What if, c’est quoi ? Simple comme bonjour. Il s’agit de reprendre un fait historique de l’histoire NBA, un trade, une blessure, une fin de carrière, un shoot, une action, et d’en changer le cours. Pourquoi ? Pour raconter des histoires, déjà. Pour revisiter les coulisses de certains moments-clés de l’Histoire de la balle orange et les faire découvrir à ceux qui les ignorent, ensuite. Aussi pour faire prendre conscience que la NBA que l’on connait aujourd’hui est le résultat d’un nombre incalculable de facteurs différents, et qu’elle aurait pu être toute autre si l’on touche à un seul d’entre eux. Bienvenue dans le monde de What if !
Aujourd’hui, c’est la rentrée des What if ! L’excitation est palpable à l’heure où j’écris ces premières lignes, entre envie de reprendre le clavier pour conter des histoires qui se faisait de plus en plus pressante et hâte de pouvoir explorer une histoire qui me tenait à cœur. Après une brève sélection de 3 sujets, il a fallu se rendre à l’évidence. Il ne pouvait y avoir qu’un sujet pour entamer cette saison 2, car l’un d’eux me faisait trop d’œil : Brandon Roy.
Les trois personnes qui me lisent depuis mes balbutiements à l’écriture se rappelleront peut-être que le tout premier What if que j’ai écrit sur mon premier blog le concernait déjà. A l’époque, j’avais réussi à écrire deux pages Word : spoiler, cette-fois il y en aura beaucoup plus. Mais prenons les choses dans l’ordre, et penchons nous d’abord, en guise d’introduction, sur l’histoire de celui qu’on surnommait The Natural.
Et pourtant au départ, rien n’était acquis
Né à Seattle, Brandon Roy se distingue par son niveau dès son plus jeune âge. Passés par le parcours AAU, Brandon et son frère Ed font des va-et-vient entre la maison parentale et les différents tournois disputés avec leur équipe de Seattle. A cette époque, Roy est encore un adolescent frappé d’insouciance et bien loin d’imaginer les sacrifices de ses parents. Pour le gamin qu’il était, tout ce folklore autour du basket était quelque chose d’acquis dans sa paisible existence, et chaque voyage avec son équipe était une opportunité pour s’amuser, sortir et profiter des joies de la vie. Mais un jour, alors que Brandon paraissait plus intéressé par le fait de s’amuser que de jouer au basket, son coach Lou Hobson le prit entre quatre yeux. C’est là, à ce moment précis, que l’adolescent qu’il était allait prendre conscience des sacrifices parentaux et du fait que tout ce qu’il vivait ne tombait pas du ciel.
“Est-ce que tu comprends que tes parents t’envoies à ces voyages avec 100 dollars à chaque fois ? Ils ne dépensent pas 100 dollars là-dedans pour que tu t’amuses”
Ça ne parait pas grand chose retranscrit de la sorte, mais avant ça Roy ne s’était jamais posé la question de la situation de ses parents. Il n’avait aucune idée du coût de ce dont il profitait. Il n’avait jamais manqué de rien, et avait considéré ses activités comme une norme, un acquis. La prise de conscience fut immédiate.
“Dès ce moment, chaque vois que j’allais en voyage avec l’AAU, j’y allais pour tirer le maximum de l’argent de mes parents. Je ne pensais jamais ça avant. Je me disais “je suis en voyages avec tous mes potes”, donc j’étais là pour m’amuser. J’appréhendais la chose comme un enfant. Mais dès qu’il m’a dit ça, ça m’a déterminé.” – Brandon Roy
L’insouciance allait laisser place à la responsabilité. Très vite, Brandon allait commencer à gratter des titres de MVP, des sélections dans les meilleurs cinq, et son nom, comme son jeu, prenait de la valeur. Après avoir parcouru tous les terrains de la région, il fallait grandir, encore.
La suite logique pour lui ? Rentrer à la fac. Ou peut-être la NBA même. Ayant un temps considéré la draft 2002 comme potentielle destinée quand les lycéens pouvaient encore s’y présenter, il va finalement se raviser. Cincinnati, Kansas, Arizona, Gonzaga et autres : le gamin avait reçu son lot de courtisans parmi les facs du pays. Mais il était déterminé à rester chez lui, à la fac de l’Etat de Washington.
