C’est probablement le transfuge de l’été qu’ont réalisé les Toronto Raptors. Après avoir intronisé Nick Nurse en lieu et place de Dwyane Casey, victime légitime mais malheureuse de la partie, c’est un autre résident de longue date du Canada qui faisait ses valises. Exit DeMar DeRozan, Jacob Poetl – et bienvenue aux deux texans : Danny Green et Kawhi Leonard.
Si la manière n’était pas là, il faut bien se le dire, les Raptors sortaient renforcés de cet échange, attirant en forme l’un des meilleurs joueurs NBA de chaque côté du terrain tout en recevant un excellent défenseur supplémentaire et une bonne gâchette à ses côtés. Le roster déjà extrêmement riche de Toronto en ressortait encore plus pléthorique, et on était curieux de voir ce que l’homme à l’origine du renouveau identitaire des Raptors l’an passé pourrait bien faire avec ce roster.
Si on pouvait craindre un retard à l’allumage pour un Leonard éloigné des terrains presque 1 an après une saison quasi-blanche, il n’en fut rien. Et à l’heure où j’ébauche ces lignes, la franchise canadienne affiche un bilan parfait de 6 victoires pour 0 défaite. Mieux, elle le fait avec la manière en faisant déjouer de bonnes équipes et en enthousiasmant les fans pour cette reprise. Aussi, dans cet article, j’ai voulu me concentrer sur tout ce que l’on a vu de cette équipe depuis la reprise.
Un Nick Nurse en maîtrise
De très bon assistant coach, à très bon head coach, il y a parfois un monde. Dans le sport professionnel, et à fortiori en NBA, les coachs principaux sont systématiquement ciblés. Les médias et les fans ne s’occupent que peu, en général, des assistants qui jouent pourtant un rôle majeur. Il arrive parfois que certains noms obtiennent des louanges quand des équipes réalisent des transformations soudaines dans un secteur particulier. Souvent, ces noms commencent alors à intriguer et ce fut le cas de Nick Nurse après le volte-face offensif réussi des Raptors l’an passé. Aussi, lorsque la franchise a souhaité lui donner les rênes de l’équipe, certains n’ont pas boudé leur plaisir.
Pourtant, nombreux sont ceux à avoir raté l’occasion. Manque de charisme, temps d’adaptation parfois un peu long, difficulté à gérer le poids de cette fonction, il y a une multitude d’exemples de très bon assistants tombés dans l’oubli ou injustement écartés.
Sur ce début de saison, le coaching du néo-head coach de Toronto est pourtant de qualité. L’équipe est solide des deux côtés du terrain, les rotations sont très bonnes et certaines décisions prises qui auraient pu sembler compliquées à faire passer ont pour le moment l’air d’être acceptées.
Évidemment, il est très tôt pour donner un avis définitif, mais osons le dire, cela sent bon le pari réussi pour le GM des Raptors : Masai Ujiri.
Kawhi Leonard en grande forme, Kyle Lowry insolent
Sur le papier, nous savions que la blessure de Kawhi Leonard n’était pas dramatique. Pourtant, on ne pouvait s’empêcher de douter alors qu’un problème anodin l’avait poussé à rater l’exercice passé. Quelques rumeurs selon lesquelles il n’avait que très peu joué en 5 contre 5, et nous voilà en sueur à se demander si le joueur allait revenir à son meilleur niveau.
Si par moment il me semble un peu plus lourd que par le passé, difficile pourtant de ne pas trouver l’ex-Spur très en jambes. Toujours aussi pénible pour les attaquants adverses, ses instincts sont toujours aussi impressionnants et il déroule en attaque, toujours avec son air taciturne et sa tendance à contrôler tout en discrétion. Dès lors, j’ai du mal à discerner si mon impression est légitime, ou si elle est simplement psychologique après l’inquiétante saison 2017-2018. Toujours est-il qu’après 4 matchs joués, le joueur semble bien parti pour être un des tous meilleurs joueurs de la conférence – et si de très jeunes équipes semblaient penser que leur heure était arrivée : mauvaise nouvelle, Leonard pourrait rendre ces satanés Raptors bien plus dangereux que DeRozan.
L’autre joueur en grande forme de ce début de saison, c’est Kyle Lowry. C’est simple, le meneur est sur un nuage, affichant des statistiques d’une insolence effarante. Je vous laisse juger : 19,8pts à 57,6% au tir sont 53,3% à 3pts, 10asts et meilleur intercepteur de son équipe. Cette réussite au tir absolument énorme, est évidemment un véritable atout pour l’équipe qui profite énormément des dégâts réalisés par son meneur. Néanmoins, c’est peut-être aussi le bémol de ce début de saison. Comme beaucoup de Raptors, Lowry a démarré sa saison sur un nuage – et comme il paraît impossible de le voir conserver de tels standards toute l’année, il faudra trouver d’autres solutions, qui rassurez-vous sont nombreuses.
La réorganisation de la raquette
C’était probablement l’un des points noirs de la très bonne saison des Raptors l’an passé. La raquette peinait à convaincre. Entre un Serge Ibaka qui semblait à la peine à son poste et un Jonas Valanciunas en deçà des attentes de chaque côté du terrain, il y avait une décision à prendre.
Une décision qui osons le dire, n’est pas facile à faire passer pour un head coach rookie face à des joueurs installés en NBA depuis quelques années maintenant. Pourtant, Nurse n’a pas hésité.
