What if, c’est quoi ? Simple comme bonjour. Il s’agit de reprendre un fait historique de l’histoire NBA, un trade, une blessure, une fin de carrière, un shoot, une action, et d’en changer le cours. Pourquoi ? Pour raconter des histoires, déjà. Pour revisiter les coulisses de certains moments-clés de l’Histoire de la balle orange et les faire découvrir à ceux qui les ignorent, ensuite. Aussi pour faire prendre conscience que la NBA que l’on connait aujourd’hui est le résultat d’un nombre incalculable de facteurs différents, et qu’elle aurait pu être toute autre si l’on touche à un seul d’entre eux. Bienvenue dans le monde de What if !
What if – Kings 2002, les raisons de la colère
Il y a quelques temps, on vous présentait le contexte et l’historique entourant ce What if autour de la série des playoffs 2002 opposant les Sacramento Kings aux Los Angeles Lakers (disponible ici pour les retardataires). Entre coups de sifflets hasardeux et théorie du complot, le game 6 de cette série est celui de tous les regrets pour les fans des Kings, et ce depuis plus de 16 ans. A quelques décisions près, l’avenir aurait pu être tout autre pour les deux équipes et pour la NBA… Rangez vos sifflets, remettez-vous le nez en place, et plongez dans le monde imaginaire de la balle orange.
What if… Le game 6 de la série Kings-Lakers 2002 s’était déroulé sans encombre ?
I.
« Douze putain de minutes les gars ! S’il faut crever sur le terrain, on crèvera ! », Mike Bibby motive ses troupes, et ça s’entend. Il faut dire que les Kings sont en bonne posture. A l’entame du dernier quart-temps de ce match 6 de Finale de conférence, disputé au Staples Center, ils sont au coude à coude avec les Lakers : 75 partout. Si au terme de ses fameuses douze minutes la balance penche en leur faveur, ce sont les portes des Finales NBA qui s’ouvrent. Dans le cas contraire, Sacramento aura un match 7 à disputer à la maison. Mais Mike Bibby et ses coéquipiers ne se priveront pas d’une possibilité de mettre un terme à la domination angelinos chez ceux-là même. Sous les spotlights d’Hollywood, l’occasion est trop belle pour la bande de bad guys qu’ils représentent.
Les fans de Sacramento le sentent également : c’est cette fois ou jamais. Après l’humiliation il y a deux ans, l’échec l’an dernier, il est l’heure pour les violets et blancs de se rebiffer. De montrer que non, la Californie entière ne roule pas derrière les Lakers et derrière Los Angeles. Souffrant depuis pas mal d’années d’une image assez dégradée en contraste aux strass et paillettes de LA, Sacramento a enfin trouvé de quoi briller elle aussi : une équipe des Kings à part entière, séduisante par son jeu très up-tempo où tous les joueurs ont dans les mains quelque chose de spécial, Bibby, Christie, Divac, Webber, Stojakovic, Turkoglu, … Et chose encore plus appréciable, une équipe qui gagne. Après une saison régulière rondement menée qu’ils terminent en tant que leader de la conférence Ouest, ils font mieux que défier les Lakers : ils sont en train de les dominer.
L’acte III de cette rivalité Kings-Lakers était attendu, et c’est peu dire qu’il est largement au niveau des espérances, tant en termes de niveau de jeu que du scénario. Un scénario hoolywoodien pour ce duel californien fratricide : un buzzer beater de Robert Horry au game 4 qui sauve les Lakers du 3-1, un Mike Bibby qui lui rend la pareille au match suivant pour permettre aux siens de rester en tête dans la série 3-2, et désormais ces 12 dernières minutes du game 6, débordantes de tensions. C’est maintenant que les choses doivent tourner en faveur de l’une ou l’autre des équipes, que le destin doit choisir son camp, celui d’un match 7 ou d’une accession en Finales pour les Kings.
Les premières minutes du quart-temps sont assez chaotiques. On pourrait presque se croire au premier round d’un combat de boxe, dans ce que certains appellent le « round d’observation ». Sauf qu’ici, les deux équipes se sont bien, bien observées. Cela ressemble plus à de la maladresse qu’à de l’observation. Entre pertes de balle idiotes, parpaings envoyés sur le cercle et fautes qui hachent le jeu, les 3 premières minutes sont assez difficiles à regarder pour les spectateurs… Les acteurs seraient-ils trop crispés par l’enjeu ? Devant ce début de mascarade, Adelman décide de stopper le spectacle pour revigorer ses troupes. Au retour sur le terrain, les Kings emballent les choses. Motivés par plusieurs stops défensifs obligeant les Lakers à forcer leurs tirs, les Kings déroulent leur jeu en transition et infligent un 7-0 en moins de 2 minutes, notamment grâce au pistolero Stojakovic. Un run bienvenu, qui leur permet de prendre le large rapidement alors qu’il reste moins de 9 minutes à jouer. Alors que le Staples Center est aussi silencieux qu’un cimetière une nuit d’hiver, Phil Jackson arrête à son tour l’hémorragie d’un temps mort. Les Kings viennent d’assommer brièvement la bête angelinos, mais ce n’est pas le moment de vaciller. A la reprise, les Lakers rentreront enfin dans leur quart-temps. Au terme de gros efforts fournis par Kobe Bryant et Shaquille O’Neal, ils arriveront à recoller au score à l’approche des 5 dernières minutes. Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tuer.
