Un soir d’octobre, aux alentours de minuit, alors que Ferguson repartait s’entrainer après une nouvelle défaite, le joueur reçoit un appel de Russell Westbrook. L’ancien MVP lui demande où il est, puis lui dit « Je vais te rejoindre à la salle, on va discuter, on va traverser ça ensemble ». Alors que le Thunder avait démarré sa saison par quatre défaites, et Ferguson par un 1/14 derrière l’arc, cette marque de confiance a beaucoup touché le sophomore. Billy Donovan, sous le feu des critiques à l’époque, a lui aussi maintenu entière confiance en Ferguson pour le poste d’arrière titulaire, malgré la concurrence d’Abrines, Diallo, ou même Schröder. Quatre mois plus tard, le joueur leur a donné raison, devenant un élément clé de la troisième meilleure équipe de l’Ouest. Focus.
Enfin un 3&D au Thunder ?
Depuis longtemps le Thunder recherche ce profil d’arrière complémentaire avec ses stars. Pour jouer entre Westbrook et George, l’équipe a besoin d’un joueur capable de défendre, capable de suivre Westbrook en contre attaque, un joueur qui n’a pas besoin du ballon offensivement, et surtout, qui est capable de sanctionner de loin si la défense lui en laisse l’opportunité. Depuis le départ d’Harden, OKC n’a jamais trouvé ce shooteur. Le joueur le plus prolifique à trois points de l’histoire de la franchise derrière Durant, Westbrook et George ? Anthony Morrow… Carmelo Anthony est 7ème, en étant resté une seule année dans l’Oklahoma.
On ne compte plus le nombre d’arrières que le Thunder a recruté dans le but de remplir ce rôle, de Jeremy Lamb à Alex Abrines, en passant par Josh Huestis, drafté 29è à la surprise générale devant, entre autres, Nikola Jokic, Joe Harris ou Spencer Dinwiddie. Beaucoup de mauvais choix, donc, dans la recherche de ce profil, mais avec Terrance Ferguson, Sam Presti a peut-être enfin trouvé le chaînon manquant.
Originaire de Tulsa, Oklahoma, l’arrière est un produit local. Avant d’arriver en NBA, il eut quelques faits d’arme, notamment au Nike Hoop Summit en 2016, où il finit MVP après avoir battu le record de shoots à trois points inscrits (7). Cette même année, il fait aussi parler de lui en remportant un concours de dunk grâce à un windmill placé depuis la ligne des lancers francs. Après le lycée, alors qu’il est courtisé par les plus grands programmes du pays, il décide finalement de refuser la NCAA et part jouer en Australie, avec les 36ers d’Adélaïde. Après une saison quelconque à l’autre bout du monde, il se présente à la draft et tombe donc au Thunder, qui le récupère avec le 21è choix.
Pour sa saison rookie, il joue 61 matchs pour 12 minutes en moyenne. Très peu utilisé en début de saison, tout cela va prendre un autre tournant après la blessure d’Andre Roberson. Il va être propulsé titulaire pendant une douzaine de matchs, avant que le Thunder ne signe Corey Brewer pour occuper ce poste. Il finira la saison à 3,1 points de moyenne, shootant à 41% dont 33% à trois points. Surtout, le niveau de jeu du Thunder a chuté à partir du moment où l’arrière a pris de l’importance, et il aura payé la comparaison avec Roberson, malgré – déjà – des signes encourageants en défense. Pourtant, ce qu’il a montré pour cette saison rookie suffit pour convaincre Billy Donovan d’en faire son arrière titulaire pour sa deuxième année. Et l’expérience s’avère réussie.
Nous l’avons dit, le sophomore a connu quelques soucis en début de saison pour s’adapter à son nouveau rôle. Durant ses 15 premiers matchs, il shootait à 25,6% derrière l’arc, avec 2,9 tentatives par match. Absent quelques matchs fin novembre à cause d’un problème à la cheville, il tourne depuis à 41,4% sur ses 4,1 tentatives. Si l’on compare à l’année dernière, la progression est impressionnante. Il est passé d’un net rating très nettement négatif à -4,7 (alors même qu’il jouait beaucoup de minutes avec les titulaires), à un net rating de 6,8, égal à celui de Russell Westbrook, par exemple. En bref, Terrance Ferguson a cessé d’être un boulet pour son équipe, et sait désormais utiliser ses qualités à la perfection. Mais quelles sont-elles, ses qualités ?
