Si je ne devais pas parler de Portland à l’origine, me voici le sujet entre les mains à quelques heures de la publication. Si mon premier réflexe fut de rechigner à la tâche, je dois dire que c’est finalement intéressant de se pencher sur cette franchise. Mine de rien, depuis maintenant 4 ans, les Trail Blazers sont une équipe qui sait surprendre. Tantôt, ils étaient attendus dans les bas fonds de la NBA, avant de toquer à la porte des Playoffs et de s’y qualifier au second tour. Puis alors qu’ils devaient reproduire leur performance ils se retrouvèrent à lutter jusqu’au bout pour un 8eme spot. Et puis, cette année, attendus dans la lutte à la post-saison, ils se sont tout simplement arrogés le 3ème spot dans une conférence Ouest effrayante. Il n’y a pas à dire, la paire Lillard-McCollum qui s’est forgée au fil des saisons est bel et bien un duo de star. Un duo qui sait faire tourner des têtes, qui sait gérer ses fins de matchs et faire la différence face aux équipes qu’ils doivent battre.
Pourtant, en parlant de leur place, j’ai utilisé le terme “s’arroger”. Ce n’était pas un hasard. Il y a quelque chose de plus surprenant que le parallèle entre les victoires attendues et celles obtenues lorsque l’on parle de Portland. Évidemment, ces points de vues peuvent être sujets à controverses, mais ils méritent d’être énumérés. Il y a un certain nombre de causes que l’on peut invoquer pour expliquer leur place surprenante en saison régulière, et la suite moins glorieuse que ce groupe a connu.
Tout d’abord, les Blazers sont une équipe qui ont connu une véritable continuité depuis 2016. Fort d’une saison surprise, ils ont réuni un groupe de joueurs qu’ils ont su garder ensemble, dans le même système et rares étaient les têtes nouvelles en début de saison. Une force que l’équipe a su utiliser en produisant une bonne saison de bout en bout, tandis que d’autres tatonnaient. Une seconde raison, plus aléatoire, est celle de la bonne santé du groupe. Contrairement à de nombreux concurrents, les Blazers ont profité l’an passé d’une faible propensions aux blessures, notamment chez les joueurs majeurs de l’équipe. Certains diront que cela ne doit pas faire parti d’une preview, peut être. D’autres rétorqueront que c’est un juste retour des choses après plus d’une décennie ruinée par des carrières brisées, chose que je leur concèderai volontiers. Mais c’est tout de même à prendre en compte. Adam Mares, rédacteur chez Denver Stiffs, formulait ainsi la réussite de cette équipe “Je pense qu’ils étaient la 9eme ou 10eme équipe à l’ouest l’an passé, mais ils étaient de loin celle en meilleure santé“.
Évidemment, être en bonne santé ne suffit pas si le talent n’est pas au rendez-vous, et s’il y a une chose pour laquelle il faut s’incliner devant Portland, et je l’ai déjà mentionné, c’est la manière que cette équipe a de tuer ses matchs. Avec Damian Lillard et C.J McCollum, les Blazers possèdent deux des joueurs les plus clutchs en NBA – et ils ont cette année encore su faire la différence. Une différence matérialisée par une belle série de victoires (13), dans le courant du mois de mars, pendant que l’essentiel des formations de l’Ouest trébuchaient à répétition.
Ce qui ressort de cette saison par le fait ? Portland est une équipe consistante qui sait prendre les matchs qu’elle doit prendre. Une excellente formation en régulière. Malheureusement, malgré l’avantage du terrain, ils sont tombés par un cinglant 0-4 face à des Pelicans privés depuis des mois de DeMarcus Cousins. Une défaite dont on pourrait trouver injuste qu’elle remette tout en cause, tant la domination de Davis était un mismatch favorable pour cette équipe de New-Orleans, de meme que l’excellence du duo Holiday-Rondo qui a totalement éteint la paire principale des Blazers. En effet, cette défaite a mis en avant les lacunes des Trail Blazers sans les laisser s’exprimer. Quoi qu’il en soit, il est temps d’entrer dans le vif du sujet.
