Durant l’intersaison 2017, s’il y a bien une équipe qui n’a pas changé dans les grandes largeurs son effectif, misant sur la continuité ainsi que la progression de sa jeunesse ce sont bien les Bucks.
Outre les départs de Michael Beasley (en direction de la Grande Pomme), de Spencer Hawes (coupé durant l’été) et le départ du GM John Hammond, parti reconstruire la franchise floridienne d’Orlando et remplacé par Jon Horst, la stratégie opérée par la direction des Bucks est celle de la stabilité. Avec la prolongation du vétéran Jason Terry (40 ans), celle du « 3 and D » Tony Snell pour 46M de dollars sur 4 ans et l’ajout récent du « journeyman » DeAndre Liggins réputé pour être un joueur défensif, le roster de l’équipe du Wisconsin affiche un effectif solide et complet en ce début de saison, prêt à passer au niveau supérieur.
Avant de commencer, petite revue des différents 5 les plus utilisés par coach Kidd et son staff durant les premiers matchs de la saison 2017/2018 :
A cet effectif on peut ajouter des joueurs qui peuvent avoir un impact offensif ou défensif sur certaines séquences en sortie de banc : Jason Terry, DeAndre Liggins et Rashad Vaughn.
En préambule, il faut noter que ce roster se côtoie depuis maintenant plus d’un an, avec donc peu de changements mais une réelle progression de ses jeunes cadres en la personne de Brogdon (rookie de l’année 2016-2017), Middleton (même si la saison dernière il n’a joué que 29 matchs en raison d’une blessure) et surtout Antetokounmpo qui réalise sur le plan individuel un début de saison 2017-2018 historique. Les joueurs se connaissent bien entre eux, le peu de chamboulement durant l’intersaison fait des Bucks une équipe déjà prête et armée pour entamer cette saison sur les chapeaux de roue, contrairement à beaucoup d’équipes en reconstruction.
Le développement de la jeunesse
Pour commencer, Jason Kiddn, 4e saison chez Milwaukee avec un bilan de 119-132, est lié à la franchise du Wisconsin jusqu’en 2020, ce qui démontre une volonté de travailler sur le long terme de la part du board des Bucks. Sur le terrain, la force première qui se dégage dans le coaching de Kidd et de son staff, c’est le développement régulier de ses joueurs année après année. En l’espace de 4 ans, depuis la nomination de Jason Kidd à la tête de la franchise à la place de Larry Drew, la liste des joueurs ayant progressé notablement est conséquente.
Giannis Antetokounmpo est le plus remarquable, avec des statistiques qui ne cessent de s’améliorer dans tous les domaines (points, rebonds, passes, interceptions, pourcentage au tir…). Il fait évidemment figure de proue dans cette progression chez les joueurs des Bucks. Khris Middleton malgré des blessures l’ayant écarté des terrains pendant de nombreux mois, est un « role player » à l’impact certain sur la franchise. Seule ombre chez l’ailier de 26 ans, la saison 2016-2017 où sa blessure l’a freiné dans sa progression. Transition toute trouvée avec Jabari Parker, éloigné des parquets pour une nouvelle déchirure au ligament croisé antérieur du genou gauche: il a tourné la saison passée à 20 points et 6 rebonds par match pour sa 3e année en NBA. Greg Monroe, quant à lui, tient le rôle de 6e homme en sortie du banc qui lui va si bien, apportant énormément d’impact offensif et défensif dans la raquette et faisant partie à mon sens des meilleurs 6e homme de la ligue. Tony Snell (25 ans) pour sa part a été métamorphosé en l’espace d’une année seulement: lors de sa dernière saison à Chicago (Fred Hoiberg si tu nous entends..), il tournait à 37.7 % au tir pour 5.3 points par match et un pourcentage à trois points à 36%. La saison passée sous la tunique des Bucks, le « 3 and D » comptabilisait 45.5 % au tir, 40.6 % dernière la ligne à trois points pour 8.5 points par match.