On se rapproche alors du fameux moneytime. Légende vivante bien connue des playoffs et de la NBA, ce moment sacré est celui où les paniers comptent double et où les erreurs coûtent chères, où tout semble être une affaire d’application, de concentration, de sang-froid, de talent. Il faut appliquer les consignes, laisser faire les grands joueurs, se battre partout, tout le temps, défendre comme jamais, attaquer avec lucidité, sentir le bon coup, le bon geste, … Parfois, l’improvisation, le talent de certains joueurs, un coup de chaud, un coup de sang ou un coup de chance peuvent faire pencher la balance en faveur d’une équipe. Ce soir-là, c’est un coup de sifflet qui annoncera la couleur de cette fin de match.
Sur une attaque des Lakers, Kobe et Shaq amorcent un pick and roll sur l’aile gauche du terrain, défendus respectivement par Christie et Divac. Kobe passe son coéquipier mais se heurte à Divac, sorti en step-out très vite et très haut, afin de gêner la pénétration de ce dernier. Kobe, lancé sur sa main forte, est surpris, et force l’impact à l’épaule contre le pivot. Divac s’écroule. Coup de sifflet.
Dans le moneytime, chaque coup de sifflet emporte avec lui son lot de conséquences, de débats, de drama, de réactions, tant des joueurs que du public. Les réactions les plus primaires se font alors entendre, que l’on soit acteur sur le terrain, spectateur en tribune ou devant un écran : « Mais quoi ? » – « Qu’est ce qu’il siffle ? » – « Il y a quoi ?! » – « J’ai pas vu putain, il y a eu quoi ? ». Dans les cinq dernières minutes d’un game 6 décisif, ces mêmes formules se disent généralement en criant, dans un état qui frôle l’excitation extrême.
Les joueurs se retournent vers l’homme responsable du coup de sifflet, le public également. Le geste de l’arbitre est clair : offense de Kobe, balle Kings. A ce moment-là, les Kings sont à +2, et il reste moins de 4 minutes à jouer. A la vue du geste de l’arbitre, Divac, resté à terre, affiche un large sourire en direction de Kobe et harangue la foule en se relevant. Le Staples Center est en furie, un mélange entre incompréhension du coup de sifflet et rage contre cet arrogant de Vlade Divac, qui a porté les couleurs des Lakers dans sa jeunesse et qui ose défier aujourd’hui ceux qui l’ont accueilli. Des années après, Divac tient sa revanche sur ce jeune Kobe qui l’avait envoyé à Charlotte, semble-t-il. La température augmente de 15° instantanément dans tout Los Angeles.
Au ralenti, la faute de Kobe est difficilement contestable. Vlade Divac est bien positionné et joue parfaitement le coup, le tout en mettant en application ce qu’il a pu apprendre au cours de son stage intensif au Cours Florent deux ans auparavant : « Vlade, joue moi… L’agonie et la souffrance », pas de problème pour le pivot de Sacto. Si le Staples Center est entré en fusion avec la provocation de son ancien pivot, les Kings savent se nourrir de cette ambiance. Après deux ans de galère face aux Lakers, cette hostilité est devenue leur adrénaline, leur raison d’être.
Sur l’action qui suit, Doug Christie vient planter un lay-up au contact du gros Shaq, sans trembler, en transperçant la défense des Lakers encore occupée à contester le coup de sifflet précédent. Avec ce panier, les Kings passent à +5 à 3 minutes du terme. Surmotivés par cet élan d’animosité à leur encontre, les Kings vont s’arracher sur la défense suivante où C-Webb parvient à arracher la balle des mains de Shaq sur une tentative de fixation intérieure. Les Kings, maîtres du jeu de transition, concluent l’action en trois passes et prennent un avantage de 7 points. On pense alors que la victoire semble acquise pour Sacramento, qui vient de creuser un léger mais décisif écart à ce moment-là de la rencontre.
Mais penser que la série est d’ores-et-déjà bouclée alors que se tiennent en face d’eux les Lakers, double champion en titre, serait la pire faute que pourrait commettre Sacramento. Phil Jackson arrête le jeu et recadre ses troupes. Le Zen Master reste impassible mais laisse entrevoir dans le son de sa voix et la clarté de ses consignes que le moment est venu de se sortir les doigts d’un organe particulièrement prépondérant chez le Shaq. Les Lakers ont moins de 2 minutes pour réaliser un coup de maître, s’ils ne veulent pas sortir tête basse devant leur public.
A la reprise, sur un drive de Kobe en ligne de fond, l’aide des Kings se déclenche. Le virevoltant arrière s’élève vers le cercle, mais se voit barrer le chemin. La rotation des Kings se met en route et Webber s’en va couvrir Derek Fisher dans le corner opposé. Mais Kobe joue très bien le coup cette fois-ci, et parvient à envoyer la balle à 45 degrés, sur le joueur laissé libre par C-Webb : Robert Horry. Ce dernier ne se fait pas prier pour envoyer une ficelle longue distance. Les souvenirs du match 4 ressurgissent instantanément dans la mémoire des fans de Sacramento. Les Lakers ne sont plus qu’à 4 petits points et le public continue de pousser derrière ses joueurs. Pourtant les Kings ne déjouent pas, et restent maîtres de leur basket. Divac est trouvé au poste haut sur l’action suivante, et trouve un backdoor d’école avec Turkoglu : le basket facile. Les secondes s’égrènent et Sacramento encaisse les coups sans broncher, et sans oublier d’en rendre. Les angelinos n’arrivent pas à rattraper leur dernier petit retard : Kobe force ses décisions, Shaq loupe ses lancers-francs et les Kings gèrent le jeu comme rarement une équipe a pu le faire face aux purple and gold de Phil Jackson. Dans une fin de match brouillonne au possible, où la peur de l’emporter d’un côté et la peur de l’humiliation de l’autre s’annihileront, Sacramento gardera sa fragile avance jusqu’à la sirène finale.
II.