Pour entrer à l’université et faire partie de l’équipe des Huskies, il fallait encore passer un test d’entrée. C’est là que les choses allaient se compliquer. Le frère de Brandon, Ed, était au-dessus de la moyenne dans le domaine sportif tout comme son jeune frère. Basketteur et footballeur remarqué au lycée, il est toutefois passé à côté d’une potentielle carrière, n’ayant jamais pu passer avec succès les examens d’entrée à l’université. En cause, un dysfonctionnement neurologique, qui a pour conséquence qu’entre ce que vos yeux voient et ce que votre cerveau comprend, la différence est importante. Conséquence principale ? De grosses difficultés de lecture, demandant une concentration plus importante et plus longue que la moyenne. Après son frère, Brandon passa à son tour les examens, qui démontèrent que lui aussi était atteint de ce dysfonctionnement.
En tout, il dû passer 4 fois les tests d’entrée. Quand il vous suffit d’une seule fois pour lire une phrase et la comprendre, lui a besoin de 4 ou 5 lectures. Forcément, les chances de réussite à n’importe quel examen s’amenuisent. Il commence son calvaire en début d’année 2002, avant d’échouer 3 fois consécutivement. Le 7 décembre 2002, c’est la dernière chance pour lui : soit il réussit, soit c’en est terminé des espoirs de jouer à l’université. Le 16 janvier 2003, c’est dans le vestiaire des joueurs de l’université de Washington qu’il attend les résultats. Le moment venu, son coach Lorenzo Romar le convoqua dans son bureau. “Je suis en train de chercher comment on peut te trouver une tenue pour ce soir”, lui dit-il. La phrase ne fit qu’un tour dans le cerveau de Roy : s’il faut une tenue, c’est qu’il peut jouer, et s’il peut jouer… C’est qu’il a réussit. L’aventure universitaire pouvait enfin commencer.
Ses deux années suivantes allaient être relativement discrètes au sein des Huskies : pas de quoi faire de lui un top prospect du pays. Les observateurs s’accordaient à dire que lorsque vous le regardiez jouer, rien ne paraissait forcé. Il ne scorait pas à outrance, ne dominait pas outrageusement une catégorie statistique, mais pouvait tout faire efficacement. Même les fans de l’équipe étaient intrigués.
“Même nos propres fans savaient qu’il était bon, mais ils se demandaient “Pourquoi il ne score pas plus ? Pourquoi il ne domine pas les matchs ?”. Mais il faut le regarder. Ça lui vient tellement facilement, on dirait qu’il ne fait pas le moindre effort.” – Lorenzo Romar, son coach.
Sa dernière année à la fac allait lui offrir une opportunité unique. Alors qu’il réfléchissait à nouveau à franchir le pas qui le séparait de la NBA, il se ravisa une nouvelle fois. Ses deux coéquipiers, Nate Robinson et Martell Webster, se présentaient tous les deux à la draft 2005, et il y avait désormais un spot à prendre dans le roster des Huskies : un spot de leader. Roy n’allait pas laisser passer sa chance.
“Quand ils ont décidé tous les deux de se présenter à la draft, je me suis dit “Ok, je reste”. Je ne l’ai pas fait uniquement pour prouver aux gens ma valeur, mais aussi pour me prouver à moi-même que j’étais plus important encore à Washington que ce que les gens pensaient.” – Brandon Roy
C’est peu dire que bien lui en a pris. A l’opening night de la PAC 10 Conference, Roy va planter 35 points contre Arizona State. Une performance remarquée, mise en avant par Jonathan Watters, journaliste pour DraftExpress, comme le jour où “le gamin qui pensait être assez bon pour jouer en NBA alors qu’il était adolescent a finalement prouver au monde qu’il était NBA-ready”. Il récidivera deux jours après. Cette saison senior allait être pour lui la saison de la révélation et de la maturité : il jouait en véritable leader de cette équipe des Huskies, et son jeu semblait plus complet et efficace que jamais.
