La carrière NBA de DeAndre Jordan n’est pas un long fleuve tranquille. Sans pour autant être dans une situation délicate, le nouveau pivot de la Grosse Pomme vient d’être échangé par l’équipe qui le draguait depuis des années… au bout de 4 mois. La NBA est un business, certes, mais les joueurs ont parfois leurs responsabilités dans les prises de décisions des GM. Revenons quelques années en arrière pour comprendre la situation dans laquelle se retrouve l’ancien All Star.
Le phénomène angeleno
Eté 2008, les Clippers viennent de terminer 12ème de la conférence Ouest et peinent à se qualifier en playoffs depuis plusieurs saisons. Une énième reconstruction est en cours au sein de l’effectif de Los Angeles et cela se fera notamment par la draft. Avec le pick 7, Eric Gordon vient prêter main forte à Kris Kaman et Baron Davis, fraîchement atterri à LA. DeAndre Jordan complète l’effectif et arrive par la petite porte puisqu’il sera drafté au second tour, en 35ème position.
Avec un temps de jeu en hausse et des apports en points et rebonds en constante progression pendant les 3 années de son contrat rookie, Dédé reçoit une offre de 40 millions de dollars sur 4 ans de la part des Warriors, en 2011. En pleine bourre et profitant d’une relation idyllique avec son pote Blake Griffin, le jeune duo des Clippers commence déjà à faire tourner quelques têtes. Ni une, ni deux, Jordan accepte la proposition de Golden State et paraphe son nouveau contrat à 10 millions la saison. Étant néanmoins free agent restricted, les Clippers s’alignent sur l’offre et indiquent ainsi vouloir construire l’avenir avec leur jeune garde. Les années s’enchainent et DeAndre Jordan s’impose de plus en plus comme le socle défensif de “Lob City”, réalisant de solides saisons comme en 2013-2014 où il termine 3ème meilleur contreur de la ligue avec 2,4 blocks par match mais aussi à 10,4 points et 13,6 rebonds.
Les récompenses s’enchainent durant les années qui suivent : meilleur rebondeur de la ligue (2014, 2015), meilleur pourcentage au tir (2013, 2014), joueur ayant pris le plus de rebonds en saison régulière (2014), All NBA Third Team et All Defensive First Team en 2015… Bref, vous vous en souvenez sans doute, pas moyen de parler des Clippers sans avoir à l’esprit les alley-oops de Chris Paul conclus brutalement par le gros Dédé qui vient tout écraser sur son passage (coucou Brandon Knight). Les signatures de Jamal Crawford, Matt Barnes et Lamar Odom font de l’équipe un candidat sérieux au titre et replace les Clippers comme il se doit dans la ville de Kobe.
Dédé n’a qu’une parole… ou presque.
Dans cette montée en puissance de l’équipe, DeAndre Jordan est comme un poisson dans l’eau ou du moins c’est l’impression qu’il donne de l’extérieur. Car en réalité, ce qui va se passer lors de l’été 2015, va indéniablement impacter la carrière de Jordan mais également toute la dynamique de son équipe.
Pour vous resituer le contexte, nous sommes en juillet 2015, Jordan est free agent et il peut choisir de signer où bon lui semble. Durant quelques jours, les équipes désireuses de signer un joueur peuvent engager des discussions contractuelles avec ce dernier mais cela reste au stade de promesse car aucun trade ne peut être signé avant la fin de semaine : c’est ce qu’on appelle, le moratorium.
DJ est donc en fin de contrat et veut tâter sa valeur sur le marché des agents libres. Mark Cuban, le propriétaire des Dallas Mavericks, saute sur l’occasion et propose 80 millions sur 4 ans au pivot des Clippers. Dallas est en manque cruel de taille et d’impact dans la raquette et pense avoir trouvé le joueur idéal pour solutionner ce problème. Est-ce le talent d’orateur de Mark Cuban ou bien DeAndre Jordan qui ne se sentait plus à sa place à LA ? La question a le mérite d’être posée car quelques temps après cette entrevue, DJ informe la direction des Clippers qu’il a l’intention de s’engager avec les Mavericks et qu’il a déjà donné son accord verbal à la franchise texane. A partir de ce moment, la NBA assiste via Twitter au déroulement d’un scénario complètement fou, digne d’un blockbuster hollywoodien. Pris par les remords, ne sachant plus si son choix est le bon ou pas, DeAndre Jordan va demander de l’aide à ses potes de L.A. afin de prendre la bonne décision. Sans se faire attendre, c’est toute une délégation qui prend l’avion pour Houston (la résidence où se trouve Jordan) afin de secourir le grand Dédé qui est à deux doigts de partir chez l’ennemi. Par tweet interposé, Chandler Parson annonce également se rendre chez lui pour lui rappeler la promesse qu’il vient de faire à Cuban. Mais manque de chance, la team Clippers est déjà sur place et en nombre : Chris Paul, Paul Pierce, Blake Griffin et Doc Rivers ! D’ici quelques heures, le moratorium sera terminé et Jordan pourra officiellement signer son contrat avec Dallas. Oui mais c’est sans compter le bordel qui se déroule dans la maison texane. Après une longue discussion entre coéquipiers, DeAndre décide de ne pas répondre aux appels de Cuban qui le harcèle par téléphone depuis plusieurs heures, interdit à son propre agent de le contacter et annule à la dernière minute son accord verbal avec les Mavs. L’annonce fera l’effet d’une bombe sur les réseaux sociaux : DeAndre Jordan pose un lapin à Dallas et s’engage à nouveau avec les Clippers pour 88 millions sur 4 ans !