Résumé de l’été
En 2016, Portland a conservé son ossature au prix fort. Depuis, elle est obligée de laisser partir plusieurs membres pour pouvoir lancer un nouveau cycle de recrutement autour de son trio Lillard – McCollum-Nurkic. Sans surprise, cet été fut dans la continuité du précédent qui avait vu partir Allen Crabbe au Nets.
L’été commença avec la draft, qui fut l’occasion de récupérer le jeune mais très intéressant Anfernee Simons. Visage de chérubin en provenance de CBB, on aurait pu s’attendre à un joueur très brut. Si c’est potentiellement le cas, il a montré en Summer League de belles dispositions et un talent indéniable. Un renfort qui sera bienvenu sur les lignes arrières. La franchise ne s’arrêtait pas là et mettait la main sur l’un des meilleurs shooteurs de la cuvée avec Gary Trent Jr.
Dans la foulée de ces acquisitions, Portland allait chercher d’autres arrières puisque Nick Stauskas rejoignait les rangs de la franchise, rejoint dans la foulée par Seth Curry – de retour après une saison blanche. Jusqu’ici, on peut dire que l’été était une réussite – surtout que Jusuf Nurkic revenait avec un deal longue durée à une somme tout à fait mesurée.
Oui mais voilà, dans la foulée, Portland voyait plusieurs rotations majeures s’en aller. Le meneur Shabazz Nappier, Ed Davis et Pat Connaughton – ainsi que, moins important, C.J Wilcox. Des pertes compensées numériquement par les arrivées de Gary Payton II, Chinanu Onuaku et Cameron Oliver.
Ainsi, voici le roster 2018-2019 des Trail Blazers :
Meneurs : Damian Lillard, Wade Baldwin, Seth Curry, Gary Payton II
Arrières : C.J McCollum, Anferneee Simons, Nick Stauskas, Gary Trent Jr.
Ailiers : Evan Turner, Maurice Harkless, Cameron Oliver
Ailiers forts : Zach Collins, Al-Farouq Aminu, Caleb Swanigan, Jake Layman, Chinanu Onuaku
Pivots : Jusuf Nurkic, Meyers Leonard
Jeu & Coaching
Pour savoir ce que devraient être les Blazers, on peut tout d’abord parler de ce qu’ils étaient. Selon NBA.com, ils étaient la 16eme attaque à l’offensive rating de la NBA. Légèrement sous la moyenne, Portland pratiquait un basketball à l’opposée du modèle actuel de la NBA : les Warriors. Là où beaucoup d’équipes cherchent à créer du mouvement de balle, en jouant vite pour créer des espaces, les Blazers eux abusent de l’isolation. Avec la 19eme PACE de la ligue, ce n’est pas que Portland est une équipe de demi-terrain, disons plutôt qu’ils aiment s’appuyer sur la faculté de création pour les autres et pour eux-même de Lillard et McCollum. Sans surprise, c’est l’équipe qui a le plus faible % de passes de la NBA et comme un résultat, un des pires pourcentages passes décisives/pertes de balles (et ce alors qu’elle n’est pas dispendieuse avec les pertes de balles). La tendance devrait être la même cette saison. La force de l’équipe restera la même, le coaching staff aussi – et les faiblesses qui peuvent expliquer ce choix également. Mais nous y viendrons plus tard. De l’autre côté du terrain, toujours selon NBA.com et le même indicateur, les Blazers étaient la 7eme défense NBA. Or, si l’adresse peut vous quitter certains soirs, une bonne défense, elle, est plus facile à conserver si l’effort est au rendez-vous. Une vraie assurance pour Portland. La question étant, est-ce que cette défense sera aussi solide l’an prochain ? Rien n’est moins sûr – et nous verrons pourquoi.
Quel 5 majeur ?
