Le feuilleton autour de Kawhi Leonard aura tiré en longueur, mais finalement, en ce 18 juillet 2018, le grand final de cette bataille entre le “camp Kawhi” et la “maison Spur” a eu lieu. Masai Ujiri et ses Raptors ont décidé de saisir leur chance en mettant dans la balance leur meilleur joueur, pourtant très attaché à la ville : DeMar DeRozan. Toronto enchaînait les échecs depuis 4 ans en Playoffs, et du changement n’avait rien d’incongru à l’orée de cet été. C’est finalement l’arrière qui a fait les frais de cette réforme en partant pour les Spurs.
Pourtant, à l’heure où ce deal éclate, certaines réactions emballées contrastent avec d’autres qui voient la vie en noir depuis l’annonce. A commencer par les joueurs, puisqu’on entendrait que DeRozan est dépité de cette décision, tandis que Leonard qui ne voulait que Los Angeles ne serait pas enthousiaste quant l’idée de débarquer dans le grand Nord. Certains fans de la franchise canadienne s’indignent de ce choix, pour un joueur qui ne veut pas être là, n’a plus qu’un an de contrat, et risque de partir dès l’an prochain. Côté Spurs, la satisfaction de récupérer autre chose que des broutilles prend le dessus, mais le contrat de DeRozan et ces disparitions répétées en Playoffs soulèvent des questions.
Comment interprêter cet échange ? Voici quelques pistes.
Côté Spurs
Kawhi Leonard avait choqué son monde en laissant des rumeurs d’envies d’ailleurs filtrer. Pour ne rien arranger, il avait également donné son choix de destination, et laisser son camp annoncer qu’il partirait de toute franchise qui chercherait à l’acquérir autres que les 2 pensionnaires de Los Angeles. Sa préférence allant évidemment à la franchise pourpre et or, qui allait par ailleurs obtenir LeBron James. Entre sa saison quasi-blanche, une absence totale de communication avec sa future ex-franchise et l’imposition d’une destination, les Spurs se trouvaient dans la pire des situations imaginables. Quiconque tenterait de négocier avec la franchise se trouverait en position de force dans les négociations.
Apprendre que les Celtics, entrés dans les discussions n’auraient mis aucun de leurs joueurs majeurs dans les deals proposés était assez révélateur de la situation dans laquelle s’enfonçait RC Buford et son staff. Les Lakers découragés par leurs demandes incensés commençaient à laisser planer des rumeurs selon lesquelles ils attendraient son arrivée sur le marché en tant qu’agent libre pour le récupérer. Bref, ça sentait de plus en plus mauvais pour les texans, d’autant que peu de monde se pressait au portillon en raison des menaces de Kawhi Leonard.
Jusqu’à ce que Toronto entre dans la danse. Masai Ujiri, GM des Raptors est, on le sait, un dirigeant qui n’a pas peur de prendre des risques, et c’est donc ce matin que l’information a filtré, il ne craignait pas de braver les signes dissuasifs de Kawhi, et ce quitte à mettre son meilleur joueur dans la balance : DeMar DeRozan.
Récupérer un joueur de calibre All-Star était inespéré pour San Antonio. Evidemment DeRozan n’est pas l’équivalent de Leonard qui fait le sens inverse, c’est à dire que star pour star, la franchise est perdante et va devoir pourtant envisager ses prochaines années avec l’arrière (27M par saison). Le deal reste tout de même une bénédiction et va permettre de continuer un cycle tout en découvrant ce que peut apporter le joueur dans un système beaucoup plus riche que celui des Raptors et avec Gregg Popovich pour l’aider à obtenir le repentir dans les joutes de Playoffs. Ce sera désormais autour d’un axe 2-4 que sera construite la franchise, en donnant un nouveau soutient que LaMarcus Aldridge appréciera.
Les bonus
En plus de récupérer DeMar DeRozan, les Spurs récupèreront d’autres ressources. La première, c’est Jakob Poeltl, intérieur qui a fait ses armes sur le banc des Raptors. S’il ne sera pas une rotation majeure, il a prouvé la saison passé qu’il peut contribuer. En parallèle, les Raptors ont laché ou des picks. On vous explique.
Toronto a donné son premier choix de draft 2019. Sauf qu’ils ont protégé ce pick entre la 1ere et la 20eme place. Autrement dit, s’il finit dans cet intervalle, il restera au Canada. Si cela arrive, alors les Spurs devraient recevoir 2 choix de draft au second tour. Selon toute vraisemblance, ce pick pourrait leur revenir dès la saison prochaine car cette équipe des Raptors pourrait être à nouveau parmi l’élite NBA l’année prochaine
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Les Spurs s’en sortent donc à très bon compte en récupérant un véritable joueur de calibre en échange d’un joueur qui était de toute façon irrécupérable. La vraie question qui réside autour de cet échange, c’est désormais de voir quel joueur sera dans un nouveau système, et, quelle place il aura aux côtés d’un LaMarcus Aldridge qui a rappelé qu’il pouvait être le leader d’une équipe.
Il faut quand même préciser entre la perte de Kyle Anderson, celle de Leonard et le départ de Danny Green, les lignes extérieurs des Spurs apparaissent un peu faiblardes. Il faut voir ce que peut faire la franchise pour limiter la casse l’an prochain.