A la fin de la saison, il sera élu PAC 10 Player of the Year, avec des moyennes de 20.2 points, 5.1 rebonds et 4.1 passes décisives. Pas mal pour un gamin qui n’avait que peu de chances de rentrer à la fac, non ? Avec une première année tronquée, et trois années universitaires pleines en suivant, B-Roy avait terminé son cycle universitaire. La prochaine étape ? La NBA, enfin.
Et Portland fut à ses pieds, naturellement
28 juin 2006, Madison Square Garden de New York. C’est le grand jour. Brandon Roy est assis à sa table, son entourage près de lui. D’après la plupart des mock draft, il devrait être sélectionné entre la 5è et 10è position. Certaines équipes pensaient qu’il n’avait pas le niveau d’un top player, mais lui n’était pas de cet avis, évidemment.
“Ils se disaient tous que je ne pouvais pas être numéro 1. Je me demandais “Mais pourquoi ils ne parlent pas de moi ?”. Ils disaient “C’est un bon joueur, mais il n’est pas un franchise player”. Moi, je me disais “On verra ça”.” – Brandon Roy
On l’avait prévenu : les big men partiraient en premier, la denrée étant trop rare. Effectivement, Andrea Bargnani et LaMarcus Aldridge furent sélectionnés respectivement en 1er et 2è choix. Dans les tribunes du MSG, le nom de Brandon Roy était pourtant scandé : la salle avait choisi son favori. Alors qu’Adam Morrison, Tyus Thomas et Shelden Williams eurent droit à leur tour de rejoindre David Stern sur l’estrade, Roy patientait. Finalement, avec le 6è choix, ce sont les Timberwolves qui jetèrent leur dévolu sur lui.
Commença alors le train-train des rookies : poignée de main avec le commissionnaire, interviews en cascade, les sourires, les rigolades. Et puis, en pleine interview, un journaliste de Seattle annonça à B-Roy qu’il venait d’être transféré. Quelques minutes plus tôt, les Blazers avaient déjà récupéré LaMarcus Aldridge en échange de Viktor Khryapa et du pick #4, Tyus Thomas. C’était encore eux qui en échange des droits sur Randye Foye, drafté juste derrière Roy, venaient de récupérer ce dernier. Sa réaction ?
“Portland ? Je le savais. Je pensais que ça allait arriver quand je suis allé rejoindre le commissionnaire, mais il n’a rien dit. Maintenant, je suis de retour sur la côté Ouest, et mes parents n’ont que 3 heures de voiture à faire pour venir aux matchs.” – Brandon Roy
Après des belles années au début des années 2000, les Blazers étaient alors dans une situation morose, avec des playoffs loupés pour la troisième année consécutive et des bilans peu reluisants. Le leader n’était autre que Zach Randolph, survivant des “Jailblazers”. Brandon Roy et LaMarcus Aldridge avaient été choisis pour venir insuffler un peu d’air frais à la franchise.
Dès la première année, Roy va impressionner. Il dispute son premier match NBA contre sa ville natale, Seattle, à qui il collera 20 points à 10/16 aux tirs. Dans la foulée, sa saison sera de haute volée. Si son compère Aldridge est efficace tout en étant relativement discret, Roy crève l’écran et devient vite le chouchou du Rose Garden. Il clôture sa saison rookie avec 16.8 pts, 4 rebonds et 4 passes décisives par match, suffisant pour récolter 127 voix sur les 128 possibles au trophée de Rookie de l’Année. Mais les résultats collectifs sont encore trop légers, et l’équipe n’a pas encore le niveau pour se frotter à l’élite de la postseason. A l’intersaison, le front-office décide alors qu’il est temps de prendre un virage : exit Zach Randolph, les clés de la franchise seront confiés au duo Roy-Aldridge.
C’est peu dire que l’idée était bonne. Roy assumera dès le premier jour son nouveau statut, si bien qu’il sera sélectionné au All-Star Game dès sa deuxième saison NBA, où il ne fera pas figuration (18 pts, 9 rebonds et 5 passes) : le gamin veut déjà être considérer comme un grand. Portland terminera la saison avec un bilan à l’équilibre (41-41) mais loupera encore le coche des playoffs. Toutefois, le plus important semble ailleurs : la franchise de l’Oregon vient de se trouver une nouvelle figure de proue. Roy termine sa 2è saison NBA avec des moyennes de 19.8 pts, 4,7 rebonds et 5.8 passes décisives et bluffe par son niveau de jeu et son attitude de leader. Les scouts l’avaient repéré, mais il le confirme : il sait tout faire sur un terrain. Car oui, on ne parle pas d’un simple joueur, mais d’un joueur qui peut tutoyer les sommets.
