Un tiers du championnat est passé et on se dirige lentement mais surement vers la trade deadline, dernière limite pour apporter ce petit plus qui manque à votre effectif pour enclencher la vitesse supérieure et les séries de victoire ou préparer un tanking bien gras pour espérer se refaire à la draft de fin de saison.
D’un point de vue “fan de basket” on guette les comptes Twitter d’Adrian Wojnaronski, Shams Charania, Brian Windhorst et autres amorceurs de bombes qui font qu’une période de transfert est aussi un mini Noël. On refresh son fil d’actualité frénétiquement jusqu’à la stroboscopie lorsque minuit approche.
Un genre d’orgie médiatique qui éclipse pourtant quelque chose d’assez essentiel : Le point de vue du joueur par rapport à un trade.
En effet on se retrouve nous-même marchandant sur la trade machine d’ESPN des noms, des années de contrats, des salaires comme s’ils étaient impersonnels et pourtant derrière toutes ces données se trouvent des hommes, des athlètes de haut niveau que l’on respecte souvent sauf en période de trade deadline. Alors aujourd’hui, on passe le costume de psy pour se concentrer un peu sur l’aspect mental d’un trade et ses conséquences.
Human after all
Tout au long des lectures que je me suis accordé sur le sujet, une phrase se dégage de toutes “I know it’s a business…” La ligue a transmis à tous ses acteurs, même les principaux que tout ce grand cirque n’était qu’un business, qu’aucune décision n’était contre une personne mais bien dans la logique de la planche à billet. Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle a réussit à ancrer cela en nous comme étant quelque chose de normal. Alors loin de moi l’idée de faire le communiste de bas étage mais le constat que j’ai fait de mes lectures est assez saisissant : on échange ces hommes comme des cartes Pokemon (ou Yu-Gi-Oh ou Magic, chacun sa team et surtout son âge) on considère vraiment les joueurs comme des objets ou plutôt des pions pour peaufiner une stratégie pour son équipe favorite. Qui s’est déjà demandé devant un trade de joueur “Tiens je me demande comment sa famille prend la nouvelle ?” ou “Est ce qu’il va se plaire dans cette ville ?”
Personne ? Pourtant c’est le soucis numéro un et deux des joueurs… On y reviendra.
Alors bien sur, tout le monde n’est pas concerné par un trade dans sa carrière. Outre les no trade clause, une star ou superstar ne changera d’équipe que lorsqu’elle le souhaitera. Soit via une free agency, soit une demande de trade, soit un refus de prolonger et donc un trade pour ne pas perdre son pantalon côté GM. Non on parle ici de l’autre partie de la ligue soit 85/90% des joueurs. Peu d’entre eux ont leurs destins entres leurs mains durant leur carrière. Si on appliquait ça au monde professionnel que la plupart d’entre nous connaissent ça revient à être caissier chez Carrefour pour du jour au lendemain être ré-assortisseur chez Leclerc… Mais pourquoi il a pas dit “Caissier chez Leclerc”?
Je ne l’ai pas dit parce que ce n’est pas le tout d’avoir un statut ingrat dans la ligue, il faut en connaitre aussi son autre revers outre le trade : Ton rôle. Vous pouvez très bien être dans le starter à Atlanta et vous retrouvez sur le banc chez les Spurs. 3 and D chez les Nets et défenseur tout court chez les Cavs. Vous devenez une boule de pâte à modeler.
Seasons in the abyss
Être tradé c’est pas toujours drôle mais la pénibilité est parfois moins grande d’une saison à une autre. Pas une saison NBA, une saison de dame nature. En été, on a du temps pour bien se préparer. Que ce soit le déménagement, la découverte de son nouvel environnement, la tactique, le staff, les joueurs, la famille pour ceux que ça concerne,… Mais en hiver c’est un autre délire. Patrick Patterson l’explique assez bien dans une lettre à Player’s tribune. Il décrit une journée ordinaire où sa routine d’avant match se fait sans soucis, il est encore à Houston à ce moment-là et la direction le convoque dans son bureau le jour du match. Il entretient de bonnes relations avec le front office et ne voit pas le danger arrivé. A peine rentré dans le bureau il sent que quelque chose cloche et pose la question fatale “What’s good for me?” et là…We just traded you. BOUM! T’allais rejoindre tes potes pour le match et là on t’explique que t’es transféré aux Kings contre un rookie et tu vas finir la soirée en regardant les Rockets remporter le match à la TV, le soir même, chez toi, tout seul. Ta femme te plaque et tu la vois se faire sauter en antenne nationale à la TV, le soir même, chez toi, tout seul… Ça y est, vous commencez à réaliser un peu?
