Plus d’un mois de compétition et la NBA délivre encore un bon lot de rebondissements inattendus. Parmi celles-ci, c’est une semi-surprise pour être honnête que de retrouver les Grizzlies de nouveaux dans la course d’une conférence ouest des plus denses. Après 17 rencontres, Memphis trône au sommet de la conférence, et c’est une belle nouvelle après avoir vu la franchise multiplier les galères avec les blessures depuis maintenant 2 ans. Evidemment, cette première place est autant le résultat d’un superbe début de saison que des soucis rencontrés par plusieurs favoris de l’Ouest. Aussi, dans cet article, concentrons-nous sur les Grizzlies et non pas leur rang en NBA*.
Au centre de ces pépins qui émaillaient leurs saisons, la paire Mike Conley – Marc Gasol qui enchaînait les blessures lourdes. Aussi, ce n’est pas une véritable surprise de voir les Grizzlies retrouver de l’allant dès lors que l’axe meneur-pivot à retrouver de sa fraicheur. En parlant de retour, c’est d’ailleurs une bonne nouvelle pour les fans et la NBA. Puisqu’en plus de revenir à son niveau, l’équipe est aussi de retour à ses racines. Loin de la volonté d’opérer une transition offensive, les Grizzlies sont redevenus une des meilleures défenses NBA (5eme defensive rating), pratiquant à nouveau ce jeu très lent typique du Grit & Grind qui a fait les beaux jours de Memphis : 30eme au PACE (nombre de possessions jouées par rencontre). De retour à cette tradition de lenteur, dans une NBA qui court de plus en plus, c’est l’identité de la franchise qui refait surface sous nos yeux.
Oui, les Grizzlies grondent à nouveau.
Peu importe le coaching
A l’aube de la saison, les inquiétudes étaient de mise, notamment considérant l’homme à la tête de l’équipe. JB Bickerstaff a toujours été considéré comme un assistant coach capable de se faire une place dans de nombreux staffs techniques, néanmoins, difficile de ne pas être perplexe considérant l’objectif des dirigeants : être compétitifs. Pourtant, ce début de saison révèle un fait qui me semble désormais difficilement niable après presque une décennie autour de l’axe Conley – Gasol : tant que cet axe est présent, l’équipe est capable de jouer à un haut niveau.
Que ce soit Lionel Hollins, évincé en 2013, Dave Joeger non prolongé, ou David Fizadale dans la foulée – Memphis a su jouer un jeu rugueux, structuré, régulier. Finalement, le seul qui a essayé de changer les habitudes des Grizzlies (David Fizdale) a dû faire ses valises suite à une friction avec Marc Gasol. De fait, difficile de dire quelle est l’empreinte de JB Bickerstaff – tant Memphis est revenu naturellement à ce qui faisait sa force : sa structure. Pourtant, si l’on excepte Dave Joerger qui a peut-être trouvé la bonne formule à Sacramento, aucun ex ou actuel coach de cette équipe n’a rencontré de franc succès, voire un franc intérêt d’une autre franchise suite à leur départ du Tennessee. Difficile d’y voir un hasard, renforçant cette sensation que les véritables dépositaires du jeu des Grizzlies sont en réalité les 2 leaders de cet effectif.
L’ajout de joueurs d’équipe et de devoir permet ainsi d’entourer le duo des Grizzlies de ce qui a fait sa force depuis 10 ans. Des joueurs comme Garrett Temple, Kyle Anderson, Shelvin Mack ou le rookie Jaren Jackson Jr ont su s’intégrer aux fondements que semblent avoir construits Gasol & Conley. Et peu importe le coaching, cette formule-là fait des ravages. Peu importe les évolutions de tendances dans la ligue. En témoigne cette entame de saison.
