Qu’il semble loin l’effectif des Bulls à 60 victoires ! Les années ont balayé un roster dont l’avenir est parti en fumée le jour où Derrick Rose chuta, lors de ce tragique 28 avril de l’année 2012. Lorsqu’il s’effondra, lorsque ses ligaments cédèrent, on peut dire avec le recul que cette équipe fut condamnée à péricliter. Même l’éclosion de Jimmy Butler devenu un All-Star confirmé ne pouvait pas compenser la déchéance d’un MVP qui courrait après ses belles années. Si son transfert l’an passé pouvait donner une lueur d’espoir, le duo John Paxon-Gar Forman, toujours à la tête de l’équipe malgré des erreurs a répétition, a finalement réussi à achever les vestiges d’une génération ô combien talentueuse.
Pour planter le décor, les Bulls avaient choisi de prendre un virage important en jetant sans classe aucune Tom Thibodeau, pourtant pilier du coaching à Chicago, sans sommation, par la petite porte. Le jeu défensif de ce dernier et ses désaccords constants avec le management en place avait usé “les cerveaux” de la franchise qui l’ont finalement remplacé par Fred Hoidberg, coach universitaire venu imposer un nouveau style de jeu résolument tourné vers l’attaque. Au terme d’une première année 2015-2016 décevante, où la défense des Bulls coulait à pic sans beaucoup scorer non plus, on pouvait toujours arguer que l’effectif en place correspondait plus à l’ancien entraîneur qu’au nouveau. A cela, il fallait aussi prendre en compte la paire Rose-Butler qui ne pouvait fonctionner ensemble et qui poussait Butler à rester dans l’ombre d’un joueur qu’il surclassait désormais sur le terrain. Bref, l’intersaison a failli donner de l’espoir : à l’été 2016, les dirigeants envoient D-Rose aux Knicks en échange de Robin Lopez, et annoncent vouloir rajeunir l’effectif et lui donner une nouvelle dimension athlétique. Une promesse qui restera lettre morte puisque les dirigeants des Bulls feront même le contraire en allant chercher Rajon Rondo à la mène et Dwyane Wade à l’arrière, forçant Jimmy Butler à jouer poste 3. Un effectif devenant soudain à la fois plus vieux, moins athlétique, mais également dénué de tir extérieur, car dans leur 5 majeur… 4 joueurs sur 5 ne pouvaient pas shooter derrière l’arc (Rondo, Wade, Gibson et Lopez). Et cela, dans une NBA de plus en plus dépendante de cette faculté à artiller derrière l’arc, ça ne peut tout simplement pas marcher.
Au terme d’un exercice sans saveur, mais sauvé par une sortie au premier tour avec les honneurs contre les Boston Celtics, qui aurait même pu être une victoire si Rajon Rondo ne s’était pas blessé, il était grand temps de repartir de zéro. Une sortie de route finale pour creuser définitivement la tombe des Bulls tels qu’on les aura connus depuis le début de la décennie. Les Bulls ont enfoncé le dernier clou sur le cercueil de la belle équipe des Bulls version Thibodeau le 26 juin 2017, en transférant Jimmy Butler en compagnie du 16eme choix de la draft 2017 aux Minnesota Timberwolves, où il s’en va retrouver… Tom Thibodeau. En retour, ils reçoivent Zach Lavine, principale pièce de l’échange, le double vainqueur du Dunk Contest s’était affirmé comme excellent dans son rôle, avant de se faire une rupture des ligaments croisés. Explosif au possible et shooteur en progression, on espère côté Bulls qu’il reviendra mieux de cette lourde blessure que leur ancien meneur-MVP. A ses côtés, débarque Kris Dunn, sophomore de 23 ans qui sort d’une première année dramatique, mais dont la valeur semblait encore élevée dans l’esprit du management en place (de toute évidence), qui donne davantage l’impression de penser avoir récupéré un 3e choix de draft que le joueur qu’est Kris Dunn. Enfin, le 7eme choix de la draft 2017, qu’ils utilisèrent pour récupérer Lauri Markannen, un stretch four talentueux mais dont le choix a fait jaser à une place aussi haute, sachant que les Bulls ont protégé Nikola Mirotic.
Que penser de ce début d’intersaison ?