Double champion en titre, les Lakers tombent contre les Kings. Après deux ans de domination, la cité des Anges doit s’incliner devant la supériorité de celle que beaucoup voit comme la petite capitale de Californie. Aux yeux de la majorité des observateurs, c’est tout simplement l’équipe la plus forte dans cette opposition qui l’a emporté, c’était « la victoire du vrai basketball » selon les journaux. La bande de Bibby, Divac et compagnie a épaté toute la saison durant avec un jeu détonnant, flashy mais efficace, et avec ses joueurs si particuliers. Aucune énorme star ne compose cette équipe des Kings, bien que Webber ou Stojakovic en soient les principales têtes d’affiches, mais le collectif californien dégage une impression de maîtrise totale de son basket en cette saison-là. Au sein des autres équipes, les Kings font l’unanimité également. Ce sont eux qui ont produit l’un des plus beaux baskets à voir jouer de ce début de millénaire, ce sont eux qui ont fait tomber les doubles champions NBA en titre, et ce sont eux qui ont mérité leur place au stade ultime des Finales NBA.
La victoire des Kings sur les Lakers a également eu un impact bien au-delà du sportif. Devant composer dans l’ombre de Los Angeles, des stars, des strass, des paillettes, d’Hollywood, de l’historique showtime qui a habité les Lakers de longues années ou encore d’un duo Kobe Bryant-Shaquille O’Neal qui a posé son empreinte sur le début de siècle, Sacramento n’avait pas le respect mérité en NBA, et c’est toute la ville qui en subissait les conséquences.
Los Angeles représentait un idéal à atteindre. Si New-York représentait la côte Est, Los Angeles avait toujours été le grand représentant de la côte Ouest. Dans l’imaginaire collectif, la Californie c’était le soleil, la plage, le surf, Venice Beach, Long Beach, Hollywood, les soirées endiablées, le business, tant et tant de choses qui toutes renvoyaient encore et toujours à Los Angeles. Tout le monde connait LA, rêve de LA. Avec un peu de chance, on pouvait trouver des révolutionnaires, qui préféraient San Francisco et ses ponts ou encore San Diego, encore plus au sud. A côté de ces gros noms, Sacramento ne faisait clairement pas le poids. A peine 500.000 habitants, plus au nord d’un État qui se veut représenter par le sud, pas le même luxe, pas le même star system, pas le même cadre. Sacramento est considérée par certains comme une « capitale par défaut », comme si elle était indigne de représenter cet État où tout se doit d’être comme dans les spots télévisés, grand et beau. Quelques jours après la victoire en Finale de conférence des Kings, c’est même à se demander si tous les américains étaient au courant que Sacramento était la capitale de la Californie.
Mais cette année-là, le temps d’un instant au moins, la donne a changé. Grâce à ces mêmes Kings qu’elle a accueillie depuis 1985, Sacramento entre dans la lumière à son tour et relègue Los Angeles dans l’ombre. Les spotlights du basket américain sont toujours tournés vers la Californie, comme depuis le début des années 2000, mais cette fois-ci ils regardent Sacramento, la capitale que tout le monde a oubliée. Le grand public découvre cette ville, son équipe, son histoire même. Les caméras des studios de télévision quittent leurs locaux de LA pour s’en aller en direction de Sacto. La ville et sa franchise intrigue, intéresse. Rien ne pourra jamais effacer le luxe et la beauté rendant Los Angeles désirable, mais la capitale voisine sait désormais être sexy, séduisante et attirante. Simplement, il faut se pencher sur un terrain de basket pour le voir. Les lumières sont prêtes, les acteurs sont prêts, le scénario ne demande qu’à être bouclé : Finales NBA 2002, action !
III.
Les Kings retrouvent en Finales NBA la franchise des New Jersey Nets, qui ont, tout comme les Kings, terminé en tête de leur conférence, et ce avec un bilan de 52 victoires. Un record impressionnant lorsque l’on sait que la saison précédente, ces mêmes Nets n’en avaient remporté que 26. Un bond de +26 victoires, en grande partie dû à l’arrivée dans la franchise d’un véritable maestro du jeu : Jason Kidd. Le meneur gère ses coéquipiers de main de maître, notamment Kenyon Martin, Kerry Kittles et le jeune Richard Jefferson, fraîchement débarqué via la draft 2001. Les Nets ont eu un parcours relativement calme lors de ces playoffs, malgré un premier tour accrocheur d’où ils sont sortis triomphants 3-2 contre les Pacers, avant de dominer successivement les Hornets et les Celtics par la suite. Les deux premiers de conférence se retrouvent donc pour un duel au sommet en Finales. Pourtant, l’effervescence n’est clairement pas à la hauteur de l’évènement.
D’une part, Sacramento-New Jersey en Finales NBA, ce n’est pas sur le papier le film le plus vendeur pour attirer les foules dans les salles. Même si les deux équipes produisent un jeu séduisant et tape-à-l’oeil, les préjugés sont difficiles à combattre. Cette année, pas de Kobe Bryant, Shaquille O’Neal, Reggie Miller, Allen Iverson, Dikembe Mutombo, de Los Angeles, de Philadelphie ou autres acteurs plus bankable à proposer aux spectateurs. La NBA aurait sans doute rêvé d’une affiche un peu plus enthousiasmante pour charmer les foules et conquérir un public plus large, mais elle devra composer pour ces Finales 2002 avec ces deux protagonistes, qui ont tout simplement été les deux meilleurs de leur conférence tout au long de l’année.
