Au 30/10, après moins de 2 semaines, de compétition, les Denver Nuggets affichent un honnête bilan de 3-3. Sur le papier, on a tendance à se dire qu’ils démarrent leur saison sous de meilleures auspices que l’an passé, avec un bilan à l’équilibre dans une équipe qui, après tout, avait manqué les Playoffs l’an passé et est donc à son niveau. Sauf que les Nuggets ont également fini la saison passée de fort belle manière, réalisant une seconde partie d’exercice de haut vol, porté par un Nikola Jokic impressionnant, et une jeunesse qui montrait une belle progression. Cette progression interne, additionnée à l’arrivée de Paul Millsap, qui apparaissait comme un superbe soutien offensif de Jokic et une arme défensive capable de faire passer un cap à la franchise des Rocheuses, il y a forcément l’ambition dans l’air de se faire une place solide dans le top 8 de l’Ouest. Mike Malone semblait avoir trouvé la formule magique, en articulant son jeu autour de son point center Serbe, devenu distributeur. En intégrant un combo guard au poste 1, en la personne de Jamal Murray, comme nous l’attendions, tout apparaissait comme confirmant la dynamique de Denver. Si on ne suit pas cette équipe ou qu’en apparence, rien de dramatique, lorsqu’on regarde de plus près, il y a de quoi s’inquiéter pour ce groupe qui apparaît bien en deçà de nos attentes.
Nous allons aborder ici, ce qui ne va pas dans cette équipe.
Nikola Jokic doit organiser le jeu
On l’a dit, la bonne seconde partie de saison des Nuggets a commencé lors de la prise de pouvoir du pivot, lorsque ce dernier s’est mis à organiser le jeu, poussant ses extérieurs à couper, à utiliser les espaces. Avec un jeu assez unique autour de ce joueur, l’attaque des Nuggets s’est mis à compenser sa médiocre défense.
Cette année en revanche, le désir de partager la balle plus souvent avec Millsap mais aussi avec les extérieurs rend le jeu de son équipe beaucoup plus statique. Et il ne suffit pas de juste regarder ses statistiques à la passe pour savoir si cela fonctionne ou pas, car sa faculté à trouver ses coéquipiers est supposée être contagieuse et générer beaucoup d’hockey-assist.
De fait, on a assisté à beaucoup de matchs ou la balle tourne très peu, les systèmes centrés autour d’une fixation extérieure vers Millsap ne créant pas autant d’espaces puisque ses transmissions sont en général beaucoup moins rapide et inattendues que celle du prodige Serbe. De fait, la balle revient vers les extérieurs, alors que la franchise n’a pas de meneur de métier, de créateurs de premier ordre sur ses lignes. L’attaque de Denver, malgré les nombreux dangers potentiels sur le terrain, en devient donc facile à lire, les poussant à faire la différence en défense où, s’il semble y avoir des améliorations, les fondations semblent encore fragiles.
Le jeu doit pourtant revenir à ce qu’il était. Donner les ballons poste haut pour Nikola Jokic et utiliser la mobilité de l’effectif. Si la paire Jokic/Plumlee arrivait à cohabiter sur le terrain, ce qui est très rare aujourd’hui avec 2 pivots, alors Millsap doit pouvoir trouver son compte dans cette rotation. Le Serbe a su faire briller le très rustre Faried, alors un intérieur comme Millsap à la fois mobile, bon passeur, et touche-à-tout pourra trouver son compte. Quitte à garder quelques possessions pour tirer profit de son jeu au poste.
Plus de rythme
L’attaque des Nuggets doit aussi pousser la transition plus souvent. Que ce soit par ses extérieurs ou son pivot, le groupe doit être capable d’animation offensive sur les rebonds défensifs ou en contre-attaque. Que ce soit contre les Kings, les Hornets, ou contre Atlanta, l’équipe a semblé apathique, comme si l’énergie manquait, que personne ne souhaitait prendre la responsabilité d’accélérer le jeu. Pourtant le travail physique était un axe clé de cet été, et c’est encore plus inacceptable pour une équipe qui à l’habitude de s’entraîner et jouer ses matchs en altitude. Hier soir, face aux Nets qui ont fait de la transition et du Run&Gun une marque de fabrique, les Nuggets ont enfin été capables d’outscorer une équipe en jouant l’attaque. Le jeu en transition poussé par la paire Murray/Mudiay a été un élément clé de ce jeu offensif retrouvé. Néanmoins, il convient de confirmer face à des équipes capables de défendre et de jouer sur demi-terrain, en espérant que la rencontre ait servi de déclic.
Il faut sauver les soldats Chandler & Millsap
Avec le départ de Danilo Gallinari, Chandler est devenu le titulaire indiscutable au poste d’ailier. Une transition qui apparaissait normale pour le désormais plus ancien joueur de l’effectif, surtout après une saison 2016/2017 de haut vol, tantôt en tant que sixième homme, tantôt en tant que titulaire. Beaucoup de previews n’avaient d’ailleurs fait que peu de détails de cette prise de galon qui apparaissait comme anodine. Pourtant, en ce début de saison et avant la rencontre d’hier soir, l’ailier semblait incapable de trouver la mire. Pire il était perdu sur le terrain, incapable de créer pour lui-même ou de se créer des positions sans ballon. Face à la gabegie défensive, il était dans une situation idoine pour retrouver confiance. Il a enfin retrouvé ses réflexes mais il convient, tout comme on le disait plus haut, de confirmer face à de meilleures équipes et surtout de trouver une régularité dont son équipe a beaucoup besoin.
