“Dans quelle arène est-il le plus difficile d’aller jouer ?“.
Chaque début de saison est accompagné de ses coutumes. Le grand sondage NBA en fait parti. Tous les étés, l’ensemble des joueurs NBA est sommé de répondre à un grand nombre de question, dont la susdite. C’est d’ailleurs en général dans cette catégorie que la franchise de Denver a en général le plus de chance d’être nommée en tête de liste.
Si vous vous demandez pourquoi, voyons plutôt les raisons qui peuvent pousser une salle à être plus dure à aborder que les autres.
La niveau général de l’équipe à domicile, l’énergie de cette dernière sur ses terres, la pression exercée par le public.
Généralement, ce sont les 3 arguments principaux qui peuvent faire d’une antre un véritable cauchemar pour ses adversaire. Sauf quand la position géographique de la salle devient un argument supplémentaire. Et c’est là que les Nuggets possèdent un atout supplémentaire que le reste de la NBA redoute. En effet, la ville de Denver est située en altitude, où il est plus difficile pour les visiteurs de trouver de l’air et de l’énergie. Vous ne serez donc pas étonné si je vous dis que dès lors que la franchise aligne une équipe compétitive, jouer au Pepsi Center devient cauchemardesque pour n’importe quelle équipe. Forcément, en ce début de saison, le sujet trouve tout son sens.
Les Denver Nuggets réalisent un superbe début de saison, trônant à une improbable 1ere place de la conférence Ouest, avec le meilleur début d’exercice de l’histoire de la franchise. Mais ce n’est pas le seul classement où l’équipe arrive en tête, puisqu’elle est également celle qui comptabilise le plus d’absences suite à des blessures. En outre, ce ne sont pas des joueurs de moindre importance, puisque l’équipe a évolué sans 3 de ses titulaires durant le mois de décembre, dont Will Barton qui n’a joué que 3 matchs sur toute la saison. Évidemment, on pourra dire que récupérer 2 rookies blessés et un joueur en convalescence contribue à cette hécatombe, ce qui est indubitablement vrai.
Pour autant, si vous suivez les Nuggets avec attention depuis quelques années, vous ne serez pas surpris de lire que l’équipe fait systématiquement parti des plus handicapées par les allers-retours à l’infirmerie de ses joueurs.
Au point de faire un lien direct entre l’avantage procuré par l’altitude et les blessures ?
Gros plan sur l’altitude
Pour commencer cet article et la spécificité que représente le fait de jouer à Denver, il est important de faire un point général sur cette notion d’altitude.
Qu’est-ce que cela change ?
Le corps humain se comporte de la même manière que vous soyez au degrés 0 de l’altitude, c’est à dire au niveau de la mer ou à 400-500 mètres d’altitude, une hauteur tout à fait raisonnable. En revanche, dès lors que vous commencez à dépasser cette barre vous allez commencer à ressentir les effets.
On dit souvent que plus on monte en altitude, plus l’air se raréfie. Si la sensation est réelle, c’est en revanche factuellement faux. La même quantité d’air est présente peu important l’altitude où vous vous trouvez. C’est en réalité la densité de l’air qui se transforme, puisque la pression diminue. Avec cette diminution de la pression, les molécules d’oxygènes disponibles pour faire fonctionnez vos cellules diminuent. Ce changement s’appelle l’hypoxie, une diminution du taux d’oxygène dans le sang. Celle-ci se fait plus forte au fur-et-à-mesure que vous montez en altitude.
Quelques repères ? On considère que l’on peut observer les phénomènes à partir de 3 intervalles d’altitudes.
- Entre 1500 et 3500 mètres : haute altitude.
- Entre 3501 et 5500 : très haute altitude
- A partir de 5500 mètres : extrême altitude
Pour vous donnez un repère, le taux d’oxygène dans le sang, suite à une bouffée d’air, au niveau de la mer est de 100%.
