Que se passe-t-il quand du jour au lendemain on ne joue plus un soir sur deux devant 10, 20, 30000 personnes? Quand soudainement on doit gérer tous les aspects de sa vie, du simple programme de la journée au paiement des factures? Quand on se retrouve chez soi, sans devoir prendre un avion, sans journaliste, sans fans, sans flashs qui crépitent? Comment un joueur NBA, qu’il soit star ou pas, fait-il pour se désintoxiquer de cette drogue dure qu’il s’est entassé dans toutes les veines du corps jusqu’à une forme de sclérose ? Comment expliquer que 60% des joueurs sont ruinés après leurs carrières ? 60%
Aujourd’hui, et via cette intro que je trouve terrifiante quand on prend le temps d’y réfléchir vraiment 2 minutes, j’ai envie d’aborder un autre aspect de la vie d’un joueur : l’après-carrière.
On a vu ensemble comment pouvait se passer un trade et ses différentes “options” ainsi que la façon dont les joueurs appréhendent ce genre d’événement, on va sensiblement faire de même cette fois-ci.
On trouve toutes sortes d’exemples de cas de joueurs une fois que les sneakers sont mises au crochet : réussite, fail complet, fail hardcore, gestion sage,… et bien d’autres. Est-ce qu’on retrouve parmi les joueurs qui ont raté leurs reconversions tous les types de joueurs? Il y a-t-il un lien entre le comportement sur le parquet et la qualité de la gestion post-carrière? Un millier de questions, alors on va sortir la débroussailleuse pour tenter d’y voir un peu plus clair.
Get rich or die tryin’
Je ne pense pas me tromper en disant qu’on s’est tous demandé, au moins une fois, ce qu’on ferait si on gagnait le gros lot à l’euromillion. Pendant qu’on se tape des barres entre potes à sortir toutes les idées qui nous passent par la tête (acheter Cristiano Ronaldo pour qu’il vienne jouer au foot avec toi, louer tout Ibiza pendant 24h pour faire une énoooooorme fête d’anniv, se construire un palais digne d’un roi,…) il y a des gars qui ont 24/25 ans et qui doivent trouver une réponse concrète à cela.
Souvent pistés voire traqués depuis leurs plus jeunes années (on parle ici de stars bien sûr) au lycée, on demande à des ados de gérer une pression que peu de gens de leurs âges doivent encaisser. Plongés à 3000% dans le sport, la jeunesse et les petits excès n’ont pas toujours leurs places dans leurs vies. On dit souvent qu’il faut que jeunesse se fasse et c’est bien là un des soucis de gestion de patrimoine des joueurs : la crise d’adolescence qui arrive en retard. On claque son blé dans des choses dont on a clairement pas besoin (on le fait aussi mais pas à la même échelle), on distribue des sous à son entourage de “potes”, on accumule des ardoises un peu partout où on va, on oublie que certains États ne rigolent pas avec les impôts, … Bref, on vit et finit comme la cigale, bien dépourvue lorsque la fin de carrière fut venue.
Un paramètre que l’on occulte aussi assez souvent est le milieu dans lequel ils ont grandi. On ne compte plus les success stories des gars venant des quartiers pauvres et qui ont percé en NBA. Le fait de n’avoir jamais rien eu ou si peu vous forge une dalle en béton armé qu’on fracasse à coups de billets verts et encore une fois, l’entourage, qui représentait tout ce qu’on avait à défaut de biens matériels, est également là après et on veut le mettre bien : du coup, on arrose, parfois trop, parfois beaucoup trop. Mais comment en vouloir à ces jeunes qui sont pour la première fois de leurs vies les maîtres et rois du monde ? Doit-on leur demander de laisser dans la misère ou la difficulté leurs amis d’enfance juste pour s’assurer une retraite confortable ? En se mettant quelques instants à leurs places, on se rend bien compte de la lourdeur des dilemmes que les jeunes joueurs ont à affronter… en plus du simple fait de prester à haut niveau, puisque oui ils sont là d’abord pour gagner des titres NBA…
Même si les agents sont là pour protéger les joueurs contre eux-même (voir mon article sur le métier d’agent), ils sont surtout là pour vous faire signer un max, pour pouvoir toucher un max aussi derrière via les commissions. Parfois, dans un environnement inadapté, un jeune joueur va essayer de trouver refuge dans un exutoire qui, souvent lorsqu’on croule sous les dollars, sera la drogue ou l’alcool (choisissez dans la multitude d’exemples que comptent la ligue) qu’ils traîneront avec eux toute leurs vies dans certains cas. La limite morale qu’un agent doit se fixer entre le bien nécessaire de son joueur et ce qu’il va gagner reste très obscur et bien entendu pas réglementé, mais cela montre encore une fois que la route entre le début de carrière et la fin est bien longue et tortueuse à souhait.