La paire Forman-Paxson est probablement l’un des combos de dirigeants les plus méprisés par les fans de toute la NBA . Aussi, le choix de trader Jimmy Butler a provoqué l’ire des fans non seulement des Bulls mais plus globalement de la NBA, blâmant une nouvelle fois l’incompétence du duo de dirigeants des Bulls, au motif que la contrepartie était ridicule. On ne va pas se mentir, les Bulls avaient besoin de lancer une reconstruction, et l’arrière était la seule pièce de valeur qu’ils possédaient, avec, dans une moindre mesure, Robin Lopez pour obtenir quelque chose pour se relancer. On peut aussi dire sans difficulté que la force des Wolves dans ce trade, c’est de savoir ce qu’ils récupèrent en obtenant l’ex-star des Bulls. De l’autre côté, on reçoit un excellent joueur plein de potentiel, mais dont la blessure va forcément inquiéter, puisqu’on a pu voir qu’elle n’était que rarement sans conséquences sur une carrière. Le concernant, on pourrait avoir des éléments de réponse dès le début de saison, puisque des sources annoncent que ce dernier est en avance sur son planning de récupération, et qu’il envisagerait d’être là pour la reprise. Dunn quant à lui, comme susmentionné, a déçu l’an passé, et est par ailleurs “âgé” pour un sophomore. Le poste de titulaire n’est pas acquis pour celui-ci, et s’il peut encore progresser il faut prendre sa capacité à s’imposer de manière indiscutable avec beaucoup de pincettes.
Enfin, le choix de Markkanen était dans l’optique de combler un poste où certes il y a Mirotic mais ce dernier n’ayant pas le niveau titulaire NBA… Le choix le plus logique aurait été celui du meilleur joueur disponible, en l’occurrence Dennis Smith Jr ou Frank Ntilikina. Et si pour le moment, on peut être dubitatif de sa sélection en 7eme position, après tout seul l’avenir nous dira si ce choix était le bon.
Bref, jusque là, effectivement, il y a beaucoup de doutes qui entourent chaque joueur récupéré par le staff des Bulls – mais ce qui m’a choqué c’est surtout la suite. Le fait de lâcher dans l’échange le 16eme tour de draft semblait évitable, et pour une franchise qui lance un processus de reconstruction totale, il est problématique de se passer de sélectionner un jeune prospect supplémentaire. On pourrait cependant presque imaginer que ce choix était dû à une négociation musclée avec Tom Thibodeau et l’envie de voir l’échange se réaliser à tout prix afin d’enfin repartir sur des bases nouvelles. Sauf qu’en début de second tour, il s’est passé quelque chose de beaucoup moins excusable. Le fait de vendre son le 38e de Draft aux Warriors contre du cash, était au mieux scandaleux. Le propriétaire des Bulls, Jerry Reinsdorf, souvent qualifié de pingre, et décrit comme quelqu’un de plus soucieux du résultat financier que du résultat sportif. Cette vente est ressemble fortement à un chef d’accusation supplémentaire que ses détracteurs pourront rajouter à leur liste. Le roster de l’équipe est en ruine, mais le management accepte de donner un choix de draft aux champions en titre pour du cash, ce qui n’a aucune valeur sur le plan sportif. Pour la petite histoire, Jordan Bell sélectionné avec leur choix a réussi un 5 by 5 pour premier match de Summer League avec 5pts, 11rbds, 5 asts, 6 stls, 5 blks. Cela n’a rien de catégorique sur son avenir, mais quoi qu’il en soit, ils ont laissé passer une potentielle pépite. En tout, les Bulls auraient pu disposer des choix n°7, 16 et 38 à la draft. Bilan, ils ont dû se contenter du seul 7e choix.
Quant à la Free Agency, pour le moment on ne peut pas dire que l’équipe a compensé ses pertes. Rajon Rondo coupé, Michael Carter Williams parti, et Dwyane Wade qui reste malgré un roster absolument plus compétitif, pour le moment rien n’est aisé.
Côté arrivées, seul Justin Holiday a débarqué pour 2 ans et 9M de $. Pas grand chose à signaler donc, ce qui pourrait être inquiétant mais soyons honnêtes, l’équipe n’aura pas d’ambitions et il est habituel de voir les équipes en phase de reconstruction faire leur recrutement une fois que les équipes “ambitieuses” ont terminé leur marché. D’autant que vu la dynamique dans laquelle s’inscrivent les dirigeants, il ne fallait pas s’attendre à les voir entourer leurs jeunes ouailles de vétérans réputés comme l’ont fait les Kings cet été. Aujourd’hui, le seul dossier un peu important pour la franchise est la prolongation de Mirotic, mais sinon l’effectif est encore très déséquilibré, avec une flopée de meneurs et plus grand monde sur les ailes et au poste 5. Plus que ce déséquilibre, c’est surtout l’incroyable pauvreté de cet effectif qui fait peur, avec le seul Dwyane Wade comme joueur (encore) vraiment bon et les seuls Lopez, Holiday, Felicio, Markkanen et LaVine comme joueurs ayant le niveau pour jouer en NBA. 6 joueurs dont aucun de vraiment extraordinaire ayant le niveau NBA sur les 15 joueurs devant composer un effectif, c’est peu, très très peu.