- A 1500 mètres : ll est de 88%
- A 5500 mètres : Il est de 50%
- A 8000 mètres : Il est de 33%
Dès lors que vous arrivez en altitude, votre corps va donc devoir faire un travail d’accommodation, qui peut s’apparenter à un travail de compensation. Un mot sur lequel nous allons revenir ultérieurement. Ce travail s’apparente à des mesures prises par les organismes pour continuer à alimenter les cellules en oxygène de manière habituelle et suffisante.
Il y aura donc en premier temps une hausse de la ventilation et du rythme cardiaque. Ce qui explique qu’en réalisant un effort, vous serez plus facilement essoufflé, que votre pouls haussera plus vite, générant une saturation plus rapide ainsi qu’une fatigue accrue. Notez que cela ne sera pas le cas durablement, mais que c’est ce que les adverses de Denver, qui eux jouent en plaine, subissent en venant au Pepsi Center.
Car au bout de quelques jours, le corps va augmenter sa création de globule à rouge afin de ne plus avoir besoin de ce surplus d’oxygénation. Sauf que ce processus prend du temps, en général 3 semaines pour être parfaitement parachevé. Il faut tout de même noter que si sous les 5500 mètres d’altitude, ce processus ne représente pas de danger visible, c’est le cas au-dessus de ce cap où on peut noter une altération des capacités physiques et mentales des individus y évoluant, de manière ostensible. Un cas qui ne concerne pas néanmoins notre cas, mais qui prouve le danger que peut représenter l’altitude.
Par ailleurs, il faut préciser que le fait s’adapter à l’altitude demande au corps un effort, mais que le mécanisme est inversé une fois que la personne revient en basse altitude. Le corps devant traiter un air plus “épais” doit alors déclencher de nouveaux mécanismes.
Les impacts de l’altitude sur les performances
Le fait de s’entraîner et de jouer en altitude représente un avantage. Ce n’est pas pour rien que plusieurs sports favorisent les stages en altitude durable pour profiter de cette acclimatation une fois les athlètes revenus en plaines.
Les adaptations consenties par le corps, permettent d’améliorer la capacité à transporter de l’oxygène et d’accroître le stress exercé sur les organismes pendant les entraînements. En résultera un corps plus endurant, avec un pouls au repos plus bas et un pouls aux capacités augmentées en activité.
Pour faire plus simple, les performances qui demandent de l’explosivité sont améliorées en altitude, tandis que tout ce qui demande de l’endurance devient plus compliqué. Autrement dit, un sportif qui s’entraîne en altitude réduit ses chances de succomber au souffle court ou à la fatigue. En revanche, il réduit celles de gagner en explosivité. On peut d’une certaine manière penser que s’entraîner uniquement en altitude représenterait aussi le risque de ne pas tirer le meilleur de ses qualités athlétiques.
Les Nuggets et l’altitude
Avec les quelques éléments égrainés dans la partie précédente, qu’en est-il de la situation de Denver et de ses adversaires ?
Le Pepsi Center entre dans la catégorie haute altitude, ce qui revient à jouer des rencontres de basketball dans une station de ski. Selon les sources, vous trouverez qu’il se situe à 1609 mètres, selon d’autres à 1688. Toujours est-il que cela veut dire que les joueurs pleinement acclimatés à cette situation, puisqu’ils s’entraînent dans ces conditions, ne souffrent pas des difficultés que vont rencontrer leurs opposants.
En effet, aucune équipe n’a réellement un intérêt à s’entraîner en altitude en NBA. Pour plusieurs raisons. D’abord, le fait que les qualités athlétiques les plus mises en avant en NBA sont celle tournant autour de la vitesse, de l’explosivité. Or on a vu que d’une part, l’altitude avait tendance à réduire le travail sur ces caractéristiques, d’autre part, le corps se réadaptant une fois revenu en plaine, les joueurs subiraient alors les effets négatifs d’un dés-entraînement du corps.
