“Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir “
Cette première strophe du poème “Si…” de Rudyard Kipling résume bien l’adage des San Antonio Spurs pour cette saison 2016-2017. Au lendemain de la perte du plus grand joueur de son histoire, figure de proue de l’équipe depuis 1997, il a fallu repartir de l’avant, sans la grande carcasse de Tim Duncan au centre du dispositif. Pour la plupart des franchises, perdre celui qui a fait de votre équipe une équipe incontournable de votre sport, celui qui aura porté à cheval sur 3 décennies votre étendard sur les finales NBA a de quoi vous plonger dans les abysses de la NBA. Oui, mais pas à San Antonio où on a décidé de faire de la régularité dans l’excellence une banalité.
Ainsi, alors que la franchise avait terminé l’exercice précédent avec 67 victoires, soit un record pour souffler les 20 ans d’une ère glorieuse, elle a réussi à se maintenir cette saison à 61 victoires. Soit le second bilan de la NBA, tout en se hissant en finale de conférence. Comme transition, on se l’accordera, il y a pire. Pourtant, il y a bien nécessité de reconstruire à San Antonio, à l’heure où d’autres vestiges des joutes victorieuses d’antan arrivent eux aussi au bout du tunnel de leur carrière NBA. Alors que Manu Ginobili pourrait décider de raccrocher à 1 mois de son 40eme anniversaire, Tony Parker a lui vu son impact diminuer graduellement, avant de contracter la plus grosse blessure de sa carrière durant les Playoffs.
Toutefois, alors que certaines franchises rebâtissent dans la défaite, acceptant de saboter le moment présent pour récupérer des pièces nouvelles par la draft, les Spurs ont réussi à trouver leur pépite (Kawhi Leonard), tout en étant un prétendant tous les ans pour le titre final. De fait, elle se prive des hauts potentiels sortis des Facs, mais a obtenu un statut bien particulier dans l’esprit des joueurs et des fans, alors comment relancer une dynastie lorsque vous avez et allez perdre tous ceux qui ont fait votre grandeur d’autrefois ? Coup d’œil sur les opportunités à San Antonio pour les saisons à venir.
Situation contractuelle
Ce que l’on peut noter dès lecture de ce tableau, c’est que les opportunités pourraient être restreintes cet été pour les Spurs. D’une part, parce qu’ils sont pas loin des 102M que constituent le salary cap, d’autre part parce que peu de joueurs pourraient sortir de leur contrat, et que ces joueurs (Pau Gasol et David Lee – bleu ciel) ont en fait des “options joueurs”. Autrement dit, c’est les joueurs qui sont maître de leur destin, et non le staff. En outre, Manu Ginobili, Patty Mills, Jonathon Simmons et Dewayne Dedmon qui ont apporté satisfaction sont en fin de contrat. De fait, il va falloir banquer pour conserver des joueurs, tout en faisant la place pour un éventuel renfort leur permettant de rivaliser avec Golden State et Cleveland. Compliqué en l’état.
UPDATE : Oui, mais voilà que, coup de théâtre le 20/06 à 16h, Pau Gasol a levé son option pour aider les Spurs. La franchise se retrouvent donc à 78,8M de salaire à payer, ce qui laisse d’or et déjà 23M sous le cap à San Antonio.
Alors que pouvons-nous espérer pour cet été ?
Avec la perte de Tony Parker, il sera peut-être intéressant de renforcer le poste de meneur. A moins que la franchise ne place sa confiance en leur rookie Dejounte Murray et conserve Patty Mills avec un rôle plus important, obtenir un joueur capable de reprendre le flambeau semble être une nécessité. Bien sûr, la grosse rumeur sur ce sujet, c’est Chris Paul. Le génial meneur des Clippers n’a pas fermé la porte à un départ de Los Angeles, et a placé Spurs dans la shortlist des équipes qu’il rencontrera avant de prendre une décision. Ainsi, San Antonio sera à la lutte avec Clippers, Rockets et Nuggets pour obtenir les faveurs de Paul. Imaginer une association entre CP3, Leonard et Aldridge sous l’égide de Gregg Popovich a de quoi faire fantasmer, et on imagine que si l’équipe obtient sa préférence, alors elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire l’espace pour son arrivée. Un défi de taille puisque le meneur prétendra à 150M sur 4 ans, soit environ 35M l’an prochain ! En revanche, si le plan Chris Paul échoue pour une raison ou une autre, je n’imagine pas les Spurs s’orienter vers une autre cible. En effet, les autres joueurs disponibles bien que talentueuses, ne répondent pas aux besoins de la franchise, et représenteront des pistes trop difficiles à exploiter pour leur apport à long terme. N’oublions pas que les Spurs n’aiment pas les paris court-termistes et que finalement, la flexibilité de la franchise sera majoritairement entre les mains de Pau Gasol.
De fait, il y a de forte chance de voir les Spurs continuer leur transition, afin d’être en position de frapper fort l’été 2018.
