est avérée extrêmement efficace pour empêcher les tirs près du cercle. Budenholzer restera-t-il dans ce schéma même si Boston, de base, n’attaque pas beaucoup le cercle ?
Quoi qu’il advienne, de beaux duels seront à suivre : Bledsoe va avoir l’occasion de se racheter par rapport à l’an dernier, en se coltinant Kyrie Irving, excusez du peu. Stirling Brown, Pat Connaughton et Khris Middleton devront faire leur maximum face aux ailiers athlétiques de Boston, mais ils pourront sans doute, au détour d’un switch, bénéficier de l’aide du Greek Freak en personne, dont les tentacules risquent encore de distribuer les contres à la pelle.
Pour toutes ces raisons, la tâche des Celtics et de leur attaque irrégulière s’annonce immense. Elle l’est encore plus si l’on regarde dans le rétroviseur, car Boston a encore subi de gros trous d’air durant la série face aux Pacers. Des passages sans aucune inspiration, avec du hero ball dans tous les sens et une adresse déplorable. Ceux-ci ne leur ont pas été trop préjudiciables, mais uniquement car les Pacers étaient à la rue offensivement parlant, incapables de sanctionner. Ça ne sera pas du tout la même limonade cette fois-ci.
Car même si Boston est capable de bien des prouesses en défense, on ne peut pas non plus s’attendre à les voir stopper l’attaque de Milwaukee, 4e meilleure de la ligue au niveau du rating cette saison. Giannis a encore franchi plusieurs caps et fait désormais partie de l’élite de l’élite. On ne voit pas pourquoi Milwaukee changerait son plan de jeu habituel pour débuter la série, tant celui-ci leur a bénéficié jusqu’à présent. Avec le grec en fer de lance, du spacing et des shooteurs tout autour (simple mais efficace quand vous avez le personnel nécessaire, ce qui est exactement le cas ici), les Bucks ont roulé sur tout le monde.
Que peuvent alors envisager les Celtics ? Al Horford a toujours su l’embêter un peu plus que la moyenne, et sera probablement son vis-à-vis désigné au cours de la série. Cependant, pas d’affolement, les 25-30 points par match seront là. Comme évoqué plus haut, la priorité des Celtics sera plutôt de bloquer au maximum les lieutenants de Giannis. Pour être efficaces, ceux-ci ont besoin d’être en confiance de loin, en rythme. La balle circule bien à Milwaukee (7e au nombre d’assists) et beaucoup de monde en bénéficie, à commencer par Khris Middleton et Brook Lopez, les artilleurs en chef. Eric Bledsoe, quant à lui, n’avait jamais autant tiré derrière l’arc (38% de ses tentatives).
Grâce à leurs qualités athlétiques et leur capacité à switcher sans créer de gros déséquilibre, les extérieurs de Boston ont certainement des arguments à faire valoir, et sont parmi les mieux outillés de la ligue pour résister au barrage d’artillerie qui leur est promis. De plus, l’absence de Malcolm Brogdon pour les deux premiers matchs (au minimum) permettra de cacher Kyrie Irving, avec tout le respect que l’on doit à Stirling Brown. Jaylen Brown s’occupera du cas Eric Bledsoe, du moins jusqu’à ce que Terry Rozier sorte du banc, pour nous offrir la suite du duel de l’année passée.
En revanche, si l’on part du principe qu’Al Horford sera focalisé sur Giannis, Aron Baynes aura-t-il la mobilité nécessaire pour aller chasser Brook Lopez sur le périmètre ? Le pivot s’est révélé comme une véritable menace derrière l’arc cette saison, une menace à laquelle il faudra fournir une réponse du côté de Boston. L’australien risque de devoir courir beaucoup, et peut-être trop. Stevens pourra alors choisir de jouer petit sur de plus longues séquences, avec par exemple Morris en 4 et Horford en 5. Quelle que soit la configuration, Boston aura de quoi résister, reste à savoir si ce sera suffisant.
De plus, un autre changement est à noter cette saison chez les Bucks : le banc. Celui-ci est nettement plus profond, avec un quatuor Hill-Connaughton-Mirotic-Ilyasova capable de monter au créneau et de maintenir la pression en entrant sur le parquet. Il ne faudra pas se contenter de bloquer les autres titulaires, il faudra faire les efforts sur 48 minutes car Milwaukee a désormais la profondeur nécessaire pour cela. Boston avait exploité à fond la faiblesse des remplaçants la saison passée, ça ne sera pas la même histoire cette fois. Cette fois, les deux bancs sont profonds (on ne présente en effet plus celui de Boston), et les deux coachs ont un réservoir important à leur disposition pour jouer sur les matchups et rebondir sur les attaques de l’un ou de l’autre. A ce titre, le duel à distance entre Stevens et Budenholzer s’annonce passionnant,surtout que la série devrait selon toute vraisemblance s’étaler sur la durée. Les possibilités d’ajustement et de changements tactiques seront donc nombreuses, et comme on ne peut pas dire que l’on soit en présence de mauvais coachs, on devrait avoir bon nombre de choix tactiques et d’ajustements à disséquer lors des jours qui arrivent.
Calendrier
Game 1 : Milwaukee – Boston, le 28/04 à 19h
Game 2 : Milwaukee – Boston, le 01/05 à 2h
Game 3 : Boston – Milwaukee, le 04/05, horaire à déterminer
Game 4 : Boston – Milwaukee, le 07/05 à 1h
Game 5 (si nécessaire) : Milwaukee – Boston, le 09/05, horaire à déterminer
Game 6 (si nécessaire) : Boston – Milwaukee, le 11/05, horaire à déterminer
Game 7 (si nécessaire) : Milwaukee – Boston, le 14/05, horaire à déterminer
Pronostic
Milwaukee Bucks 4 – 2 Boston Celtics
Boston risque d’attaquer avec le couteau entre les dents et pourrait cueillir les Bucks à froid si ceux-ci sont quelque peu ramollis après leur promenade de santé face aux Pistons. Les Celtics ont de quoi pousser les Bucks dans leurs retranchements et peuvent croire à l’upset pour les raisons évoquées ci-dessus. Mais ce n’est pas ce scénario qui s’écrira. Pour la simple et bonne raison qu’une excellente défense couplée à une excellente attaque vaut mieux qu’une excellente défense couplée à une attaque imprévisible.
La solidité dégagée par les Bucks cette année est le fruit d’une cohésion forte et d’un collectif orchestré de main de maître, avec le futur MVP en tête de gondole et un groupe de lieutenants très performant. En face, on retrouve une équipe capable du meilleur comme du pire, qui pourra certainement remporter deux voire trois matchs au cours de la série, mais dont l’irrégularité constituera un fardeau trop lourd à porter. Les Bucks sont la 4e attaque et la 1e défense du pays, n’ont perdu deux matchs consécutifs qu’une seule fois cette saison, et ont dominé la conférence du début à la fin. Les Bucks sont ce qu’auraient dû être les Celtics et les Bucks iront là où auraient dû aller les Celtics, en finale de conférence.