Ainsi, il faudrait que les équipes aient à un moment un intérêt à s’entraîner en altitude et des moyens d’entretenir les effets que cela procure pour ne pas que les Nuggets soient avantagés de manière systématique au Pepsi Center. Or aucune équipe ne peut garantir de conserver les effets d’une acclimatation à l’altitude. La seule raison qui pourrait le justifier, serait ainsi une série de Playoffs face à Denver. Toutefois, le temps entre les rencontres en NBA étant très court, y compris entre saison régulière et Playoffs, il est donc impossible de mettre un tel plan en place.
Autre aspect qu’il est intéressant de noter, le style de jeu de l’équipe. Si l’équipe 2018-2019 de Denver met en place une solide défense, on peut aussi apprécier que Nuggets riment généralement avec jeu rapide et Run’N’Gun, historiquement. Pour cause, les coachs et dirigeants ont souvent du être tentés de profiter de l’altitude pour asphyxier leurs adversaires sur leur terrain. Ceci explique sans doute la tendance aux équipes résolument tournées vers l’attaque à outrance : afin d’utiliser leur avantage en terme de condition physique pour faire la différence sur leurs opposants. De fait, on peut également imaginer que la tradition d’avoir des bancs de qualité afin de maintenir un rythme infernal toute la rencontre vient de cette nécessité de briser l’adversaire en éprouvant sa conditions physique. Un avantage certain.
Néanmoins, quid des désavantages et du risque mentionné plus haut de blessures ?
L’altitude et les blessures
Lorsque j’ai pensé cet article, je me suis mis en quête de réponses claires et nettes sur le risque de blessures que pourrait causer l’altitude. En outre, je voulais déterminer si le mystère que représente encore largement le corps humain ne laissait pas des zones d’ombres. Je vous propose de suivre le déroulé des réflexions autour de ce sujet.
Ce que disent les études
Nous l’avons vu plutôt, la science est claire, en très haute altitude, une personne qui n’est pas née et n’a donc pas un corps construit pour résister aux déficits flagrants générés par l’altitude va dépérir. Autrement dit, s’y aventurer après une acclimatation est envisageable, en revanche, pas d’y vivre et d’y faire des efforts intenses.
De fait, peut-on d’ores-et-déjà conclure que les blessures à répétition des effectifs des Nuggets sont imputables à l’altitude ?
Tout d’abord, il faut dire que si l’équipe évolue en haute altitude, elle n’est pas à un niveau qui représente un risque avéré. Si le corps humain rencontrera des difficultés, ce n’est pas une hauteur à laquelle on peut imaginer que des blessures osseuses, ou musculaires puissent être directement causées par la situation géographique.
La réponse est donc formelle, sur le papier, aucune étude n’a réussi à démontrer un fait tel que celui-ci. Si tant est, d’ailleurs, qu’une étude ait réellement été conduite avec cet objectif précis.
Néanmoins, rien non plus ne dit qu’il ne peut pas être un facteur aggravant. Continuons donc à dérouler notre logique.
Le concept de compensation
Nous avons évoqué plus tôt que le phénomène d’acclimatation et de désacclimatation était un phénomène de compensation.
Pour un sportif, c’est un phénomène très important car si l’essentiel des humaines y sont soumis, la pratique du sport de haut niveau les rendent meurtrières. Les origines d’une compensation peuvent être multiples : une posture, une douleur, une autre blessure, etc.
Par exemple, au quotidien, un déséquilibre musculaire (utilisation d’un côté par rapport à un autre, soit un poids du corps mal interprêté), risque d’augmenter la force, la souplesse, la mobilité d’un côté par rapport à l’autre. De fait, une pression trop important où un geste inhabituellement accentué de manière brutale ou répété sur l’autre côté peut très bien générer une blessure musculaire ou squelettiques (on parle de TMS, trouble musculo squelettiques).
De même, un membre légèrement plus long, un défaut aux hanches ou au bassin peut avoir les mêmes conséquences lorsque des traumatismes sont répétés. Rappelons que les joueurs NBA sont immensément plus grands que la moyenne, sautent plus haut et pratiquent un sport extrêmement traumatique pour le corps (os, ligaments, tendons, muscles, cartilages sont largement sollicités).
