Parmi toutes les occasions offertes à un joueur NBA d’inscrire son nom dans les livres d’histoire, les finales sont à n’en pas douter le théâtre le plus prestigieux. Pas étonnant de constater, au fil des années, que les légendes de ce sport ont régulièrement brillé à ce stade. De Kareem Abdul-Jabbar à LeBron James, en passant par Michael Jordan ou Magic Johnson, le trophée de MVP des finales est l’apanage des plus grands. Mais la beauté du sport réside dans son côté imprévisible. Ainsi, à de rares occasions, un héros inattendu peut se manifester et voler la vedette à ses illustres coéquipiers. Voyage à la rencontre de ces MVP (pas si) inconnus.
Andre Iguodala, 2015
C’est l’exemple le plus récent et l’un des plus évidents. Relégué sur le banc pour la première fois de sa carrière sur la saison 2014-2015, Andre Iguodala a accepté de voir son rôle diminuer pour le bien du collectif de Golden State. KD avait encore une dignité n’était pas encore dans les parages mais les Warriors possédaient déjà une puissance de feu dévastatrice, et Steve Kerr n’avait pas besoin d’exiger 15 points chaque soir de la part de l’ancien franchise player de Philadelphie. Iggy a sacrifié ses velléités offensives pour se transformer en facilitateur du jeu, doublé d’un défenseur féroce capable de tenir tête aux meilleurs extérieurs de la ligue. Les lumières sont tournées vers le duo Curry / Thompson qui régale les yeux du monde entier cette année-là, mais dans l’ombre, ce sont bien Dede et Draymond Green qui tirent les ficelles de la meilleure défense de la ligue.
Le remplacement de Mark Jackson par Steve Kerr apporte l’effet escompté, et les Warriors réalisent une saison pleine, qu’ils terminent sur un bilan de 67-15. Cet élan les porte jusqu’en finale NBA, où ils doivent affronter les Cleveland Cavaliers. Des Cavs privés de Kevin Love et de Kyrie Irving à partir de la fin du premier match, mais qui ont dans leur rang le meilleur joueur de la planète, en train de livrer un récital.
Après avoir planté 44, 39 puis 40 points sur la truffe des Warriors, LeBron James donne un avantage de 2-1 à son équipe alors qu’elle n’est clairement pas favorite au vu des blessures. Steve Kerr a besoin d’un ajustement, et pour le Game 4, Iggy est titulaire pour la toute première fois de la saison.
On va couper court à la tentation de dire n’importe quoi, LeBron va quand même enquiller des camions de points. Mais il est indéniable que le marquage serré du n°9 de la baie lui rend la tâche bien plus difficile. Ses pourcentages baissent, et un game 4 délicat à 7/22 permet à Golden State de reprendre le dessus. Comme un symbole, Dede ne se contente pas de défendre et marque 22 points au cours de cette rencontre cruciale. Le momentum est revenu et ne quittera plus les dubs, qui s’imposeront en 6 matchs. L’introduction d’Iguodala dans le 5 et sa défense sur LeBron sont considérés comme les clés de la série, à tel point que le trophée de MVP des finales lui est décerné. Soyons honnête, LeBron aurait probablement dû être honoré, mais la tradition – contestable – veut que le MVP soit du côté du vainqueur. Et si l’on recherche le joueur qui a fait pencher la balance en faveur de son équipe, il est effectivement difficile de ne pas penser à Andre Iguodala.
Statistiques : 16.3 pts, 5.8 rbds, 4 ast
Tony Parker, 2007
Tim Duncan. Jusqu’à ces finales 2007, ces deux mots suffisaient à définir la force principale des Spurs dans leur quête frénétique de titres. Depuis sa draft en 1997, l’intérieur est la pièce centrale de l’échiquier de Gregg Popovich, et ses performances dantesques lui ont permis de déposer trois trophées de MVP des finales sur sa cheminée, en autant d’apparitions. Naturellement, lorsque les Spurs se présentent face à des Cavaliers qui ont pour seule arme LeBron James (toute ressemblance avec une situation actuelle est purement fortuite), on se dit que l’on va encore avoir droit à une démonstration de la part du Big Fundamental. Non parce que quand on te balance le duo Drew Gooden – Zydrunas Ilgauskas quand tu as tourné à 20.6 points et 14.1 rebonds contre le Sheed et Big Ben deux ans auparavant, t’es à deux doigts de te dire que c’est une caméra cachée.
