La carrière de Carmelo Anthony semble engagée sur une pente abrupte que rien ne semble arrêter. Superstar hier, mal-aimé aujourd’hui, l’ex-star des Nuggets et des Knicks pourrait voir son histoire prendre une fin précipitée du côté de Houston après quelques semaines de compétition. Autrefois joueur intouchable, il est aujourd’hui réduit au rang de bouc émissaire. Mais comment lui, considéré comme l’un des attaquants les plus techniques de la NBA, a pu si mal vieillir ? A quel moment son statut s’est éfiloché pour arriver à ce croisement où tout le monde s’interroge de la viabilité de son avenir en NBA si les Rockets mettaient un terme à leur collaboration ?
Comme toutes les descentes aux enfers, il y a un point de départ, une bascule qui s’opère. Voici le point de départ d’une déchéance sportive.
De l’ascension…
On a tendance à rapidement oublier. Oublier par exemple qu’aujourd’hui encore Carmelo demeure le rookie qui aurait pu – voire dû – obtenir le titre de Rookie de l’année en 2003, au nez et à la barbe de LeBron James. On oublie aussi qu’Anthony fut le jeune joueur qui ramena directement une franchise des bas fonds vers les playoffs dès sa première année dans la grande ligue.
A Denver, il fut l’homme providentiel. Jamais son équipe ne rata la post-saison, réussissant à porter l’équipe chaque saison, se plaçant régulièrement comme un candidat solide pour le titre de MVP. En 2009, Anthony franchissait un cap dans son jeu mais surtout dans son attitude, et portait son équipe jusqu’aux Finales de conférences, chutant contre des Lakers futurs champions, au terme d’une série accrochée.
L’ailier est sur le toit de la NBA cette année-là, jouant les yeux dans les yeux de chaque côté du terrain avec Kobe Bryant. Plus généralement, il est d’ailleurs le rival de LeBron James tout au long des années 2000, le symbole aux côtés du King de la prise de pouvoir à venir des ailiers en NBA. Personne à part Carmelo ne peut se targuer d’être plus proche de James au poste 3, faisant de chacune de leur rencontre un événement.
Mais Melo, c’est aussi cette mauvaise réputation. Celle d’être accro à la lumière, celle du joueur égoïste et qui refuse de s’impliquer en défense. C’est l’histoire de ce joueur qui aurait pu être tout ce qu’il voulait – mais qui ne voulait pas assez. Emblème de cette mauvaise énergie, les échecs répétés au premier tour des playoffs tout au long de son passage dans le Colorado. Jusqu’à…
Jusqu’à ce qu’il ne décide que lui, l’enfant de New York, se devait de retourner à la maison. Anthony braque les Nuggets en réclamant un transfert de sa franchise. Une occasion que les dirigeants de sa future ex-équipe saisissent pour braquer en retour la Grosse Pomme et les priver de ce qui aurait pu être un banc idéal.
Aux sommets…
Carmelo arrive en grande pompe chez les Knicks. De retour chez lui, c’est toute la ville qui s’emballe devant le retour d’une superstar à New York. Débarqué aux côtés d’un Chauncey Billups vieillissant pour rejoindre Amar’e Stoudemire – une ère nouvelle semble s’engager après des années de disettes.
Toutefois, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Stoudemire est rapidement rattrapé par sa santé qui va le mettre petit à petit hors course. La franchise va connaître une courte mais estimable période dorée. Carmelo Anthony devient roi à New York et les Knicks reviennent au sommet de la conférence Est. Si tout n’est pas parfait, notamment en playoffs, Carmelo obtient la reconnaissance du plus grand marché NBA, une gloire sans précédent pour lui, qu’il n’aurait jamais atteint dans le petit marché de Denver.
En parallèle, il obtient aussi un aura particulier au sein de Team USA, étant perçu par certains comme le joueur ultime dans le contexte FIBA. Un statut qui générera bien des fantasmes dans la tête de ses futurs fans, persuadés qu’il peut se renouveler sur ce modèle-là en NBA.
Et puis vint le sommet. Cette saison 2012-2013. Malgré un Stoudemire toujours sur le flan, un effectif fait de vétérans pour beaucoup proches de la retraite et un JR Smith comme lieutenant, Carmelo Anthony va porter New York tout en haut de la conférence durant l’essentiel de la saison. Les Knicks vont passer le premier tour et tenir la dragée haute aux Pacers, malgré une blessure à l’épaule de celui qui incontestablement le patron. Clutch, meilleur scoreur de la ligue, charismatique, Melo vient d’atteindre son climax, il est au firmament de sa carrière.
