Après une première partie de saison chaotique, marquée par une pluie de blessures et un amour profond pour l’irrégularité, le Heat est désormais au complet et lance son sprint pour accrocher les playoffs, objectif qui paraissait largement à leur portée en début de saison mais dont l’accomplissement suscite aujourd’hui beaucoup d’interrogations. Dans le match à 3 avec les Hornets et le Magic, ce sont pourtant les hommes de Spoelstra qui ont tiré les premiers, avec 5 victoires sur les 7 derniers matchs. Focus sur les raisons des bons résultats actuels et leur évolution potentielle sur la fin de saison.
25 février 2019. Miami touche le fond en s’inclinant à domicile face aux Suns, leur 3e défaite consécutive et la 8e sur les 10 derniers matchs. Pour une équipe dont l’objectif affiché est de participer aux playoffs, vous avouerez que ça fait plutôt tâche. Sentant le souffle chaud de l’échec caresser son petit cou délicat, Erik Spoelstra déplore en plus la blessure d’Hassan Whiteside, et va encore devoir bricoler. Ce n’est pas la première fois que le technicien est amené à changer son équipe titulaire, puisqu’il s’apprête tout simplement à aligner son 23e starting 5 différent depuis le début de la saison. Oui, quand 4 de vos joueurs (Dragic, Waiters, Derrick Jones Jr et James Johnson) ratent 124 matchs en cumulé à cause des blessures, vous êtes obligés de bidouiller pas mal. Voilà donc le 5 inédit aligné par le coach floridien, le soir de la réception des Warriors :
Justise Winslow – Dion Waiters – Josh Richardson – Kelly Olynyk – Bam Adebayo
Nouveau 5, nouvelle dynamique
48 minutes et un buzzer beater venu d’ailleurs de Dwyane Wade plus tard, Miami fait tomber le champion en titre et met fin à sa série noire. Avec ce coup d’éclat, Miami vient de retourner le momentum façon Randy Orton et de lancer une série de 5 victoires en 7 matchs, à même de les replacer à la 8e place de l’Est à l’heure de ces lignes et d’espérer à nouveau une qualification.
Sur ces 7 matchs, le Heat affiche le 5e meilleur offensive rating de la ligue, le genre de statistique qui vous pousse à vous pincer très fort pour attester de sa véracité. Avec 7 joueurs à 10 points de moyenne ou plus, le collectif est au centre de la réussite, et chacun arrive à apporter sa pierre à l’édifice. Miami continue d’imposer un tempo très lent (26e PACE), fait tourner le ballon sur demi-terrain en responsabilisant chaque joueur pour trouver la faille. Le talent offensif est là mais n’est certainement pas dans le gotha de la NBA, il faut donc faire en sorte que l’équipe soit plus forte que la somme de ses individualités, comme peut très bien le faire le Jazz. Et actuellement, ça fonctionne plutôt bien.
Symbole de ces bonnes ondes actuelles, le duo de pivots Adebayo-Whiteside. Alors qu’il a pu “briller” par le passé par son mauvais caractère, Whiteside semble pour l’instant accepter son rôle de remplaçant, Spoelstra ayant choisi de maintenir le sophomore dans le 5 même après le retour de blessure de son titulaire habituel. On ne sait pas si cette concurrence pourra rester saine, mais jusqu’à présent, chacun arrive à apporter son écot dans son style caractéristique. Adebayo profite de sa mobilité et de son explosivité pour aller plus vite que beaucoup de ses vis-à-vis, ce qui lui permet même de tenir la route face à des petits si un switch se présente. S’il est encore frustre offensivement, sa morphologie et ses qualités athlétiques en font un diamant brut dans la NBA moderne. Whiteside, lui, évolue dans un registre plus classique, mais sa production actuelle est tout sauf anodine (10 pts et 10 rbds en seulement 19 min). Que ce soit par leur intensité défensive, leur activité au rebond offensif, ou leur faculté à créer des espaces dans la raquette adverse, les deux pivots cochent beaucoup de cases dans la colonne “bonnes actions” et la dynamique de l’équipe s’en ressent.
Autre cadre efficace en sortie de banc, Goran Dragic. On se demandait comment son cas allait être géré compte tenu du fait que Justise Winslow affichait ses meilleures moyennes en carrière aux points, rebonds et passes depuis son replacement au poste de meneur, et Spoelstra a tranché en restant dans cette configuration, laissant au Slovène un rôle de remplaçant. Si les 4 matchs auxquels il a participé ne sont pas un échantillon suffisant pour tirer de réelles conclusions, ses 17.5 pts en 20 minutes sont à saluer et sont un très bon signe quand à son retour en pleine possession de ses moyens après 3 mois sans jouer.
Avec ces deux-là sur le banc, Miami présente une second unit prolifique (4e au total de points sur les 6 rencontres précédant la lourde défaite face aux Raptors), mais celle-ci possède également l’expérience nécessaire pour prendre les choses en main quand ça compte. On peut citer bien évidemment l’éternel Dwyane Wade qui fait en sorte de mériter la standing ovation reçue à chacune de ses apparitions sur le parquet, que ce soit son buzzer beater chanceux face aux Warriors mais surtout ses deux récitals pour mettre les Hornets et les Hawks dans les cordes, qui ne sont, eux, certainement pas dus à la chance, mais bien au talent de celui qui prendra sa retraite à la fin de la saison.
