La première fois que j’ai entendu parler des Gauchos, c’était au milieu des années 90 dans un reportage de Stade 2 qui souhaitait mettre en avant ce qui est devenu au fil du temps une véritable institution dans le milieu du basket new-yorkais et même plus largement dans le monde entier.
J’en apprenais un peu plus quelques années plus tard en participant moi-même au Charlie WEBER Invitational, un tournoi AAU organisé sur le campus de l’université de Villanova au cours duquel mon équipe et moi avons eu l’occasion de faire un plus connaissance avec les taureaux en les rencontrant en début de tournoi. Une expérience pour le moins marquante (voire douloureuse) tant nous avions été dépassés dans ce match par les qualités de nos adversaires, mais surtout, fascinante car j’approchais de près le mythique programme. Depuis ce jour, je gardais une image quasi mystique de ces gars en noir, représentant beaucoup plus qu’une simple équipe de basket.
Alors il ne me restait plus qu’une étape pour appréhender encore mieux le phénomène : se rendre directement chez eux dans le Bronx.
Les Gauchos au fait c’est quoi ?
Les Gauchos représentent un programme de basket créé en 1967 adhérent au système AAU (Amateur Athletic Union) situé à New-York et plus précisément dans le Bronx qui a vocation à offrir aux jeunes de la ville une offre sportive de haute qualité, un soutien et un enrichissement scolaire, ainsi que des opportunités de réussite tout au long de leur vie.
L’objectif principal est de produire des athlètes capables de jouer au basket au plus haut niveau et de former également des citoyens. Ce programme met au cœur de ses apprentissages le principe du travail d’équipe, la confiance en soi, l’excellence sportive, la réussite scolaire et le leadership. Autrement dit le rôle du programme est bien d’aider les jeunes des quartiers les plus défavorisés à se réaliser et surtout d’éviter qu’ils « glissent ».
Depuis 1967, des centaines d’anciens Gauchos ont été acceptés dans des collèges d’élite et ont joué dans des équipes de Division 1 en NCAA (20 étudiants athlètes rien que sur les sept dernières années).
25 Gauchos ont à ce jour évolué au plus haut niveau, NBA & WNBA. Parmi eux, on compte John SALLEY, Mark JACKSON, Jamal MASHBURN, Chris MULLIN, Stephon MARBURY, Rod STRICKLAND, Felipe LOPEZ, Kenny ANDERSON et Kemba WALKER ou encore Matee AJAVON, Shannon BOBITT, Pietra GAY et Keisha HAMPTON.
Started from the bottom
31 minutes, 11 miles, 7 arrêts de métro sur la ligne 2 rouge, c’est ce qui sépare Times Square du 478 Gerard Avenue dans le Bronx et la salle de « Los Gauchos ». C’est à quelques rues du Yankee Stadium que l’on découvre le Gaucho Gym. Construit en 1985, c’est le siège du programme et surtout le point de départ du développement de centaines de joueurs, garçons et filles, puisque c’est ici, qu’évoluent la dizaine d’équipes liées aux Gauchos. Il est aussi le lieu de nombreux rassemblements communautaires.
Si proche mais pourtant si éloigné. Étrange décalage entre les lumières des théâtres new-yorkais et l’atmosphère des rues du borough le plus au nord de Big Apple. Analogie entre ces deux lieux et mon envie de me soustraire aux strass et paillettes du basket business et ces golden boys l’espace de quelques heures pour retrouver le jeu dans sa forme originelle, la source, le GAME, l’univers brut de ma passion pour la balle orange.
Le calme du Bronx un jour de dimanche pluvieux, avant-veille des commémorations du « 9/11 » et de l’étrange atmosphère qui en découle et qui parcourt la ville, plus silencieuse que d’accoutumée. 7 minutes de marche à la sortie du subway dans un décor digne d’un film de Spike LEE des années 90 (remember Summer of Sam). Un dernier virage sur la gauche pour déboucher sur une rue comme tant d’autres du Bronx et me voilà devant un édifice orange affreusement banal, semblable à un entrepôt. Pourtant le bruit des sneakers freinant sur le parquet, la résonance de la gonfle à chacun de ses rebonds et les encouragements désordonnés de la quarantaine de spectateurs perceptibles depuis l’extérieur m’indiquent que je suis bien au bon endroit.
