30 équipes NBA et un seul champion chaque année, pour réussir à soulever le précieux trophée, mieux vaut avoir un bon general manager aux commandes, et pourtant ; le niveau des GM de la ligue est plus qu’hétérogène. Retour sur un poste à risque et sur les différentes méthodes employées pour amener une équipe au sommet de la ligue.
Si vous avez déjà discuté avec un fan des Celtics, vous avez probablement déjà entendu parler de Danny Ainge, le génial (ou atroce, selon le point de vu) GM de la franchise du Massachussetts. Ce bon vieux Danny est aux manettes de la franchise depuis 2003 avec un bilan plutôt flatteur puisqu’il a réussi à ramener un titre à Boston (en 2008) grâce à l’un des meilleurs big three de l’histoire (composé de Paul Pierce, Kevin Garnett et Ray Allen). Cinq années plus tard, les jambes se font lourdes, la direction monte donc un échange avec Brooklyn pour entamer une reconstruction : rajeunir l’équipe, tourner la page et repartir sur de bonnes bases. C’est à ce moment-là que Danny Ainge réussit l’un des plus gros coups de l’histoire ; il échange Paul Pierce, Kevin Garnett , D.J White et Jason Terry contre Gerald Wallace, Kris Humphries, Marshon Brooks, Kris Joseph et Keith Bogans. Au niveau des joueurs, on peut dire que Boston est perdant, sauf qu’à ces joueurs viennent s’ajouter les choix de draft 2014, 2016 et 2018 de Brooklyn avec en plus la possibilité pour les celtes d’échanger de choix avec la franchise new-yorkaise en 2017.
Pour les néophytes, la draft est la porte d’entrée de la ligue pour les joueurs universitaires les plus talentueux. Les équipes sélectionnent chacune à leur tour, du plus mauvais au meilleur bilan (avec un tirage au sort qui détermine l’ordre des choix pour les 15 pires équipes). Cela permet à toutes les franchises d’avoir une chance de se renouveler et d’accueillir de nouveaux joueurs et possibles futures stars. Pour l’exemple, en 2003, Cleveland a le pire bilan de la ligue, hérite du premier choix et sélectionne LeBron James. L’année suivante, l’équipe, qui avait terminé 15ème de la conférence Est en 2003, se hisse jusqu’au 9ème rang. Trois saisons plus tard, elle atteint les finales NBA pour la première fois de son histoire. Même si le cas LeBron est extrême vu le talent du bonhomme, cela prouve une chose, la draft remplit sa fonction.
Brooklyn, faire du neuf avec du vieux
Revenons-en à Brooklyn. Grâce à cet échange, l’équipe a récupéré deux futurs Hall of Famers. Seul hic, leur carrière était (plus ou moins) derrière eux et la mayonnaise n’a pas pris. Résultat des courses, tous les joueurs échangés ont quitté Brooklyn chacun à leur tour et la franchise de Mikhail Prokhorov s’est retrouvée dans les bas-fonds de la ligue jusqu’à finir bonne dernière cette année. Comme quoi, vouloir gagner en grillant les étapes n’est jamais une bonne idée.
Entre temps, Boston a pu se reconstruire en quelques saisons seulement et, s’ils ne jouent pas réellement le titre cette année, les celtes sont désormais une place forte de l’Est, et tout cela est à mettre au crédit de Danny Ainge : responsable du trade, du recrutement de coach Brad Stevens et d’Isaiah Thomas (entre autres). Encore récemment, les Celtics, qui ont terminé premiers de la conférence Est, ont reçu le premier choix de la draft, choix qui appartenait évidemment à Brooklyn.
Du côté de Jay-Z, il y a de quoi bouder. La franchise, en misant sur le court terme, a hypothéqué son futur pour plusieurs années (Boston aura encore une fois le choix de draft de Brooklyn l’an prochain) prouvant si c’était nécessaire que le travail de GM est minutieux. Il faut connaître parfaitement le CBA (les règles de la ligue à propos des contrats, échanges etc…) et anticiper l’évolution du salary cap (ce qu’a fait Bob Myers, le General Manager de Golden State, à la perfection). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en terme de gestion, les équipes ne sont clairement pas logées à la même enseigne, il vous suffit d’en parler avec un fan de Sacramento.
La draft ou l’art d’associer talent et besoin
Même des franchises historiques comme les Lakers ont failli perdre gros au jeu des échanges de choix de draft avec des picks protégés top 3 deux années de suites qui auraient pu atterrir dans les mains de Philadelphie (si, au moment de la loterie, le pick n’avait pas été un, deux ou trois, Philadelphie l’aurait récupéré). Heureusement pour eux, la loterie a joué en leur faveur. Il n’empêche qu’à l’heure actuelle, la franchise californienne est gérée par Magic Johnson, une légende certes, mais pas forcément l’observateur au nez le plus creux pour ce qui est du talent : « Les Bucks viennent de récupérer le nouveau Jason Kidd en la personne de Michael Carter-Williams », « A tous ceux qui doutaient de Jimmer Fredette, he is the real deal » etc… Il faudra donc attendre de voir pour juger des compétences de GM de Magic.
