C’est LA grosse nouvelle de la nuit. Nous avions eu le 4 juillet 2016 avec l’annonce de Kevin Durant qui s’en allait en direction des Warriors, nous aurons désormais le 2 juillet 2018, date à laquelle LeBron James a pris la décision de s’engager avec les Los Angeles Lakers. Un contrat de 4 ans, pour 154 millions de dollars. La décision était attendue, les moindres détails scrutés depuis près d’un an, et c’est peu dire qu’elle a créé une onde de choc. LeBron James est désormais un Laker. Le meilleur joueur du monde va s’installer dans la mythique franchise purple and gold, là où ont réussi avant lui Wilt Chamberlain, Kareem Abdul-Jabbar, Magic Johnson, Shaquille O’Neal ou plus récemment Kobe Bryant. Focus sur une décision qui soulève déjà beaucoup de questions.
Sportivement, tout reste à construire.
LeBron James a 33 ans, mais il semble être au top de sa forme. A voir sa saison écoulée, impossible de voir le quelconque signe d’un déclin. Il semblait donc logique pour tout le monde que LeBron chercherait encore à être compétitif dans les années à venir. Tant qu’il peut gagner, il le fera, tant qu’il peut casser des records, il le fera. Mais il était bien difficile de savoir quelle destination offrait la meilleure offre à LeBron pour aller chercher un nouveau titre NBA. La destination la plus plausible pour beaucoup, sportivement parlant, était les Sixers. Avec Ben Simmons et Joël Embiid, Philadelphie avait deux atouts de poids pour faire pencher la balance. Hier, on apprenait que les représentants de LeBron avait rencontré ceux de la franchise d’ailleurs, mais que LeBron ne serait pas présent à ladite réunion… Comme un signe qu’il savait déjà ce qu’il en serait de sa décision.
Du point de vue sportif toujours, les Lakers n’étaient pas vraiment l’idéal rêvé pour LeBron. Le roster est jeune, plein de potentiel, mais rien qui ne permette au King d’accéder au plus vite à la course au titre. Ces derniers temps, la pression s’accentuait sur Magic Johnson et Rob Pelinka, notamment avec la prolongation de Paul George à OKC, qui fermait définitivement la porte au rêve fou d’associer PG avec LeBron sous les couleurs angelinos. Le dossier PG corrompu, les Lakers semblaient concentré toutes leurs forces sur le cas Kawhi Leonard. L’ailier des Spurs, qui souhaite quitter sa franchise, et dont la préférence irait pour un retour à la maison à Los Angeles, semblait être l’atout à avoir pour pouvoir convaincre LeBron James de venir à son tour aux Lakers. La pression était d’autant plus forte sur les Lakers que le bruit courrait que les Sixers étaient très confiants à l’idée de faire venir Kawhi Leonard, et même de pouvoir le faire prolonger. Chez les fans, certains pensaient qu’il fallait envoyer le paquet pour attirer le double DPOY texan, afin de se donner toutes les chances d’avoir LeBron.
Mais LeBron n’a attendu personne. On ne sait évidemment pas tout ce qui s’est dit en coulisses, il se peut fortement que Magic et Rob Pelinka aient promis à LBJ monts et merveilles en terme de trade pour faire venir Kawhi, quitte à désintégrer le noyau de jeunes que les Lakers possèdent. Dans la foulée de la signature de LeBron, on apprenait que Lance Stephenson et Javale McGee débarquaient, et que Kentavious Caldwell-Pope prolongeait pour 12 millions l’année. A l’heure actuelle, et sans qu’aucun trade n’ait été annoncé, le 5 majeur des Lakers se composerait comme tel :
Lonzo Ball – Lance Stephenson – LeBron James – Kyle Kuzma/Julius Randle – Javale McGee
C’est… assez faible. Dans une conférence Ouest où Warriors, Rockets, Thunder et autres font la course à l’armement pour tenter de se frayer une place en Finales NBA, les Lakers semblent encore loin de ce joli monde. Nul doute alors que les choses vont encore bouger.
Les Lakers doivent régler le cas Julius Randle, unrestricted free-agent, et qui semble qui est très, très convoité. La prolongation que peuvent lui offrir les Lakers pourraient le convaincre de rester, notamment avec l’argument de pouvoir jouer avec LBJ. Randle formerait ainsi la paire intérieure des angelinos pour l’année à venir avec McGee.
Le cas Leonard n’est pas réglé lui non plus. On entend depuis des semaines que des discussions ont eu lieu entre Spurs et Lakers, sans toutefois que la chose n’aboutisse à un accord. Les Lakers vont devoir lâcher du monde pour satisfaire LeBron, et pour satisfaire les Spurs. Dans les récentes rumeurs et spéculations, plusieurs noms reviennent : Brandon Ingram, Kyle Kuzma, Josh Hart. Les trois jeunes Lakers pourraient faire les frais de l’arrivée de Leonard, de même que des tours de draft. Alors qui sera sacrifié ? Est-ce que les Lakers vont à tout prix tenter de récupérer Kawhi, ou vont tenter un coup de poker en attendant l’été 2019, ou celui-ci sera free-agent ?
