C’est officiel depuis quelques jours maintenant : Tony Allen aura son numéro 9 accroché au plafond du FedExForum de Memphis quand ce dernier sera prêt à prendre une retraite bien méritée. Les Grizzlies avaient déjà annoncé auparavant que le numéro de Z-Bo, qui a fait ses valises en direction de Sacramento, allait recevoir le même honneur. Memphis a changé de visage cet été, Tony Allen jouera désormais avec le maillot des Pelicans sur le dos, mais la franchise n’oublie pas ceux qui ont forgé sa réputation et qui l’ont aidé à être placée sur la carte NBA. A l’annonce du retrait du maillot d’Allen, deux types de réactions sont apparues.
D’une part, les fans de la franchise ont poussé un « ouiiiiiiiii » collectif, et ont tout de suite acquiescer la décision de leur franchise. D’autre part, certains se sont étonnés de ladite décision. Retirer le maillot de Tony Allen, sérieusement ? Quand on sait que parmi les derniers joueurs à avoir reçu cet honneur il y a eu des Tim Duncan, Kobe Bryant, Shaquille O’Neal, etc, voir Tony Allen dans cette liste c’est complètement insensé, pas vrai ? Et bien à y réfléchir, pas vraiment.
Tout d’abord, il faut savoir de quoi on parle et de qui on parle.
Alors, de quoi parle-t-on ?
On parle du retrait de maillot d’un joueur NBA par une franchise, pas de Hall of Fame. La précision peut sembler futile, mais elle est importante. On entre au Hall of Fame lorsqu’on a marqué l’histoire du jeu, lorsque l’on a posé son empreinte sur la NBA. On retire un maillot quand on a marqué l’histoire d’une franchise, qu’on y a eu un impact énorme, considérable, comme peu l’ont fait avant. Vous saisissez la différence ? Si, logiquement, tout joueur intronisé au Hall of Fame a son maillot retiré dans la/les franchises qu’il a marqué-es (comment ça le Shaq est pas retiré à Orlando ?), l’inverse n’est pas forcément vrai : on peut avoir marqué une franchise sans pour autant avoir planer sur la NBA tout entière.
Maintenant, voyons de qui on parle.
On parle d’abord de Tony Allen. Tony Allen n’est pas l’égal d’un Tim Duncan, d’un Kobe Bryant, d’un Shaquille O’Neal, d’accord, merci de la remarque. Tony Allen est moins fort sur le terrain que bon nombre de joueurs qui n’ont pas eu l’honneur de voir leur maillot retiré, ou du moins pas encore. Ce n’était clairement pas le meilleur attaquant du monde, ni le meilleur basketteur que la conférence Ouest ait connu. Elle en a connu des dizaines, voire des centaines qui savaient mieux terminer leur contre-attaque que ce bon vieux Tony, mais elle en a connu peu qui ont autant su inventer et marquer l’identité d’une franchise. Oui, car Tony Allen, c’était Memphis.
Le fameux Grit and grind que l’on entend maintenant depuis quelques années quand il s’agit de parler des Grizzlies de Memphis, c’était Tony Allen. Celui qui n’avait pas les armes techniques pour rivaliser avec les meilleurs trouvait dans l’effort, la défense, la hargne et le combat de quoi combler ce fossé pour pouvoir les jouer les yeux dans les yeux. Quand Kobe Bryant himself vous file une paire de pompe lors de sa retraite avec comme dédicace « A Tony, le meilleur défenseur que j’ai jamais affronté », c’est que vous étiez quand même quelqu’un sur un terrain. « Si vous scannez tous les joueurs de la Ligue, il doit probablement y avoir mes empreintes digitales sur chacun d’entre eux » : c’est signé Tony Allen, lui-même. Depuis qu’il était arrivé à Memphis, Tony Allen n’avait pas le premier rôle, il n’était pas en haut de l’affiche, et ça lui allait parfaitement.
S’il avait joué ce rôle-là dans une franchise comme les Lakers, les Bulls ou les Knicks, le débat aurait pu encore avoir lieu. Mais il l’a fait à Memphis. A la question de savoir de qui l’on parle, il y a en réalité deux réponses : on parle de Tony Allen et des Grizzlies.
Les Grizzlies, à l’échelle de la NBA, sont une franchise très jeune. Née à Vancouver en 1995-96 avant de devenir les Memphis Grizzlies au début du millénaire, son histoire n’est pas la plus florissante de toute la Ligue. Loin derrière les cadors que sont les illustres franchises en termes de palmarès, d’heures de gloire et de triomphes, la franchise n’a pas un wagon de gros noms à sortir, elle n’a pas de joueurs qui sont dans le top 50 all-time, elle n’a pas le jeu qui fait rêver les téléspectateurs. Mais depuis le passage de joueurs comme Z-Bo et Tony Allen, c’est désormais une équipe redoutée dans la conférence Ouest, qui a su se trouver une identité bien spécifique et un caractère bien marqué. Ils ne sont pas nombreux ceux qui faisaient les fiers à l’idée de se taper Tony Allen toute la soirée du côté de Memphis : d’ailleurs, il y en a aucun. On passera même sur l’impact qu’a eu Allen en dehors du basket à Memphis, mais dans ce domaine aussi l’homme était tout aussi généreux que le joueur.
Alors oui, au début, ça nous a tous fait bizarre, sauf pour les drogués de la franchise de Memphis. Mais en réfléchissant deux petites minutes, on se rend vite compte que compte-tenu du bonhomme, du joueur, de la franchise, de la ville, bah finalement oui : Tony Allen mérite d’avoir son maillot retiré à Memphis. Et c’est carrément mérité. Pour les plus sceptiques, posez-vous la question suivante : quand un joueur permet à une franchise de devenir ce qu’elle est aujourd’hui, est-ce que ce n’est pas au final tout aussi louable, voire plus, que de culminer à 25pts par match pendant 10 ans ?