D’autre part, il y a un problème de fond qui va plus loin que des simples noms sur une affiche. En cette saison 2001-02, l’écart de niveaux entre les deux conférences est assez abyssal. La conférence Ouest domine son homologue de l’Est de la tête et des épaules, et l’issue des Finales NBA ne fait que peu de doutes parmi les observateurs et les fans en général. Même si les Nets ont récupéré Jason Kidd lors de leur dernière intersaison et ont terminé avec la 1ère défense de la ligue, ils restent pour beaucoup sans vraies armes à opposer aux Kings de Sacramento, beaucoup plus complets. Certains vont même jusqu’à dire que la réelle affiche des Finales avait été disputée au tour précédent, lors de l’affrontement entre ces mêmes Kings et les Lakers. Opposés ce coup-ci aux Nets, le sujet principal n’était pas tant de savoir si les joueurs de Sacramento allaient gagner le titre, mais plutôt de savoir en combien de matchs le feraient-ils.
Mais des Finales NBA, ça reste des finales. Et comme le monde sportif aime à le dire, une finale ça ne se joue pas, ça se gagne. Et en NBA, il ne faut pas simplement gagner un match, il faut en gagner quatre. Le moindre faux-pas peut coûter très cher dans cette lente mort-subite. La concentration doit être de tous les instants, du premier au dernier match, de la première à la dernière seconde.
Et c’est précisément dans ce domaine que les Kings vont faillir dans le premier match, pourtant disputé chez eux à l’ARCO Arena. Eux qui adoraient revêtir le costume d’outsider, d’underdog, les voici dans la position du favori chassé. Pour ce game 1, les Nets vont jouer totalement libérés, paradoxalement à l’immense enjeu qui se tient en face d’eux. Sacramento va bafouiller son basket, habituellement si bien huilé, et va laisser la place aux hommes de Byron Scott pour y croire. Tellement que les Nets ne se feront pas prier et viendront frapper un énorme coup en s’imposant à l’extérieur, et en renversant déjà totalement les pronostics. Surclassés dans l’intensité et dans la maîtrise du ballon, pourtant deux de leurs points forts, la bande à Webber s’incline de 8 points, 106-98, contre un J-Kidd magistral qui va peser de tout son poids pour cette première manche en terminant au bord du triple-double : 21 points, 8 rebonds et 12 passes décisives.
Vexés et humiliés chez eux, la franchise californienne sait qu’elle va devoir rapidement rectifier le tir. Personne ne croyait à la résistance de New Jersey, et c’est peut être cet élan de ferveur autour de Sacramento qui a fini par leur monter à la tête. Pour le game 2, les homme d’Adelman n’ont pas le choix et ils le savent : pas de nouveau faux-pas, sous peine de voir le rêve tourner au cauchemar en partant sur la côte Est en étant mené 2-0.
La réaction sera sans appel. Les Kings vont retrouver ce qu’ils ont produit toute l’année durant, à savoir un basket fluide, rapide mais surtout efficace. Les erreurs du premier match ont visiblement été repérées et corrigées. Webber et Stojakovic dépasseront la barre des 20 unités pour permettre à Sacto de remporter largement ce game 2 face à des Nets cueillis dès le début du match. La confiance semble retrouvée du côté californien, mais l’avantage est toujours en faveur de New Jersey. Qu’importe l’impression de puissance laissée au game 2 par les Kings, les Nets ont rempli leur mission : repartir à la maison avec un match dans les valises, avec deux matchs à domicile qui se profilent.
Mais ce n’était là qu’un doux rêve pour Jason Kidd, Kenyon Martin et consorts… Les Kings, visiblement pas rassasiés par leur victoire précédente, vont débarquer dans le New Jersey avec la ferme intention de couper court aux espoirs qui auraient pu naître chez leur adversaire. Le game 3 sera l’occasion pour Chris Webber de prendre une sérieuse option sur le trophée de MVP des Finales. La raquette des Nets, composée de Kenyon Martin et de Todd MacCulloch, constitue le gros point faible de ceux-ci. Opposée à la paire Webber-Divac, la raquette ne tarde pas à plier sous les coups de butoirs infligés par les deux joueurs de Sacto. Kenyon Martin est athlétique, mais trop jeune, trop bleu, et tout simplement moins fort que son adversaire californien. Webber est en pleine prime, maîtrise son basket à la perfection et constitue la pièce centrale de ces Kings-là. Pour ce game 3, il va proposer une performance de très, très haute volée, en empilant 41 points, 15 rebonds, 9 passes décisives et en écœurant la côte Est, de Boston à Miami. Les Nets ne pourront rien lui opposer ce soir-là, et les Kings repartent avec la victoire dans le sillage de leur franchise player inarrêtable. Au game 4, bis repetita pour les hommes de J-Kidd. Malgré un nouveau triple-double validé pour ce dernier, qui tentera d’amener les siens à un nouvel exploit, Sacramento s’impose à nouveau. Chris Webber et Vlade Divac seront encore une nouvelle fois les principales équations insolubles pour les Nets, et Webber s’en ira avec un nouveau double-double en 25-13 sur la tête de Kenyon Martin. Les Kings, après avoir inversé la tendance au game 3, viennent de mettre neuf doigts sur le trophée Larry O’Brien. L’issue des Finales ne semble plus faire de doutes tant New Jersey parait sans solution et désemparé après ces trois défaites consécutives à leur victoire inaugurale.
ARCO Arena, Sacramento – 22h30 heure locale.
Le game 5 entre Kings et Nets vient de se terminer. La sirène retentit. Les fans n’en croient pas leurs yeux. Ils sont en transe complète depuis plusieurs minutes. Après avoir été accueillis à Rochester, à Cincinatti, à Kansas City, et enfin à Sacramento depuis 1985, les Kings viennent de remporter le deuxième titre de leur histoire, après le premier obtenu en 1951. Après 5 participations en playoffs en 16 ans d’existence à Sacramento, après avoir été la risée de la Californie, la ville mal-aimée, la franchise inconsidérée, conspuée, les Kings sont de nouveau sur le toit du monde.