Je règle mon droit de passage pour une après-midi au cœur du « GAME » : 1$. Le bénévole assis derrière sa table en bois tenant sa caisse en fer est obligé de répéter plusieurs fois le prix tellement il me semble dérisoire. Son regard interloqué m’informe que mon accent français et mon look à l’européenne n’est pas coutumier dans son quotidien et encore moins dans ces murs.
Encore 10 mètres pour atteindre le temple du programme AAU new-yorkais et producteur en série de futurs stars NBA. Le temps ralenti l’espace de quelques secondes quand les bannières en hauteur derrière le banc des joueurs interpellent mon regard. Celles de Chris MULLIN, Jamal MASHBURN, Marck JACKSON, Stephon MARBURY ou encore Kemba WALKER dominent les affiches sous verres de Kenny ANDERSON, Rod STRICKLAND, Felipe LOPEZ, John SALLEY et bien d’autres.
L’atmosphère particulière d’un gymnase hors d’âge, l’odeur de sueur moite que chaque joueur a déjà senti en tirant la porte pour entrer dans un lieu qu’on a arrêté d’aérer depuis bien des années, une peinture sur les murs avec une couleur non définie dans le dictionnaire, un éclairage disparate devant daté des années 80, une tribune d’une centaine de places… Et pourtant je suis là où je voulais être quand hier, lors de mon énième nuit en mode « jet lag » j’avais fait le choix de venir ici au lieu d’aller assister à l’Opening Day NFL des GIANTS.
Un match féminin U18 puis un début de match AAU pendant lesquels je réalise une nouvelle fois le fossé existant entre le niveau moyen français et celui existant ici… Il existe des matchs qu’il ne vaut mieux pas décrire car le plaisir de « bouffer » du basket et le « JEU » à proprement parler ne s’expliquent tout simplement pas.
Les dizaines de photos prises ainsi que ma façon d’observer cet univers attirent le regard d’un des dirigeants qui vient à ma rencontre. Apres l’avoir rassuré sur mes intentions (non monsieur, je ne suis pas en train de scouter vos gars !!!) et m’avoir demandé à 2 reprises « qu’est-ce qu’un français pouvait bien venir faire dans sa salle ? » il comprend que la même passion nous réunit ici cet après-midi. S’engage alors une discussion pendant laquelle j’apprends que Chris MULLIN, l’actuel coach du Red Storm de Saint John engagé en NCAA, reste un poumon de la communauté après tant d’années (ses paroles s’accompagnent d’un geste en direction du frère de MULLIN présent 3 rangs derrière), que Stephon MARBURY est l’ADN du quartier par sa mentalité et son parcours, ou beaucoup moins flatteur que Kemba WALKER sait sûrement où il va mais a oublié d’où il venait. Notre échange prend fin avant qu’il revienne 5 minutes plus tard avec quelques goodies à mon intention. Comme un cadeau de Noel pour moi, définitivement plus pour le geste et l’échange humain qu’on vient d’avoir que pour les objets eux-même.
La Mecque ??? Apres une dizaine de voyages à NYC, plusieurs matchs au Madison Square Garden et au Barclays Center, je laisse à chacun l’opportunité de désigner la sienne. Pour ma part, après 3 heures dans le temple des Gauchos j’ai enfin compris. La MECCA comme c’est inscrit au centre du mur du Gaucho Gym, ce n’est pas un lieu mais l’esprit du GAME qui règne à NEW YORK CITY et nulle part ailleurs.
Next Stop
8 minutes, 1.2miles, 9$ de course UBER, c’est la distance entre le salle des Gauchos et le RUCKER PARK. Il est temps de partir sur les traces de Earl « THE GOAT » MANIGAULT toujours assoiffé par mes envies de retour à la source du GAME. Je quitte les tribunes non sans un dernier regard vers l’inscription sur le mur qui reprend fièrement la devise de « Los Gauchos »…
« WORK HARD, PLAY HARD, GIVE BACK »
Du lourd