Lors de la mise en place de la preview, cette série apparaissait comme l’une des plus incertaines de ce premier tour. D’un côté, des Nuggets brillants l’essentiel de la saison, mais en chute libre sur la fin de l’exercice, susceptibles de pêcher par inexpérience. De l’autre, des Spurs certainement moins denses en talent, mais affichant un beau fond de jeu et une véritable compétitivité en fin de la saison.
Pour les Nuggets, il fallait éviter de craquer à domicile, pour éviter de se retrouver en mauvaise posture. En effet, l’avantage du terrain pour lequel ils s’étaient battus était supposé être un gage de sûreté. Le perdre serait terrible face à une équipe bien plus rompue aux joutes du printemps.
Au terme d’une bataille, la franchise chutait pourtant dès le premier match, se retrouvant dos au mur et ce sera finalement au terme d’une seconde rencontre bien mal embarquée que Denver aura réussi à, au moins, rester à égalité. Cependant, le premier test à l’extérieur est un échec, et une nouvelle défaite pourrait rapidement mettre les Nuggets au tapis.
Alors que Mike Malone semble se reposer sur les mêmes rotations depuis 3 rencontres, les fans s’insurgent. Et pour cause, le temps de jeu Torrey Craig, élément moteur des meilleures périodes de leur saison, reste invariablement très faible. Quant à Malik Beasley, qui joue finalement sa première saison, il a été, de loin, l’extérieur le plus impactant sur ces Playoffs, mais aussi contre les Spurs sur l’ensemble de la saison.
Mais pourquoi Craig, joueur issue de G-League, peut changer le cours de la série ? Que changer pour les mettre, Beasley et lui, en avant ?
Parce qu’il prendrait la place de Will Barton
Hué pendant la première rencontre au Pepsi Center, la franchise et son environnement semble s’exaspérer du jeu de son ancien 6ème homme. Titulaire au poste 3, Barton accumule les mauvaises prestations depuis son retour de blessure.
Certes encore en convalescence, il n’empêche que Mike Malone l’envoie au feu, en première ligne, et que le joueur sent le roussi et prend l’eau. Tout un menu. Désastreux en défense, ses instincts semblent limités, et sa perception d’où se trouve l’adversaire complètement déréglée. Ce n’est pas qu’il est seulement en difficulté sur l’homme, c’est qu’il ne semble tout simplement ne pas comprendre les systèmes adverses où les mouvements qui s’opèrent sur le terrain. Comme il n’est pas le seul défenseur en difficulté de l’effectif, Jamal Murray s’étant par exemple fait découper tout au long du Game 3, la défense de Denver, indispensable à la victoire, commence à inquiéter.
Offensivement, Barton est complètement à la ramasse. Lorsque l’on regarde son apport offensif, sur le plan statistique, rien ne va non plus. S’il était plutôt dans de bonnes dispositions lors de la première rencontre, la suite est toute autre.
Bilan ?
- Will Barton affiche un eFG% de 30,8% sur la série, un désastre sans équivalent dans l’équipe après 2 défaites.
- En sa présence, Denver affiche un net rating de -19,8. Autrement dit, sa présence sur le terrain est un poids systématique des deux côtés du terrain (89,6 points marqués pour 100 possessions contre 109,3 encaissés !).
- Enfin, c’est le joueur des Nuggets qui pousse le plus le tempo, de loin, jouant systématiquement à l’instinct et trop souvent hors du système. Mais, comme vu plus haut, sans la moindre efficacité.
Le soucis, c’est que le joueur n’est pas dans cette situation à cause d’une maladresse passagère ; il est tout simplement dans une improvisation permanente. Or, s’il a pu être bon dans ce registre, il éprouve toutes les difficultés du monde depuis son retour, à fortiori dans le jeu rangé des Playoffs, face à une équipe disciplinée comme les Spurs. De fait, non seulement il plombe l’équipe, mais le coaching staff ne lui rend pas service en l’exposant sans jamais se remettre en question.
Un exemple de ce qu’il coûte en attaque ? Des ballons perdus avant même d’être joués, sur des tirs improbables. Quelque chose qui coûte beaucoup sur la série.
L’exaspération de Nikola Jokic sur la séquence (et qui se poursuit sur la contre-attaque), en dit long sur le prix de ces actions.
Pour les actions de l’ombre : Torrey Craig
La finale NBA 2015 entre des Cavaliers décimés et des Warriors conquérants avait été une véritable leçon pour moi. Lorsqu’une équipe de role players faisait chuter pour la seconde fois, le géant en devenir de Golden State, la notion d’homme de l’ombre avait pris toute sa forme.