Assez grand, doté d’une bonne envergure, Roy est le parfait alliage des qualités de vitesse, d’athlétisme, d’équilibre et de gestion de rythme. Sa qualité première ? La création, sans aucun doute. Certains disaient de lui qu’il avait la taille d’un arrière mais les mains d’un meneur. Balle en main, Roy est un danger de premier ordre, que ce soit sur pick and roll ou en isolation. Il peut créer de partout, pour lui ou pour les autres. Timing, variétés de dribbles, contrôle du tempo, patience, sens de la passe : tout y est. Il peut distribuer le jeu comme un meneur le ferait, cause pour laquelle il est bien souvent le principal ball handler sur le terrain, sans contestation possible. Cerise sur le gâteau : il sait prendre soin de la balle, ne perdant jamais plus de 2 munitions par match en moyenne.
Doté d’un bon premier pas mais surtout capable de changement de rythme d’un niveau élite avec ses airs nonchalants (le fameux hesitation move), s’il passe l’épaule, votre défense peut déjà donner l’alerte. Une fois passé, Roy s’offre un choix de luxe : assez athlétique pour terminer en force au cercle, assez technique pour finir plus en finesse, et assez intelligent pour filer la gonfle à un coéquipier libre. Si le défenseur ne se laisse pas passer aussi facilement, aucun problème non plus : son tir midrange est tout aussi dangereux que ses pénétrations, et son physique lui donne assez de puissance pour venir le défier en post-up s’il le faut. Ses gestes ont tous une utilité lorsqu’il cadre un défenseur dans ses appuis. D’une feinte de corps, de dribble, de regard, il peut envoyer n’importe qui au tapis et créer un décalage, pour lui ou un autre. Tout ce que fait B-Roy sur un terrain semble naturel, smooth. C’est ce qui frappe le plus en le voyant jouer : cette classe naturelle.
Vous l’aurez compris : il est une vraie plaie pour n’importe quelle défense. Un joueur complet qui ne fait pas de bruit mais vous tue en silence, sans donner l’impression de forcer outre mesure. The Natural.
La saison 2008-09, l’éclosion véritable
La troisième saison de Roy sera celle qui l’inscrira définitivement dans la liste des meilleurs arrières de la Grande Ligue, avec 78 matchs de haute volée. Il sera à nouveau convié au All-Star Game, et finira la saison avec 22.6 pts, 4.7 rebonds et 5.1 passes par match, ce qui lui vaudra une place dans la 2nd All-NBA Team. Complet, efficace, et terrifiant à la fois.
C’est lors de cette saison 2008-09 qu’il fera sensation dès le 5è match de l’année contre les Rockets. Dans un mauvais soir aux tirs (4/16 jusqu’alors), Roy va venir crucifier les Texans, avec un shoot qui reste encore aujourd’hui dans les annales. Je vous pose ici les dernières secondes du match, jugez plutôt.
Si ça, ce n’est pas être clutch... Car c’est aussi là un trait caractéristique du bonhomme : rien ne l’arrête, surtout pas dans le moneytime. Le premier shoot est d’une beauté sous-estimée. Mais que dire du dernier. Il ne reste que 0,8 seconde au chrono, et Roy pourrait être au fond du gouffre après la faute évitable commise sur Yao Ming donnant l’avantage aux Rockets. Sur la remise en jeu, il part en trombe. Son défenseur a beau crié à son coéquipier placé plus haut de changer, il est trop tard. Roy a déjà les appuis placés vers le cercle quand il reçoit la balle, et déclenche le tir dans l’instant suivant. Aucun geste superflu, simplement une énorme poussée. Le buzzer retentit et continue de sonner alors que la balle s’élève dans le ciel. La trajectoire semble interminable. Switch. Magistral.
Un mois plus tard, Roy lâchera une mixtape sur la tête des Suns, allant chercher son record en carrière avec 52 points à 14/27 aux tirs, dont 5/7 à 3pts. Inutile de vous faire un dessin : tout, il leur a tout fait.
