Comme attendu dans toutes les séries ou presque à l’Est, les favoris n’ont laissé que des miettes à leurs adversaires. Résultat, tout le monde arrive en forme pour ce second tour, qui pourrait bien nous offrir deux séries très intéressantes. Les choses sérieuses commencent donc ce soir, avec la première confrontation entre les Raptors et les Sixers. Une série attendue dès la fin de la saison régulière, car elle oppose deux candidats sérieux aux Finals, aux marques de fabrique bien différente.
Expérience d’un côté, jeunesse dorée de l’autre, et des atouts qui pourraient bien faire pencher la balance à tout moment, voilà ce que devrait nous offrir ce duel entre Toronto et Philadelphie. Si l’on jette un coup d’oeil dans le rétroviseur, c’est également un passé commun en Playoffs 2018 qui lie les deux franchises. Souvenez-vous, lorsque les Sixers plein d’espoirs derrière leurs jeunes stars se faisaient stopper net par la rigueur des Celtics de Brad Stevens ? Et bien sûr, quand les Raptors se faisaient lamentablement sweeper par leur bête noire LeBron James, alors même qu’ils sortaient d’une superbe saison régulière et avaient l’avantage du terrain. Aujourd’hui, les cas de figure sont bien différents, avec une année de plus pour les Sixers et surtout des arrivées majeures dans les deux camps.
Cette série verra donc l’affrontement de deux groupes complets, profonds même si l’une des deux équipes semble moins armée sur le banc, et surtout composés de superstars. Leonard, Embiid, Simmons, Lowry, Butler, Gasol, Harris, et même Siakam désormais… Des noms qui font saliver avant une lutte qui s’annonce complètement dingue. Et, comme évoqué, des équipes qui ont évolué en cours de saison, avec de gros mouvements : arrivées de Butler et Harris pour Philly, celle de Gasol à Toronto. Avec, en perspective, de nombreuses possibilités sur cette série.
Le bilan du 1er tour
Les deux équipes ont entamé leur premier tour sur le même schéma : une défaite surprise, à domicile, face à une équipe jeune et décomplexée. Quand Toronto s’est laissé surprendre face au Magic au Air Canada Center sur un game winner buzzer beater de D.J. Augustin, les Sixers chutaient face à des Nets enthousiasmants dans un match finalement peu serré et malgré la présence de Joel Embiid. Alors que les vieux démons des Raptors faisaient à nouveau surface, les doutes surgissaient également autour de Philadephie et surtout de Ben Simmons, catastrophique sur le Game 1.
Par la suite, les séries ne se sont pas tout à fait déroulé de la même manière, bien que le bilan comptable fut identique. D’un côté, les Raptors ont facilement maîtrisé un Magic trop inexpérimenté, et trop limité pour véritablement inquiéter la machine canadienne. Sans que Kawhi n’ait besoin de trop donner, Toronto a dominé Orlando sans trop de difficultés, en éteignant Nikola Vucevic, la principale arme floridienne. Face à Marc Gasol, le pivot a eu toutes les peines du monde à faire la différence, et n’a jamais pesé comme il l’aurait souhaité sur cette série.
Le plan de jeu des Raptors était trop bien défini et exécuté pour les jeunes joueurs du Magic, qui n’ont finalement lutté que dans le Game 3 face à un excellent Siakam, avant d’être complètement mis hors course lors des deux dernières rencontres. Toronto a donc écarté le Magic sans gaspiller trop d’énergie, en s’épargnant toute blessure, et a surtout montré dans l’attitude une concentration au rendez-vous, et une équipe en mode Playoffs?
Pour Philadelphie en revanche, les choses ne furent pas aussi aisées, sans faire offense à Orlando. Bien que les Sixers aient globalement dominé la série, en atteste le score final, leur confrontation avec Brooklyn ne fut pas de tout repos. Entre sessions de trashtalking parfois puériles, animosité sur le terrain et manque de sérénité, les joueurs de Brett Brown auraient pu laissé filer un match supplémentaire sans un Ben Simmons monstrueux après le Game 1, notamment en l’absence d’Embiid.
Bien sûr, les Nets n’ont jamais vraiment eu une chance dans la série, avec un déficit de talent évident. Mais l’attitude des Sixers, contrairement à celle des Raptors, n’a pas toujours été des plus rassurantes, notamment pour Ben Simmons qui s’est facilement laissé entraîner dans les provocations de Jared Dudley. Mais globalement, Philadelphie a montré qu’elle avait largement les armes pour aller loin dans ces Playoffs, avec du talent sur tous les postes et la capacité à faire la différence à tout moment.