En somme, pas mal de doutes et peu de bonnes nouvelles à se mettre sous la dent. Malheureusement, difficile d’imaginer un rayon de soleil dans les jours à venir.
La situation financière
Les Bulls ne sont pas encombrés pour la saison prochaine. Ils sont 20M sous le cap, et en l’état on peut imaginer qu’ils arriveront relativement allégés niveau masse salariale pour l’été 2018. Il est difficile d’imaginer un scénario ou Chicago utilise son cap avant l’an prochain hormis absorber des contrats toxiques contre des tours de draft. A ce moment, ils se seront débarrassés du contrat de Wade et auront un contrat intéressant à proposer puisque Robin Lopez toujours très utile sera alors dans sa dernière année. Une aubaine qui pourrait rapporter 1 prospect ou 1 TDD si la franchise se décide à utiliser cette ressource.
La franchise aura de l’argent, mais dans leur situation, ce n’est pas encore le nerf de la guerre.
Le coaching
Avoir de l’argent est inutile lorsque vous êtes en reconstruction et que votre situation ne donne pas envie. Avec un staff bancal, il faudra au moins un entraîneur reconnu, référencé, pour espérer redonner des couleurs à cette équipe. On n’attendra pas de Fred Hoiberg d’envoyer son équipe en Playoffs cette saison, en revanche, on lui demandera une gestion cohérente, chose qu’il n’a pas réussi à faire depuis son arrivée à la tête de l’équipe il y a 2 ans, se faisant littéralement ignorer par le trio de vétérans Rondo-Wade-Butler. L’objectif ne sera donc pas la victoire, mais une véritable direction, une nouvelle identité. On a vu l’impact qu’un jeune coach comme Brad Stevens pouvait avoir sur l’attractivité d’une franchise. Cette fois, le head coach des Bulls aura une équipe jeune et athlétique à l’image de ce qu’il réclamait depuis son arrivée. Plus d’excuse.
Et si on assiste encore à une succession de choix douteux, alors il sera temps de mettre un nouveau boss à la tête de cette jeune équipe.
Quel tournant espérer ?
Il y a un an, je m’étais dit que le pari de l’expérience était douteux. En revanche, il n’était pas catastrophique puisque la franchise aurait toujours de la flexibilité financière, et que Wade, quel que soit son choix, resterait un bon joueur.
Le départ de Butler change en revanche totalement la donne, et désormais l’objectif sera la draft 2018 et la free agency qui suivra. Pour le premier point, la bonne nouvelle c’est que la franchise, si elle n’est pas parmi les plus redoutables les soirs de draft, est en revanche précautionneuse avec ces derniers et les a conservés pour les années à venir. En réussissant un trade avantageux du frère Lopez, elle pourrait en obtenir un second vers la fin du 1er tour. En espérant qu’ils soient capables de choisir dans le top 5 l’an prochain, même si la lutte sera rude pour être la lanterne rouge de la NBA.
Côté, free agent, il s’agira certainement plus de jouer les troubles-fêtes à la manière des Kings et des Nets cet été pour récupérer des jeunes talents qui tardent à exploser, en mettant des équipes proche du salary cap dans le rouge avec des contrats un peu excessifs. D’ailleurs, si elle se décidait, il ne serait pas incohérent de commencer dès cet année en prenant Shabazz Muhammad aux Wolves. Dans l’optique de l’été prochain, pour donner quelques exemples, il pourrait être finement jouer de venir titiller les Blazers déjà au dessus du cap en proposant une somme importante à Jusuf Nurkic ou le Magic en offrant le max à Aaron Gordon.
Il va falloir se montrer opportuniste et avoir le nez fin à la draft pour que la mythique franchise de Chicago puisse revoir la lumière et les playoffs dans les années à venir. Tout nettoyer était, quoi qu’on pense des dirigeants de la franchise, la seule voie possible pour s’améliorer. Et s’il ne faut pas trop durement les critiquer (pour une fois) pour avoir pris cette décision, il est important qu’ils se montrent patients et n’essaient pas de remonter trop vite au risque de tout gâcher.