Tiens donc. Alors que l’été approche et avec lui un potentiel combat de légende entre Deontay Wilder et Anthony Joshua pour la suprématie absolue chez les poids lourds, le printemps nous offre aussi un duel de géants, mais dans les raquettes NBA. D’un côté Joel Embiid, 2m16 sous la toise, 115kg à la pesée, très probable 1st All-NBA Team et potentiel DPOY. De l’autre, Hassan Whiteside, 2m12 et 115kg, souvent blessé cette saison mais toujours parmi les meilleurs rebondeurs de la ligue (3e meilleur rebondeur défensif et 5e meilleur rebondeur défensif).
Ladies and gentlemens… LEEEEEEEEEEEEEEET’S GET READY TO RUMBLEEEEEEEEEEEEEEEEE !!!!
1) Les dynamiques en présence
Par opposition au duel Wilder-Joshua, cette confrontation entre les deux géants apparaît comme assez nettement déséquilibrée.
Parmi ces paramètres, on trouve bien évidemment la dynamique des deux équipes. Du côté de la ville de Rocky, l’euphorie a été totale sur la fin de saison. 16 victoires de suite, un Markelle Fultz qui faisait son grand retour avec la manière, un collectif qui déroule, un Ben Simmons stratosphérique, la place de meilleure défense de la ligue et de 2e meilleure attaque sur les 15 derniers matchs, bref, la totale. Seule ombre au tableau: Embiid a eu la malchance de prendre l’épaule de Fultz (qui n’en finit plus de faire parler) en pleine face, lui faisant manquer la fin de la saison régulière.
La saison régulière des 76ers aura pris de court tous les observateurs à tous points de vue. Personne n’attendait cette équipe au dessus des 50 victoires. Personne n’attendait un jeu aussi léché et une défense aussi énorme. A fortiori en l’absence de Fultz.
Cette saison régulière se sera globalement découpée en 3 parties: une entame solide mais finalement assez peu rémunératrice en victoires du fait du calendrier (qui était le plus dur de la ligue selon ESPN sur la première partie de saison), puis un coup de mou lié à la fatigue et à l’absence de joueurs suffisamment fiables sur le banc et pour finir une période post All-Star Game tonitruante liée d’abord à un calendrier bien plus favorable mais aussi aux arrivées de Belinelli et Ilyasova et au push réalisé par un Ben Simmons tonitruant.
Du côté du Heat, pas de grandes envolées cette saison, un bilan honorable de 44-38, quelques séries de victoires (dont une de 7 matchs entre fin décembre et mi-janvier) et une régularité qui a fait plaisir à voir. Erik Spoelstra aura une fois de plus réussi à sublimer un groupe finalement très pauvre en talent pur, son équipe finissant dans la moyenne NBA dans la plupart des stats avancées. Une équipe faible emmenée par un coach élite, voilà ce qu’est le Heat à l’heure actuelle.
Cette équipe du Heat, depuis maintenant quelques années, fait du Heat. Elle est fabuleusement bien coachée, le roster comporte une foule de role players intéressants mais demeure extrêmement pauvre en terme de talent brut.
Les Sixers auront donc l’avantage du terrain sur cette série du fait de leur 3e place. Pour les néophytes, rappelons simplement que l’avantage du terrain n’est jamais que la possibilité de démarrer la série à domicile et de disputer un éventuel match 7 dans sa salle.
Sera-t-il déterminant ?
Possible. Possible car nous sommes en présence de deux équipes extrêmement solides à domicile (30-11 pour les Sixers contre 26-15 pour le Heat), a fortiori contre les gros clients. Cette solidité des deux équipes dans leur salle s’est même transposée à la série disputée en saison régulière puisque les deux équipes ont chacune gagné les deux matchs disputés à domicile. Attention donc à la série qui peut potentiellement durer.
Quid des matchups désormais ?
2) Les matchups clés
On le constate souvent, en playoffs, l’équipe qui a le meilleur joueur de la série sur le terrain gagne pratiquement à tous les coups. Et quand ce n’est pas le cas, c’est généralement que l’équipe en face a le 2e ainsi que les 3e et 4e meilleurs joueurs.
Côté Heat, comme dit plus haut, l’on se retrouve face à un problème quasi similaire à celui qui s’est posé pour la sélection de Goran Dragic au dernier All-Star Game: aucun joueur ne se détache vraiment et surtout aucun n’a le niveau All-NBA, ce qui à ce stade de la compétition peut s’avérer très préjudiciable.