Les match-ups clés
Les rotations
Probablement le point clé de cette série, et donc une lourde responsabilité pour les coaches. Bien sûr, la question des rotations est toujours essentielle dans un match de basket mais dans cette confrontation et au regard des forces en présence, c’est peut-être sur ce point que se fera la décision. Surtout, c’est la richesse des effectifs et des profils qui va imposer à Brett Brown et Nick Nurse de se creuser les méninges, et de faire des choix forts. Dans chaque équipe, on peut compter sur des joueurs forts, capables de faire la différence à eux seuls, avec Leonard et Embiid. A leurs côtés, les lieutenants de luxe sont pléthores, et les possibilités de combinaisons nombreuses.
Si l’on regarde les cinq majeurs, Philly est probablement l’équipe qui propose le plus d’armes offensives, avec l’habitude de jouer sur un tempo élevé. Même si le manque de spacing se fait sentir, ils disposent de quatre stars capables de scorer en masse, et d’un sniper en la personne de Redick. En face, la réussite offensive passe par Kawhi Leonard et son incroyable propreté, ou par le collectif huilé si l’ailier ne rentre pas ses tirs. Dès lors, la plus grande problématique repose sur les rotations et les ajustements choisis par les coaches.
Reste à savoir qui choisira d’imposer sa stratégie, et surtout s’il y parviendra. L’arme principale des Sixers reste Joel Embiid qui, comme nous le verrons juste après, se retrouve confronté à l’une de ses plus grosses menaces défensives en la personne de Marc Gasol. On a constaté que Brown avait tendance à sortir Embiid tôt dans le match, afin de le préserver et de lui permettre de rouler sur les second units adverses. Sur ces séquences, c’est donc Simmons qui prend le rôle de première option offensive. L’an dernier, les Celtics avaient choisi de faire rentrer Baynes lorsque le pivot des Sixers sortait du parquet, pour bloquer l’accès au cercle à Simmons.
Quel choix fera Nick Nurse dans ce cas ? Maintenir systématiquement Gasol face à Embiid, et utiliser Ibaka en protecteur d’arceau face à Simmons lorsque le camerounais sera sur le banc ? Relayer Gasol, Ibaka et Siakam au chevet d’Embiid pour le limiter au maximum ? Autre option appréciée par Nurse, aligner Siakam en 5, et jouer vite par séquences. Même s’il risque d’être limité en défense à cause du déficit physique face à Embiid, Siakam pourrait bien embêter le pivot en phase offensive en l’éloignant du cercle au maximum pour créer de l’espace. N’oublions tout de même pas la présence de Tobias Harris, souvent très juste dans son jeu, et qui pourrait imposer la présence de Siakam en permanence face à lui.
Le niveau de jeu de chacun va déterminer les rotations en grande partie, et la bataille intérieure risque de faire rage. Les premières match-ups pourraient donner le ton pour le reste de la série, et décider du coach qui devra ajuster sa tactique à l’autre. Car sur les lignes extérieures, l’indécision est aussi forte. Ben Simmons reste un casse-tête australien par son physique hors-norme, et l’on imagine Danny Green et Kawhi Leonard devoir se relayer pour le contenir, Kyle Lowry étant trop limité pour ce rôle. Pour Nick Nurse, il faudra donc composer avec les présences de Simmons, Butler et même Harris pour évaluer la nécessité de maintenir ses meilleurs défenseurs sur le parquet.
Dès lors, les rôles des bancs seront certainement critiques et à ce jeu là, l’avantage est nettement du côté de Toronto. Affichant la meilleure second unit la saison dernière, les Raptors sont cette année encore redoutable sur ce point. En tête de liste : Fred VanFleet, Norman Powell, Serge Ibaka. De l’énergie, de la défense, et de la justesse en attaque malgré leurs limites. De l’autre : T.J. McConnell, mauvais en défense et dont l’apport offensif est très limité ; Jonathon Simmons, energizer mais indiscipliné, et Boban Marjanovic, qui peut apporter une bonne contribution. A leurs côtés, Jonah Bolden, intéressant sur la régulière, risque d’être trop inexpérimenté pour une telle lutte.