Au niveau du starting five, il ne devrait pas y avoir de révolutions dans le rang des Blazers. La formule marchait bien et il n’y a pas eu de joueurs suffisamment forts qui ont rejoint l’effectif pour bouleverser l’ordre établi. Ainsi, voici les très probables titulaires :
Damian Lillard – C.J McCollum – Evan Turner – Al-Farouq Aminu – Jusuf Nurkic
Si changements il devait y avoir, on pourrait imaginer que Maurice Harkless vienne prendre la place de Turner pour que celui-ci retrouve un rôle plus tourné vers le scoring avec le banc. Sinon, je ne vois aucune changement pour débuter la saison tout du moins.
Les forces du roster
Nous l’avons déjà dit, la principale force du roster est la paire d’extérieurs. Cela semble, indubitable, ce sont deux stars en attaque, doués pour beaucoup de choses, et qui font même des efforts plus que notables en défense depuis l’an passé. Avoir un backcourt de cette qualité avec une force de fixation forte dans la raquette (bien sûr sur courant alternatif) en la personne de Jusuf Nurkic est un luxe. Dans ses bons soirs, le pivot est un véritable taureau et un très bon poseur d’écran, rugueux et bon défenseur.
Bien que les Blazers n’aient pas une pléthore d’intérieurs de premier choix, ils ont pourtant une superbe assise au rebond, tant défensif qu’offensif, qui prouve une fois de plus que posséder des intérieurs gloutons ne suffit pas. Au contraire, l’équipe sait mettre son énergie à la protection du rebond, les extérieurs n’hésitent pas à participer preuve de la volonté collective de briller. Pour devenir aussi bien une attaque cohérente qu’une défense solide, les Blazers ont choisi de jouer l’isolation, de limiter les passes risquées, en faisant une équipe qui sait prendre soin du ballon. Or cela limite à la fois les actions perdues (non conclues par un tir) que les points faciles en contre-attaque. Si évidemment cela signifie prendre des tirs plus compliqués, vous pouvez vous reporter à l’introduction de cette section sur le talent indéniable du backcourt des Blazers.
Néanmoins, certains aspects du jeu des Blazers pourraient se dégrader…
Les faiblesses du roster
Cet été, comme déjà évoqué, les Blazers ont perdu des rotations majeures de l’effectif. Shabazz Nappier, qui complétait à merveille le backcourt des Blazers au relais tantôt de Lillard, tantôt de McCollum. Bon meneur, capable de tout faire, il est rejoint dans son départ par Pat Connaughton, joueur complet et bon défenseur, ainsi que et surtout, par la principale rotation à l’intérieur : Ed Davis. Fort rebondeur, bon défenseur, bel energizer, Ed Davis pourrait manquer en raison de son expérience. Bien sûr, les sophomores que sont Zach Collins et Caleb Swanigan pourraient également le remplacer au pied lever. Toujours est-il que l’on sait ce que l’on gagne, pas toujours ce que l’on perd.
Mais si une faiblesse doit être évoquée, c’est celle que Portland partage avec d’autres bonnes équipes qui peinent à franchir un cap : l’absence d’ailier majeur. Harkless, Turner, Aminu sont de bons joueurs, mais à un poste qui représente la polyvalence au basketball, qui est au centre de la NBA moderne, les Blazers sont démunis. En Playoffs, face aux trappes (oui, ce n’est pas vraiment un mot français) des Pelicans sur Lillard et McCollum, l’équipe s’est avérée totalement impuissante à prendre le relais malgré les espaces. Pourquoi ? Car les ailiers des Blazers ne sont pas bons balle en main, ce ne sont pas d’excellentes menaces à 3pts voire même à mi-distance. Or cette faiblesse ne sera pas réglée cette saison.
