Il y a presque un an, Kevin Durant décidait de ne pas resigner à OKC et prenait la direction d’Oakland pour rejoindre les Golden State Warriors. Un choix pour le moins critiqué, qui lui permet aujourd’hui d’enfiler une bague de champion. Avec le recul et après ce titre, nous avons voulu revenir sur cette décision.
4 juillet 2016, 17h38. Via son compte Twitter et une lettre publiée sur The Players’ Tribune, Kevin Durant fait tomber le verdict. Il ne portera plus le jersey du Thunder. Et n’enfilera pas celui des Celtics ou des Wizards, pressentis un temps comme les favoris pour accueillir le MVP 2014. Non, KD a choisi d’évoluer aux côtés de Stephen Curry, Klay Thompson et Draymond Green pour former un Big Four à Golden State. C’est un coup de tonnerre dans la Ligue. Si des murmures autour d’une possible signature chez les champions 2015 s’étaient fait entendre, la surprise est énorme dans le microcosme de la NBA. Comparable au séisme médiatique provoqué par LeBron James et The Decision en 2010. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle fut accompagnée d’une colère immense chez les Fans.
La trahison ultime
A sa sortie de l’université du Texas, il est sélectionné en 2ème position de la draft 2007 par les SuperSonics derrière Greg Oden (bravo Portland). Dès sa première saison, il fait forte impression, avec 20 points de moyenne. Après le malheureux déménagement de la franchise dans l’Oklahoma, KD restera 8 saisons sous le maillot bleu, terminant quatre fois meilleur scoreur de la Ligue. Malgré l’échec en Finals face au Heat de LeBron en 2012, l’ailier est la superstar d’OKC et remportera le trophée de MVP lors de la saison 2014. Oui, Durant est le symbole du renouveau de la franchise. Il a connu la dernière saison des Sonics à Seattle, vécu le déménagement, et lancé le projet Thunder. Abandonner l’écurie qui vous a fait confiance et qui vous a vu grandir, c’est déjà pas jojo. Le faire par peur de ne jamais décrocher un titre, c’est encore pire.
Surtout, le Thunder reste un prétendant au trône chaque année. Et la saison passée, l’espoir est plus que jamais présent. L’équipe réalise de très bon Playoffs, notamment une formidable série face au Spurs. Lors des finales de conférence, KD et sa bande mènent 3-1 face aux Warriors, qui sortent d’une saison mythique à 73 victoires. L’occasion unique pour la tige d’aller chercher sa revanche face au King en Finals. Au lieu de ça, les joueurs du Thunder, Durant le premier, vont se choker de manière monumentale (merci Klay Thompson) avant d’être imités par leurs adversaires lors des Finals. A ce moment, on se dit qu’OKC est passé tellement proche du sommet que KD ne pourra pas partir. Il ne manque pas grand-chose, quelques ajustements lors de la Free Agency ou par un trade, pour voir plus haut. Entouré des Westbrook, Ibaka et Adams, le natif de Washington semble avoir les armes et surtout les arguments pour avoir envie de rester dans l’Oklahoma.
Mais ce n’est pas suffisant pour KD. Ses bourreaux lui font les yeux doux, mettant en avant la perspective de jouer au sein d’une bande de potes, mais aussi la quasi- certitude d’une bague. Kevin sort de sa zone de confort pour rejoindre la superteam l’armada, et déclenche l’ire des fans NBA. Il abandonne OKC sans avoir pris la peine de prévenir, sans contrepartie, laissant à poil la franchise qui l’a drafté et élevé. Rejoindre une équipe qui vient de réaliser le meilleur bilan de tous les temps en saison régulière, dans laquelle évolue le double MVP en titre, et surtout qui t’a humilié seulement quelques semaines plus tôt ? La pilule est très, très, très difficile à faire passer.
Zone de confort et superteam
Ce qui rend la décision de Durant encore plus compliquée à accepter, c’est également son statut en tant que joueur. Alors âgé de 27 ans, il est en plein prime. MVP en 2014, scoreur monstrueux, il est considéré (à juste titre) comme un des trois actuels meilleurs joueurs NBA par beaucoup de monde. Inarrêtable offensivement, il est l’un des joueurs le plus complet dans le camp adverse. Et en défense, il n’a déjà pas à rougir avant son arrivée dans la Baie d’Oakland, même s’il avait moins de responsabilités de ce côté du terrain. Alors forcément, un tel joueur qui se rabaisse à s’associer au double MVP en titre (acceptant donc, sur le papier, de n’être qu’un lieutenant) au sein d’une équipe qui écrase déjà la concurrence… Devenir champion en étant lieutenant pendant son prime ? Comment ne pas hurler de rire lorsqu’il déclare dans sa lettre d’adieu vouloir « sortir de sa zone de confort » ? Cela ressemble tout à fait au contraire, à la recherche d’une bague facile, quitte à mettre sa fierté et même son honneur de côté.
Avec son arrivée, les Warriors semblent invincibles. Curry, Thompson, Durant, et Green dans le cinq. Livingston et Iguodala pour mener le banc. Un secteur intérieur finalement pas si naze, et des joueurs de complément de qualité. Et c’est bien cela qui nous irrite. Quel suspense avec une telle puissance de feu ? KD a flingué la lutte pour le titre en même temps que sa côte de popularité. Qui, d’ailleurs, avait pris un coup derrière la tête depuis que Kéké avait activé le mode « faux thug » au Thunder. KD souhaitait quitter OKC ? Pourquoi pas, plusieurs raisons pouvaient l’y pousser, et on en reparlera. Mais au-delà de la manière dégueulasse, c’est la destination qui froisse. Boston, Washington… En réalité, en partant du Thunder, 26 franchises sur 29 auraient représenté un minimum de challenge pour l’ailier. En dehors de Golden State, Cleveland, et les Spurs. Il a choisi la facilité. Mais même si c’est très compliqué à admettre, plusieurs raisons doivent tempérer la haine vouée à celui devenu l’ennemi public n°1.