A cela, nous pouvons ajouter pour les Nuggets ce phénomène d’aller-retour entre les périodes où ils évoluent sur leur parquet et ceux où ils retournent en plaine pour les road trips. En avion, évidemment, pour ne rien gâcher.
Enfin on peut trouver les compensations psychiques. Il n’est désormais plus à prouver le lien entre le corps et l’état du psyché des individus. L’état d’esprit d’un individu peut donc jouer, notamment le “stress”. Bon, hé bien parlons-en d’ailleurs. On notera d’ailleurs pour étayer la notion de stress psychique, que l’essentiel des blessures que rencontrent les sportifs proviennent en match et non en entraînement. L’intensité et le stress sont deux causes qui expliquent cette tendance.
La notion de “stress”
Pour commencer, rappelons ce que signifie le sport de haut niveau. Il signifie pratiquer une activité à haute intensité, y consacrer toute son énergie et y astreindre son corps en permanence. Disons-le donc tout net, la pratique du sport à haut niveau n’est pas bénéfique pour le corps, elle engendre tout plein de pépins.
Les joueurs sont donc sous le joug de deux formes de stress.
Ceux qui sont d’origines physiques, c’est à dire l’ensemble des chocs répétés sur le corps. Les individus étant sujets à de nombreux phénomènes de compensation, il est donc très fréquent que cela génère des faiblesses. Si on ne peut pas vraiment faire un lien avec toutes les formes de blessures, celles d’origines musculaire ou squelettiques sont toutefois en plein dans la lignée.
Mais on peut aussi y ajouter le stress au sens plus générique. Celui qui provient des différentes sollicitations, des angoisses, de la pression, des objectifs et de toutes autres origines comme les problèmes personnels. Cette forme de stress peut également être source de faiblesses. Or les joueurs NBA ont leurs carrières en ligne de mire, les objectifs de victoire de la saison et un autre aspect que l’on peut avoir tendance à négliger : l’obligation de jouer avec des douleurs.
Pourtant, une douleur est souvent le signal d’un déséquilibre. Un état de fait que les sportifs de haut niveau doivent apprendre à jauger, mais une tendance fréquente du joueur de haut niveau est la suivante : ne pas savoir quand le “stress” est alarmant et donc la propension à jouer malgré le risque.
Conclusion
Les différentes lectures pour la validation d’une connivence entre blessures et altitudes m’ont mené à la conclusion qu’il n’y avait pas de lien direct entre l’un et l’autre. Aucune étude à ce jour n’en a apporté une preuve formelle.
En revanche, il paraît très crédible que l’altitude puisse être un facteur aggravant. Non pas nécessairement car les joueurs des Nuggets y évoluent, mais justement car ils n’y évoluent pas en permanence.
On sait que les organismes des joueurs sont sujets à des sollicitations extrêmes : nombreux voyages en avion, hygiènes de vie pas idéales, stress, fatigue, pratique du jeu malgré les blessures, nombreux chocs et contacts. A cela, les joueurs de Denver doivent ajouter ce constant phénomène d’adaptation.
Difficile de déterminer si c’est un grain de sable supplémentaire, et si, de fait c’est négligeable ou si c’est justement un élément supplémentaire qui peut être à l’origine de ces fréquentes blessures et expliquer partiellement ces hécatombes qui émaillent les saisons à Denver. Les blessures font parti du quotidien des sportifs. On peut donc très bien penser qu’ajouter un élément supplémentaire peut très bien faire la différence entre un niveau de blessure acceptable et un niveau alarmant.
Je vous laisse vous faire votre idée, on ne pourra en revanche pas oublier un aspect de cet : celui de penser aux 12% d’oxygènes supplémentaires à aller chercher pour les adversaires des Denver Nuggets. Je vous laisse sur cette phrase de Kobe, après une rencontre au Pepsi Center en 2013.
“C’était meurtrier. Jouer contre cette équipe, c’est comme affronter un train… et on avait plus de gaz.”