En revanche, côté Sixers, très clairement, Joel Embiid se détache du lot sur cette série. Titulaire au All-Star Game, en bonne (pole ?) position pour le titre de Défenseur de l’Année, très probablement élu dans la 1st All-NBA Team (avec une jolie revalorisation salariale à la clé), le camerounais a sorti une saison monstrueuse tout en doublant son nombre de matchs joués par rapport à la saison dernière.
Comment peut-il faire basculer la série ?
Le Heat est, a contrario des Sixers, une équipe qui joue extrêmement lentement (26e PACE de la ligue). Elle joue énormément sur demi-terrain et c’est là le potentiel point de bascule de la série: si on part sur une série jouée avec du jeu lent et bourrin, l’avantage reviendra quand même aux Sixers puisque Embiid est précisément le joueur le plus rentable de la ligue sur demi terrain avec un tout petit peu plus d’un point par possession, quand la moyenne NBA est d’environ 0,7. Le principal enjeu pour le Heat sera donc de ralentir le tempo et d’empêcher Embiid de faire ce que bon lui semble poste bas, faute de quoi la série pourrait bien tourner court. Sur ce point, il sera intéressant de voir ce que fera Miami et comment réagira Embiid: vont-ils le trapper ? S’ils le font, aura-t-il la sagesse de ressortir la balle, lui qui a été sujet aux matchs avec beaucoup de balles perdues cette saison ? Néanmoins, pour des raisons que j’expliquerai plus bas, si sa matchup est une matchup clé, on peut douter qu’il soit le facteur X de la série.
Quid de la matchup équipe par équipe ?
Sachant qu’il s’agit de deux défenses qui peuvent se permettre d’être extrêmement dures et agressives sur les closeouts du fait de la gravité et des garanties qu’apportent Embiid et Whiteside en défense, on peut s’attendre à ce que des deux côtés marquer ne soit vraiment pas une partie de plaisir.
Attention quand même, si Whiteside est un défenseur de top niveau quand il ne fait pas n’importe quoi, il faut rester raisonnable dans la comparaison car les deux n’ont pas du tout le même impact. Embiid est le leader de la NBA dans les pourcentages au tir adverses et, quand l’on se plonge un peu dans les stats avancées, la gravité qu’il amène a pour effet de faire diminuer le nombre de tirs adverses pris dans les corners et dans la restricted area. Et c’est là que son impact défensif est le plus dingue: il force l’adversaire à prendre les tirs les moins rentables.
Or si le Heat tombe dans ce genre de scénario où ils doivent faire demi-tour à chaque fois qu’ils arrivent dans la raquette, déjà qu’ils n’étaient déjà que la 20e attaque de la ligue en saison régulière… Attention. Le Game 1 où Embiid sera absent a d’ores et déjà des allures de must win pour les floridiens.
Le principal enjeu côté Heat sera de trouver comment bouger le 5 majeur des Sixers, qui est démesurément grand (seul Redick est sous les 2m et d’assez peu) et très compliqué à attaquer.
Côté Sixers, il faudra bien défendre à 3 pts pour faciliter au maximum le travail d’Embiid et réussir à faire courir le plus possible une équipe du Heat qui, si elle peut le faire en saison régulière, n’a absolument pas intérêt à le faire sur cette série et encore moins à jouer small ball, sous peine de démolition en règle au rebond et à l’impact.
Sur la bataille du rebond justement, les Sixers sont la meilleure équipe de la ligue avec 52,9% de prises sur l’ensemble du rebond et la 3e équipe au rebond offensif avec 25,3%, derrière les Nuggets et le Thunder. Encore heureux quelque part quand on sait que Philly est l’équipe la plus grande de la NBA. Le Heat est lui pile poil dans la moyenne NBA (15e), mais avec un énorme écart entre ses classements au rebond défensif (6e) et offensif (19e). C’est là que Whiteside aura un rôle vital pour le Heat: il devra absolument empêcher les Sixers d’avoir trop de secondes chances, faute de quoi la mission deviendra vite très compliquée pour les floridiens. Historiquement, rares sont les équipes à avoir gagné des séries de playoffs en s’étant faits maltraiter au rebond.
Sur la bataille des bancs et des role players, on peut difficilement dire autre chose qu’égalité parce que si les Sixers gagnent par KO au niveau de la qualité et du nombre de leurs shooteurs, le Heat dispose de plus de profils différents, ce qui leur donne des possibilités de lineups assez intéressantes, notamment avec Kelly Olynyk qui réalise une énorme saison.