Pourtant, les premiers signes d’un joueur sur le déclin apparaissent déjà. Moins élancé, un tantinet gras, le joueur commence à voir ses qualités athlétiques décliner. Mais on se dit qu’il va s’adapter… L’année suivante, Jason Kidd s’en est allé, lui qui semblait tenir le vestiaire. L’équipe commence à sombrer collectivement, tandis que Carmelo surnage dans un roster bien trop faible. Sauf que les choses ne vont pas s’arranger. Et la chute, elle, commence alors à se dessiner.
La chute…
Phil Jackson pose ses valises à New York, et les ennuis commencent à pointer le bout de leur nez. L’ex-gloire des Bulls et des Lakers ne semble pas croire en Carmelo comme leader, malgré l’amour que lui porte le public. Il détruit l’effectif et commence un jeu médiatique trouble, voire grotesque avec sa star.
Un jeu d’autant plus trouble que les deux parties ont l’occasion de se séparer l’été même où Jax débarque. Jackson ne croit pas en son joueur mais entre en négociation avec lui alors qu’il entend opérer une purge de son effectif. Carmelo, encore parmi les meilleurs joueurs de la ligue, a un choix terrible à faire : abandonner sa ville, celle pour laquelle il a toujours souhaité jouer alors qu’elle s’apprête à être un désert sportif pour au moins deux ans, ou rester en dépit des offres bien plus intéressantes sur le plan sportif. Les Bulls lui tendent les bras pour tenter de prendre le contrôle d’une conférence sous le joug du Miami Heat du “Big Three”.
Carmelo va alors mettre un premier pied dans la tombe et s’engager pour 5 ans chez les Knicks, avec une clause d’intransférabilité. Il accepte de passer la fin de son pic en carrière dans une équipe sans objectifs. Du moins, ce qui aurait dû être son sommet. En réalité, ce plafond il l’avait déjà atteint entre 2008 et 2013. Mais personne ne le savait à ce moment-là.
Engagé dans une saison sans but précis, il continue de peser offensivement soir après soir. Mais quelque chose semble rouillé. Le joueur est moins rapide, moins dominant. En réalité, il est blessé aux genoux. Mais la star à un objectif en tête : le All-Star Game. Cette saison, la cérémonie phare de la NBA se jouera au Madison Square Garden – temple de la balle orange. Hors de question pour lui de rater l’événement dans sa ville et devant son public. Pourtant, alors qu’il bataille sur les parquets, le joueur aurait déjà dû passer sur le billard. Mais interdit, pas cette saison. Il pousse jusqu’à la mi-février et est en tenue pour l’évènela grande messe étoilée. Une fois les festivités passées, il met un terme à sa saison.
Le rêve de Carmelo en NBA a toujours été trouble. Être champion était-il l’objectif ultime ? On pourrait en douter. Malgré la pression exercée par le joueur pour obtenir un casting décent, 2015-2016 est un carnage. Le plan pour remonter la saison suivante sera un échec qui coûtera sa place à Jackson, et les années défilent. Et puis, à quoi bon au final ? Les meilleures années sont derrière, son statut est mis à mal par l’émergence d’un nouveau rival pour James au début de la décennie. Un LeBron qui continue à briller de mille feux, de retour à Cleveland. De nombreux phénomènes apparaissent, renvoyant Melo bien plus bas dans la hiérarchie. La chute commencée en 2014 ne s’arrête plus. Inexorable.
Le divorce trop tardif accouchera d’un départ au Thunder. Mort dans l’œuf. A l’image d’une carrière gérée en décalage de ses compères de la mythique draft 2003, le timing fut en retard. L’échec à OKC, dernier aveu d’une carrière en chute libre. Jusqu’à ce nouveau retournement désastreux, à Houston. La saison à peine débutée, les rumeurs d’un limogeage en règle se font entendre. Un procès aussi dur qu’il est rapide et brutal, poussant Anthony vers un avenir de plus en plus flou.
Et cette question : à quand l’atterrissage ?
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L’histoire d’une grande carrière, qui aurait pu être bien plus encore. C’est sûrement le constat que l’on peut faire pour Carmelo Anthony. En constant décalage avec sa classe de draft, plus rien ne semble sous contrôle pour lui. Alors qu’on imaginait le joueur capable de perdurer longtemps en NBA grâce à sa technique, nous voilà en train de craindre pour son avenir à court terme. Est-ce que tout a définitivement basculé à l’été 2014 ? Très probablement. Il avait une porte de sortie et a enchaîné les mauvaises décisions. S’il a encore sûrement sa place en NBA, c’est un nouveau rôle qu’il doit accepter. Pas sûr qu’il en soit capable, pas sûr qu’on lui laisse sa chance non plus. Toujours est-il que le jeune joueur athlétique, à la palette offensive interminable du Colorado n’est plus. Et son aura parti avec.