Sur le papier, Nick Nurse a donc plus de possibilités de rotations, et surtout les armes pour générer une superbe tactique défensive. Attention à l’absence du couteau suisse O.G. Anunoby, qui pourrait peser dans cette série, notamment de ce côté du terrain. De l’autre côté, le collectif et le talent permettront toujours de scorer. Face aux stars de Philly, ce ne sera pas chose aisée que d’empêcher les paniers de rentrer, et il faudra donc redoubler d’inventivité.
Le duel Embiid-Gasol
Déjà évoqué lors des rotations, c’est probablement le face-à-face le plus important de la série, qui déterminera beaucoup de choses. Joel Embiid n’aime pas jouer contre Marc Gasol, et même s’il restera quoiqu’il arrive l’arme offensive numéro 1 des Sixers, son apport pourrait être limité par l’ancien des Grizzlies. Moins utilisé en attaque qu’à Memphis, Gasol pourra conserver toute sa concentration et son énergie sur sa tâche : tenter de contenir le pivot camerounais. Ancien défenseur de l’année, l’espagnol est l’un des pivots les plus difficiles à attaquer au poste bas, à cause de son physique massif et de sa science du placement.
Pour Embiid, dont la meilleure arme reste son jeu poste bas grâce à ses qualités physiques, tout le problème sera donc de diversifier son jeu offensif pour ne pas risquer de se heurter inlassablement sur Gasol, et de se frustrer. On connait la propension du garçon à sortir de ses matchs, et en bon espagnol, Gasol a le profil idéal pour y parvenir. Car en attaque, le pivot de Toronto aura également une carte à jouer. Technique et doté de nombreux moves au poste, il ne mettra jamais 30 pions sur la tête d’Embiid mais devra l’écarter du cercle et pourra éventuellement provoquer quelques fautes vicieuses dont il a le secret. Sa mission défensive pourrait donc comporter une donnée importante dans le camp adverse, avec la perspective de faire sortir Embiid pour fautes.
En revanche, si le Sixer sort la série qu’on attend de lui, rien ne pourra l’arrêter. Gasol, Ibaka et Siakam pourront se relayer sur lui, si Embiid a décidé de rouler sur Toronto, il le fera. Et il pourrait bien décider de l’issue de la série.
Butler Facteur X
En quête d’un contrat max pour cet été, il est le joueur qui peut faire la différence pour les Sixers. Dans le cas où Embiid ne peut pas martyriser à lui seul Toronto, c’est bien sur Butler que peut reposer le sort des Sixers. Il dispose de l’expérience du haut niveau, adore les joutes de ce genre, et sera toujours le dernier debout sur le parquet. En cas de défaillance de son pivot ou de Simmons, c’est lui qui aura la responsabilité de porter la balle, et qui pourra bénéficier de match-ups intéressantes si Leonard était contrait de défendre sur Simmons. Capable de scorer 35 points comme de lock-down complètement un adversaire, Butler aura la lourde charge d’être au four et au moulin pour les siens. Il est plus que probable que la mission défensive sur Leonard lui soit confié, et il sera certainement lui-même défendu par l’ancien des Spurs. Quand on connait la propension de ce dernier à jouer en isolation, la tâche de Butler ne s’en retrouve que plus primordiale. S’il parvient à limiter Leonard… Seul le collectif de Toronto pourra les faire gagner, car Siakam ne mettra jamais 35 points de moyenne sur la série.
A quoi s’attendre ?
Difficile de prédire quoi que ce soit dans cette série, tant chaque match pourrait être différent. L’expérience parle pour les Raptors, dont le 5 majeur affiche plus de 400 matchs en Playoffs, et compte dans ses rangs deux joueurs titrés avec Green et Leonard. Du côté des coachs, personne ne prend l’ascendant, avec un Brown qui a connu la postseason l’an passé sur le banc des Sixers, et Nurse qui les vit depuis des années en tant qu’assistant pour les Raptors. Ce qui est certain, c’est que les deux équipes doivent se faire pardonner leurs échecs de la saison passée.
Les deux premières rencontres à Toronto seront donc capitales, car les Sixers sont plus que capables de venir arracher une victoire au Air Canada Center. Côté Raptors, l’essentiel sera de rester en maîtrise, dans leur zone de confort. Leur expérience et leurs aptitudes collectives seront leur force, face à une équipe de Philadelphie qui a montré au premier tour sa tendance à se laisser disperser. Il est plus probable de voir Simmons ou Embiid sortir d’un match ou même d’une série pour le premier, et les Raptors ont tout intérêt à jouer sur la corde sensible pour y parvenir. Le rôle de Gasol dans ce registre, ainsi que de Kawhi pour provoquer des pertes de balles sur Simmons seront d’ailleurs déterminants. La série face aux Nets doit servir de leçon aux joueurs de Brett Brown, et les tauliers du vestiaire ont pour obligation de guider leurs cadets.