Vient s’ajouter à tout ce beau monde, les sophomores Malcom Brogdon, meilleur rookie durant la saison 2016-2017, et Thon Maker, en qui coach Kidd voit beaucoup de potentiel. Il est vrai que du haut de son double mètre 16, le pivot de 20 ans seulement affiche des caractéristiques très intéressantes, notamment en playoffs l’année dernière contre Toronto où l’on a pu voir tout son potentiel malgré l’élimination.
Le coaching staff des Bucks est excellent, notons le scouting et le travail de l’ancien GM, John Hammond, incroyable avec les sélections de draft laissant rêveur beaucoup de franchises (Giannis drafté en 15e position en 2013 et Brogdon drafté en 36e position en 2016). Les échanges et trades bien sentis avec l’échange de Brandon Jennings contre Khris Middleton, Brandon Knight et Vyacheslav Kravtsov en juillet 2013 et plus récemment l’échange de Tony Snell contre l’ancien rookie de l’année 2013-2014 Michael Carter-Williams en octobre 2016.
La patte « Kidd » ça donne quoi ?
Sur le terrain, les Bucks sont l’équipe la plus grande de la NBA, ce qui en fait un roster athlétique où les « mismatch » sont difficilement exploitables. Leur style de jeu en attaque est plutôt basé sur un rythme lent (23e), fait de courtes possessions sur jeu placé et mouvement de balle, le tout avec une utilisation du tir très prolifique en ce début de saison 48.9 %au tir (2nd derrière les Warriors évidemment).
Cette équipe est assez efficace à 3pts selon les systèmes mis en place. En effet avec 25 tirs tentés à trois-points par match (22e) pour un pourcentage de 36 % (9e), c’est une équipe qui utilise avec parcimonie cette arme mais lorsque qu’elle l’utilise, elle est relativement efficace dans l’exercice. Ces statistiques montrent que le joueur est la plupart du temps ouvert pour tirer, résultat d’un système efficace mettant les joueurs dans les meilleures dispositions. En regardant les Bucks jouer, on peut noter un système de jeu qu’ils affectionnent tout particulièrement :
Le système de jeu « Flex offense » selon Jason Kidd
Ce système de jeu consiste à écarter les joueurs de la raquette et à les concentrer autour de la ligne à trois-points, obligeant ainsi les joueurs adverses à s’écarter de la zone restrictive. Ce choix tactique est fait de jeux d’écrans en continuité entre les joueurs, ce qui permet au porteur de balle plusieurs solutions :
- Le porteur de balle contourne l’écran de son coéquipier en tête de raquette et choisit d’attaquer le cercle, bénéficiant de l’espace créé à partir de l’écran et peut finir vers le cercle.
- Le porteur de balle contourne toujours l’écran en tête de raquette, dribble en direction du cercle, fixe deux adversaires venus le « trapper » et peut redonner le ballon à un joueur démarqué derrière la ligne à trois points.
- Troisième solution proposée par ce système: l’écran haut permet de forcer les défenseurs adverses à devoir « switcher » en défense permettant ainsi d’être en situation de « mismatch » par rapport à leur adversaire direct. De ce fait, le joueur peut jouer le 1vs1, en dépassant en vitesse son adversaire car trop lent, ou bien il peut choisir de le travailler en poste bas et ainsi bénéficier d’un avantage en terme de puissance, pouvant terminer autant par un hook que par un fadeway.
Un exemple plusieurs fois observé chez les joueurs du Wisconsin : Middleton demande un écran à droite de la raquette, forçant son vis-à-vis (l’ailier adverse) à switcher en défense. Middleton se retrouve donc face à un arrière, soit un joueur plus petit, d’où le « mismatch » énoncé plus haut et peut assez aisément travailler son adversaire en poste bas et finir comme il le fait souvent en fadeaway. Mais il lui arrive bien souvent également d’attaquer l’intervalle créé par l’écran et de finir en direction du cercle. Middleton est aujourd’hui un redoutable finisseur, complet dans le registre offensif.
