C’est une histoire qui fait parler chaque jour dans le microcosme NBA, et qui semble ne jamais s’approcher du dénouement tant attendu. Des semaines que « l’affaire Jimmy Butler » agite la ligue à grands renforts d’informations parfois contradictoires, floues ou même démenties. Pourtant, la situation paraissait claire à l’aube du mois de septembre : l’ailier souhaitait quitter Minnesota, et la franchise devait s’affairer pour trouver le meilleur deal possible. On ne va pas refaire l’histoire en détails : Butler veut toujours s’en aller et les dirigeants se montrent exigeants, réticents (Thibodeau) ou incompétents (tout le monde).
Oui mais voilà, lorsque votre management se compose de Glen Taylor (propriétaire plutôt âgé), Scott Layden (GM plutôt fantomatique) et Tom Thibodeau (Président des Opérations Basket et Head Coach plutôt entêté), les choses ne sont pas simples. Résultat, un imbroglio digne d’un thriller ou d’un dessin animé. Car ce n’est même pas une lutte de pouvoir qui semble amener cette situation improbable et, il faut le dire, assez honteuse. Un tel désaccord et un si grand manque de coordination et d’harmonie au sein d’une même équipe dirigeante d’une franchise NBA, c’est tout de même rare. Le propriétaire affirme pousser son président/coach à effectuer un trade, allant même à encourager ses homologues à traiter directement avec lui si d’aventures Thibodeau leur claquait la porte au nez. Invraisemblable. Pourtant, Taylor ne semble pas non plus se démener outre mesure pour trouver une issue rapidement dans ce dossier. Et de son côté, Thibs joue clairement la carte de l’attente, espérant carrément une réconciliation et un retour de Butler dans l’effectif.
Plusieurs rumeurs ont été divulguées, et il est plus que difficile d’y voir clair. Les négociations avec le Heat, principal (et seul) prétendant actuel, auraient été menées quasiment jusqu’à un accord, avant que Thibodeau ne réclame des pièces supplémentaires, mettant un terme aux discussions. On peut également supposer que Pat Riley, en bon négociateur, tente tout pour tirer le meilleur profit d’un éventuel échange. Outre Butler, plusieurs éléments ont été évoqués autour de ce mouvement : Josh Richardson en premier lieu, qui serait une belle contrepartie pour les Wolves. Puis pêle-mêle : Bam Adebayo, les tours de draft de part et d’autre (surtout ceux de 2019), ou encore Gorgui Dieng, Dion Waiters ou même Hassan Whiteside. Difficile de savoir donc si Minnesota se montre trop gourmand, ou si Miami cherche trop à tirer profit de la situation urgente. Les deux positions sont tout à fait justifiables, surtout dans le cas du Heat, qui n’est pas pressé de conclure un accord, hormis le fait d’intégrer au plus vite Jimmy Butler dans leur effectif.
De l’autre côté, si l’on peut comprendre le management des Timberwolves qui cherche le meilleur deal possible, la trop longue attente a mené à la situation catastrophique de la semaine dernière. Jimmy Butler, convoqué au practice, décide de s’y rendre. La suite, vous la connaissez. Une session de trashtalking ultime envers les dirigeants, les coéquipiers (Towns et Wiggins en cibles principales), le personnel d’entretien et tout le Minnesota. Avec à la clé une branlée avec les gars de bout de banc et de G-League infligée aux titulaires. Personne ne se serait vraiment rebellé, hormis KAT (légèrement) selon certaines sources.
Scène hallucinante donc, mais le show ne s’arrête pas là. Coïncidence bien sûr, ESPN se trouvait dans les parages, prêt à toute éventualité. Et alors qu’il n’a pas pris la parole depuis le début de cette affaire, Butler s’offre à Rachel Nichols pour un entretien. Il y évoque sa mentalité de combattant, sa manière d’aider ses coéquipiers, et tous les griefs envers son management. Chacun en prend pour son grade, mais l’ailier y met les formes, se posant en leader charismatique prêt à tout pour aider l’équipe et irréprochable. Chacun son avis sur cette interview, toujours est-il que Butler est assez clair : trouver une issue favorable serait possible, mais il ne pense pas que ce sera le cas.
Encore une fois, nous n’avons donc ici que la version donnée par le joueur, et si plusieurs informations concernant la séance d’entraînement chaotique ont été confirmées par les insiders, certains éléments sont à prendre avec des pincettes. Si le divorce semble effectivement totalement consommé, les mots choisis par Butler laissent également entendre une autre version : une réconciliation envisageable, selon ses propres mots. Le lendemain, nouveau rebondissement. Le joueur aurait organisé une réunion (il le confirme lui-même à ESPN) avec les joueurs seulement, au cours de laquelle il expose ses reproches au management, mais affirme qu’il ne pense qu’à mener l’équipe vers la victoire. Une nouvelle bombe dans le dossier… Finalement démontée par Jeff Teague lui-même, qui interpelle directement Shams Charania et dénonce un mensonge. Le chaos autour de la franchise ne cesse d’empirer.
C’est dans ce climat que les Wolves abordent leur dernier match de présaison, conclu sur une bonne gifle infligée par les Bucks. Certains diront que ce n’est que de la présaison, mais l’attitude montrée par les Loups inquiète au plus haut point. Absence de collectif et d’automatismes, individualisme, frustration, nombreux ont été les signaux négatifs envoyés par la meute. On ne tirera pas d’enseignements trop rapides avant même le début de la saison régulière, mais la situation est des plus difficiles. Surtout, elle pose de nombreux défis à la franchise, et pourrait laisser des marques sur un vestiaire sur les nerfs.