Les Nets auront proposé une opposition trop mince pour les troupes de Rick Adelman, qui avait à cœur d’obtenir le sacre sur leurs propres terres californiennes. Sur ce game 5, les choses n’auront jamais été aussi nettes sur le niveau des deux équipes : Sacramento domine le sujet de la tête et des épaules. Les Nets n’auront résisté qu’en première mi-temps, avant de voir Sacto prendre le large pour finalement durcir le ton le moment venu et s’assurer que le trophée ne leur échapperait pas. Devant une salle comble, un public qui oscille entre furie, folie, joie et pleurs, les joueurs des Kings ne savent plus où donner de la tête. Mike Bibby, Chris Webber, Vlade Divac, Bobby Jackson, Peja Stojakovic, Doug Christie, Hedo Turkoglu et toute la bande sont comme des enfants. Ils sautent, crient, exultent, courent, grimpent en tribunes, pleins d’une joie qu’aucun n’arrive à contenir. La communion avec les fans est totale. Rick Adelman, premier interviewé suite à ce sacre, n’arrivera pas à décrocher un simple mot devant les caméras et le micro de la télévision nationale. Trop d’émotions, trop de fierté.
La folie qui s’est emparée de la salle quelques secondes avant la sirène finale augmente encore d’un cran quand débarque sur le terrain, dans les mains de David Stern, le trophée Larry O’Brien. L’estrade est montée en deux temps trois mouvements, les confettis blancs et violets ne cessent de pleuvoir du plafond de la salle. Webber et Bibby font le tour de la salle pour profiter au maximum de cette ambiance totalement dingue. La majorité des joueurs sont en larmes dans les bras de leurs proches ou dans ceux d’un coéquipier. C’est l’aboutissement de quelque chose de très fort qui se concrétise ce soir-là.
Depuis ce buzzer final, les Kings ne sont plus à moquer, tout comme l’ensemble de la ville de Sacramento. Ils ne sont plus dans l’ombre de la grande sœur de Los Angeles. Ils ne sont plus la « capitale endormie ». Ils ne sont plus des gens « semi-civilisés » comme le suggérait Phil Jackson. Ils sont enfin, et pour de bon, sur la carte des États-Unis, grâce à leur franchise, qui trône désormais sur le toit du monde NBA. Ils vont devoir être respectés en tant que champions, et en tant que vainqueurs.
David Stern monte sur l’estrade, pendant que les organisateurs essayent de contenir et de rassembler les joueurs des Kings. Les frères Maloof, propriétaires de la franchise, se tiennent près. Le protocole veut que ce soit à eux que soit d’abord remis le trophée ultime. David Stern y va de son mini-discours, le tout au milieu de quelques sifflets – et oui, le public des Kings n’oublie pas les quelques sorties du commissionnaire NBA contre son équipe, surtout maintenant qu’elle vient de remporter le titre. Stern confie le trophée Larry O’Brien aux frères Maloof, qui l’élève immédiatement vers le ciel. Le public entre instantanément dans une deuxième transe. Ça y est, c’est maintenant officiel : les Kings sont au sommet.
Dans la foulée de la remise du trophée, David Stern remet logiquement le trophée de MVP des Finales à Chris Webber. Avec une ligne de stats de 27.4 points, 11.2 rebonds et 5.6 passes décisives par match, c’était tout bonnement incontestable. Chris Webber symbolise à lui-seul l’histoire des Kings. Lui que l’on a moqué, des années durant à cause de ce temps-mort demandé le 5 avril 1993 lors de la finale NCAA entre Michigan, dont il faisait partie, et North Carolina. Ce temps-mort demandé, alors que son équipe n’en n’avait plus, et qui aura pour conséquence de sceller le sort de Michigan. Et bien ce loser magnifique vient de dominer de la tête et des épaules les Finales NBA 2002. On pourra toujours lui dire qu’il a choke en 1993, Webber n’aura qu’à ouvrir son armoire à trophée en guise de réponse désormais : 9 ans après, il est au sommet de son art.
IV.
La parade des héros quelques jours après l’obtention du titre va être à la hauteur de l’évènement. Sacramento toute entière se vide de ses habitants, qui chantent et crient dans les rues à la gloire de leurs Kings. La capitale de Californie rayonne, enfin.
Passée la folie, la joie intense et le relâchement d’après-victoire, il faut pourtant très vite se remettre au travail. Maintenant que l’étiquette de champions NBA est tatouée sur le front des Kings, il faut tout faire pour profiter de l’embellie et surfer sur la vague qui vient d’être créée. La cohésion du groupe est primordiale pour Rick Adelman et son staff, et le mot d’ordre est clairement stabilité. Il faut maintenir tous les soldats sur le pont, et s’assurer qu’aucun ne prenne la voie de la désertion. Seulement deux free-agents dans le roster cet été-là : Chucky Brown et Mike Bibby. Évidemment toute l’attention se focalise sur le second.
Débarqué il y a un an à peine, Bibby a pris le relais de Jason Williams à la mène des Kings, et du haut de ses 23 ans seulement il démontre toutes les qualités d’un vrai général. Aussi tôt le marché ouvert, la proposition est sur la table pour Mike Bibby, qui signe sans tarder l’offre. Bibby sera bel et bien le meneur des Kings la saison prochaine et pour les années à venir. Afin de compléter le roster, Keon Clark est signé durant l’été pour amener une rotation supplémentaire au poste de pivot, de même que Damon Jones sur les postes extérieurs. Le gros du groupe ne bougera pas : on ne veut pas changer une équipe qui gagne du côté du front-office. Bibby, Stojakovic, Divac, Webber, Christie, Jackson, Pollard, tout le groupe victorieux repartira à la guerre ensemble, guidé par Rick Adelman.
