Ils étaient les symboles de la rage et de l’insouciance d’hier, ils sont devenus ceux de la fragilité et de l’inconstance d’aujourd’hui. Par leurs trajectoires chaotiques, Jaylen Brown et Jayson Tatum illustrent à merveille l’instabilité chronique qui gangrène le vestiaire de Boston depuis le début de la saison. Entre attentes démesurées et nouveaux rôles à appréhender, le chemin s’annonçait ardu, mais nulle grande carrière ne s’écrit dans la facilité. Au-delà du talent, la capacité d’adaptation et les sacrifices pour le bien commun sont des atouts indispensables pour voguer contre les vents lorsque ceux-ci se font violents. Et dans ce registre, là où l’une de nos jeunes pousses peine à fleurir, l’autre s’épanouit de jour en jour.
Maintenus tous les deux dans le 5 majeur en début de saison malgré le retour de Gordon Hayward, Jaylen Brown et Jayson Tatum devaient continuer à éblouir la ligue dans cet orchestre taillé pour la NBA moderne, mettant leur physique et leur talent au service d’une machine de guerre en route vers les finales. Voilà pour la théorie. En pratique, la mayonnaise a pris d’une manière comparable aux plus grands essais culinaires de votre serviteur, et après 10 défaites en 20 matchs, le couperet est tombé : merci Jaylen, mais maintenant tu vas sortir du banc, tu es gentil.
M’asseoir sur un banc 5 minutes avec toi
Il faut dire que le n°7 l’avait bien cherché. Pas sciemment, évidemment, mais ses performances ne laissaient que peu d’options à Brad Stevens : 11.1 pts à 39.8% au tir dont 25% à 3 points, une feuille de stat déjà faiblarde et pourtant loin de traduire tous les maux d’un Brown jouant totalement à l’envers, ne sachant que faire de ses capacités et se perdant dans les mauvais choix de façon alarmante. Si elle n’a probablement pas été présentée comme telle, la relégation sur le banc avait tout d’une sanction. Une sanction qui appelait une réaction du joueur, et celle-ci ne s’est pas faite attendre.
Depuis qu’il regarde le début des rencontres du bord du terrain, Brown apporte de très bonnes choses, à commencer par une intensité bienvenue dans un groupe ayant une certaine tendance à être irrégulier dans le domaine cette saison. Le trio qu’il forme avec Terry Rozier et Marcus Smart est ainsi souvent à l’origine de runs défensifs dévastateurs, à même de sortir Boston des trous dans lesquels ils ont la fâcheuse habitude de s’enterrer tout seuls. Cependant, même lorsque les temps étaient plus difficiles, la défense de Jaylen Brown n’était pas réellement un problème, ou en tout cas elle l’était bien moins que l’attaque.
C’est de ce côté que le renouveau est saisissant. Brown joue désormais avec confiance, n’hésitant plus à attaquer le cercle et à prendre les tirs qui s’offrent à lui. Son scoring n’est plus aussi vital pour l’équipe que l’an dernier, il doit laisser une plus grande liberté à des coéquipiers peut-être plus dotés que lui en terme d’arsenal offensif, mais c’est là la principale force de Brown : il a très bien compris tout cela et s’en sert pour briller aujourd’hui. En se mettant au second plan, et en acceptant sa nouvelle mission consistant à mettre un boxon pas possible dans l’équipe adverse grâce à son intensité en sortie de banc,
Brown a levé la chape de plomb qu’il s’était lui-même posée au-dessus de la tête. Il s’autorise désormais à prendre du plaisir sur le parquet, en profitant des occasions que lui accorde la défense, sans forcer les tirs, mais sans les refuser non plus. Quand la second unit rame (ce qui, on ne va pas se le cacher, arrive régulièrement), c’est souvent lui qui met le hola en venant chercher un rebond offensif important ou en allant gratter un 2+1 pour remettre son équipe dans le sens de la marche. Et il n’est pas rare de le voir sur le parquet lors d’une fin de match tendue, où ses qualités défensives et sa complémentarité très forte avec Marcus Smart sont à l’origine de bien des interceptions et contre-attaques cruciales pour la victoire. L’adage consistant à dire qu’il vaut mieux être dans le 5 qui termine le match, plutôt que dans celui qui le débute, est une nouvelle fois confirmé par un Jaylen Brown métamorphosé.
