Lorsque l’on fait des analogies à la NBA, on utilise souvent un vocabulaire historique, un vocabulaire guerrier. Enfermés dans leur microcosme, les franchise, à la manière de royaumes se battent pour la suprématie. Certaines échauffaudent des plans pour demain – déjà prêtes à s’arroger le titre, d’autres préparent l’avenir dans le but de frapper quand ce qu’elles estiment être leur heure viendra.
La différence entre la NBA et l’Histoire avec un grand H, c’est que tout va plus vite. Que ce microsme vit en accéléré, qu’il peut basculer en quelques semaines. On aime souvent dire qu’en NBA “tout va vite”, car vous pouvez être prétendant au titre et vous retrouvez dans les bas fonds quelques mois plus tard. Régner longtemps est si rare, qu’on a donné un nom très noble dans l’histoire, signe de grandeur ultime pour les équipes qui savent persister à travers les décennies. On appelle cela une dynastie. Considérer ainsi que les franchises de la grande ligue, donne forcément un côté épique lorsque l’on souhaite raconter une histoire. Mais si l’on devait vraiment pousser ces champs lexicaux plus loin, si l’on devait vraiment faire des comparaisons qu’est ce que cela pourrait donner ?
Aujourd’hui, et particulièrement depuis que Kevin Durant a signé aux Warriors, on a souvent tendance à parler d’un règne sans partage. A l’échelle du globe, le monde a connu des situation semblables, mais comme en NBA, rien n’est éternel. Si l’on compare Golden State à l’Empire Romain, qui a régi le monde durant plusieurs siècles, on ne serait pas loin de la vérité. Car à la manière de l’illustre civilisation, l’heure de la fin viendra.
Dans le contexte actuel, tous les efforts de l’extérieur pour se renforcer et les battre ont beau paraître salutaire pour l’intérêt de notre sport, au fond de nous on a toujours la sensation que cette énergie restera vaine si l’armada des Warriors reste intact et préservé de blessures. Mais finalement, on peut se demander si à l’image des Romains, la fin ne viendra pas en priorité de l’intérieur pour rendre cette équipe vulnérable à ses opposants. Il va sans dire que ce sont les luttes intestines qui ont mis fin à la domination mondiale de Rome, pourtant pendant des siècles l’insatiable empire n’a eu cesse de s’étendre et de voir son influence rayonner.
On assiste un peu à la même chose avec Golden State. Cette sensation qu’ils se renforcent constamment. D’abord dominant avec son trio Curry-Thompson-Green et ce pendant 2 ans, ils furent ensuite rejoint par Kevin Durant, les rendant d’autant plus redoutables. Cet été, alors qu’ils ont marché sur la compétition, ils ont réussi notamment grâce aux sacrifices financiers de l’ex-joueur du Thunder à se renforcer encore un peu plus. Un constat effrayant qui peut donner l’impression alors que les cadres sont prolongés, s’entendent à merveille et sont encore très jeunes que cette fameuse “dynastie” est en train de se forger sous nos yeux. Pourtant, ce qui monte sans cesse n’existe pas, et le groupe devra nécessairement redescendre. Est-ce que la menace viendra de la vieillesse de certains cadres, est-ce qu’elle viendra d’ambitions en internes, ou encore des limites de budgets imposés par la NBA ? Si en récupérant Nick Young, en draftant, ou obtenant Omir Casspi les Warriors ont réussi à rendre leur groupe encore plus profond au relais du 5 majeur, ils devraient commencer à sentir la menace peser sur leurs épaules dès l’an prochain.
Un jeune comme Patrick McCaw, révélé par l’équipe pourrait être perdu en raison d’offres extérieures trop élevées pour le conserver, un David West pourrait prendre sa retraite. Bien sûr, ces petits signes n’enrayeront pas la machine, mais ils vont obliger les dirigeants à créer quelque chose de durable. Une spécificité des Spurs qui leur a permis de persister dans le haut du tableau pendant 20 ans à ce jour, mais aussi avoir sans cesse le bon scouting pour trouver des jeunes. Et puis, est-ce que Kevin Durant ne désactivera pas son option pour toucher plus ? Auquel cas, le conserveront-ils à tout prix alors qu’un des éléments majeurs de l’équipe devra aussi être prolongé en 2019 ? Pourraient-ils garder Durant et aviser après pour les cas Thompson et Green, piliers de l’équipe ? Voire sacrifier l’un d’eux, et ce que cela implique sur la création d’un groupe, d’une éthique, d’une confiance mutuelle cruciale dans un cercle vertueux ?
Bref, les intérêts de chacun pourraient être confrontés à un moment donné, et dès qu’ils arriveront l’unité parfaite de l’équipe pourrait voler en éclat de l’intérieur. C’est à cet instant que les assauts extérieurs, sans forcément s’intensifier deviendront plus dur à contenir. Et s’ils le font, est-ce que tous les joueurs survivront aux poids des années, à l’érosion de ses fondations ?
En cet été 2017, les Warriors nous apparaissent plus forts que jamais, oui. Cette vision est difficilement discutable, mais la NBA à son propre espace temps, et régner sans partage à un coût – parfois élevé. Celui d’aiguiser les tensions, celui d’accroître les appétits. Il n’est pas impossible de voir des mentalités collectives s’individualiser pour des ambitions plus égoïstes. Il est possible de voir des franchises extérieures tout faire pour concurrencer l’hégémonie de l’équipe de San Fransisco et pouquoi pas être à la hauteur, il est possible de voir les dirigeants de la ligue modifier le règlement pour casser ce monopole de la victoire. Et lorsque ces signes apparaîtront, que ce soit un seul ou plusieurs de front, il sera temps d’éprouver les murs de Golden State, de voir si à l’image de l’empire Romain mainte fois menacé, ils peuvent traverser les âges, rejoindre les dynasties des Lakers, Celtics, Bulls ou Spurs, et entrer à la postérité. Ou si déjà au bout de leur histoire, ils seront la version vieillissante et divisée de ce même empire qui implosa en 476 sous le joug des invasions barbares.
Après tout, la domination n’est pas encore tout à fait acquise.