Mais la gloire ira à un autre. On ne dira pas que Duncan a laissé sa place ou quoi que ce soit, mais la marge possédée par les Spurs sur leur adversaire offre une série plutôt tranquille à Timmy, et c’est Tony Parker qui en profite. Sur la lancée de sa deuxième sélection consécutive au All-Star Game, le meneur français tourne à plus de 20 points par match sur les playoffs et fait office de co-leader aux côtés de Duncan. Vitesse, changements de rythme, tear drop dévastateur, la palette offensive est immense et fait d’énormes dégâts dans les défenses.
LeBron fera tout son possible pour éviter le coup de balai, mais les Spurs sont trop complets, trop efficaces, trop forts. Les barbelés sont de sortie, et de l’autre côté, TP sanctionne avec 24.5 points par match, dont une pointe à 30 points sur le match 2. Le soutien de Tim Duncan et Manu Ginobili est parfait (grosse surprise), et les Spurs s’envolent vers leur 3e titre en 5 ans. Meilleur joueur texan sur la finale, le trophée de MVP de Tony ne souffre d’aucune contestation.
Statistiques : 24.5 pts, 5 rbds, 3.3 ast
James Worthy, 1988
Condamné à jouer les seconds rôles aux côtés de deux des noms les plus ronflants que ce sport ait connu, James Worthy n’en demeure pas moins un basketteur d’exception. N°1 de la draft 1982, septuple All-Star et triple champion NBA, autant d’accomplissements qui vous laissent deviner la qualité d’un joueur. Mais en 1985 comme en 1987, c’est à Kareem et Magic qu’étaient revenus les honneurs du MVP. Les choses seront un peu différentes en 1988.
Déjà, Abdul-Jabbar a 37 ans. Il n’est plus aussi dominateur que par le passé et n’a plus assez de carburant pour aligner les performances qui lui ont permis de glaner 6 titres de MVP de saison régulière entre 1971 et 1980. Les Lakers, en quête d’un doublé après avoir récupéré leur titre en 1987, se basent désormais sur le trio Byron Scott – Magic – Worthy pour apporter l’essentiel des points. Le Showtime est à son apogée, mais la route vers le titre est délicate. Après avoir disposé des Spurs au premier tour, les Lakers ont besoin de 7 matchs pour se sortir des griffes du Jazz puis des Mavericks, avant d’atteindre la finale où les Bad Boys de Detroit les attendent de pied ferme.
Les deux équipes vont livrer une finale extrêmement disputée. Fidèles à eux-mêmes, les Pistons ne reculent devant aucun coup de vice pour semer le doute dans la tête des Lakers, et cela fonctionne plutôt bien puisqu’ils mènent 3-2 avant de revenir à Los Angeles pour la fin de la série. Worthy est bien présent, mais son équipe est dos au mur. Il est temps pour lui de justifier son surnom de “Big Game James”.
Même si le match 6 tient sa place dans la légende grâce aux 43 points d’Isiah Thomas alors que celui-ci SE DÉMOLIT TOTALEMENT LA CHEVILLE au cours de la rencontre, les 28 points de Worthy constituent une performance de choix et permettent aux Lakers de résister au retour furieux des Pistons, qui viennent mourir à un petit point de leurs adversaires. La première balle de match est sauvée, et c’est un Game 7 à couteaux tirés qui se profile. Aucune équipe n’a accompli le doublé depuis les Celtics en 1968 et 1969, les Lakers sont en marche vers l’histoire.
On va tâcher de résumer ce game 7 de manière concise : 36 points, 16 rebonds, 10 passes décisives et 2 interceptions. En l’espace de 44 minutes, James Worthy va devenir le pire cauchemar de la ville de Detroit. Selon la rumeur, certains fans auraient encore des problèmes de sommeil 30 ans après (on leur conseille, pour y remédier, le Game 4 des finales 2018). Malgré un nouveau retour en fin de match, les Pistons ne parviendront pas à survivre à la performance – digne des plus grands – réalisée par le n°42 à lunettes. Los Angeles tient la promesse de doublé effectuée par Pat Riley un an auparavant, et James Worthy est logiquement élu MVP des finales.