« Je veux m’excuser publiquement auprès d’un des meilleurs propriétaires du monde Mark Cuban, à la franchise des Dallas Mavericks et à leurs fans. Je suis reconnaissant de la gentillesse et de la compréhension de Mark Cuban et des Mavs. Je suis désolé d’avoir changé d’avis. »
Le tweet de Jordan ne changera rien au sentiment de trahison que ressent toute la communauté des Mavericks mais faute avouée, à moitié pardonnée. Mark Cuban pourra toujours se consoler quelques années plus tard d’avoir tout même réussi à attirer le colosse dans son équipe.
Comment passer de rescapé à naufragé
Une fois cette sombre histoire derrière lui, DeAndre Jordan continue de faire le taff et retourne au charbon sous les arceaux de Lob City. Pendant les 4 années de son nouveau contrat, il tournera à 12,2 points, 14,4 rebonds et 1,8 contre de moyenne. Sa complémentarité avec Blake Griffin et Chris Paul le poussera même à être élu All NBA First Team et Defensive Team en 2016, il remportera la médaille d’or aux Jeux Olympiques avec Team USA la même année et sera sélectionné pour participer au All Star Game 2017.
Avec toutes ces récompenses, Jordan a sans doute atteint son plafond maximal de distinction personnelle. Et c’est déjà énorme, pour un joueur sélectionné au second tour de draft, le résultat final est plus que satisfaisant. C’est sans doute ce qu’a dû se dire Dédé lors de l’été 2018, car malgré le fait de faire partie d’une top équipe à l’Ouest, cette dernière n’est jamais parvenue à gagner un titre ou même atteindre des finales NBA. Et lorsque tout l’effectif de Lob City commençait à se dissoudre pour repartir sur une nouvelle reconstruction, Jordan décida de s’engager avec… Dallas. L’histoire d’amour était trop forte et sans pour autant demander un contrat sur le long terme, le pivot des Clippers parapha un contrat d’un an de 24 millions de dollars.
Malheureusement l’idylle ne fût que de courte durée car au bout de quelques mois seulement, les premières rumeurs d’agacement au sein du vestiaire texan commencèrent à faire surface. D’après Tim McMahon, insider pour ESPN, DeAndre Jordan se la jouerait trop personnel, ce qui aurait comme conséquence d’excéder au plus au point une grande partie des autres joueurs de l’équipe. Pour ne pas arranger les choses, Jordan déclarait à la sortie d’un match contre les Knicks (ironie du sort) qu’il “jouait pour faires ses stats et que chaque rebond lui était dû.” Il n’en fallait pas plus pour que Mark Cuban en conclut que DeAndre n’était pas sur la même longueur d’onde que le reste de son équipe. Et c’est ainsi qu’à la dernière trade deadline, le pivot se retrouve dans l’un des blockbuster-trade de mi-saison en étant échangé contre Kristaps Porzingis and Cie.
A l’heure actuelle, Jordan est toujours dans l’effectif des Knicks et devrait y rester jusqu’à la fin de saison. Certains misent sur le fait qu’il pourrait être un argument pour New York afin d’attirer Kevin Durant lors de la prochaine Free Agency. En effet les deux hommes sont plutôt proches, surtout en dehors du terrain. Oui mais voilà, la NBA reste un business et l’objectif des Knicks est de signer deux gros poissons cet été. En gardant DeAndre dans l’effectif, New York serait dans l’incapacité financière de réaliser un tel coup ; et entre un duo Durant-Jordan ou Durant-Irving (par exemple), le choix est vite fait. La réponse se fera d’ici quelques mois, mais la direction que prend la carrière de DeAndre Jordan est de plus en plus délicate. Le pivot est aujourd’hui dans l’expectative par rapport à son avenir et rien n’est plus sûr concernant l’équipe dans laquelle il commencera l’exercice 2019-2020.
Comme quoi, en seulement quelques mois, la superstar Jordan vient de se transformer en monnaie d’échange cheap sans que l’on ait eu le temps de le voir venir.