Une menace derrière l’arc
La première qualité qui lui est demandée, celle qui lui permet d’exister du coté offensif du terrain, c’est bien sur d’être capable de sanctionner à trois points. Avec Russell Westbrook ou Paul George qui vont fixer les défenses, l’arrière doit pouvoir offrir une solution supplémentaire si la défense décide de lui laisser de l’espace.
C’est ce que nous confirme les statistiques, notamment celles de Cleaning The Glass, qui montre que Ferguson prend 63% de ses tirs derrière la ligne, et même 31% dans le corner, ce qui le place dans le 98e percentile dans cette catégorie (c’est à dire que seulement 2% des joueurs au même poste privilégient plus cette position, proportionnellement).
Les statistiques de NBA.com viennent compléter cela, en montrant que la quasi totalité (95%) de ses shoots à trois points sont pris en catch and shoot en étant ouvert ou grand ouvert. Enfin, sur ses 3,7 tentatives de loin par match, 2,4 sont pris directement après une passe de Russell Westbrook ou Paul George.
Surtout, il est devenu capable de rentrer ces tirs. Son effective field goal % (le pourcentage aux tirs ajusté en fonction de la valeur du tir) de 56,9% le place dans le 85e percentile. Nous l’avons déjà dit, son pourcentage à trois points est très correct, et il est également particulièrement efficace dans les tirs proches du cercle, où il en convertit 73%, le plaçant dans le 91e percentile.
Son importance dans sa capacité à amener de l’adresse est confirmée par son différentiel on/off, pèle-mêle on peut citer :
- +5,1 points/100 possessions (83e percentile)
- +4,5% d’eFG% (95e)
- +4,8% sur les tirs « at the rim » (91e)
- +5,2% à 3 points (96e)
Précieux sur attaque rapide
La statistique concernant les shoots proches du cercle – “at the rim” – est particulièrement intéressante dans la mesure où, à mon sens, elle met en lumière avant tout les qualités de Ferguson sur le jeu en transition. D’ailleurs, la moitié des tirs à deux points du joueur sont pris dans ces conditions, à savoir dans les 6 premières secondes d’une possession, où il en convertit 65,2%. À 3 points ? 47,2%. Des pourcentage remarquables, qui font grimper son eFG% sur transition à 67,7% !
Son efficacité dans le domaine est confirmé par son différentiel on/off. Quand Ferguson est sur le terrain, le Thunder augmente de 5,1 son nombre de points pour 100 possessions en transition, il est dans le 83e percentile dans ce domaine. Une statistique particulièrement vrai pour les possessions qui suivent une interception.
Ses pourcentages près du panier s’expliquent finalement plus par sa capacité à suivre les contre- attaques et à proposer une solution à son meneur que par sa capacité à finir dans le trafic. En effet, malgré quelques signes encourageants montrés récemment en attaquant les close outs, sa capacité à attaquer le cercle et à finir face à un défenseur reste un de ses points faibles. Mais quand on joue avec Russell Westbrook et Paul George, ce n’est pas la première qualité qu’on lui demande d’avoir.
Une progression constante en défense
Un autre aspect de son rôle est évidemment sa défense. C’est principalement pour cette raison qu’il a été choisit pour ce poste de titulaire. Il est, parmi les arrières du Thunder, le joueur le plus à même de reprendre le rôle laisser vacant par Roberson. D’ailleurs, il a été reporté que l’ancien candidat au DPOY est resté très proche de l’équipe malgré sa blessure, pour encadrer et conseiller Ferguson, participant notamment aux séances vidéos. Un travail qui a porté ses fruits, tant l’arrière a pris une nouvelle dimension dans ce domaine cette saison, notamment en s’occupant régulièrement du meilleur scoreur adverse – on l’a vu par exemple récemment s’occuper de James Harden.