Statistiques : 22 pts, 7.4 rbds, 4.4 ast
NB : si vous jugez qu’il est insoutenable de perdre le titre alors que votre meilleur joueur est à moitié invalide, que vous êtes chez le champion et que vos deux défaites finales se soldent par un écart cumulé de 4 points, rassurez-vous, les deux années suivantes seront bien plus profitables aux Pistons.
Cedric Maxwell, 1981
Après avoir dominé la ligue de la tête et des épaules dans les années 60, les Celtics ont quelque peu ralenti le rythme puisque ces glandus n’ont réussi à gagner que deux titres dans les années 70. Cependant, la draft d’un certain Larry Bird en 1979 a vite fait de redonner espoir aux fans. La dynastie est bientôt de retour, ce n’est qu’une question de temps, et en ce printemps 1981 l’heure semble être venue.
Mené par le duo Bird / Robert Parish, Boston gagne 62 matchs et termine en tête de l’Atlantic Division devant les rivaux de Philadelphie. Ces mêmes 76ers qu’ils affronteront dans une finale de conférence d’anthologie, au cours de laquelle les Celtics seront menés 3-1 avant de renverser totalement la vapeur et de remporter la série 4-3. Si vous avez l’occasion de regarder un match ou deux cet été – il faut bien s’occuper pendant 4 mois – vous ne le regretterez pas. Boston arrive en finale dans la peau du favori, puisque face à eux se présentent des Rockets qui n’ont gagné que 40 matchs cette année-là, mais qui ont surpris tout le monde en éliminant les champions en titre de Los Angeles au premier tour (pour l’anecdote, les deux finalistes de la conférence ouest, Houston et Kansas City, avaient un bilan de 40-42. On est pas près de revoir un truc pareil).
Mais l’affaire sera plus compliquée que prévu. Houston possède dans ses rangs un pivot d’exception en la personne de Moses Malone (The Chairman of the Boards, autant vous dire que le gobage de rebonds était presque maladif chez lui), capable de matraquer n’importe quelle raquette et d’attirer l’attention sur lui pour permettre à ses coéquipiers de bénéficier des largesses de la défense. Houston ne perd pas de temps pour faire comprendre à Boston que la série est tout sauf jouée d’avance, en remportant le match 2 derrière les 31 points de Malone.
Notre ami Cedric est plutôt discret jusque là avec 16 points cumulés. Le match 1 a été le théâtre d’une performance dantesque de Larry Bird avec 18 pts, 21 rbds et 9 ast, et le match 2 a été perdu. Mais alors que la série débarque à Houston, Maxwell, lui, débarque dans la série. Bird va sortir un affreux 11/38 étalé sur les matchs 3, 4 et 5, pourtant les Celtics vont remporter deux de ces matchs. Vous l’avez deviné, Maxwell en est le principal artisan avec en point d’orgue un match de mammouth (28 pts et 15 rbds à 10/13) pour donner l’avantage 3-2 à Boston. On ne peut pas dire que le spectacle offert soit particulièrement gracieux, mais c’est rugueux, ça chope des rebonds, ça ne fait pas n’importe quoi avec le ballon et c’est adroit près du cercle. Peu en réussite, Bird se fond dans le collectif et laisse “Cornbread” devenir, l’espace de 3 matchs, le meilleur joueur de l’équipe. Même si Larry retrouvera son mojo pour enterrer définitivement les Rockets, il ne fait aucun doute que c’est son compère de l’aile qui a été le Celtic le plus régulier dans l’excellence tout au long de la finale, inscrivant 19 points au minimum sur chacun des 4 dernières rencontres de la finale.
Statistiques : 17.7 pts, 9.5 rbds, 2.8 ast
Magic Johnson, 1980
“A young man, by the name of Magic Johnson, is going to start at center”.
Au coup d’envoi du match 6 de la finale 1980, on va dire que les Lakers ne sont pas méga sereins. Certes, ils mènent 3-2 face aux 76ers, mais leur pierre angulaire et MVP en titre Kareem Abdul-Jabbar a dû déclarer forfait, et on se demande déjà s’il sera rétabli pour le Game 7 tant les chances de LA dans ce match 6 semblent faibles. Quitte à ne rien avoir à perdre, le coach Paul Westhead choisit de titulariser son meneur habituel, le rookie Magic Johnson, au poste de pivot. Déjà excellent dans son rôle de joueur polyvalent sur cette série, Magic va devoir monter le niveau de plusieurs crans pour espérer créer un exploit retentissant. Ça tombe bien, il suffisait de demander.