Dans d’autres franchises, nul besoin d’attendre, Vlade Divac (Sacramento) a déjà pleinement démontré ses difficultés. Il a admis avoir accepté une offre inférieure à celle qu’il avait reçu la veille pour le transfert de Demarcus Cousins, son joueur star. Il a également drafté Willy Cauley-Stein, un jeune à potentiel, sauf que celui-ci évolue au même poste que Demarcus et n’a donc pas pu bénéficier d’un gros temps de jeu.
Il est important, même crucial pour un GM, de sélectionner intelligemment lors de la draft. A ce petit jeu, on peut souligner l’efficacité de Tim Connelly (Denver) qui a offert à l’équipe son futur franchise player en la personne de Nikola Jokic, séléctionné en 41ème position, de R.C. Buford (San Antonio), responsable de l’arrivée de Kawhi Leonard au Texas ou de John Hammond (Milwaukee) qui a choisi Giannis Antetokounmpo, Norman Powell ou encore Malcolm Brogdon. Il a également sélectionné Jimmer Fredette, mais on ne peut pas toujours avoir raison… Les exemples de choix réussis (ou atroces) sont nombreux, et il n’existe clairement pas de recette magique. Il faut choisir entre le joueur le plus talentueux disponible et celui qui conviendra le mieux à l’équipe à l’instant T, le choix est donc cornélien, on peut cependant reconnaître que certains s’en sortent en général beaucoup mieux que d’autres (choisir Bennett en numéro un, c’était pas une bonne idée).
Hinkie et la reconstruction par le chaos
D’autres GM, plutôt que d’essayer de dénicher la perle rare d’une draft, démolissent simplement l’effectif de leur franchise pour tanker et récupérer le plus de bons choix de draft possibles (n’est-ce pas monsieur Hinkie ?). En 2011-2012, Philadelphie possédait une équipe talentueuse avec Andre Iguodala, Lou Williams, Jrue Holiday, Elton Brand, Evan Turner ou encore Thaddeus Young mais, non content de participer aux playoffs sans forcément jouer les premiers rôles, l’équipe a été tout bonnement démantelée pour amasser les choix de draft. Sam Hinkie drafte Nerlens Noel, un jeune prometteur qui sera blessé toute son année rookie : 19 victoires. L’année suivante, il sélectionne un autre pivot, Joel Embiid, lui aussi blessé, pour un bilan final de 10 victoires. Les intérieurs à potentiel continuent de s’empiler mais Hinkie ne s’arrête pas là, il choisit ensuite Jahlil Okafor, toujours un pivot… Aujourd’hui, Philadelphie commence à décoller et l’équipe est réellement plaisante puisqu’elle ne manque pas de joueurs intéressants comme Dario Saric et surtout Joel Embiid (quand il n’est pas blessé). Mais cette stratégie de tanking total est clairement dommageable pour la ligue ; si toutes les équipes du « ventre-mou » suivaient cette stratégie, les playoffs seraient encore moins serrés que ceux que nous vivons actuellement et on aurait droit à une magnifique course pour le pire bilan de la ligue. Tout cela mènerait évidement à des audiences en baisse et à des salles moins remplies, et s’il y a bien un dénominateur commun en NBA, c’est l’argent.
Certaines équipes, pour leur reconstruction, optent pour une stratégie moins risquée mais plus laborieuse, c’est le cas par exemple de Utah ou Denver qui, sans jamais réellement tanker, ont assemblé pièce par pièce des effectifs compétitifs et solides. Utah a retrouvé les Playoffs cette saison alors que Denver a échoué à la 9ème place. Rappelons que Rudy Gobert a été sélectionné en 27ème position de la draft alors que Gary Harris (16ème) et Jusuf Nurkic (19ème) ont été échangés contre Doug McDermott (11ème). Il n’est pas obligatoire de tout balancer pour avoir le choix le plus haut possible, à condition de drafter intelligemment.
On ne peut pas tous avoir le flair (et la chance ?) de Danny Ainge pour réussir une reconstruction expresse, d’autant qu’il faut trouver un GM assez incompétent pour accepter un tel trade (merci Billy King). En plus de leur actuel statut de place forte de l’Est, les Celtics pourront se renforcer cet été, que ce soit en montant un trade avec leur choix de draft (pour tenter d’attirer Paul George ou Jimmy Butler par exemple) ou en ajoutant un jeune talent à l’équipe (Markelle Fultz ?). Du côté de Brooklyn, il faudra se contenter du 22ème choix alors que l’équipe manque déjà cruellement de talent.