Aux termes de cette fabuleuse saison, les Blazers ont franchi un cap. Avec 54 victoires, ils s’offrent le luxe d’obtenir l’avantage du terrain en playoffs, les premiers de ces Blazers nouvelle génération. Au premier tour, ils tomberont face aux Rockets de Yao Ming, Tracy McGrady étant blessé. Ces derniers ont pour eux nombre d’avantages dans cette série, dont celui souvent sous-estimé de l’expérience. Ils s’imposeront face aux Blazers en 6 matchs. Portland était encore trop bleu à ce stade-là de la compétition, mais ce ne fut pas le cas pour le franchise player qu’était devenu Brandon Roy. Augmentant son niveau de jeu, il tourna à 26.7 pts sur la série. Une performance qui ne laissera de marbre personne, pas même Ron Artest, pourtant dans le camp des vainqueurs.
Ron Artest : “Roy est probablement le meilleur joueur contre lequel j’ai joué. Pour moi, c’est le meilleur shooting guard. Bon, pas en défense, mais c’est le meilleur joueur contre qui j’ai joué.”
Craig Sager : “Un meilleur joueur que Kobe Bryant ? Que LeBron James ?”
Artest : “Le meilleur contre qui j’ai joué.”
“Que le roi seulement soupire, et tout le royaume gémit.” – Shakespeare, Hamlet
Brandon Roy ressortait de sa troisième saison NBA avec un statut assumé de franchise player. Respecté et craint par ses pairs, il faisait partie du gratin de la Ligue. Il avait su s’imposer naturellement dans le paysage NBA, et était en lice avec Kobe Bryant pour se disputer le titre de meilleur arrière de la ligue. Il était jeune, fort, complet et emportait avec lui une équipe que beaucoup voyaient sous sa houlette comme future prétendante au titre. A l’été 2009, Portland offrit un pont d’or à sa nouvelle pépite : 82 millions sur 5 ans. Personne ne se doutait alors de la suite des événements.
Durant la saison 2009-10, il se blessa une première fois quelques semaines avant le All-Star Game. Encore une fois, il avait été convié au match des étoiles, son début de saison étant sur des standards désormais habituels : plus de 23 pts de moyenne avec plus de 4 rebonds et 5 passes par match. Tout le monde s’accordait alors à dire que The Natural faisait partie des joueurs que l’on détestait affronter, même Kobe Bryant :
“L’arrière le plus difficile à défendre à l’Ouest ? Brandon Roy. 365 jours par an, 7 jours sur 7. Roy n’a aucune faiblesse dans son jeu.” – Kobe Bryant
Il fit son retour une dizaine de matchs plus tard, mais à trois matchs de la fin de la saison, lors d’une rencontre contre les Lakers, Roy sentit une vive douleur au genou qui l’obligea à quitter le parquet. L’IRM révéla que le ménisque était touché. Coup dur alors que l’équipe se préparait déjà pour les playoffs. Il se fit opérer deux jours avant le début de la série contre les Suns et assista impuissant aux trois premiers matchs de la série.
Après avoir remporté le premier match, Portland s’était incliné par deux fois. Lors du game 4, Roy entra finalement en jeu, prenant de court toute l’assemblée. Sa levée du banc galvanisa les fans, qui étaient tout d’un coup incapables de se rasseoir. Alors qu’il n’était toujours pas entrer en jeu et qu’il patientait à la table de marque, il créa un momentum pour ses coéquipiers. Les Blazers arrachèrent ainsi le match, pour revenir à égalité à 2-2 dans la série. Toutefois, ils s’inclineront lors des deux matchs suivants, et sortirent pour la deuxième fois consécutivement au premier tour.
Rien que pour la réaction du public alors qu’il n’est toujours pas entré en jeu, il faut voir cette vidéo :
Durant l’été, B-Roy prit le temps de travailler sur son corps. Il ne voulait plus souffrir à ce point de blessures, et devait renforcer ce genou meurtri. Pour cette saison 2010-11, il était de retour sur les parquets. Tout semblait allait pour le mieux après un mois de compétition, jusqu’à ce 13 novembre et ce match contre les Hornets, où il dû se résoudre à quitter le parquet à cause de douleurs aux genoux.