Le joueur qui semblait se demander à chaque instant s’il avait le droit de faire telle ou telle chose, si tel ou tel tir était judicieux ou non, est redevenu un fauve affamé à même de punir le moindre relâchement adverse (11 matchs à 20 points ou plus en sortie de banc). Sur 100 possessions, Brown score 13 points de plus en tant que remplaçant qu’en tant que titulaire. Ce n’est pas une différence, c’est un gouffre. L’adresse est redevenue des plus correctes (48.7%, 37.8% derrière l’arc depuis sa sortie du 5 majeur), bien qu’un peu inférieure à l’année dernière. On pouvait craindre de voir là le signe d’un surrégime en 2017-2018, il n’en est finalement rien : quand il est bien dans ses pompes, Jaylen Brown est un sacré joueur de basket. Ce renouveau le prouve et le joueur en est le premier responsable, mais il faut également rendre hommage à Brad Stevens, qui a su provoquer l’électrochoc nécessaire pour remobiliser et relancer Brown. Dans cet orchestre peuplé de joueurs de talent qui, après 77 matchs, peinent encore à s’accorder, l’ancien Golden Bear ne laisse pas son ego se mettre en travers de son chemin et ses performances lui prouvent chaque jour que son état d’esprit est le bon.
S’il pouvait simplement donner quelques conseils à notre client suivant…
Iso Jay
Drafté en 3e position par les Celtics en 2017, Jayson Tatum a “profité” à fond de la blessure de Gordon Hayward pour se tailler une part imposante dans le collectif de Boston. Et l’absence de Kyrie Irving pour les playoffs n’a fait qu’augmenter l’espace à disposition de Tatum pour exploiter son talent, ce qu’il ne s’est pas abstenu de faire : scorer 18,5 points de moyenne, mener son équipe aux points marqués dans une campagne de playoffs venue d’ailleurs où les jeunes Celtics ont échoué à un cheveu des Finals, le tout en tant que rookie, relève de la performance majuscule. Le genre de performance qui génère des attentes démesurées.
Sauf qu’en un été, beaucoup de choses ont changé dans le vestiaire de Boston, et le n°3 de la draft est en train d’en payer l’addition. Le triple effet kiss cool “joueur attendu après une saison rookie de haute volée + retour de Kyrie Irving dans le costume du patron + nécessité de trouver du temps de jeu pour Gordon Hayward parce que quand même on l’a payé cher” est, de manière compréhensible, une situation très difficile à gérer pour Tatum. Les statistiques restent tout à fait correctes, mais un sentiment de gâchis transparaît indéniablement lorsque l’on regarde les matchs de Boston, tant on sent qu’il y a la place de faire mieux.
Alors c’est quoi le problème docteur ? On peut déjà commencer par parler d’une belle chute d’adresse longue distance, passée de 43.4% à 37.2%. Tatum est moins apte à sanctionner les ouvertures laissées par la défense sur le périmètre, ce qui n’est jamais très positif en termes de confiance, surtout quand les opportunités de tir se font plus rares, étant donnée la foule de joueurs ayant besoin de tickets shoot du côté de Boston. Heureusement pour lui, sa capacité à aller plus vite que tout le monde en contre-attaque lui permet d’assurer un minimum syndical niveau paniers faciles, qui sauvent un peu le reste du tableau, pas franchement brillant.
Les mauvaises langues diront que l’entraînement de cet été avec Kobe a réveillé certaines tendances toxiques dans le jeu de Tatum, toujours est-il qu’en effet, la propension de ce dernier à prendre de plus en plus de tirs à mi-distance et à forcer de plus en plus d’isolations est tout sauf bénéfique pour le moment. On peut saluer sa volonté d’apporter de la variation dans son jeu pour tenter de tirer son épingle du jeu dans l’arsenal dont les Celtics disposent, mais la manière laisse grandement à désirer. Tatum joue ainsi 13% de ses possessions en isolation, une fréquence digne de son coéquipier Kyrie Irving, excusez du peu. Sauf que là où le second joue sur l’un de ses muscles forts, le premier pédale dans la semoule façon petit braquet dans le Tourmalet.
On ne s’improvise pas soliste et le sophomore est en train de le découvrir de la pire des manières : ses 0.63 points par possession en isolation sont très en-dessous des standards des meilleurs dans le domaine, voire même pitoyables si l’on est un peu énervé – ce qui, si on part sur de l’honnêteté, est un peu le cas de votre serviteur à la vue de certaines actions de notre bon Jayson.
Au regard de ce manque d’efficacité, il paraît tout bonnement aberrant de continuer dans cette direction. Pourtant, ni le joueur, ni le coach ne semblent dérangés par ce phénomène. Laisser un jeune joueur faire plus ou moins ce qu’il veut, au risque de le laisser se taper la tête contre le mur et perdre confiance, est un pari dangereux. Cependant, Brad Stevens semble prêt à miser.