La première échéance est évidemment de trouver un point de chute à Butler. Aux dernières nouvelles, Glen Taylor et le joueur auraient convenu d’un accord : la franchise continue de chercher un trade et lui débute la saison en bon professionnel. Thibodeau l’a confirmé, Jimmy commencera donc la régulière dans l’effectif face aux Spurs. Ahurissant. Les questions sont évidemment multiples, entre la présence du joueur dans le vestiaire et la réaction de certains autres éléments, Andrew Wiggins et Karl-Anthony Towns en tête. Mais également sur le terrain, où l’entente et le mouvement de balle s’annonce dangereusement limité, avec l’éventualité de voir chaque joueur tirer la couverture à lui pour montrer qu’il est le véritable leader. Finalement, on ne comprend plus rien de l’état de la franchise, et l’on aimerait être une petite souris pour se glisser à l’intérieur du groupe, si l’on peut encore parler de groupe. Car si les dernières déclarations de Wiggins se veulent apaisantes, nul doute que les tensions sont toujours bel et bien présentes.
La question, c’est de savoir quelles empreintes va laisser cette affaire sur le vestiaire. Car hormis peut-être un élément qui partira en même temps que Butler, les autres devront se relever. La crainte d’un vestiaire divisé entre les partisans de Jimmy et les autres… Bonjour les problèmes de collectif. D’ailleurs, quel impact cette situation peut avoir sur KAT, lui qui a signé sa prolongation de contrat après deux mois d’attente… et le lendemain de l’annonce du départ souhaité de Butler. Il semble donc logique de croire que voir rester l’ailier n’est pas du goût de Towns… Et encore moins de Wiggins. Les deux jeunes joueurs sont en conflit ouvert avec l’ancien Bull, et peu importe les torts de chacun, l’acharnement médiatique sur eux peut être dangereux. Au mieux, il peut les pousser à se donner encore plus pour faire taire les critiques. Au pire, leur mettre un gros coup au moral et les plomber pour quelques temps. Rappelons que les deux garçons sont encore jeunes, et que Towns, déjà All-Star, a déjà accompli beaucoup pour son âge. Ils ont d’ailleurs reçu le soutien de Kevin Garnett. Towns qui vient de s’engager pour 5 saisons avec la franchise reçoit aujourd’hui encore un très mauvais signal de ses dirigeants. Au-delà de sa relation avec Butler, c’est la gestion de l’affaire qui a de quoi effrayer le pivot. Le capital confiance entre le joueur et le front-office, déjà mis à mal cet été, pourrait s’en voir grandement diminué…
Mais que KAT et Wiggins n’aient que peu de défenseurs en dehors des fans de la franchise ou que Butler soit également bien décrié (ou encensé, étrangement) à travers la Ligue, un homme seul fait l’unanimité contre lui : Tom Thibodeau. Il porte la double casquette Président/Coach, et se fait aujourd’hui massacrer dans les deux rôles. Son bilan de Président laisse clairement à désirer, avec des mouvements certes corrects mais contestables, et surtout une gestion du cas Butler calamiteuse. Aucune anticipation, et surtout un déni que même les plus grands psychanalystes n’arriveraient pas à déchiffrer. Ou de la mauvaise foi, c’est vous qui voyez. En laissant traîner la situation et en faisant tout pour conserver Butler et même le réintégrer à l’effectif, Thibs a déclenché la bombe Jimmy, emportant tout sur son passage. Le personnage en est même déroutant de décontraction face à la situation, semblant tout à fait en paix avec l’état de son vestiaire et la présence de Butler lors de la reprise de la saison. Chose impensable pour le reste de la ville, de la Ligue, et du monde entier.
Côté sportif, les choses ne vont guère mieux pour le Pingouin. Critiqué pour ses « rotations », le manque de mouvement de balles et surtout l’échec défensif, Thibodeau a carrément vu ses schémas défensifs remis en cause par Teague, qui les juge dépassés et inadaptés aux joueurs en présence. Nous n’en sommes qu’à une punchline de plus dans ce délire ambulant me direz-vous, mais la déclaration est symptomatique des problèmes qui règnent à Minnesota actuellement. Un coach en rupture avec son vestiaire, qui favorise le maintien d’une situation devenue irrespirable, et un management qui semble impuissant.
Il est vrai que les solutions ne sont pas légions. Transférer Butler, c’est une évidence. Mais à quel prix ? Encore une fois, on peut comprendre la volonté des dirigeants de tirer le meilleur profit d’un trade qu’ils perdront de toute façon. Virer Thibodeau ? Cela fait de plus en plus l’unanimité. Mais à quel prix encore ? 30 millions de dollars, environ. On comprend que cela puisse freiner Glen Taylor, mais est-ce qu’il a vraiment le choix ?
Alors que la saison régulière va reprendre ses droits, tous les scénarii ou presque sont envisageables. Voir partir Butler 24h avant le premier match, voir partir Butler en plein milieu du 3ème quart temps, ou ne jamais voir partir Butler. Vous mettrez les probabilités que vous souhaitez sur chacune de ces options, sachant qu’une centaine d’autres doivent être possibles. Et attendant, c’est le statut quo. Butler a réintégré l’effectif, s’entraîne avec le groupe et devrait être aligné en match. L’accueil du Target Center lors de la rencontre face aux Cavs pourrait être glacial. Jimmy a même encouragé les fans à le huer, poussant toujours plus loin sa communication de guerrier. Rendez-vous donc à la prochaine mise à jour de ce dossier de plus en plus dingue…