Car il y a un élément à prendre en compte dans la signature de LeBron James, c’est la durée du contrat. LeBron s’est engagé pour 3 ans en faveur des Lakers, avec la 4ème année en option. Le duo Magic Johnson-Rob Pelinka a donc une belle période devant lui pour construire un roster de qualité autour du King. En signant un contrat longue durée, contraire à ses habitudes récentes, LeBron permet aux Lakers ce qu’il n’a pas autorisé aux Cavaliers : voir plus loin que le court terme. Selon Sport Illustrated, qui a débriefé les coulisses de cette signature, LeBron aurait précisé à Magic lors de leur entretien qu’il n’était pas pressé par l’arrivée de gros joueurs à ses côtés, et ce même à 33 ans. Vraie volonté du King de prendre le temps, pré-retraite ou coup de bluff ? Impossible de le dire. Pourquoi LeBron aurait le temps maintenant, alors qu’il est encore dominant ?
Certains avancent l’argument de l’été 2019, où beaucoup de free-agent de qualité seront disponibles et où, semble-t-il, les équipes auront plus d’argent… Mais est-ce que LeBron James a vraiment un an à perdre ? Tiendra-t-il le même discours si le roster ne bouge pas et qu’il se retrouve à lutter pour exister dans une conférence Ouest en forme de véritable jungle comparé à ce qu’il a connu à l’Est ? Rien n’est moins sûr.
En-dehors du sportif ? On est pas loin du coup de maître.
Le businessman peut être heureux…
LeBron James est le meilleur basketteur du monde, mais il est également l’un des athlètes les plus connus de tous. Plus qu’un athlète, il est une personnalité publique avec peu d’égal. LeBron fait vendre, LeBron fait parler, LeBron fait réagir. LeBron aime le business, s’investir, investir, récolter et briller.
Qu’il soit à Cleveland ou à Miami, il a toujours été sous les feux des projecteurs. Il l’a été parce qu’il voulait y être, mais aussi parce que ses accomplissements ne pouvaient laisser briller quelqu’un d’autre à côté de lui. LeBron est une bête de scène, il gère sa relation avec les médias et la communication qu’elle entraîne comme rarement un sportif a pu le faire, et ce depuis ses 16 ans.
En débarquant à Los Angeles, la cité des Anges, LeBron sera sous le feux des projecteurs les plus brillants du monde – avec New-York, allez. A 33 ans, il va jouer dans un grand marché, et ce pendant au moins 3 ans. La fanbase des Lakers, malgré les années de disette, est toujours l’une des plus importantes dans le monde. Les Lakes sont l’une des franchises historiques de la NBA, et même du sport dans son ensemble. Mettre un pied dans ce monde-là, lorsque vous êtes de votre côté dans le débat pour le meilleur joueur de l’histoire de votre sport… Nike se frotte déjà les mains, et LeBron aussi. Un maillot des Lakers, floqué du numéro 23 de LeBron James ? On ne se rend pas encore compte, mais en termes de chiffres cela peut tout, tout exploser. Les panneaux publicitaires XXL, avec un LeBron habillé d’un maillot jaune, ou violet, ou noir, ou peu importe ? Il va falloir vous y habituer.
Alors qu’ils étaient en pleine reconstruction, les Lakers bénéficiaient d’une grande visibilité et ce même pour les matchs télévisés en antenne nationale. La puissance de ce marché est phénoménale, ne serait-ce que de ce point de vue-là. 35 matchs en antenne nationale, quand votre équipe compte dans ses rangs 75% de joueurs qui n’ont pas l’âge légal pour boire une bière, vous imaginez avec LeBron James ? Préparez-vous à dormir, manger et boire Lakers dès l’année prochaine. On ne parlera même pas ici de toutes les retombées que peut avoir la signature de LeBron aux Lakes pour ce qui est de ses investissements, marques et labels personnels, tout simplement parce qu’il y en a trop, et que ça pourrait vite devenir inchiffrables. LeBron a inséré un jeton dans la machine, il va vite récolter le gros lot.
Le porte-parole qu’il est également…
Outre l’aspect business pur et dur, LeBron se donne avec Los Angeles une ville à sa hauteur, une scène proportionnée à son aura. Kareem Abdul-Jabbar avait quitté Milwaukee pour cette même cité des Anges car il voulait jouer dans une ville à sa taille, moderne, cosmopolite, où il pourrait explorer différents univers qu’il ne pourrait connaître ailleurs. C’est à peu près la même chose pour James. LeBron est une personnalité publique qui n’a pas peur de s’exprimer. Il sait quel rôle il peut avoir pour les plus jeunes, quel modèle il peut être, et quel poids a son discours quand il s’adresse à une foule ou devant les micros d’ESPN.
