La victoire la plus importante des dernières années de ces Portland Trail Blazers sera toujours assimilée à Damian Lillard. Propulsé en une seconde et demi jusqu’au statut d’icône, le meneur de Portland a conclu une série sur laquelle il a constamment eu la main. Ces Blazers ont en éliminant Oklahoma City réussi leur saison, conjuré le sort de deux dernières participations en playoffs catastrophiques. Symbolisé par un solide collectif et une mentalité féroce qui leur a permis, à plusieurs reprises de remonter des déficits conséquents, la victoire de Portland face à OKC est surtout la victoire de Damian Lillard, face à son meilleur ennemi, Russell Westbrook.
En janvier 2018, le meneur star des Portland Trail Blazers Damian Lillard s’était sincèrement confié sur sa frustration quant à la sensation d’être ignoré dans les sélections All-Star des deux dernières années. Similaire à la réaction de Draymond Green face aux pleurs de Rudy Gobert, Westbrook s’était à l’époque moqué de Lillard et des « gars qui se plaignent d’être snobés ».
Un an plus tard, en janvier dernier, alors que Lillard se préparait sur la ligne des lancers-francs, Westbrook s’était directement adressé à lui : « J’ai botté ton cul depuis des années ». Le meneur avait répondu sur Instagram en postant une photo de lui face à son ennemi d’OKC accompagnée de la légende « Guerre. ».
La rivalité entre Russell Westbrook et Damian Lillard a fait de cette série un véritable roman, disséqué sur chaque aspect et fortement commenté. Aux mots de Westbrook, Lillard a choisi la réponse par le terrain. Pendant toute la série, Lillard est resté complétement stoïque, calme, faisant comprendre par son attitude les messages clairs qu’il voulait envoyer. Troisième quart temps du deuxième match, Oklahoma City est mené de 3 points (66-63), et Westbrook, balle en main, recule et tire à trois points, échec. Le rebond est récupéré par Aminu, qui transmet à Lillard, qui trois dribbles plus tard, en face de Westbrook, sort un trois points from way downtown, le rentre et fait exploser en même temps que tout le Moda Center. Rare moment où Lillard a directement sollicité la foule, cette action symbolise l’avantage psychologique que Westbrook n’a jamais eu. Quand Russ a voulu faire de cette série une affaire personnelle, Lillard a lui paru constamment concentré sur un seul et même but précis : finir le match avec plus de points que l’équipe qu’il affrontait. À Oklahoma City, Westbrook est apparu en meilleure forme. Son block monstrueux sur Lillard et les tirs aussi risqués que décisifs laissaient présager un Westbrook retrouvé, après être passé complètement à côté de son deuxième match. Tristement pour lui, le trashtalk de Russ dans le quatrième match a été vain, car celui qui, fièrement, criait « This is my fucking house » après un panier important dans le deuxième quart temps du quatrième match, aura finalement perdu, chez lui, point de bascule absolument décisif dans le futur succès des Blazers.
Jusqu’à ce soir d’avril, soir de playoffs, Russell Westbrook n’a cessé de provoquer Lillard, sur le terrain et en dehors, à travers les médias qu’il déteste tant. Quand Lillard, a lui rappelé le respect mutuel des deux hommes l’un envers l’autre, Westbrook s’est moqué, l’a insulté jusqu’à ce que les deux hommes s’affrontent dans une opposition d’une importance capitale pour chacune des deux franchises. Dans cette série, Russ rocked the baby sur Dame, Dennis Schröder a tapé sa montre se demandant si le célèbre « Dame Time » fonctionnait, Paul George a voulu humilier Portland dans le seul moment de gloire des Thunder d’un reverse dunk au buzzer. Jamais Lillard n’est tombé dans le jeu dans lequel Westbrook espérait tellement qu’il le rejoigne. Un contrôle total.
Le tir de Lillard, face au joueur couronné d’avance par la moitié des observateurs comme le futur « Défenseur de l’année », est l’humiliation ultime. Les confidences sur l’intimité de Lillard avant ce dernier match ont mis en valeur l’importance que les provocations ont récemment eu pour le meneur des Blazers. Mais constamment, Lillard a insisté ne jamais vouloir de faire de cette exubérance une affaire personnelle, seul un objectif importait : la victoire.