Une raquette intraitable
Par le passé, la raquette Zach Randolph – Marc Gasol a fait trembler de nombreuses équipes. L’ailier fort déclinant, les Grizzlies avaient su trouver une alternative en JaMychal Green. Moins bon scoreur, moins dominant au rebond, sa pugnacité, sa polyvalence et son abnégation à l’exécution des tâches de l’ombre (protection du rebond, écrans, aides défensives) avaient accordé aux Grizzlies tout le loisir d’effectuer une transition réussie.
Jusqu’à cet été et ce pick haut placé ayant permis à Memphis de sélectionner le jeune Jaren Jackson Jr. Il va sans dire que l’arrivée de ce jeune athlète laisse rêveur tant il représente un complément naturel pour Marc Gasol, tant ses qualités laissent songeur quant à son avenir. Les résultats pour cette nouvelle raquette titulaire est sans équivoque : 90,4 de defensive rating (points accordés sur 100 possessions adverses). Jackson Jr est un formidable athlète, qui fait preuve d’une maturité déjà impressionnante en défense. A ses côtés, Gasol a fait sa réputation sur son sens du placement et de la lecture des attaques adverses. Entourés par des défenseurs volontaires, leur assise est donc un pilier pour la défense de l’équipe.
Exemple intéressant selon moi. “JJJ” est capable de sortir pour défendre la ligne des 3pts pour contester un tir malgré un retard considérable, tandis que Gasol, dans la raquette opère en tant que tour de contrôle pour boucler l’accès à la raquette. Cette mobilité du rookie permet évidemment de le laisser défendre sur les joueurs les plus mobiles, tandis que Gasol peut agir en dernier rideau, mettant en évidence sa vision de jeu.
Quant à l’association (beaucoup plus rare), de Gasol & Green, elle est toujours aussi terrifiante avec 85,7 de defensive rating.
Néanmoins, cette assise ne tient qu’à un fil. Ce trio est déterminant pour le roster, et l’absence de pivot remplaçant ou de rotations fortes derrière le duo d’ailiers forts doivent être une source d’inquiétude pour le staff. Expliquant notamment les rumeurs pas moins rassurantes autour de l’arrivée de Joakim Noah.
Une attaque solide
Si la première cause du succès de la franchise à l’heure actuelle repose sur un jeu lent et une défense acérée, l’attaque des Memphis est tout ce qu’il y a de plus honorable. Contrairement à des Celtics qui accumulent un grand nombre de joueurs talentueux offensivement, avec une véritable polyvalence et n’arrivent pas à trouver de solution, les Grizzlies s’en sortent mieux. Bien que seulement 23eme offensive rating (106,2pts pour 100 possessions), le rendement offensif de l’équipe est plutôt sain.
Tout d’abord, il faut noter que la tâche est bien plus compliquée, sur le papier pour cette équipe puisqu’elle possède très peu de joueurs capables de créer leur propre tir. Il faut donc comprendre que le retour à la compétition de Mike Conley a été crucial pour le roster. A fortiori depuis que ce dernier a retrouvé du rythme. En témoigne les nombreuses équipes tombées sur des accélérations du meneur. On peut conseiller la fin de match contre les Bucks comme parfait exemple.
Mais surtout, c’est l’intelligence des tirs pris par les joueurs qui sont à l’origine de cette bonne surprise. En dépit du manque de talent brut, l’équipe a un TS% plus que correct (17eme de la ligue), car l’équipe prend de bons tirs – et surprise – figure 7eme pourcentage à 3pts de la ligue, compensant aisément un nombre de tirs pris assez faible. L’équipe essaie de prendre beaucoup de tirs en rythme et la grande majorité des paniers marqués proviennent d’une passe décisive. Les Grizzlies profitent notamment de la précision létale de Marc Gasol derrière la ligne à 3pts pour s’ouvrir des espaces. En plein dans la tendance, le pivot permet aux siens de posséder plus de liberté de mouvement.