Quand bien même les joueurs sont bien entourés, de telles sommes d’argent représentent un réel danger entre certaines mains. Il s’agit presque d’un cercle vicieux puisque plus on gagne plus on se dit qu’on arrivera jamais au bout de son magot. L’erreur est aussi là.
Lose Yourself
On trouve beaucoup de cas célèbres de fails XXL de plantage de vie dans les joueurs de NBA. Revue des troupes.
Antoine Walker : 110 millions gagnés en carrière et ruiné… En 3 ans. Comment? Selon sa mère, durant sa carrière il entretenait +/- 70 personnes (ce chiffre varie selon les sources mais on parle au minimum de 12/15 foyers). On se permettra juste de lui rappeler qu’elle-même vit dans un genre de manoir comprenant 10 chambres et un terrain de basket qui a été payé par… Oui, oui vous avez compris. Mais ce n’est pas tout, il avait aussi un amour pour les belles voitures le Toinou et une addiction aux jeux qui lui a valu une arrestation en 2009 à Vegas pour un faux chèque d’un million de dollars. Pour couronner tout cela, Walker a réussi à se faire virer de D-League en 2012 alors qu’il y jouait déjà pour tenter de sortir la tête hors de l’eau. Il dit aussi avoir subi la crise économique de plein fouet mais j’avoue que je reste sceptique sur ce point vu les erreurs commises. Il reste néanmoins un des rares à avoir exposé de manière assez honnête son cas pour, dit-il, aider d’autres joueurs à ne pas l’imiter.
Scottie Pippen : 120 millions claqués. Avec notamment un joli jet à 4 millions… Qui n’a jamais volé. Il a bien tenté des investissements multiples mais a été mal conseillé et s’est retrouvé ruiné. Pourtant sur le terrain rien ne laissait présager un tel avenir catastrophique au lieutenant de Michael Jordan, sextuple champion NBA. Plutôt discret et assez posé, on n’avait pas imaginé le joueur devenir comme ça et pourtant personne n’est à l’abri. Donc maintenant, quand vous voyez Pippen assis courtside au United Center, vous vous dites “Mais pourquoi il vient voir son équipe de cœur se faire défoncer?”. Et bien c’est simplement un moyen comme un autre de gagner de l’argent puisqu’il est ambassadeur des Bulls aka escort boy en quelque sorte. C’est pas le pire et seul exemple dans les anciennes gloires du basket mais quand même, c’est surement le plus titré à le faire.
Allen Iverson : 200 millions. L’exemple un peu type où on se dit “Non mais lui on s’y attendait, ça lui pendait au nez”. Bad boy et rebelle au possible, Iverson a débarqué dans la NBA comme on débarque dans un clip de Notorious BIG : tous bling bling dehors ! Il a amené le style hip-hop en conférence de presse, avec tout ce que ça comporte en accessoires. Montres, chaînes, bagues, … Il en a de tous types, si bien qu’il a tout claqué là-dedans. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il accepté la proposition de la Big 3 League l’année passée pour renflouer les caisses. Le sachant raide, les Rochester Lancers, glorieuse équipe de la non moins glorieuse ligue de football indoor lui avaient proposé en 2012 un contrat pour jouer dans leur équipe. The Answer avait alors refusé, il semblerait que le trou ne se soit pas rebouché depuis.
Latrell Sprewell : 100 millions et de loin mon préféré. Déjà, t’as claqué tout ça en yacht, excès de vie ,… Tu te fais saisir ta maison, ta seconde maison aussi. Tu as refusé 21 millions sur 3 ans en te justifiant par un “J’ai une famille à nourrir”. Famille que tu as abandonné en 2007 avec un procès à 200 millions juste derrière. Mais la cerise sur le gâteau ou la pomme sur le Madison Square Garden, c’est que 3 jours après l’expulsion de Charles Oakley du MSG, tu es venu, courtside, t’asseoir à côté du proprio des Knicks James Dolan qui avait bien besoin de se montrer avec des gloires de la maison pour redorer son blason. Oui Latrell, tu as été escort boy/trophy wife pour Dolan et même si t’as pas été le seul à venir chercher ton billet pour l’opération séduction… Wowwwww.