Attention au possible duel de 6e hommes entre Dwyane Wade et Markelle Fultz. Niveau spectacle on sera servis vu l’élégance des deux joueurs balle en main et le style de leurs finitions au cercle mais le plus important est que les Sixers, comme le Heat, se sont souvent retrouvés en galère cette saison face à des équipes possédant des scoreurs efficaces en sortie de banc.
Là où le Heat possède en revanche un avantage de taille, c’est qu’au niveau de l’expérience, il n’y a tout simplement pas photo: Le seul Dwyane Wade a plus d’expérience que les deux effectifs réunis, et autour de lui les joueurs d’expérience sont nombreux: Dragic, Olynyk, James Johnson, Whiteside et même Haslem qui peut avoir un impact potentiellement sur quelques minutes si les esprits s’affolent un peu du côté du Heat.
Côté Sixers, si les arrivées de Belinelli et Ilyasova ont apporté une dose d’expérience extrêmement précieuse (comme par hasard c’est après leurs arrivées que Philly a cessé de lâcher de grosses avances), derrière eux, il n’y a clairement pas foule. Simmons et Fultz sont rookies, Saric et Embiid sophomores et Covington n’a jamais connu les playoffs.
Avant de partir sur un pronostic, je vais me mouiller et vous donner les potentiels facteurs X de la série.
3) Les facteurs X
Du côté des Sixers, quand l’on a bien analysé cette série, on se rend assez vite à cette évidence que la clé sera Ben Simmons et ce pour plusieurs raisons: d’abord, contrairement à Embiid, le Heat n’a absolument aucun joueur dans son roster capable de défendre efficacement sur lui et à l’inverse lui peut éteindre n’importe quel guard. 2e de la ligue aux defensive win shares et surtout 4e de la NBA au defensive box +/-. Rien que ça. Ensuite, depuis l’arrivée de Belinelli et Ilyasova, Brett Brown a pu à loisir pianoter sur son effectif et être beaucoup plus créatif dans ses lineups, notamment via des 5 où Simmons se retrouvait à faire du Jokic de l’an dernier en étant positionné comme pivot et à distribuer au poste haut. On a aussi pu voir des choses très intéressantes avec Saric en pivot, Simmons à la mène et le trio Redick-Belinelli-Covington, ce qui a à l’occasion permis d’ouvrir d’énormes espaces dans la raquette. Pour finir, Simmons a montré tout au long de la saison régulière son côté “don’t force”, faisant preuve d’un calme olympien n’allant jamais s’empaler sur des intérieurs ou forcer des tirs compliqués. Fera-t-il preuve du même sang froid en playoffs ? A voir.
Le facteur X côté jeu des Sixers ?
Les pertes de balles. Très clairement. Les Sixers ont perdu énormément de ballons durant la saison régulière (30e TO%). Si le talon d’Achille du Heat est son dénuement en talent brut, celui des Sixers est sa propension à perdre énormément de ballons.
Côté Heat maintenant ?
Allez, la minute fanboy. Rangez toutes vos stats avancées et vos analyses statistiques, je n’en ai absolument rien à foutre.
En playoffs, les joueurs les plus précieux sont souvent ceux qui aiment l’odeur du sang. Or à l’exception de quelques joueurs dans la ligue, qui est plus excité par l’odeur du sang que Dwyane Wade ? Même s’il est désormais âgé de 36ans, il ne faut jamais sous estimer le coeur d’un vieux champion. Si la série venait à durer, attention à Wade. Même s’il a 36 ans, je VEUX croire que l’on peut revoir une dernière fois Dwyane Wade enfiler le costume de Flash. Cette équipe n’a pas de superstar, pas de franchise player, mais elle a une légende du jeu dans ses rangs. Et ça, c’est quelque chose qui peut vous faire gagner une série de playoffs. Demandez donc aux Rockets ce qu’ils en pensent tiens.
Là où j’insiste, et où je vous prie même à genoux chers lecteurs c’est que… Merde, vraiment profitez à fond de cette série, car… c’est peut-être la dernière charge de Dwyane Wade. De Dwyane Wade bordel. Même si je suis évidemment du côté des Sixers sur cette série, j’ai beaucoup, beaucoup trop d’estime et d’admiration pour la légende qu’est Dwyane Wade pour ne pas souhaiter un dernier baroud d’honneur de sa part.
Allez, c’est l’heure du pronostic.
4) Le pronostic