Les défenses seront primordiales, comme souvent dans les joutes de Playoffs, et si les Raptors ont montré leur excellence dans le domaine, les Sixers sont capables de proposer une muraille infranchissable. Avec Butler et Embiid face à deux anciens Défenseurs de l’année, il y a de quoi envisager des rencontres où les barbelés seront de sortie. Et même si Philly n’a pas pour habitude de ralentir le jeu, il faudra être bien en place si les Raptors parviennent à imposer leur rythme plus lent en phase offensive.
Côté Sixers, il s’agira de rester calme tout en faisant parler le talent individuel de chacun, en profitant des coups de chaud des uns et des autres. A ce petit jeu, attention à Tobias Harris dont la justesse et l’apport offensif pourrait faire des merveilles si les siens venaient être se retrouver en situation délicate. En face, les Raptors devront composer avec la fragilité due au passif de la franchise et à ses échecs. La défaite inaugurale face au Magic à domicile, si elle n’a pas impacté la série, montre bien que Toronto n’est pas toujours serein devant son public en Playoffs. L’effectif a changé depuis la dernière campagne, et les Raptors doivent passer outre cette appréhension, Kyle Lowry en premier lieu. Le meneur fait d’ailleurs face à l’un des plus importants challenges de sa carrière, lui qui divise toujours les observateurs.
De l’électricité, du sang-froid face à l’enjeu, et des hommes prêts à tout donner pour l’emporter, voilà le superbe cocktail qui devrait nous être offert dans cette série. Butler et Harris ont des contrats à aller chercher, et les deux franchises sont devant la possibilité de franchir enfin le cap tant attendu en accédant aux finales de conférence. Une seule y parviendra.
Calendrier
Game 1 : Toronto – Philadelphie : samedi 27 avril
Game 2 : Toronto – Philadelphie : lundi 29 avril
Game 3 : Philadelphie – Toronto : jeudi 2 mai
Game 4 : Philadelphie – Toronto : dimanche 5 mai
Game 5 (si nécessaire) : Toronto – Philadelphie : mardi 7 mai
Game 6 (si nécessaire) : Philadelphie – Toronto : jeudi 9 mai
Game 7 (si nécessaire) : Toronto – Philadelphie : dimanche 12 mai
Le pronostic
Toronto Raptors 4 – 2 Philadelphie Sixers
Evidemment, pronostiquer cette série relève de l’impossible, ou presque. Les deux équipes sont d’un niveau équivalent dans l’excellence, et disposent de nombreuses armes pour faire pencher la balance en leur faveur. Le talent des stars côté Sixers, le collectif côté Raptors. La série pourrait basculer à tout moment, notamment en cas de victoire à l’extérieur. L’avantage du terrain aura donc son importance, plus encore pour les Raptors bien sûr qui ne devront surtout pas en lâcher un à Toronto.
Joel Embiid parviendra quoiqu’il arrive à imposer son talent sur le parquet, mais reste à voir s’il impactera l’issue de la série face à la défense qui lui sera proposée. La décision reposera finalement sur la capacité des Sixers à bien utiliser leurs individualités face à un collectif rodé, et celle des Raptors à répondre aux rotations qui leur feront face. Chaque coach a les armes pour imposer à l’autre de devoir s’ajuster, et le banc de Toronto pourrait donc s’avérer décisif, offrant plus d’opportunités à Nick Nurse.
L’expérience des Raptors sera également un atout précieux et s’ils parviennent à frustrer leurs adversaires, ce pourrait être un tournant de la série. Quoiqu’il en soit, il est difficile d’imaginer cette confrontation rendre son verdict après seulement 4 ou 5 rencontres. La série risque bien d’aller jusqu’à son terme, mais nous donnons ici la qualification à Toronto, puisqu’il faut bien faire un choix. Dans ce cas, deux scénarios tiennent la corde : 4-2 si les Raptors remportaient les deux premiers matchs à la maison, et 4-3 s’ils en concédaient un, à la condition bien sûr d’aller reprendre l’avantage du terrain par la suite à Philadelphie. L’expérience pèse lourd dans ce pronostic, ainsi que l’apport de Leonard et Green dans le collectif par rapport à l’an dernier.