Il loupa seulement 4 matchs, avant de revenir quelques jours plus tard contre ces mêmes Hornets. Mais les blessures à répétition avaient déjà commencé à produire leurs effets, et les doutes sur le fait qu’il puisse retrouver un niveau All-Star avec cet enchaînement de pépins se multipliaient. Avec ces nouvelles douleurs aux genoux, les spéculations étaient d’autant plus vives et alimentées par les rares personnes ayant accès au dossier médical de Roy, qui n’étaient clairement pas des plus optimistes. Et pour cause : ses genoux étaient dans un bien pire état que l’on pensait alors. Il était en réalité atteint d’un mal incurable et improbable à cet âge-là : l’arthrite dégénérative.
Derrière ces deux termes se cachent une explication simple : un manque de cartilage. Autrement dit, plus le temps passe, plus le cartilage que vous avez sur vos genoux, qui agit comme une sorte de “protection” sur vos os, disparaît. Pour Roy, il n’avait simplement plus rien, plus aucun cartilage, aucune protection. Ses os se frottaient ainsi l’un à l’autre directement, causant une vive douleur au moindre saut, à la moindre course, à la moindre sollicitation de l’articulation. L’opération ? Il allait en subir une, mais elle était inutile dans ce cas-là. La seule véritable porte de sortie consistait à prendre des anti-inflammatoires tous les jours. Un traitement d’ordinaire contraignant, mais d’autant plus pour un sportif de très haut niveau, sollicitant sans répit son corps. Les médecins étaient pessimistes, voire alarmistes : si Roy continuait à ce rythme-là, il pourrait bien ne plus pouvoir marcher à terme. Il fallait réduire le temps de jeu aux entraînements comme en matchs d’abord, et ensuite… Arrêter le massacre, tout simplement.
B-Roy va ainsi louper une trentaine de matchs cette saison-là et reviendra fin-février dans un rôle de remplaçants, avec une vingtaine de minutes par match, laissant LaMarcus Aldridge prendre les commandes de l’équipe. Il n’était clairement plus aussi explosif, n’avait plus le même rythme dans son jeu et même son shoot commençait à pâtir de tous ces tracas. L’impression visuelle faisait peine à voir. Tous les observateurs voyaient bien qu’ils n’avaient plus en face d’eux le joueur qu’ils avaient vu crever l’écran, il y a un an à peine. Les regrets semblaient déjà être là. Mais les Blazers, avec entre autres Nicolas Batum, Andre Miller et Wes Matthews pour entourer LMA réussirent à se qualifier pour la postseason. Là où une dernière fois allait briller l’étoile.
Un quart-temps pour l’Histoire, un quart-temps pour dire au revoir
Lors du premier tour, Portland est opposé aux Mavericks, troisième à l’Ouest. Les Mavs ont remporté les deux premiers matchs, avant que la franchise de l’Oregon se reprenne au game 3. Dans ce match 4, les Texans ont clairement l’avantage. Dans le troisième quart-temps, ils vont se construire un large avantage, qui leur permet d’aborder le dernier acte sereinement. Oui, mais non. Non, car à ce moment-là, Brandon Roy est déjà sur le terrain jeu, et s’apprête à offrir au Rose Garden son dernier récital, certainement le plus beau.
Les images parlent parfois plus que les mots, alors voici une vidéo qui ne devrait laisser personne de marbre : le monstrueux comeback des Blazers, dans le dernier quart-temps de ce Game 4, mené par un Brandon Roy donnant corps et âme pour son équipe avec 18 pts dans la période. Savourez.