Chez la concurrence, les choses s’organisent aussi. A l’Ouest, les Lakers restent fidèles à eux-mêmes. L’axe Kobe Bryant-Shaquille O’Neal, malgré les bruits réguliers qui courent sur leur mésentente croissante, sera à nouveau le pilier sur lequel s’appuiera Phil Jackson, autour des role players que sont Rick Fox, Derek Fisher et autres Robert Horry. Dans le Texas, la résistance s’organise également. Spurs et Mavericks comptent bien se mêler à la bagarre pour la saison 2002-03 qui se profile, mais eux non plus ne touchent pas tellement à leurs effectifs, surs de leurs forces et de leurs collectifs. A l’Est, après la déculottée reçue en Finales NBA, les Nets décident de faire venir le vieillissant mais toujours utile Dikembe Mutombo, âgé de 36 printemps, qui était encore All-Star la saison dernière. Du côté des Pistons, on s’active beaucoup plus que chez les autres poids-lourds : après avoir signé en tant que free agent le meneur Chauncey Billups, les Pistons vont chercher à quelques semaines de la reprise un trade leur permettant de récupérer Richard Hamilton, qui sévissait jusqu’alors chez les Wizards. Tout ce beau petit monde aborde ainsi la nouvelle saison avec un seul et même objectif : mettre, ou remettre les mains sur le trophée qui séjourne à Sacto.
La saison se déroule sans le moindre accro pour les Kings, si ce n’est quelques petites blessures pas très inquiétantes. Peja Stojakovic est invité au All Star Game pendant que C-Webb doit passer son tour, et la franchise se dirige tout droit vers une troisième saison d’affilée à 55 victoires ou plus. Le bilan final s’établira à 59 victoires pour 23 défaites, ce qui leur permet de finir en tête de la Pacific Division – une nouvelle fois devant les Lakers – et troisième de conférence Ouest, derrière les Spurs et les Mavs et leurs 60 victoires.
Les Kings ne sont en effet pas les seuls à faire une belle saison et le constat semble être le même que celui de l’année précédente : l’écart entre la conférence Ouest et la conférence Est est abyssal. Pour preuve, 6 équipes à l’Ouest atteindront la barrière symbolique des 50 victoires, tandis que seuls les Pistons y arriveront à l’Est. Entre les Spurs, les Timberwolves, les Lakers, les Trail Blazers et les Mavericks, Sacramento a du travail dans sa conférence, mais s’en sort brillamment, avec toujours la même recette : du jeu, du jeu, et encore du jeu, et même une défense qui semble s’être perfectionnée.
A l’approche des playoffs, c’est plein de confiance que les hommes d’Adelman s’avancent pour le premier tour face au Jazz d’Utah. Ces derniers ne feront pas long feu, s’inclinant en 5 manches, arrivant à sauver l’honneur lors du game 3 à la maison. Il faut dire qu’avec un duo John Stockton-Karl Malone âgés de respectivement 40 et 39 ans, les choses sont forcément plus compliquées. En face, le pistolero Stojakovic ne fera pas dans le détail, shootant à plus de 55% sur la série derrière la ligne primée. Webber, Bibby, Christie et Divac suivent la voie tracée par leur sniper, et tout ce petit monde marche au pas vers le second tour.
A l’étape suivante, ce sont les Mavericks qui se profilent à l’horizon. Emmenés par un superbe Dirk Nowitkzi, qui vient d’être All-Star pour la deuxième fois de sa carrière et qui tourne à 25.1 points et 9.9 rebonds par match cette saison-là, les Mavs viennent de se sortir d’un sacré pétrin. Après avoir mené 3-0 contre Portland, ils ont vu les joueurs de l’Oregon revenir à 3-3, avant de finalement remporter l’ultime game 7 d’une série où Nowitzki frôle la barre des 30 points de moyenne. Secondé par Nick Van Exel, Steve Nash ou encore Michael Finley, Dirk et les Mavs constituent un adversaire de grande qualité pour des Kings plus frais, mais tout de même méfiants à l’approche de l’affrontement, d’autant plus que ce sont les Mavs qui auront l’avantage du terrain…
(NDLR : Sacramento termine 1er de la Pacific Divison et hérite du seed #2 en playoffs grâce à cela, mais Dallas qui a un meilleur bilan – 60 victoires contre 59 – est le vrai #2 de la conférence, et récupère l’avantage du terrain ici).
Sacramento réussit son coup d’entrée, en remportant le premier match dans le Texas au nez et à la barbe de Nowitzki. Le manque de fraîcheur des Mavs se fait ressentir dans le dernier quart-temps, et les Kings ne se font pas prier pour profiter d’une si belle occasion. Mais ces derniers en ont vu d’autres, notamment au tour précédent, et vont vite se rattraper lors du game 2, avec un Nick Van Exel Game, où l’arrière plantera 36 fiches dans la truffe de Doug Christie et toute sa bande. Avec deux matchs à domicile à venir, Sacramento a toutefois pris l’essentiel : l’avantage du terrain.