Paul Millsap de son côté fait une entrée remarquée. Malgré des statistiques offensives en dessous de ce qu’il produisait à Atlanta, il essaie de trouver sa place. Parfois un peu trop effacé, on le voit trop souvent attendre la balle derrière la ligne des 3pts ou regarder Plumlee créer. Si comme susmentionné, sa transmission de balle est moins rapide que celle de son compagnon de raquette, on aimerait le voir profiter de la vista de celui-ci. Pourquoi pas du P&R entre les 2 intérieurs, tous les 2 versatiles et mobiles? On aimerait aussi le voir réaliser plus de coupes vers le panier, pour profiter de sa vitesse et de sa robustesse. Quoi qu’il en soit, Malone doit travailler à le mettre dans de meilleures dispositions pour s’épanouir en attaque. En revanche en défense, l’intérieur a pris ses marques. Même si les équipes affrontées par les Nuggets étaient toutes plus faibles et inférieures en talent, même si l’équipe a parfois pris l’eau, on sent l’influence de l’Ailier Fort. Il n’est pas rare de le voir orchestrer la défense, on sent que sa communication pousse l’équipe à être plus attentive de ce côté du terrain, et s’il va falloir éprouver ces progrès face à des pointures, l’effort peut lui être imputé.
La défense
On vient de le dire en parlant du nouvel intérieur des Nuggets, il y a une volonté plus prégnante de défendre. La raquette Millsap/Jokic est beaucoup plus dissuasive grâce à la présence de la recrue, sa faculté à diriger cette dernière, et un progrès notable de Nikola Jokic dans ses placements.
En revanche, l’équipe est encore complètement perdue quand les adversaires poussent la transition. Souvent, la défense n’est pas replacée assez vite et il n’est pas non plus rare de voir 2 joueurs se précipiter du même côté et laisser un tir ouvert à 3pts. Il y a un manque de constance dans les replis défensifs, mais ce manque d’efforts se voit aussi sur jeu placé où l’équipe souffre souvent dans sa défense derrière la ligne des 7m23. Contre les Hawks, l’incapacité des extérieurs à faire des choix lorsqu’un écran était posé était criante. Idem contre les Nets où leurs adversaires ont multiplié les positions ouvertes en première mi-temps, des difficultés symbolisées par un Jamal Murray très impliqué, mais qui peine encore à déterminer quand passer sur ou sur l’écran. Des problèmes que tout volontaire que Millsap soit, il ne peut compenser sans une meilleure énergie, et de meilleurs choix des lignes extérieures.
Alors oui, le défensive rating de la franchise est en progrés, mais l’échantillon est trop faible en qualité et quantité pour crier victoire.
Le coaching
Après l’ère Brian Shaw, tout coach serait apparu comme un messie et une amélioration drastique dans le Colorado: ce fut le cas avec Mike Malone. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce dernier n’a jamais eu d’effectifs de haut vol et qu’il n’a jamais terminé un exercice en positif. Toutefois, bien que tardifs, ses ajustements l’an passé ont laissé planer le doute sur son coaching. Le jeu pratiqué par Denver séduisait, et si sa spécialité – la défense – restait dramatique voire macabre, on pouvait espérer que la recette était là. Pourtant, avant le match sur les Nets qui a bien remonté le bilan collectif de l’équipe sur le plan statistique, le jeu des Nuggets avait disparu et paraissait d’une pauvreté sans nom.
Outre ce Cosette-Basketball d’une lenteur incompréhensible, d’une pauvreté sans nom et n’utilisant pas sa force principale (Nikola Jokic), l’instabilité des rotations est après 6 matchs assez impressionnante. En 6 rencontres, il a aligné 47 line-up différentes, soit 47 fois 5 joueurs différents en 278 minutes possibles. Seul son 5 de départ a joué plus de 19 minutes ensemble (96), les autres 5 possédant des minutes faméliques, rendant difficile la création d’automatismes.
Le 5 de départ affiche désormais un ratio +/- positif, il était bien négatif (-10) avant la large victoire face aux Nets.
Face à l’absence de bases affichées sur les premières rencontres, les questions sur la véritable amélioration défensive ou la faiblesse de l’équipe malgré un calendrier clément, la faculté du coach a réellement comprendre ce qui fonctionne vraiment et ce qui cloche dans son équipe commence à légitimement se poser. Avec de véritables attentes autour du roster pour la première fois depuis son arrivée, il va devoir montrer que lui aussi évolue en tant que tacticien et qu’il n’est pas juste un excellent meneur d’homme dénué d’une vision basketball.
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En somme, les Nuggets sont à l’équilibre en raison d’un calendrier très favorable en ce début de saison. Si les défaites contre le Thunder ou les Wizards pouvaient se comprendre, la franchise a manqué de constance contre le Jazz, s’est faite étriller par des Hornets qui enregistraient diverses absences et souffert à l’emporter contre les Kings et les Hawks. La seconde partie de saison sera un véritable parcours du combattant, et il va falloir poser des bases, prendre de l’avance au bilan et gagner en confiance et cohésion pour l’aborder sereinement. Il est temps de franchir un cap, sous peine d’affronter une lourde désillusion à l’annonce des 8 qualifiés en Playoffs.