Un homme libre
Attention, il ne s’agit pas ici de défendre la décision de Durant, mais seulement de nuancer les réactions qu’elle a provoquée. Tout d’abord, d’un point de vue juridique, KD est un joueur libre au terme de la saison 2016, de par son statut d’unrestricted free agent. Le système NBA lui permet de signer où il le souhaite, dès lors que son salaire rentre dans le salary cap. Ce qui est le cas chez les Warriors, merci les nouveaux contrats pour les droites télés. Il n’a donc enfreint aucune règle. Pour ce qui est du code moral, c’est autre chose.
Mais même de ce point de vue-là, il est nécessaire d’apporter quelques nuances. Quitter OKC de manière brutale et laissant la franchise en grandes difficultés, là est la faute de KD. On aurait souhaité qu’il prévienne (comme Paul George, mais en mieux si possible), de sorte que le management du Thunder recherche des solutions. Oui mais comment savoir ce qui a pu se passer en interne ? Les relations avec le groupe, notamment Westbrook ? Certes les Playoffs ont laissé paraître un groupe costaud, mais quel était l’envers du décor ? Durant était peut-être persuadé de rester dans l’Oklahoma avant la fin de l’aventure en postseason. Peut-être pas. On ne saura probablement jamais la vérité, les explications intervenues depuis ne pouvant être avalées avec certitude.
Le second motif de condamnation concerne évidemment la destination, pour les raisons évoquées plus haut dans ce papier. Et là encore, une raison peut être avancée. Elle peut paraître d’une naïveté sans égal, certes, mais elle a été suffisamment évoquée pour être crédible. Au-delà de son envie irrépressible de bague, KD a probablement vu l’occasion de rejoindre un groupe qui vit bien ensemble et qui s’éclate chaque jour sur les parquets NBA. De plus, le cadre de vie offert par San Francisco a de quoi faire envie. Ce sont des raisons qui peuvent paraître dérisoire pour nous qui ne voyons que l’aspect sportif, mais ce sont des paramètres importants dans la vie d’un homme. Et pour les irréductibles véners, OK, rien ne l’empêche d’aller passer sa retraite sur les plages californiennes.
Le culte de la bague et des épaules solides
On s’accorde tous pour dire que KD a pris le chemin de la lâcheté, abandonnant une franchise pleine d’espoirs et reposant en partie sur ses épaules pour en rejoindre une lui assurant un titre. Le bonhomme a préféré massacrer son honneur et sa fierté que prendre le risque de voir sa carrière se terminer sans bague au doigt. A 27 ans, il avait encore de longues années devant lui pour accéder au Graal. Mais la terrible liste de monstres privés de titre est tellement impressionnante : le duo Stockton-Malone, Ewing, Iverson, Nash, Miller… Autant d’immenses joueurs dont le palmarès collectif restera vierge. A l’heure où le culte de la bague est à son paroxysme, l’absence de titre valant rapidement l’étiquette de looser, KD a préféré s’assurer une ligne dans les livres d’Histoire NBA dans la catégorie « Champion ». Mais un vrai champion s’apprécie aussi sur son attitude, et sur cet aspect, il y a aura toujours un gros point noir sur la carrière de Durant. Et puis, cette crainte et la réaction qu’elle a entrainée sont-elles vraiment étonnantes de la part du garçon ?
Dernier point qu’il est nécessaire de mentionner. S’il a choisi la facilité sur le plan sportif, KD a accepté de subir la foudre des fans (justifiée) et d’accepter l’énorme pression générée par sa décision. Certes la bague semblait évidente, mais il fallait tout de même assurer, et KD l’a fait. Il a mené Golden State aux côtés de Stephen Curry, ne restant pas dans son ombre. Mieux, il a éclaboussé de son talent les Finals, décrochant logiquement le titre de MVP, avec notamment des shoots décisifs. Il s’est parfaitement intégré aux Warriors, qui ont également tout fait pour le mettre dans les meilleures conditions. KD est superbement entouré, mais on ne peut que respecter son accomplissement lors de cette quête du titre.
En rejoignant les Warriors, Kevin Durant a clairement et sans aucune contestation possible choisi le chemin le plus facile et le plus court vers une bague de champion NBA. En revanche, celui menant au panthéon des légendes, tant dans les livres que dans l’esprit des fans, sera nettement plus long et sinueux. Il passera par d’autres bagues, d’autres performances monstrueuses dans les grands moments. Par un retour à OKC façon LeBron ? Peut-être. Par un vrai challenge, probablement. Quoiqu’il en soit, nous avons le droit en tant que fan, et nous le faisons, de condamner fermement la décision de KD. Mais sans excès de démagogie, rappelons-nous qu’il s’agit avant tout du choix d’un homme libre. La critique constructive oui, les insultes et l’acharnement non. Durant reste un grand joueur NBA qui a pris une décision et l’a assumée. Et nous nous devons de la respecter, de reconnaitre sa réussite, mais aussi de continuer à ne pas être d’accord avec. Car quand même, c’était bien sale comme attitude…