Dans le jeu, une fois n’est pas coutume, Webber fait des dégâts face à un Dirk Nowitzki trop tendre défensivement. L’allemand lui rend toutefois la pareille de l’autre côté, dans un autre registre mais tout en étant aussi efficace. Les deux stars se neutralisent, tout comme Mike Bibby et Steve Nash, tous les deux dans leur registre habituel. De retour en Californie, c’est le sniper des Kings qui va prendre le match à son compte pour répondre au départ de feu de Van Exel lors du game 2. Sur un nuage offensif, Stojakovic s’en va titiller la barre des 30 unités lui aussi, pour mettre à sang la défense texane, impuissante. Les Kings reprennent l’avantage et confirmeront au game 4. Portés cette fois par leur jeu rapide et leurs transitions meurtrières, ils ne seront inquiétés que par les banderilles longue distance de Nowitzki, qui tentera tant bien que mal de sauver les meubles. A 3-1 en faveur des Kings, on se dit que l’affaire est entendue et que ce n’est qu’une question de temps avant les Mavs ne cèdent.
C’était sans compter sur la force de ce collectif texan. Jusqu’alors plongé dans un duel sans véritable dominant avec Mike Bibby, Steve Nash va sortir de sa boîte pour offrir un véritable récital au game 5, déjà en forme de do or die pour les siens. Avec 22 points et 13 passes décisives, Nash sera le déclencheur d’une véritable révolte blanche et bleue. Gérant de main de maître le tempo du match et envoyant dans leurs zones de confort chacun de ses coéquipiers, Nash mettra sur orbite tout le roster texan, qui s’impose dans une véritable démonstration face à des Kings surmenés et surclassés, 122-102.
Le plus dur reste encore à faire pour Dallas, qui se retrouve toujours mené 3-2 avec un match à disputer en terres hostiles. Pour l’occasion, les habitants de Sacto vont venir en masse soutenir leurs ouailles. Les Kings font salle comble à chacune de leur sortie ou presque. Ils ont toujours pu compter sur le soutien de leur public, de tout temps, mais depuis le titre glané la saison dernière, l’histoire d’amour entre les Kings et les habitants de Sacramento a pris une toute autre dimension. Chaque match disputé par la franchise dans son enceinte est un spectacle à part entière, et c’est encore plus vrai en postseason, là où chaque match à son importance et où il faut savoir garder sa forteresse imprenable. Les pancartes sont travaillées, les maillots sont de sortis, les perruques, cloches, timbales, casseroles, aussi. La ville entière est vidée de ses habitants en ce jour de game 6 décisif, et ceux qui n’ont pas le privilège de rentrer dans la salle soutiendront les héros d’en dehors. Dans une atmosphère hostile à leurs ennemis du soir qui les gonfle à bloc, les Kings enfilent leurs habits de lumière : ceux de champions NBA.
Les héros locaux vont démarrer tambours battants, et s’envoler au score pour parvenir à la mi-temps avec une quinzaine de points d’avance. En face, Van Exel et Nowitkzi tentent de ramener le bateau des Mavs à bon port, mais la houle provoquée par les vagues offensives des Kings semble trop forte pour eux. Les Texans y croient pourtant, s’accrochent, et ne veulent pas partir à la dérive aussi facilement. Le game 7 à la maison, ils le veulent. Avec Nowitkzi en fer de lance, ils vont revenir des vestiaires la rage au ventre et avec de biens meilleures intentions. Sacramento, un peu en dilettante en début de 3ème quart-temps, verra son avance fondre comme neige au soleil. Un run 14-4 de Dallas réduira celle-ci à 5 petits points alors qu’il reste encore 6 minutes à jouer dans ce troisième acte. Tout est à refaire pour les Kings. Toutefois, la balance penchera en faveur des locaux dans les douze dernières minutes. Avec le soutien infaillible de leur public, Peja Stojakovic et Chris Webber mettront leurs coéquipiers en sécurité en faisant trembler le filet pour l’un et en fracassant l’anneau pour l’autre. Les Kings s’imposent finalement de 5 petits points, face à des Mavericks magnifiques de courage, portés par un Nowitzki en mode All-Star qui termine à 35 points. Les Kings se sont fait peur, ont tremblé, mais sont toujours en lice pour le back-to-back.
V.
Pour accéder à leurs secondes Finales NBA consécutives, un nouvel ogre texan se dresse sur la route : les San Antonio Spurs. Pas de Lakers cette année au programme pour les troupes d’Adelman, les Spurs les ayant gentiment renvoyés à leurs affaires au second tour. Tout comme Dallas, San Antonio a terminé l’année avec 60 victoires, bénéficiant ainsi du statut de leader de Conférence. Dans leur roster ces derniers peuvent compter sur le double MVP en titre, rien que ça. Tim Duncan – 23.3 points, 12.9 rebonds et près de 3 contres par match lors de cette saison 2002-03 – domine ses concurrents de la tête et des épaules, accompagné dans le 5 par David Robinson, proche de la sortie, ainsi que le feufolet Tony Parker à la mène, Bruce Bowen et Stephen Jackson.
Le style de jeu proposé par les texans est totalement opposé à celui des Kings à première vue. Là où Sacramento s’est rendu célèbre avec un jeu up-tempo et un jeu en transition un peu fou-fou, San Antonio préfère le demi-terrain, moins spectaculaire mais tout aussi efficace quand votre arme principale s’appelle Tim Duncan. Pour ces Finales de conférence, peu de doutes : l’équipe qui parviendra à imposer son rythme aura une longueur d’avance sur l’autre.
Les Kings vont en faire les frais directement. Les Twin Towers que sont Duncan et Robinson leur posent d’énormes problèmes, notamment défensivement. Bien que Chris Webber reste Chris Webber, les deux intérieurs des Spurs constituent des tours de garde impressionnantes dans la raquette, repoussant chaque tentative d’incursion californienne dans la peinture. Sur les postes extérieurs, Bruce Bowen et Stephen Jackson se partagent la tâche pour éteindre Stojakovic, tandis que Parker et Bibby se rendent coup pour coup. Les Spurs hachent les transitions et contre-attaques des Kings, et les forcent à jouer sur leur terrain favori. Sacramento se fait endormir, doucement mais sûrement, et doit encaisser les coups de butoir de Duncan au poste bas. Le même schéma se répétera pour les deux premiers matchs de la série, dont les Spurs sortent victorieux à chaque fois.