Pour pouvoir laisser les “vieux” sur le banc, il faudra néanmoins que les jeunes titulaires confirment. Le nouveau 5 fonctionne sur une répartition des rôles équilibrée. Winslow et Richardson se posent comme les porteurs de balle principaux, mais ne sont pas les seuls responsables de la création, et il faut à ce titre saluer l’activité de Kelly Olynyk. La complicité de celui-ci avec Adebayo dans la raquette est d’ailleurs très intéressante, et ouvre de belles possibilités de variation dans le jeu du Heat. Dion Waiters est censé occuper le costume du pistolero mais est en grande difficulté avec son shoot cette saison. Malgré cela, ce groupe produisait de très bonnes choses, avec un net rating de 14.4 (d’un niveau équivalent au meilleur starting 5 des Warriors, vous savez, celui avec Looney à la place de Cousins) avant de prendre l’eau, comme le reste de l’équipe, face aux Raptors.
Des résultats à relativiser
Malheureusement, la présence d’un effectif enfin au complet et la bonne forme de la majorité de l’équipe ne sont pas les seuls facteurs de la réussite entrevue. Au-delà des considérations de plan de jeu, de coaching et d’acceptation des rôles de chacun, il reste une réalité toute basique mais néanmoins très importante : les floridiens étaient complètement en feu pendant 6 matchs, avec un pourcentage au tir réel de 61,2%, tout simplement le meilleur de la ligue. C’est beau, trop beau. Et ce n’est pas aux fins limiers du basketball que vous êtes que l’on apprendra qu’une adresse exceptionnelle a tendance à ne pas s’étaler sur la durée. Pour maintenir de bons résultats, une bonne défense est nécessaire, et c’est là où le bât blesse pour le Heat, qui n’est que 22e en terme d’efficacité défensive sur cette même période de 7 matchs. Oui, le Heat, connu pour son intensité et sa rigueur défensive, est en mode portes ouvertes en ce moment.
On pourrait alors s’inquiéter, et penser qu’avec une telle implication, les défaites recommenceront à s’enchaîner dès que l’adresse fuira, exactement comme ce fut le cas face aux Raptors. Il faut cependant remettre cette statistique dans le contexte. Pour rappel, Miami a affronté consécutivement les Warriors et les Rockets. Vous serez d’accord pour dire que ce sont deux équipes contre lesquelles il est plus “excusable” de prendre une tripotée de points, surtout si l’on parvient à remporter l’un des deux matchs dans l’histoire. Sur un échantillon aussi réduit, deux matchs à plus de 120 points encaissés ont forcément une incidence forte.
Par ailleurs, le Heat n’a pas manqué de prouver qu’il savait encore parfaitement mettre les barbelés. Nets et Hornets ont ainsi été tenus respectivement à 88 et 84 points, dans deux rencontres cruciales que le Heat a su remporter. Même face aux Cavaliers, la défense de zone mise en place durant de longues minutes a permis au Heat de casser le rythme adverse pour prendre ses distances en fin de match. On vous laisse imaginer une zone 2-3 avec les grands compas de Josh Richardson et Derrick Jones Jr pour chasser vos extérieurs, et un marsupial comme Adebayo pour patrouiller la raquette… Le problème, c’est que cette même zone a été incapable de mettre fin au barrage d’artillerie canadien dimanche soir. La défense du Heat n’est certainement pas aux abois, mais quand le niveau en face montera considérablement, pourra-t-elle être suffisamment efficace pour compenser une adresse fluctuante ?
Un rapide coup d’oeil au calendrier nous montre en effet que les rencontres contre les grosses équipes vont s’enchaîner à un rythme effréné, et qu’il va falloir s’accrocher sévère pour tirer son épingle du jeu. À l’exception d’Indiana, c’est tout le top 5 de la conférence Est qui se dresse sur la route du Heat, et le festival a commencé ce dimanche avec une bonne peignée reçue des mains des Raptors. Chacune de ces équipes d’élite a des choses à jouer sur cette fin de saison, rendant vain l’espoir de les voir prendre un match à la légère : Milwaukee et Toronto luttent pour le meilleur bilan de la ligue, alors que Boston et Philadelphie veulent absolument l’avantage du terrain au premier tour. Il en va de même pour certaines grosses écuries de l’Ouest : si le Heat veut s’imposer chez les Spurs ou le Thunder, il va vraiment falloir s’y filer.
Le souci, c’est que pendant que le Heat se farcira ce parcours, ce ne sera pas le cas de tout le monde. Si celui des Hornets s’apparente à un pèlerinage en enfer, celui du voisin d’Orlando ressemble à une promenade champêtre en comparaison. On vous laisse constater par vous-même :
Voilà, ce n’est pas vraiment la même ambiance. Inutile de dire qu’il ne va pas falloir lambiner pour le Heat, et que tous les matchs contre des équipes “abordables” se devront d’être gagnés. Inutile de dire aussi que le match face à Orlando est un must win, d’autant plus que c’est le Magic qui possède le tie-breaker pour le moment (1-2). D’autre part, même si les Hornets semblent condamnés par leur calendrier, il ne faut pas pour autant les exclure de la course, et là encore, le Heat est en position dangereuse au niveau du tie-breaker (1-2). Ça commence à faire beaucoup, et l’on pourra, si l’issue n’était pas favorable, regretter les 5 défaites enregistrées contre le trio magique Hawks-Bulls-Suns, qui plombent aujourd’hui le bilan de Miami.
Malgré les blessures, cette équipe a déçu à plus d’une occasion cette saison, et pourrait payer le fait d’avoir mis la machine en route trop tard. Ou alors, elle pourrait être l’une des belles histoires de cette fin d’exercice, en surmontant ce surplus d’adversité pour débarquer dans les joutes printanières telle une meute de loups morte de faim. On ne va pas se le cacher, ça leur ressemblerait pas mal.