C’est d’autant plus surprenant lorsque l’on constate l’efficacité du joueur sur certaines autres séquences. Oui, parce que Jayson Tatum n’est pas subitement devenu une chèvre, on vous rassure. Il est bien plus performant sur pick and roll (0.92ppp, 72e percentile), son adresse extérieure reste assez correcte dans l’ensemble, ses qualités athlétiques sont toujours là… Il y aurait bien des manières de tenter de le faire briller, manières qui ne sont pourtant explorées qu’avec parcimonie pour le moment.
Au lieu de ça, Tatum est en pilotage automatique et multiplie les erreurs, et son approche du jeu s’en ressent : il n’est pas rare de le voir s’effacer au fur et à mesure de la partie, se contentant de transmettre la balle sans réellement tenter de créer quelque chose, comme s’il jouait de manière sécurisée pour être certain de ne pas faire d’erreur. Le joueur tranchant et insouciant de la saison passée a laissé place à un joueur frileux, pas en rythme sur ses tirs et peu assuré dans ses dribbles. Triste.
Pour défendre Stevens, son attaque n’est pas non plus sclérosée par le problème Tatum, loin de là. Suite à l’intronisation de Marcus Smart et Marcus Morris dans celui-ci, le 5 majeur carbure offensivement avec un rating de 113.2. Même si tout n’est pas parfait, ça tourne bien de ce côté du terrain, et surtout mieux que l’an passé où les Celtics ne possédaient que le 18e offensive rating de la ligue. Faut-il négliger le problème pour autant ? Certainement pas. Même si les chiffres sont flatteurs en surface, dans la réalité, les hommes de Brad Stevens se rendent coupables de passages à vide monstrueux, comme le 30-5 lunaire encaissé face aux Hornets le 23 mars dernier. Dans ces cas-là, personne ne semble capable de remettre de l’ordre dans la maison, et ce n’est certainement pas en s’embarquant dans des isolations douteuses et inefficaces que Tatum peut arranger les choses.
S’il veut prétendre à la place de n°2 dans l’organigramme offensif de l’équipe, il doit être capable de proposer autre chose, plutôt que de faire ce que fait le n°1, en moins bien. Évidemment, il est seulement dans sa deuxième saison, et sa croissance extrêmement rapide de l’an passé ne doit pas faire oublier sa jeunesse. Il dispose encore de temps pour gommer ces défauts, et ses qualités n’ont certainement pas disparu. L’heure de l’affolement n’est pas encore venue mais l’heure de se bouger, en revanche, est bien là. Non seulement à titre collectif, pour éviter une élimination prématurée en playoffs qui ferait sacrément tâche, mais aussi à titre individuel.
Dans la configuration actuelle, l’avenir proche de Jayson Tatum est soumis à l’alternative suivante : être la monnaie d’échange principale dans un trade pour faire venir Anthony Davis cet été, ou continuer de progresser au sein de la maison verte pour devenir, pourquoi pas, l’arme offensive n°1 dans les prochaines années. Deux options très opposées mais qui ont pour point commun le fait que ce n’est certainement pas le moment de semer le doute dans les esprits quant au potentiel du joueur. Heureusement pour lui, l’ambiance assez chaotique qui règne autour du vestiaire de Boston permet de réduire la lumière projetée sur ses lacunes, les médias ayant des sujets de préoccupation plus pressants, comme la free agency de Kyrie Irving. Un collectif incapable de faire briller ses talents est un collectif qui fonctionne mal, et Tatum est une victime supplémentaire des problèmes de Boston dans ce secteur. Cependant, ses choix – et leur validation par Stevens ? – ne font pas grand chose pour apporter des éléments de résolution.
L’ancien de Duke surfe encore sur les derniers remous des playoffs de l’an dernier, et bénéficie toujours d’une cote élevée dans l’esprit des observateurs de la ligue. Il y a tellement de choses qui ne vont pas dans ce Boston là, que taper sur un gamin de 21 ans ayant du mal à gérer son nouveau statut n’est pas forcément la première chose venant à l’esprit. Cependant, ses difficultés ne doivent pas être passées sous silence. À l’inverse, Jaylen Brown a fait preuve d’une capacité d’adaptation inattendue, faisant de lui l’un des éléments les plus utiles au fonctionnement de l’équipe à l’heure actuelle. Les playoffs approchent à grands pas, avec bien plus de doutes que de certitudes, et malgré leur jeune âge, les deux gamins joueront déjà très gros, à l’aube d’un été qui pourrait durablement changer la face de la franchise.
Tout ce Qi touche Tatum < Ingram je clique plus vite que mon ombre.
Et je reste convaincu que la bande à Ingram et les tours de draft qui vont avec sont la meilleure option pour les Pelicans et pour Tatum.
Le coach c'est Alvin Gentry ………..