Le retour à Sacto fera le plus grand bien aux champions en titre. De retour dans leur antre, avec leur public et leurs repères, les choses tournent forcément mieux. Chez eux, les Kings savent que c’est à eux de dicter le tempo du match et d’emballer la machine. Ils vont le faire dès l’entame du game 3, en abusant de leur jeu rapide. La défense bien organisée des Spurs tentera tant bien que mal de limiter la casse en provoquant des pertes de balle, mais à l’usure les Kings vont parvenir à faire sauter le verrou. Offensivement, ils peuvent enfin lâcher les chevaux et amener le ballon aussi vite qu’ils le souhaitent. San Antonio ne s’affole pas, et reste dans ses habitudes de jeu demi-terrain. Le contraste est saisissant, mais ce sont bien les Kings qui parviendront à se sortir vainqueurs de ce troisième duel, portés par un C-Webb des grands soirs qui mettra 36 points au duo Duncan-Robinson. Le MVP des Finales 2002 n’a pas l’intention de baisser la garde si facilement.
Au match suivant, les ajustements ont été fait côté Spurs. On casse encore et toujours plus le rythme des Kings, en développant de longues séquences offensives, et en cherchant à être efficaces près du panier et sur les tirs extérieurs. Le but ? Limiter les rebonds défensifs et les pertes de balles, pour empêcher les Kings de développer leur jeu rapide. Bowen s’occupe désormais à temps plein de Stojakovic, tandis que Stephen Jackson se charge de Doug Christie. Popovich change son plan, et décide de mener la vie dure à Chris Webber, véritable plaque tournante de l’attaque californienne : plus de contestations, de prises à deux, de pression. Les Spurs parviennent à faire reculer Sacramento, d’autant que Robinson semble avoir plongé dans un bain de jouvence. Tim Duncan va se livrer à un duel au sommet avec Webber, où les deux intérieurs vont se rendre coup pour coup. Duncan rappellera à toute la salle de l’ARCO Arena qu’il n’y a pas de hasard s’il est double MVP en titre et dans un final haletant, TD enchaînera les actions offensives et défensives de grande classe et d’importance capitale pour donner la victoire aux siens, et ce malgré la pression infligée en permanence par les fans de Sacto. Duncan, froid comme une lame, crucifie les Kings de deux lancers-francs à 35 secondes du terme, donnant une avance de 4 points aux siens, que Sacto ne saura combler. San Antonio vient de réaliser un immense coup en s’imposant en terres ennemies, et mène désormais 3 victoires à 1 dans ces Finales de conférence.
Les Kings sont au bord du gouffre, au pied du mur, la tête proche du précipice. Le coup sur la tête est dur, très dur. La défaite précédente est encore dans toutes les têtes, et les Kings savent qu’ils se sont tirés une balle dans le pied en perdant dans leur forteresse, qu’ils pensaient tellement imprenable. De retour au SBC Center de San Antonio, ils n’ont plus le choix, il faut gagner pour survivre. Les joueurs de Rick Adelman vont tout donner dans la bataille, en étant au coude-à-coude avec les texans à l’approche du 4ème et dernier quart-temps.
Chris Webber a mené l’assaut, bien secondé par Stojakovic à l’extérieur. Obligé de se démultiplier face à Duncan et Robinson, Webber est fantastique dans ce game 5. Offensivement, défensivement, l’ailier-fort est partout. Ses coéquipiers font le boulot, mais Mike Bibby est un peu en deçà et semble en manque de rythme, notamment défensivement où il a dû mal à contenir le virevoltant Tony Parker. Côté Spurs, Duncan reste imperturbable, et répond avec beaucoup d’efforts aux coups que lui inflige Webber. A l’approche du moneytime, rien n’est fixé. Mais à force de plier, les Kings vont finir par rompre. La victoire leur tendra les bras, en étant devant de 2 petits points à 3 minutes du terme. Mais Parker, et Duncan par deux fois, vont venir achever les espoirs de Sacramento. Sacramento sera sevré de jeu rapide, précipitera ses choix devant la défense resserrée de San Antonio, et verra la victoire s’éloigner petit à petit…
Épilogue
Les Kings viennent d’échouer en Finales de conférence, 4 à 1 contre les Spurs, futurs champions NBA. Après une année en lévitation, en plein rêve, le retour à la réalité est assez terrible pour les fans et les joueurs. Mais Sacramento n’est pas pour autant à jeter aux oubliettes. Ils ne veulent pas être de ces champions d’un soir, qu’on oublie quelques années plus tard. Sacramento a conscience de son petit marché, de son petit rayonnement, et sait que si la franchise ne profite pas du récent titre acquis pour gonfler ses rangs et son palmarès, le train de la réussite repartira sans attendre. Après avoir tant galéré, tant échoué, et tant combattu pour être au premier plan, cette défaite en Finales de conférence ne doit pas sonner la fin de l’aventure Kings, mais doit au contraire sonner la révolte du champion.
Dans les vestiaires visiteurs du SBC Center, après l’élimination et les larmes de certains, les joueurs se feront une promesse : revenir pour tout casser. Le costume de favori ne leur allait peut être pas tant que ça. Mais maintenant que tout le monde pense qu’ils sont finis, que l’histoire Sacramento bat de l’aile, et que c’est la fin d’une aventure sans lendemain, ils retrouvent les habits qui ont fait leurs beaux jours : ceux d’underdogs.
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