L’autre faiblesse que l’équipe doit régler mais que Terry Stotts n’a pas su solutionner, c’est le manque de jeu et d’exploitation de son backcourt off-ball. Quand ils ne portent pas la balle, ni l’un de l’autre ne sont des menaces de première ordre – et ce alors que ce sont d’excellents shooteurs, qu’ils peuvent driver, pour finir à mi-distance voire dans la raquette, une fois qu’ils ont reçu la balle. Les Blazers font très peu de catch-and-shoot. Et c’est dommage. Les dernières drafts, les arrivées de Seth Curry et Nick Stauskas sont supposées donner plus d’options pour ouvrir le terrain et tirer parti des trappes et autres prises à deux sur leur duo de star – reste à réaliser les bonnes passes.
Le joueur clé : Jusuf Nurkic
On a encore peu parlé de Jusuf Nurkic jusqu’ici. Pourtant, il est bel et bien le 3ème meilleur joueur de cet effectif et le parfait complément des deux stars de l’équipe. Sauf qu’il n’est plus en contract year, qu’il a toujours tendance à avoir deux visages. Là où Lillard et McCollum ont su s’imposer une véritable régularité, Nurkic lui, peine encore à montrer son meilleur visage soir après soir. Or maintenant que son contrat est signé, sera-t-il capable de continuer à se pousser ? Les ailes de l’équipe ne sont pas au niveau des ambitions de cette équipe, ils ont donc besoin du Nurkic qui fait la différence en défense et frappe fort sur pick&roll tant que possible.
L’état d’esprit du joueur et sa bonne santé seront donc deux aspects déterminants pour la bonne saison de l’équipe. Avec leur pivot à son meilleur, les Blazers sont une équipe dans la course aux Playoffs, sans lui, le backcourt pourrait être trop isolé certains soirs.
La problématique de l’équipe : Est-elle dans la même dynamique que le reste de la conférence ?
Les Blazers, en dépit d’un beau réservoir de role player, ont subi des pertes. Difficile de savoir si quelqu’un pourrait apporter autant de créations que Nappier derrière les titulaires, surtout avec les interrogations autour du retour de Curry. Quelqu’un apportera-t-il autant de présence derrière Nurkic qu’Ed Davis ?
Des questions dont la réponse est capitale dans une conférence où plusieurs équipes émergent. Les Lakers sont prêts à entrer dans la course aux Playoffs, les Mavericks, les Suns, les Grizzlies seront courts mais plus coriaces que l’an passé. Les Timberwolves et les Nuggets ont commencé leur ascension et possèdent plus de joueurs susceptibles de franchir un cap.
Bref, l’environnement devient plus rude encore, tandis que les Blazers ont semble-t-il moins de réserves, moins de renforts internes à faire valoir. Dès lors, on peut légitimement se poser cette question : est-ce que les certitudes des Blazers seront plus fortes que les renforts de ses concurrents ?
Une chose est sûre, bien malin à qui peut répondre à cette question.
Pronostic
9eme à l’Ouest, entre 42 et 46 victoires.
Nous avons finalement opté pour mettre les Portland Trail Blazers hors Playoffs. Un choix sur lequel il est difficile d’avoir une quelconque certitude, surtout qu’il ne nous a pas réussi, loin s’en faut, la saison passée. Cela fait plusieurs années que les Blazers semblent courts sur le papier – mais qu’ils arrivent à triompher de la concurrence. Pour rejoindre Adam Mares, je pense que les Blazers ne sont pas dans le top 8 des meilleurs rosters à l’Ouest, mais je pense qu’ils ont les ressources pour faire les Playoffs à nouveau. L’une des raisons qui peut faire douter, c’est la fiabilité physique de cette équipe. A l’exception de Nurkic, peu de joueurs sont sujets à des blessures fréquentes. Cela dit, nous jugeons des forces de chaque équipe, des dynamiques, et nous retentons le pari d’une 9eme place. Entre les pertes estivales, les renforts à l’Ouest et le potentiel trauma des Playoffs, les voyants ne sont pas tous au vert pour les Trail Blazers…. Même si l’on connaît le caractère de cette équipe.