Néanmoins, malgré la bonne surprise que représente Shelvin Mack sur le banc, la présence de Conley apparaît comme indispensable. Tout comme le fait de chercher à aller plus souvent dans la raquette. Contrairement à de nombreuses équipes, Memphis a encore massivement recours au tir à mi-distance, ce qui est à la fois nécessaire pour éviter d’être trop prévisible, surtout sans joueur dominant balle en main, et compte tenu de leur jeu placé quasi-systématique. En revanche, ils sont parmi les plus mauvaises équipes de la ligue dans cette discipline et l’équipe peut facilement sombrer si l’adresse à 3pts n’est pas au rendez-vous.
Pour progresser, un cas semble à ce jour important : Kyle Anderson. Attendu comme l’ailier qui fait défaut au roster depuis tant d’années, il ne faudrait pas faire fausse route sur son profil réel. Il n’est pas un excellent shooteur, pas un scoreur naturel. Or il est parfois difficile de savoir comment le staff le perçoit. Bon créateur, c’est peut être dans ce rôle-là que l’équipe devrait l’utiliser plus souvent, notamment pour décharger Mike Conley et l’économiser dans une saison qui sera très certainement très longue. Quoi qu’il en soit, l’ex-Spur semble avoir besoin d’être mis en confiance alors qu’il produit sa pire saison depuis son année rookie, avec des pourcentages au tir faméliques. Une intégration jusqu’ici délicate qui s’oppose à celle d’un Garrett Temple qui est déjà adopté dans le Tennessee.
Des extérieurs interchangeables
Comment ne pas clôturer cette parenthèse sur l’attaque des Grizzlies sans mentionner le secteur extérieur. Bien embétés pour déterminer qui commencerait les rencontres sur le poste 2, et globalement perplexes sur les facultés de ce groupe à compenser son relatif manque talents à l’arrière et à l’aile – les Grizzlies nous bluffent par leur polyvalence et surtout leur profondeur d’effectif. Alors que Chandler Parsons n’a quasiment pas joué, l’équipe continue à trouver des solutions et ce malgré la perte de Dillons Brooks. Il est important de noter la consistance de joueurs comme Wayne Selden Jr, Garrett Temple, Marshon Brooks (revenant en NBA) ou Omri Casspi malgré son faible temps de jeu. Pour beaucoup assez méconnus, ils participent par leur engagement de chaque côté du terrain au retour au premier plan des Grizzlies.
Une saison sur le fil
On ne va pas se mentir, parmi les équipes qui réussissent un départ canon, s’il y en a une pour qui tout cela ne tient qu’à un fil, c’est bien les Grizzlies. L’équipe manque de profondeur, et particulièrement derrière les 2 garants de la bonne marche actuelle : Mike Conley et Marc Gasol. Pour le premier, la seule paire Mack/Harrison apparaît comme une garantie légère, tandis qu’il n’y a personne derrière Marc Gasol – à part un hypothétique Noah. Bref, rien qui puisse transformé la saison dans ses grandes lignes.
Or tant le style de jeu que la saison de Memphis semble reposer sur ces deux épaules, et nous avons vu qu’en l’absence de l’un, l’autre avait tendance à ne pas suffire pour maintenir le cap. Un état de fait suffisamment prégnant pour se rendre bien compte de la chose : la bonne forme des Grizzlies se joue sur la corde raide, et dans la longue saison NBA, rien n’est moins garanti que de voir cette équipe se maintenir dans les hautes sphères de sa conférence. A ce jour, et encore plus que par le passé, c’est sur sa défense que repose la bonne saison de Memphis. En l’absence de l’un ou de l’autre, le collectif pourrait s’élever pour tenter de limiter les dégats, mais offensivement, aucun joueur n’a la capacité à maîtriser le rythme d’une rencontre, à scorer comme le meneur. De même, personne ne saura contrôler les attaques adverses ou créer autant d’espaces pour ses coéquipiers que le pivot hispanique. Si un de ces deux êtres manques, tout sera dépeuplé dans le Tennessee. Alors croisons les doigts, et espérons pour cette équipe d’être enfin épargnée en 2019.
* article réalisé avant le match contre les Spurs du 22/11. Les Grizzlies n’étaient pas en tête de la conférence.