LeBron est engagé, politiquement, socialement. Il s’est engagé en faveur d’Hillary Clinton pendant la dernière campagne présidentielle américaine, défend la cause afro-américaine haut et fort, monte au front contre Trump et son administration s’il le faut, et n’a pas peur de prendre position sur des sujets sensibles. Avec son arrivée à Los Angeles, il s’offre une tribune exceptionnelle médiatiquement parlant. Chaque prise de parole du King était analysée, décortiquée, scrutée, critiquée par les journalistes, et ce sur n’importe quel sujet, basket ou non. Tout ça alors qu’il ne jouait qu’à Cleveland. Imaginez à Los Angeles…
Et le papa aussi.
LeBron avait prévenu, sa famille jouerait un rôle primordial dans sa décision. Bon, rassurez-vous, on n’ira pas jusqu’à dire que les enfants de LeBron ainsi que sa compagne étaient au fond du seau, hein. Quand ton père s’appelle LeBron James, je pense que même si tu vis 6 mois de l’année à Cleveland, CA VA. Mais on ne peut pas ne pas prendre en compte le facteur famille dans la décision du King.
Et là aussi, Los Angeles est un argument de taille, et peu de villes en NBA peuvent rivaliser avec la qualité de vie que propose LA. Il n’y a qu’à voir le nombre de joueurs décrivant la cité des Anges comme leur ville préférée, ou la ville dans laquelle ils aimeraient le plus jouer/vivre. En termes de confort de vie, de climat et de fun, on peut dire que Los Angeles est à l’exact opposé de ce que proposait Cleveland. On vous laisse vous replonger dans l’article de Steuf, qui décrit plutôt bien l’ambiance dans la ville lors de son trip dans les désormais ex-terres du King.
L’un des fils de LeBron s’apprête à entrer au lycée à LA, et ce petit élément suffisait à faire vibrer le coeur des fans locaux. S’il laissait son fils aller là-bas, forcément qu’il allait suivre ! Et bien, on ne sait pas trop si les choses étaient prévues ainsi, mais la réalité leur a donné raison. Le fiston va pouvoir rejoindre son lycée comme prévu, pendant que le daron ira taper la balle au Staple Center. Et le soir, tout le monde a la maison !
Derrière lui, des cendres.
LeBron James quitte Cleveland pour la deuxième fois de sa carrière. Après un départ en 2010 à destination de Miami, Los Angeles l’accueille. Il était parti une première fois, pour beaucoup comme un traître, rejoindre ses copains Wade et Bosh au Heat, pour forcer son destin et remporter deux bagues. Il était revenu, comme le messie, à l’été 2014. Il a échoué, puis donner à Cleveland les plus belles heures de son histoire. Il a tenu sa promesse de ramener un titre à la ville, sa ville. Après deux nouveaux échecs en Finales comme ses bourreaux favoris, les Warriors, s’en était trop : LeBron dit adieu à Cleveland.
Inutile de chercher à qui la faute. Dan Gilbert à une tête de coupable idéal, mais ça serait occulté les lacunes de ses dernières années en termes de management, de coaching, de jeu. De Dan Gilbert à LeBron lui-même, de David Griffin à Tyronn Lue, tout le monde a un rôle à jouer dans le marasme qui guette désormais les Cavs. Inutile donc de démêler un coupable dans ce foutoir pour qu’on le pende en place publique. Mieux vaut s’attarder sur les faits, et sur ce ce qu’il reste.
Des cendres, voilà ce qu’il reste de la fanbase des Cavs ce 2 juillet 2018. En deux ans, la franchise est passée du toit du monde au fond des toilettes. En deux ans, les larmes de joie ont laissé place à des larmes de regrets, de tristesse, parfois de colères on imagine. Les Cavs sont orphelins de leur King, parti sans même leur dire au revoir une dernière fois. “Le Roi est mort, vive le Roi!“, c’est ce qu’on disait il y a fort longtemps à l’époque où la monarchie était de mise, pour signifier que même si le roi, en tant que personne, était parti, la royauté elle, continuait. Malheureusement à Cleveland, le Roi est parti et toute la royauté a foutu le camp. Il reste bien le bouffon de ce dernier, JR Smith, mais ce dernier doit déjà couler sous des tonneaux de Jack Daniels. Les troubadours que sont Tyronne Lue, Tristian Thompson, Jeff Green et compagnie n’ont sûrement plus le coeur à la fete non plus. Le vieux chevalier Kyle Korver doit penser à ranger son armure au fond d’un placard, pendant que l’écuyer Kevin Love ne sait plus où donner de la tête.
Quelle est la suite à Cleveland ? Il y a peu de temps, une rumeur faisait état que Dan Gilbert souhaitait que LeBron parte pour enfin retrouver son équipe. Mais quel est le plan ? Colin Sexton vient de débarquer, et on souhaite déjà bon courage au gamin. Les Cavaliers doivent-ils regarder devant, dans une conférence Est décimée de grosses écuries – exceptions faites de Boston et Sixers – où les places en playoffs vont se jouer entre outsiders ? Ou doivent-ils regarder derrière, faire une croix sur Kevin Love, et enclencher le mode rebuild ? Le King s’en est allé, et a laissé son royaume en cendres. Il ne reste que les souvenirs des joyaux passés pour le bas-peuple.
Crédits Image : CliveNBAParody YouTube