Mais la réelle force du système « Flex Offense » sous coach Kidd c’est qu’il bonifie l’arme du tir à trois-points. L’objectif premier dans ces sorties d’écrans est de rechercher un joueur démarqué derrière la ligne. Pour ce faire, au moment d’entamer une situation offensive, les joueurs sont positionnés en périphérie de la raquette. Les Bucks utilisent régulièrement le « handoff », qui nécessite du mouvement sans ballon, et au moment où le porteur de balle passera le ballon il exécutera un écran permettant au réceptionneur d’avoir une distance avec son défenseur direct et de pouvoir sanctionner en étant plus ou moins ouvert. Ce type d’attaque chez les Bucks est ciblée pour des joueurs adroits et spécialistes derrière la ligne à trois points: Brogdon (40.4%), Snell (40.6%) voire Teletovic (34%) se retrouvent en situation ouvert à trois points et ne se font pas prier pour sanctionner.
Le « flex offense » permet aussi de libérer de l’espace dans la raquette et donc d’exploiter au mieux les pénétrations dans les intervalles. C’est là qu’intervient le monstre Giannis.
Le « Greak Freak » montre la voie
Les attaques des Bucks démarrent souvent avec des intérieurs placés en tête de raquette, en dehors de la peinture, le but étant de créer de l’espace dans la raquette afin de permettre aux ailiers de plus facilement pénétrer. Giannis, ne bénéficiant pour le moment pas d’un tir en suspension assez fiable (27.2% à 3pts et 56% à 2pts la saison passée), est dans la raquette une arme fatale pour finir fort près du cercle.
C’est bien simple: sa palette offensive, hormis le tir en suspension, est complète et en fait un joueur redoutable à la limite d’être inarrêtable pour ses adversaires sur certaines séquences et notamment en transition où il martyrise les paniers à coup de dunks plus spectaculaires les uns que les autres. En 1vs1 lancé, il sera forcément pour son adversaire soit trop grand, soit trop rapide. En poste bas, il est capable d’avoir un fort taux de réussite dos au panier (cf. le fadeaway buzzer-beater la saison passée au Madison Square Garden). Pour coach Kidd, Giannis Antetokounmpo est une multitude de systèmes à lui tout seul, ce joueur est un point de fixation redoutable, il pénètre dans la raquette, attire deux voire trois joueurs autour de lui et peut servir l’un de ses coéquipier seul à trois-points.
Ce n’est pas le début de saison du « Greak Feak » qui va contredire l’analyse, avec la ligne de statistiques mutanesque suivante de son début de saison : 35pts, 10.6rbs, 5.6ast, 2.4st et 1blk par match…
Et la défense dans tout ça ?
Coach Kidd bénéficie, il faut le dire, d’une équipe d’athlètes. En effet, son équipe est la plus grande en taille en NBA et les situations de mismatch sont difficilement trouvable pour l’adversaire. En ce début de saison, les Bucks ne sont pas spécialement bons mais pas spécialement mauvais non plus. Limitant leurs adversaires directs à 44% au tir (15e), ils encaissent 103.9pts par match. En rebonds défensifs, c’est la 23e équipe et aux rebonds (offensifs et défensifs cumulés), la franchise du Wisconsin se classe bon dernier en revanche. Cela s’est vérifié lors du match contre les Cavs où les Bucks avaient du mal à contenir les pénétrations des joueurs adversaires dans la raquette, Henson et Monroe étaient en grande difficulté face à des joueurs lancés tels que James, Crowder et Wade. La raison est sans doute dans la position haute des défenseurs des Bucks dans la raquette, ils laissent de l’espace derrière eux et sont positionnés assez haut dans la raquette de manière à vouloir les presser en amont. Concernant la rotation défensive, coach Kidd teste beaucoup d’options en sortie de banc en ce début de saison régulière. Les apports de Henson, Maker et tout récemment Liggins (contre les Blazers, son apport défensif a été souligné par tout le coaching staff et les joueurs eux-mêmes) sans oublier évidemment le « bulldog » Dellavedova font de tout cela des armes défensives intéressantes en rotation.
Mais il est certain que si Milwaukee veut progresser, il en passera obligatoirement par une défense plus hermétique mais coach Kidd a toutes les armes pour faire de cette équipe une machine cette année et pourquoi pas titiller le top 4.
Article par Emmanuel Pierre