Certes, Johnson avait déjà montré les crocs avec un 28-9-9 des familles au match 4, mais très peu de monde était préparé à la déflagration qui allait survenir. Surtout pas les 76ers. Déboussolés par le positionnement atypique de Magic, ils sont pris à la gorge dès l’entame et ne parviennent pas à prendre la mesure de leur adversaire en apparence diminué. On ne voit qu’un seul joueur sur le terrain et malheureusement pour les fans, il porte le numéro 32 de Los Angeles. Sans aucune pression, avec une envie et une détermination incroyables, le rookie va anéantir les espoirs de titre de Philadelphie avec une ligne de stat hallucinante de 42 points, 15 rebonds et 7 passes décisives. 42 POINTS, 15 REBONDS ET 7 PASSES. Au cours de ce match, Magic va jouer pivot, ailier, meneur, arrière, nettoyer le parquet, commenter le match et même préparer les hot-dogs pour des spectateurs hébétés qui se demandent bien quel genre d’ouragan est en train de leur tomber sur le coin de la tronche.
Sur le parquet, Magic est remarquablement soutenu par les 37 points de Jamaal Wilkes, et les Lakers parviennent à mettre les 76ers dans les cordes grâce à un run dévastateur au cours du 3e quart-temps. Philly explose totalement et s’incline 123-107, permettant aux Lakers de remporter leur premier titre depuis 1972. Malgré les 33.4 pts et 13.6 rbds de Kareem Abdul-Jabbar sur les 5 premiers matchs, impossible de passer à côté de la performance légendaire de Magic pour plier l’affaire. Comme le mec était déjà pas spécialement dégueu auparavant, le trophée de MVP est loin d’être usurpé.
Statistiques : 21.5 pts, 11.2 rbds, 8.7 ast
Jerry West, 1969
On vous disait que la tradition imposait que le MVP soit du côté du vainqueur, mais ça n’a pas toujours été le cas. En 1969, la NBA décerne pour la première fois de son histoire le trophée de MVP des finales. Et pour l’occasion, c’est Jerry West qui est honoré. Quand vous voyez sa ligne de stat, vous vous demandez peut-être ce qu’il fout dans cet article consacré aux lauréats improbables. Et bien, Jerry West a… perdu.
Bah oui, quand tu as déjà vendangé 5 finales contre les Celtics de Bill Russell, c’est vraiment dommage de ne pas réussir la passe de 6. En plus, c’est l’occasion de faire un joli cadeau de départ à la retraite pour le légendaire pivot de Boston, donc autant y mettre les formes.
Les Lakers font pourtant figure de favoris, avec le renfort de Wilt Chamberlain et l’avantage du terrain pour la finale. Ils sont terrifiants, Russell semble épuisé, les Celtics pas aussi dominateurs que par le passé… Oui mais voilà, même si Rudy Tomjanovich ne le dira que 26 ans plus tard, il ne faut jamais sous-estimer le coeur d’un champion. Chaque équipe gagne 3 rencontres sur son parquet, et l’issue de la finale se joue au match 7, à Los Angeles. West va se démener, inscrire 42 points, mais ça ne suffira pas. John Havlicek et Sam Jones combinent 50 points, Russell gobe 21 rebonds et les Celtics s’imposent d’un souffle, 108-106. West quitte une nouvelle fois le terrain la tête basse, alourdissant un peu plus ce triste bilan de 1-8 en finale (ce qui est tout de même mieux que le sublime 0-8 de son coéquipier Elgin Baylor, qui partit à la retraite l’année où les Lakers décrochent enfin le graal). Comme bien trop souvent, West score à la pelle, mais son équipe n’a pas les armes pour franchir la dernière marche, la plus importante. Quoi qu’il en soit, on retiendra que, pour la seule et unique fois dans le grand livre de la NBA, un membre de l’équipe perdante fut élu MVP des finales. Et ne vous en faites pas pour West, la délivrance interviendra en 1972.
Statistiques : 37.9 pts, 4.7 rbds, 7.4 ast.
Bien évidemment, vos suggestions sont les bienvenues pour compléter cette liste. Si vous pensez qu’un oubli criminel a été commis ou si vous pensez que personne ne s’attendait à ce que Kobe Bryant soit le MVP des finales 2009 car Sasha Vujacic était présent dans l’effectif, sachez que vous serez entendu et écouté.