Adrian Dantley : Probablement celui qui m’a le plus choqué. Le nom ne vous dit peut-être rien mais voyez plutôt : 6ème de draft en 1976, Rookie of the year en 77, 2x All NBA second team, 6x All Star, Meilleur marqueur en 81 et 84, Champion olympique en 76, 33ème meilleur marqueur de l’histoire (Meilleur total que Larry Bird, Gary Payton, Clyde Drexler et j’en passe), Hall of famer en 2008…Agent de passage pour piétons devant une école en 2017… Ruiné? Non il fait juste ça pour aider sa ville. Vous avez cru à un fail surdimensionné mais c’est plutôt un exemple de réussite à tous points de vue et ça me permet d’introduire le chapitre suivant consacré à ceux qui ont réussi. Putain Adrian tu m’as fait peur t’es con !
We made it through
A l’inverse on a aussi de très belles réussites. Je vais donner moins d’exemples parce que… Oui c’est plus marrant de parler des fails que des réussites.
Karl Malone : Un autre exemple de “Lui on s’en doutait” mais dans le sens positif. Solide et fiable sur le terrain, le Postman était un exemple de régularité en terme de stats et même s’il n’a pas remporté de titre NBA, il a réussi son après-carrière avec brio en misant sur du local et dans des produits qui se doivent d’être fiables : les voitures. Ben oui, c’est tout con mais quand le garage dans l’Utah s’appelle Karl Malone Toyota, vous vous dites que la bagnole va être increvable, solide comme un chêne, comme Karl. Il a aussi investi dans de l’alimentaire et possède notamment des parts chez Burger King Utah et Idaho. Bref, Malone a joué malin et en sécurité pour profiter de ses activités favorites : la chasse et la pêche.
Shaquille O’Neal : Il est fantasque le Shaq mais c’est aussi un business man tout terrain. On ne compte plus ses partenariats au point que ces collègues de TNT s’en moquent régulièrement. Il a aussi compris que son image de marque était son meilleur deal. Il a signé des tonnes de partenariats ne vendant que son nom et droit d’image. Personnage sympathique en diable, il est très apprécié des publicitaires pour des spots en tout genre. Il a même été en une de Bloomberg avec en sous titre “Shaq fait plus d’argent avec ses sponsorings que quand il était All Star! Comment fait il?” Tout cela ne lui coûte évidemment rien en investissement. 0 somme engagée, maximum d’argent dégagé. Parfait. Enfin presque puisque le Big Cactus a refusé un deal avec Starbucks lorsque la franchise était encore petite et cherchait à se développer. Il a refusé ce deal parce que chez lui, quand il était petit, personne ne buvait de café le matin. Du Shaq dans le texte.
Conclusion
Pour tous ces joueurs passés et futurs il existe la NBRPA (National Basketball Retired Players Association) créée en 1992 et qui aide ceux-ci, entre autres, à gérer leurs fins de carrière en terme de santé, éducation, réorientation, … Tous peuvent bénéficier de ce support mais peu le font. Au final, les joueurs sont comme vous et moi, on demande rarement de l’aide au moment opportun et certains l’ont et le payent encore chèrement aujourd’hui. On pourra se demander encore longtemps ce qu’on ferait avec le gros lot de l’euromillion et si on peut en voir la fin, ces hommes ont été au bout de l’expérience et rien de bon ne s’y trouve. Ceci dit 60% des joueurs est un chiffre qui doit interpeller la ligue et elle se doit de tirer la sonnette d’alarme plus fermement pour protéger ses acteurs principaux au lieu de se contenter de les rincer jusqu’à la dernière goutte. Bien sûr, elle n’est pas responsable de tout, mais elle doit montrer l’exemple.
Charles Barkley a déclaré que pour participer à NBA 2K, il n’accepterait que si 2K faisait un don d’1 million de dollar à la NBRPA afin d’aider ses anciens équipiers et adversaires. La NBA est une grande famille où les frères et sœurs sont soudés, mais où papa et maman devraient plus s’occuper de leurs enfants avant qu’ils ne crament la maison.