Pour maintenir une défense de haut niveau, c’est ce dont Denver a terriblement besoin. Supprimer une brebie galeuse et la remplacer par un joueur qui a fait son trou en NBA en apportant ces petits plus. Aides défensives, sécurisation du rebond, défense sur l’homme, Torrey Craig n’est pas un grand basketteur sur le plan technique, mais c’est un joueur intelligent doté de qualités athlétiques très intéressantes.
Alors que Derrick White est en train de découper la défense des Nuggets, il va falloir du renfort pour réduire le nombre d’options offensives de San Antonio. Et Craig peut largement contribuer en la matière.
En outre, s’il n’est pas aussi talentueux offensivement que Will Barton peut l’être, il apporte aussi une rigueur dans le jeu qui a fait défaut aux Nuggets sur de longues séquences. Très sûrs de leur jeu basé sur demi-terrain jusqu’ici, ils ont tendance à manquer d’imagination et se lancer dans des actions individualistes ou des tirs en première intention. Ce que Torrey Craig ne fait jamais, lui qui apporte en attaque par son tir longue distance, développé pour répondre aux besoins des Nuggets, quelques coupes bien sentis, et surtout, une présence majeure au rebond offensif, qui avait fait tant de bien à Denver lorsqu’il était titulaire.
En outre, ses écrans, ses putbacks et sa fiabilité sont autant de raisons de rééquilibrer le jeu de son équipe et retrouver l’allant nécessaire.
Néanmoins, son ajout sera utile, uniquement si Jamal Murray, Gary Harris et Paul Millsap sortent du bois et prennent leur responsabilité. Car s’ils ont tous brillé dans le Game 2, leur irrégularité peut inquiéter Mike Malone au point de ne pas oser rentrer un joueur qui ne sait pas créer, ni pour lui-même, ni pour autrui.
Reste à savoir si le coach de Denver est enfin prêt à prendre un risque où va s’entêter avec ce qu’il pense être sa meilleure formule.
Pour le match-up : Malik Beasley
Si un joueur a fait sensation cette saison contre San Antonio, c’est Beasley. Joueur considéré comme un espoir potentiel, un 3&D capable de trouver un rôle dans la rotation, le sophomore n’a pas déçu. Avec son intensité, son physique solide, il est probablement l’athlète le plus accompli de cette équipe.
Agressif, capable de fondre dans les espaces comme de dégainer de loin, il a fait merveille en sortie de banc, en réalisant plusieurs matchs au-delà des 20 points, prouvant qu’il pouvait être dans un bon soir un excellent facteur X. D’autant que, sa défense, si elle n’est pas encore parfaite, profite d’une belle mobilité et de sa faculté à prendre les contacts.
A plusieurs reprises dans la série, le joueur s’est imposé comme la tempête pour Denver, montrant une hargne qui ne se trouve dans nulles statistiques, mais susceptible de donner un élan à ses coéquipiers. Et pour cause, nul autre joueur dans cette série n’a un impact plus positif sur le terrain que Malik Beasley.
C’est-à-dire ?
- Tous les titulaires des Nuggets ont un net rating négatif
- Seuls 3 joueurs ont un net rating positif
- Torrey Craig affiche +1,3 de net rating en 13 minutes jouées, Monte Morris +5,8 en 24 minutes et Malik Beasley +17,2 en 22 minutes.
Les Spurs sont, à l’instar des Nuggets, une équipe susceptible de manquer de joueurs très athlétiques. Contenir Malik Beasley devient donc compliqué pour ces derniers. Toute la question désormais, est de se demander si Beasley n’est pas trop important sur le banc pour entrer dans le 5 de départ. En effet, opposé à des joueurs comme Marco Belinelli, incapables de le contenir, il permet aux Nuggets de faire parler leur profondeur supérieure.
Quelles rotations ?
Torrey Craig manque désespérément de temps de jeu. Joueur de l’ombre, il ne semble pas rechigner malgré une faible confiance obtenue. En revanche, il est tout à fait possible que son apport soit bien plus important que le staff semble actuellement le considérer.
Denver a besoin de changement, de réaction d’adaptation. Dans cette série, Mike Malone apparaît comme trop frileux et Will Barton est en train de tuer les chances de son équipe. Faire entrer Craig dans le 5 de départ et distribuer le temps de jeu de Will Barton entre Torrey Craig et Malik Beasley en sortie de banc semble un choix rude, mais Ô combien nécessaire.
Continuer dans cette voie, alors que l’ensemble de la saison pourrait être compromise dès la prochaine rencontre, pourrait laisser trop de regrets à la fan base. Il est tout à fait possible que Malone reste, fidèle à lui-même, conservateur de ses idées. Mais ce serait, je pense, un choix regrettable tant son équipe a été dominée sur l’ensemble de cet affrontement.