Valanciunas ne siège plus comme membre permanent du 5 de départ, tandis qu’Ibaka s’installe comme pivot. L’information est donc double : ils sont tous les deux susceptibles de démarrer ou de sortir du banc. Le coach s’offre plus de polyvalence, pouvant choisir l’un ou l’autre selon le profil de l’équipe adverse. Mieux, la décision semble passer puisque les 2 joueurs réalisent un début de saison très satisfaisant. Ibaka apparaît plus à son aise comme pivot dans cette NBA moderne, tandis que le pivot lituanien offre de très belles séquences de jeu, notamment en défense où des progrès sont notables.
En outre, les joueurs ne sont plus associés sur le terrain – ou du moins cela sera fait que par séquence. Une bonne nouvelle pour un duo qui laissait perplexe.
Au poste 4, ce n’est pourtant pas un ailier classique qui prend la place des deux vétérans pour se la jouer plus « moderne ». C’est Pascal Siakam qui reçoit une promotion – apprécié pour sa polyvalence, sa taille mais surtout sa mobilité. Bon joueur sans ballon, ses coupes et un tir à 3pts plus qu’honorable font du bien aux starters.
La profondeur d’effectif, l’arme d’Ujiri
Partout où il est passé, Masai Ujiri a eu comme marque de fabrique de construire des effectifs profonds offrant de nombreuses combinaisons possibles au coaching staff. Le renforcement de cet été n’a pas remis cet état de fait en question, bien au contraire.
La mode en NBA est de pouvoir switcher facilement en défense : il faut donc des joueurs mobiles, de préférence des arrières de grande taille et des ailiers capables d’évoluer sur le poste 4. De la mobilité, un bon tir extérieur et un handle suffisant pour créer sont devenus des indispensables pour offrir un basketball total. Et bon sang, ces Raptors possèdent ces qualités en nombre.
Entre les deux transfuges de l’été qui apportent une dimension défensive de premier ordre, du shoot et dans le cas de Kawhi, un franchise player en puissance et l’armée de joueurs aux profils variés dont disposait déjà l’effectif, les Raptors ont de quoi faire plier de nombreuses équipes. Le banc qui était l’an passé une force a vu OG Anunoby le rejoindre et il y a donc pléthore d’options.
Sur les lignes arrières, Fred Van Vleet tient la corde, mais on retrouve des Lorenzo Brown, Malachi Richardson ou Delon Wright qui peuvent tous donner de grosses minutes. Sur les ailes, entre O.G Anunoby, C.J Miles et Norman Powell – il y a 3 profils différents qui permettent de répondre à des besoins variés.
Sans compter le fait que l’équipe s’est offerte un spot libre pour palier à d’éventuelles blessures.
Dans la raquette, l’équipe possède Greg Monroe qui attend encore du temps de jeu pour compléter le groupe.
Ce qui impressionne dans cet effectif, c’est que tout le monde peut jouer au niveau NBA. Personne n’est là pour faire le nombre, ce qui rend toutes les combinaisons possibles et imaginables dangereuses pour les coachs adverses.
Et les chiffres dans tout ça ?
J’avais commencé l’article en me disant que les statistiques avancées après 6 matchs, c’était trop tôt. Mais je n’ai pas résisté à l’envie de terminer par un petit point pour situer l’équipe !
Alors que disent les chiffres ?
L’an passé, tout le monde craignait Toronto, les Playoffs arrivées, tant l’équipe dominait de chaque côté du terrain (top 5 dans les deux catégories). Après 6 matchs, ils ne font toujours pas rire. 4eme attaque (offensive rating), 10eme défense (defensive rating) à ce jour pour les canadiens.
Grâce à la polyvalence de l’effectif et des joueurs déjà à l’aise ensemble malgré 2 grosses intégrations, ils sont déjà dans le top à l’eFG%, et ce malgré un match contre la meilleure défense NBA (Boston) à un stade de la saison où une seule rencontre a un impact énorme sur les statistiques. Malgré un PACE assez bas (23eme de la ligue), l’attaque ne peine pas à trouver ses tirs et pour cause, c’est le 3eme eFG% qu’affiche Toronto à l’heure actuelle.
Défensivement, l’équipe peut se targuer de compliquer à la tâche à ses adversaires, puisque leurs opposants ont le 4eme plus bas eFG% autorisé – marque de leur forte capacité à contester les tirs adverses. Conséquence de leur polyvalence, l’équipe est très efficace pour gêner l’adversaire à mi-distance et dans la raquette, près d’un tir à 2pts sur deux est contesté (46%).
Très bien rentrée dans sa saison, à fortiori avec plusieurs joueurs partis pied au plancher, reste-t-il des axes à améliorer pour cette équipe ?
Oui.
Souvent dominée en Playoffs quand le jeu s’endurcissait, on aimerait voir cette équipe multiplier les actions de l’ombre : bataille pour les ballons perdus, continuer à obtenir des fautes offensives. Les voir renforcer leur assise au rebond défensif qui reste très fragile – surtout pour une équipe qui trône dans le top 10 dans sa faculté à obtenir des rebonds offensifs.
La dernière étape pour cette équipe : insuffler du combat, dévier, voler plus de ballons – être capable de briser les adversaires sur du détail. La bonne nouvelle, c’est que l’arrivée de Kawhi Leonard et Danny Green pourrait servir de leadership par l’exemple pour les canadiens.
En attendant, il ne fait pas bon d’aller chez les canadiens ou de les avoir sa salle. Winter is coming sur la NBA ?