Fabuleux. Rien, rien n’est à jeter dans ce que va produire Roy dans ce dernier acte. Le temps d’un instant, d’un quart-temps, The Natural va retrouver ses genoux d’antan, son explosivité, sa vitesse, ses changements de rythme, son sens du jeu. Il semble jouer tranquillement, naturellement. Ses hésitations et step-back créent des décalages en forme d’offrandes pour Batum, Fernandez et Aldridge. Shawn Marion, pourtant pas le dernier en matière de défense, ne peut rien faire pour le contrer, Rick Carlisle non plus. Jason Terry essayera de faire taire la foule en délire, mais rien n’y fait : Roy vient de redynamiser tout l’Oregon derrière lui. Les isolations sont sanglantes, les shoots extérieurs résonnent comme des coups de poignards, et chaque panier rapproche Portland au score. On vit bel et bien un moment historique, comme une rédemption d’un roi qui ne veut pas abdiquer. Et puis, il y a ce 3+1 venu d’ailleurs pour ramener les siens à 1 petit point des Mavs. Et le coup de grâce, avec ce floater sur la tête de Shawn Marion, après un énième drive. Les Blazers prennent la tête 84-82, et Terry ne pourra sauver les siens de cette remontée extraordinaire. Après le buzzer, tous les joueurs de Portland fondent sur leur sauveur. Brandon Roy croule sous les siens, au bord des larmes. Il vient d’offrir à sa franchise et à la NBA toute entière une des plus belles performances de son histoire.
“C’est tout ce que j’ai vécu cette année. Chaque fois, je ne savais pas si j’allais jouer au basket à nouveau. Et là, on perdait de 20 points, donc je me suis dit que j’allais jouer, je n’avais rien à perdre. C’était fou, je ne sais pas quoi dire… C’est incroyable. (…) Je ne sais pas si j’allais pouvoir jouer au basket à haut niveau encore. Jouer au niveau auquel j’ai joué ce soir, c’est spécial. Ça veut dire beaucoup pour moi.” – Brandon Roy, après le match contre Dallas.
Une sortie de scène grandiose, en forme de gigantesque feu d’artifice. Les Mavs remporteront la série, et les Blazers seront une nouvelle fois éliminés au premier tour. Six mois plus tard, le 10 décembre 2011, Brandon Roy annoncera à Portland sa décision de se retirer des parquets. Les douleurs sont devenues trop intenses et insupportables. S’il veut continuer à marcher, il doit arrêter. La décision, bien qu’attendue et supposée depuis un moment, fait l’effet d’une bombe en NBA. A 26 ans, Brandon Roy doit raccrocher. 26 ans…
Not Brandon Roy!!!!!!!! The #NBA is losing a great one. Damn!!!!!!!!!
— Carmelo Anthony (@carmeloanthony) 9 décembre 2011
Please say it ain’t so. Brandon Roy retiring. Losing one of the best 2 guards in the league before he’s ready to go. So unfortunate man! SMH
— LeBron James (@KingJames) 9 décembre 2011
Quatre saisons pleines. Rookie de l’Année en 2007, 3 sélections au All-Star Game en suivant. Plus de 20 points, 5 passes et 4 rebonds de moyenne sur ses 4 première ssaisons : ils ne sont que 13 dans l’histoire NBA à avoir réussi cet exploit, de Jerry West… à Brandon Roy. Leader affirmé et respecté en tant que tel dans la Ligue, à la tête d’une équipe en pleine progression et que beaucoup voyait comme futur contender au titre, qui sait où aurait-pu s’arrêter The Natural ? A l’approche de son prime, avec des lieutenants comme Aldridge, Batum, Matthews et une progression constante, le ciel semblait être sa seule limite. Alors en attendant que le coach retrouve de nouvelles couleurs, le joueur lui nous laisse avec des souvenirs forts, et toujours cette foutue question : et si ses genoux l’avaient laissé en paix ? Mais ça, on s’en occupera bientôt…
Sources utilisées et pour en savoir encore plus :
- Stats de nba.com et basketball-reference.com
- https://eu.desertsun.com/story/sports/basketball/2017/12/29/coaching-has-filled-basketball-void-brandon-roys-life/991770001/
- https://armchairallamericans.com/the-forgotten-superstar-brandon-roy/
- http://basketballsocietyonline.com/brandon-roy-career-nba-portland-trail-blazers
- https://www.canishoopus.com/2012/8/1/3207345/the-brandon-roy-story
- https://hoopshype.com/2015/03/17/the-brandon-roy-story/ (extrait de The Brandon Roy Story)
- https://web.archive.org/web/20071211145224/http://www.columbian.com/sports/localNews/2007/12/12092007_The-Real-Roy.cfm
- The Brandon Roy Story, de Dan Raley.