Pour ceux qui ne vivent pas seul, il faut aussi arracher sa famille à son endroit de vie. Demander à sa femme de quitter ses amis, ses proches. Demander à ses enfants de changer d’école, de quitter les copains et copines. Et aussi se demander à soi-même de quitter des amis, des coéquipiers, des supporters, une ambiance de salle, un climat dans certains cas… Imaginez le gars qui se fait trade des Lakers aux Wolves en plein janvier. Une fois arrivé en 1er dans son nouveau club il faudra piloter à distance la migration familiale et/ou matérielle. Vivre à l’hôtel dans un 1er temps, découvrir son nouvel environnement de travail, découvrir une nouvelle ville, des nouveaux équipiers, un nouveau coach,…
Les conseils que donnent d’ailleurs les joueurs qui sont passés par là vont en général dans le même sens : Trouver un nouveau chez soi, appréhender la ville et ses routes qui mènent à la salle, se noyer dans le basket. Ce bon Patrick résumant ça en disant “Une fois que tu arrêtes de perdre du temps à lutter contre des choses qui ne sont pas sous ton contrôle, tu en gagnes pour t’adapter“
Enfin le dernier point négatif de cette période est qu’on arrive dans une équipe qui se connait déjà bien, où les systèmes et rotations ne s’adaptent pas au nouveau mais bien l’inverse. Prenons le cas DeMarcus Cousins. Il débarque aux Pelicans juste après le ASG (scène surréaliste lorsqu’il est mis au courant) et la sauce ne prend pas vraiment, même quand on est un joueur All-Star. Alors imaginez un second couteau.
It ain’t that bad
Dans la vie rien n’est jamais tout blanc ou tout noir et dans le cadre d’un trade, cette phrase peut parfois prendre tout son sens.
D’abord parce que dans certains cas on est tradé avec un coéquipier. Les packages sont à la mode surtout pour des joueurs de moindres envergures, du coup on a un point auquel s’accrocher lorsqu’on arrive dans tout ce neuf. D’après les témoignages des joueurs, et on le comprend facilement, seul ou à plusieurs c’est complètement différent… Ouais bon c’est pas le moment de faire des parallèles douteux.
Ensuite, on peut débarquer pour compléter le banc d’une équipe qui gagne ou avoir un rôle plus proche de sa vraie nature et prendre goût à tout ça. Soit par son jeu, soit par son équipe soit les 2. Lorsque Patterson est arrivé à Toronto il ne rêvait que de partir mais quelques temps après il devenait de plus en plus curieux de savoir jusqu’où ces Raptors pouvaient aller. On pense aussi à J.R Smith et Iman Shumpert qui sortaient d’une galère New Yorkaise pour arriver dans une machine à victoire qu’est Cleveland et finir champion en 2016. Même si Iman a souffert du syndrome du survivant un temps, il a fini par aimer l’Ohio.
Enfin un trade c’est tout simplement l’occasion de remettre sa carrière sur les rails avec un coaching staff et des équipiers qui partent sans a priori (ou presque sur vous). On change d’hygiène de vie (Lakers => Wolves) on change d’entourage, on a l’occasion de redevenir ce mordu de basket et seulement de basket. On va côtoyer des joueurs avec des techniques à nous apprendre, des coachs qui vont faire augmenter votre QI basket,…
Rise until lambs become lions
Même si un trade place une certaine rage au sein du joueur, il doit pouvoir passer vite au dessus de son égo qui lui gueule dans les oreilles “Quoi ils t’ont échangé contre lui là ? Mais il est moins fort que toi !” et ce dans un temps record. Ainsi voir échouer un joueur dans un nouvel environnement ne devrait choquer personne, en tous cas plus vous au regard du contenu de cet article. Ou alors faites le test chez vous : Déménager tout votre famille en 3 jours et en changeant de boulot pour voir si ça va ou pas.
Au-delà de tout ça et sans changer votre excitation lors des prochaines deadlines, on pourra apprécier encore plus un joueur qui réussit son intégration dans une nouvelle structure et donner un peu de temps à celui qui galère.