A ce moment, la franchise possèdera une véritable marge financière à exploiter, en ayant (par rapport aux éléments dont nous disposons aujourd’hui) personne à prolonger. Par ailleurs, LaMarcus Aldridge aura le choix de sortir ou non de son contrat pour récupérer un dernier contrat longue durée, ou donner sa chance à son staff pour un run sur un an. Une situation qui donnerait entre 45 et 77M de dollars pour reconstituer leur roster autour de Kawhi Leonard, et ce alors que la Free Agency 2018 proposera des talents de premier plan, notamment à l’intérieur, poste occupé aujourd’hui en intérim par Dewayne Dedmond et Pau Gasol. En revanche, il y aura peu de meneurs, hormis Isaiah Thomas pour vraiment apporter une dimension nouvelle à ce poste au sein du roster. Ainsi, cela renforce l’idée que SA pourrait tenter un All-in sur CP3 cet été , quitte à proposer un effectif moins riche durant une saison. En revanche, si elle décide de faire confiance à Dejounte Murray, alors monter un échange sera la meilleure chance de se renforcer sur ce poste en 2018, si l’expérience n’était pas payante. S’il apporte satisfaction, alors les Spurs pourront s’attaquer à de grosses pistes comme, par exemple DeMarcus Cousins, ce qui donnerait à la franchise aux éperons une force de frappe sans pareille au niveau de son frontcourt. D’autres opportunités seraient disponibles pour se renforcer, comme en mettant la main sur Avery Bradley pour densifier leur défense extérieure, déjà étouffante, tout en possédant plus de soutien offensif que fournit Danny Green récemment.
En somme, les Spurs se retrouveront à nouveau en totale maîtrise de leur destin en 2018, mais il y a fort à parier qu’ils chercheront à commencer à se renforcer dès cet été. A moins que des pistes de premier plan leur échappe, dans ce cas, la patience serait de mise.
Pourquoi les Spurs ?
Toutefois, on peut se demander comment le fait d’imaginer une franchise cibler un joueur puisse permettre de dire qu’elle a vraiment une chance de l’acquérir ? En effet, si on regarde de plus près, on pourrait se dire que beaucoup d’autres équipes seront sur les coups prévus par San Antonio, et que leur plan pourraient être contre-carrés par la concurrence. Il est vrai qu’il y aura fort à faire pour le staff des Spurs. Néanmoins, la franchise possède plusieurs forces que les autres équipes de la ligue n’ont pas pour recruter.
Tout d’abord, San Antonio possède désormais une réputation sans pareille dans la ligue. Aucun de ces compétiteurs ne peut se targuer d’avoir réussi à créer une telle régularité, une telle consistance dans la capacité à se renouveler et à s’adapter aux nouveaux challenges de la ligue (styles de jeux notamment). Aussi, les agents libres savent lorsqu’ils se tournent vers les Spurs, qu’ils peuvent compter sur eux pour tout mettre en œuvre pour gagner dès leur signature. En outre, nulle autre équipe ne sait aussi bien intégrer de nouveaux talents et opérer des transitions entre ces derniers. Ce qu’offre donc cette franchise Texane c’est de la stabilité et un cadre idyllique pour se concentrer sur le basket, chose que certains concurrents ne savent pas réellement mettre en place. Aujourd’hui, c’est d’ailleurs probablement l’équipe à rejoindre si vous souhaitez savoir dans quoi vous mettez les pieds, car les profils que l’on trouve dans l’équipe, l’exécution par le staff, et notamment le principal garant de la réussite à haut niveau de la franchise (Gregg Popovich), font que l’identité des Spurs est probablement la plus évidente de la ligue. Vous rejoignez un collectif qui place le groupe avant l’individu, la victoire avant les stars, et où les caractères taiseux et altruistes sont favorisés. Un brin austère, mais diablement efficace.
Évidemment, un aspect non négligeable même si ce n’est pas un point à part-entière, c’est la présence de Gregg Popovich, justement. Ce dernier est de plus en plus largement considéré comme le meilleur coach de tous les temps, et cet aura bien particulier dont il dispose est un atout séduction énorme pour la franchise, surtout que ce dernier a désiré continuer en dépit du déchirement qu’a été pour lui le départ de Tim Duncan.
Mais s’il y a bien un point pour lequel les Spurs vont devenir encore plus attractifs pour les saisons suivantes, outre la réputation, la culture et la sérénité du groupe, c’est la conjoncture de la ligue. Avec la création de ce qu’on appelle aujourd’hui des Superteam, depuis le réunification de Kevin Durant et des Warriors, et la course à l’armement de Cleveland pour se renforcer pour un éventuelle 4eme finale consécutive contre Golden State l’an prochain, peu d’équipes semblent pouvoir rivaliser. Pourtant, lorsque l’on écoute les experts et certains joueurs NBA, la seule équipe qui semble capable de rivaliser avec l’ogre de la Baie d’Oakland sont les Spurs. Forts d’un jeu sans pareil, beaucoup d’agents libres pourraient considérer que la seule manière de contrer rapidement les Warriors, serait de monter une équipe semblable (bien que moins impressionnante, quoi qu’il arrive) dans le Texas. Pour exemple, Nicolas Batum très présent dans les médias pour son retour estival en France, déclarait que la seule équipe ayant un système capable de faire dérailler la machine des Warriors était celle de coach Pop’. Une crédibilité construite sur les 20 dernières années, et confirmée par des performances exceptionnelles cette année encore, alors que ses légendes vieillissent et que son emblème avait raccroché ses baskets l’été précédent. Une chose semble sûre, c’est qu’il reste à faire, mais que les Spurs devraient continuer à squatter les hautes sphères de la ligue pour les saisons à venir, la récompense d’un flair sans égal et d’une capacité phénoménale à conserver le cap quoi qu’il arrive.