Aussi impressionnante est historique fut la saison de Russell Westbrook, aussi dominant, complet et provocateur soit-il dans la ligue, Westbrook va devoir à nouveau assumer une défaite extrêmement décevante pour les fans des Thunder, qui ne semblent toujours pas s’être remis du départ de Kevin Durant. Il sera de retour, indubitablement, certainement plus motivé que jamais.
L’épilogue de cette série passionnante en tout point aura finalement mis en exergue tous les aspects qui ont déterminé le destin de cette opposition. D’abord, Damian Lillard avait prévenu de sa présence. Handicapés par un CJ McCollum, jusque-là exemplaire dans tous les succès de Portland, auteur de fautes prématurées dans ce match et préservé un temps, Dame a écrasé tout ce qui s’est présenté devant lui. Auteur de 19 points dans le premier quart temps, il en cumulait 34 à la mi-temps, deuxième meilleure performance de l’histoire en playoffs (derrière Steve Nash, 35 points). Pendant que Thunder a tenté de s’appuyer sur leurs fortes individualités sans jamais parvenir à s’appuyer sur un système tactique décisif, Portland a exécuté, de manière étonnamment sereine, les consignes transmises par Terry Stotts, sans jamais s’affoler, avec la constante détermination d’être en mesure de s’imposer.
Lillard a rentré l’un des tirs les plus impressionnants de l’histoire des playoffs, a immédiatement pensé à enterrer ses adversaires en les saluant une seconde après ce tir phénoménal, avant de célébrer intensément avec ses équipiers, son public et sa famille une qualification cruciale pour la franchise, un an après l’humiliation face à New Orleans, et seulement quelques mois après la mort du propriétaire de la franchise, le regretté Paul Allen.
Ces Trail Blazers ont permis de représenter le meilleur de la NBA. Dans le doute après la blessure terrible de Jusuf Nurkic et l’incertitude liée à CJ McCollum à l’approche des playoffs, le collectif de Portland a transpiré pendant toute cette série un sentiment intense de confiance. Confiance en leur meilleur joueur, en leur coach Terry Stotts *coup de chapeau* qui a su lui-même parfaitement responsabiliser Enes Kanter, et qui a pu compter sur des soldats exemplaires, à l’image de Mo Harkless, Al-Faruq Aminu et Seth Curry (pour ne citer qu’eux) en s’imposant finalement dans une logique implacable au vu de ces cinq matchs face aux Thunder, et à l’impossibilité de leur coach Billy Donovan à trouver une solution cohérente. « Un mauvais tir. » La réaction de Paul George à propos du tir victorieux de Damian Lillard est un nouvel exemple (en fallait-il encore ?) du manque de lucidité des Thunder dans cette série. Incapables de tenir une avance de 15 points à 7 minutes de la fin du match, les Thunder, par la voix de celui qui n’ignore pas les questions des journalistes auront donc justifié une défaite par un « mauvais tir », que l’auteur leur aura montrédans les premières secondes du premier match, avant du cumuler ces prouesses loin de la ligne des trois points.
Dans cette conquête en cinq actes, Damian Lillard s’est présenté comme le héros.
« Il y a eu beaucoup de paroles de part et d’autre, et c’était le dernier mot ». Par cette déclaration, Lillard a clôturé cette série, et until they meet again, le créateur et parfait exécuteur du « Dame Time » aura en effet, le dernier mot.
Très bel article.
Ca fait des années que le petit Damian me vend du rêve, l'époque du 5 Dame – Matthews – Batum – Aldridge – Hickson me paraît être la saison dernière.
Quelle progression pour un meneur dont tout le monde disait chaque année qu'il était déjà à son pic de maturité, qu'il ne pourrait plus progresser, etc.
C'est souvent le prix pour les joueurs qui ont fait le choix (couillu ou contraint) de faire un cursus universitaire complet.
Il apparaît à sa pleine maturité là, et c'est cool à voir !
Gagner des titres c'est bien mais marquer l'histoire d'une franchise et voir son maillot retiré c'est mieux.