Surtout, ses qualités athlétiques, sa vitesse, sa mobilité, son hustle, en font un élément clé d’une des meilleures défenses de la ligue. La défense du Thunder repose essentiellement sur les qualités athlétiques exceptionnelles de son cinq majeur, en utilisant mobilité et envergure pour couper les lignes de passes, et provoquer des pertes de balle.
Sur cette séquence, on le voit empêcher un cut, à deux occasions, venir gêner le porteur de balle, et box out son joueur sur le rebond.
Sur celle-ci, il anticipe, coupe la ligne de passe et intercepte, permettant un panier rapide de Paul George.
Enfin, un autre aspect défensif dans lequel Terrance Ferguson s’illustre, c’est la défense en transition.
Nous l’avons déjà vu pour l’aspect offensif, mais le sophomore n’est pas moins précieux en défense dans ce secteur. Notons d’abord que le Thunder est la 4è meilleure défense de la ligue sur le jeu en transition, encaissant 105.8 points/100 possessions. En fréquence, c’est la 6è meilleure équipe, concédant ce type d’attaque dans 14% des cas. C’est même la meilleure équipe pour empêcher le jeu rapide après une interception, ne permettant à l’adversaire d’exploiter cela dans seulement 56,3% des cas. Et Ferguson n’y est pas étranger.
En effet, il réduit la fréquence des transitions adverses de 2,3% quand il est sur le terrain, le plaçant dans le 91e percentile dans ce domaine. Et après une interception ? Il réduit la fréquence de 10,8%, 94e percentile. Ça commence à devenir sérieux non ?
Une marge de progression importante
Aujourd’hui, Ferguson possède l’un des, si ce n’est LE taux d’usage le plus faible de la ligue, avec 9,7%, ce qui le place dans le tout premier percentile dans ce domaine. Encore une fois, quand on joue avec Westbrook et George, c’est assez logique.
Cela dit, ce taux est assez largement influencé par sa timidité du début de saison, il a depuis appris à prendre un peu plus ses responsabilités. Il a d’ailleurs déclaré s’être inquiété en début de saison du nombre de shoots qu’il devait prendre, une question légitime quand on est la cinquième option d’une équipe avec autant de talents offensifs. Mais ses coéquipiers lui ont enlevé ces questions, lui expliquant qu’il ne devait pas trop se poser de questions, et de juste tirer s’il en avait l’opportunité.
Interrogé à ce sujet, il a répondu : “Maintenant je me dit “Merde, si je suis ouvert, j’envois!” Et c’est comme ça que ça doit marcher, tu dois jouer librement”. Cette prise de confiance se ressent, de 3,8 tentatives par match en octobre, il est passé à 7,9 en janvier. Surtout, il commence à diversifier un peu son jeu. Sa marge de progression offensive se situe là, dans sa capacité à attaquer le cercle et à finir malgré la défense. On a pu le voir s’essayer à ce genre d’actions depuis quelques semaines, avec une certaine réussite.
Cette année, Paul George joue à un niveau MVP, Russell Westbrook enchaîne une nouvelle saison en triple-double, Steven Adams a bien failli être All- Star, et pourtant, il ne faut surtout pas sous-estimer la progression de Ferguson dans les bons résultats de l’équipe (et celle de Jerami Grant, qui aurait tout autant mérité son article).
Alors qu’OKC pensait avoir trouvé son arrière titulaire avec Roberson, le défenseur est désormais absent depuis 13 mois, et aucun signe ne semble annoncé un retour rapide. Dans ces conditions, lui avoir trouvé un remplaçant aussi solide semblait presque inespéré, mais avec cet arrière qui court, qui shoote, qui défend, et qui n’a pas besoin de la balle, le Thunder l’a non seulement remplacé, mais a peut-être même trouvé mieux… D’ailleurs, ce dernier continue de prendre de l’importance : après plusieurs mois où Donovan choisissait quasiment systématiquement de terminer les matchs avec Schroder en poste 2, on a vu plusieurs fois Ferguson reprendre ce rôle ces dernières semaines. Un joueur et une progression à suivre donc, qui devra confirmer quand les playoffs vont arriver.