Côté Raptors
Encore un affrontement en Playoffs avec les Cavaliers, encore une déconvenue terrible pour la franchise. Après des années d’échecs en basant leur jeu sur de l’isolation autour de Lowry et DeRozan, Dwyane Casey avait décidé de prendre son monde à contre-pied en proposant un basket très collectif. Ce fut l’occasion de découvrir la richesse des ressources du banc candien qui a enthousiasmé la NBA par son jeu. Cette évolution n’empêcha pas l’équipe de James d’encore piétiner les espoirs des Raptors (et ce alors qu’elle était bien plus faible que les saisons précédentes), à tel point que le changement semblait inéluctable. Si c’est d’abord le coach qui a sauté, il y avait fort à parier que la paire Lowry-DeRozan était menacée, même si leurs contrats élevés n’aidaient pas particulièrement le front office.
L’annonce du trade a donc particulièrement choqué, puisque lâcher son meilleur joueur pour quelqu’un qui a affirmé ne pas vouloir jouer pour la franchise semble déraisonnable. Perdre 3 ans de DeMar pour une année d’un Leonard dont on a pas vu le jeu depuis longtemps est-il pour autant une défaite immédiate pour Toronto ? Pas selon moi, et je vous explique pourquoi.
Comme je le disais, tout enthousiasmant que cette équipe fut en saison régulière, cela faisait 4 ans qu’elle se cassait les dents en Playoffs. Certes, LeBron James responsable de ces déconvenues était parti, mais je ne me souviens pas avoir vu cette équipe impériale contre d’autres franchises. Jamais. Et c’est en parti en raison de l’échec de DeRozan (et Lowry) à maintenir leur niveau de la saison dans les joutes d’été où le jeu est plus lent, plus dur et surtout où les adversaires sont bien mieux préparés.
Dans cet échange, tout court-termiste qu’il puisse être, les Raptors vont récupérer 2 joueurs : Danny Green et Kawhi Leonard, sans perdre d’autre pièce que DeRozan et Poetl. Si le premier est bon, il ne tient pas la comparaison avec Kawhi Leonard, attaquant plus complet et meilleur défenseur extérieur de la NBA. Ils récupèrent également un 3&D avec Green, qui, s’il ne brille plus autant en attaque, reste un défenseur extérieur de premier ordre.
Si l’on omet les risques de blessures et les doutes sur Leonard, les Raptors de l’an prochain sont bien plus dangereux qu’ils ne l’étaient cette saison sur le papier, surtout qu’ils récupèrent un joueur qui lui, ne craque pas en Playoffs. Bien sûr, sa démotivation apparente pourrait leur jouer des tours, mais ne diabolisons pas non plus le joueur avant de l’avoir revu sur des parquets. De ce que l’on sait, il reste un grand compétiteur et un joueur majeur du championnat. Dans cet échange les Raptors qui avaient le meilleur banc de la NBA l’an passé l’ont gardé quasiment échangé pour l’an prochain, et je doute qu’ils deviennent soudainement décevants. D’autant que si on réfléchit, en renforçant leur 5, les Raptors récupèrent O.G Anunoby en sortie de banc, ce qui ne fait que l’améliorer.
La défense des Raptors pourrait faire un bond en avant, l’attaque rester très convainquante (qui sait, meilleure !), le banc rester dans l’élite de la ligue. La franchise pourrait alors, même si c’est pour un an, redevenir un contendeur majeur pour la course à la finale NBA la saison prochaine. Et rien que ça, au vu du parcours que la franchise prenait c’est une victoire.
Oui, mais s’il part comme prévu ?
Effectivement le risque de le voir partir reste énorme. Contrairement à Paul George l’an passé qui, dès son trade, a semblé prêt à se donner pour OKC, Leonard aurait fait passer son déplaisir de jouer à Toronto. J’utilise le conditionnel, car comme toujours depuis le début de cette histoire, la rumeur est passé par une source anonyme et nous n’avons encore rien entendu de la bouche du joueur lui-même.
Hé bien s’il part les Raptors auront fait un pas dans leur reconstruction.
Il faut comprendre que les contrats signés par Lowry, DeRozan et Ibaka ont tous été paraphés entre les étés 2016 et 2017, ce qui signifie automatiquement qu’ils ont tous obtenus des contrats au-dessus de leur valeur. Evidemment, les contrats de Kyle et Serge (héhé) sont bien pires que celui de l’arrière. Mais s’ils perdent Leonard, alors ils ont offert une dernière année à un cycle en bout de course avant de commencer à évacuer des contrats pour reconstruire. Mine de rien, la perte cumulé de Danny Green + Kawhi Leonard représentera 30M de cap libéré. De quoi se rapprocher du salary cap.
Ils pourraient alors soit chercher à évacuer les contrats du meneur et de l’ailier fort, soit attendre la fin de leurs contrats pour repartir de 0. Virtuellement, à l’été 2020 la franchise n’aurait plus que 11M de contrats dans son cap et serait libre de profiter de leurs choix de draft et cap space pour remodeler la franchise autour d’une nouvelle génération.
Alors oui, le risque est là, mais honnêtement, quelles étaient les perspectives des Raptors si on convient que le but d’une franchise NBA est d’être compétitive pour le titre ? Quel était l’avenir avec un DeRozan approchant de la trentaine et devant toujours faire ses preuves ? Allaient-ils continuer ainsi alors que Lowry et Ibaka déclinent et sont bien trop chers ?
Restera la déception pour les fans, l’amertume pour DeMar DeRozan et l’image de la franchise qui sera écornée. Pourtant, on a vu que la mémoire collective est sélective et courte. Que si les Raptors gagnent l’an prochain, l’arrière sera vite oublié et que le sale coup de la franchise ne sera qu’une baffe de plus entre stars et organisations, qui se rendent coup pour coup depuis quelques saisons.
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Nous sommes peut être face un trade gagnant-gagnant. Les Spurs ont sauvé les meubles, les Raptors ont un an pour convaincre ou repartir à 0. Et sincèrement, je pense que ce n’est pas si mal.
Images via ESPN et Tyson Beck.