J’avais bon espoir d’écrire sur George Eddy, convaincu de l’originalité de mes écrits. Puis le New York Times m’a fait faire un arrêt cardiaque avec un article d’une grande qualité à laquelle, en tant que journaliste amateur, je ne pouvais clairement pas prétendre…mais sachons aller au bout de nos idées.
Je souhaite parler d’un homme, d’une personne, d’une voix qui incarnait le basket mieux que quiconque. C’est, en général, lui que l’on regrette amèrement quand on entend les commentateurs de France Télévision annoncer le « rôle de doigt » de Tony Parker, ou quand ils vous expliquent pourquoi couper la diffusion d’un match de team USA aux Jeux Olympiques est de bon sens, parce qu’il y a la finale d’aquaponey dans 2 minutes.
Je ne vais pas vous refaire l’histoire, on la connaît tous. Originaire d’Orlando, ancien étudiant en criminologie (ça pourra lui servir quand il faudra faire l’autopsie des Knicks) il arrive en France dans les années 70. Puis évidemment, à la suite de sa carrière, ce sera son recrutement chez Canal Plus où il travaillera pendant presque 30 ans. Je préfère cependant vous parler de ce qui fait la différence chez George Eddy. Le ressenti en basket, c’est presque aussi important que le vécu, et George savait représenter les deux facettes.
J’ai eu la chance de rencontrer l’homme à la fin d’un match de préparation à l’Eurobasket de l’équipe de France à Nantes en 2015. Oh bien sur, une rencontre brève, rapide, le temps d’une photo et de lui dire ce que j’avais sur la conscience : le besoin de lui expliquer que sans lui, ma vie, marquée et rythmée par l’existence du basket et de la NBA, ne serait clairement pas la même. George ne manquera pas de me remercier, avec toute sa sympathie. Mais bien plus qu’une phrase de groupie, ma déclaration avait un véritable fond de réalité : le personnage, a contaminé des centaines de milliers de jeunes avec le virus du basket. Naturellement, il le sait et voici pourquoi :
The Key Man
Qu’est-ce qui a fait de Eddy un journaliste du basket unique en son genre ? Tout d’abord pour nous, vieux amateurs de la NBA des années 90, il était « the key man », le pilier du tout premier all-access d’un média français en NBA, grâce à lui, nous avons pu enfin voir sur notre télévision les Jordan, Barkley, Ewing etc avec une traduction française mais surtout une traduction sur place, en direct.
Le charisme et l’aura de George s’expliquent en effet par le fait qu’il était l’interprète des déclarations des joueurs le la ligue, des officiels comme David Stern qui ne manquait jamais de lui faire remarquer la qualité de son français, ou par exemple le narrateur des documentaires d’Ahmad Rashad, ou des fameuses cassettes de champions qu’on mangeait en boucle (et oui…sans youtube on devait s’adapter). Vous ne pouviez pas connaître la NBA sans entendre sa voix, il allait de pair avec l’ambiance d’un match. Encore aujourd’hui sur les réseaux sociaux, lorsque vous cherchez la vidéo d’un match NBA, vous avez la version originale, et souvent la « version George Eddy ».
Plus qu’un accent, plus qu’un bagage d’expressions, George transmet aussi son énergie, sa passion du sport et du basket. Mais la différence avec George, c’est que les exclamations restent figées dans le temps, au même titre que le “bang!” de Mike Breen par exemple, en même temps que les actions. Si vous pensez au dunk de Vince Carter sur Fred Weiss aux jeux olympiques de Sydney (qui lui fut rappelé durant sa dernière émission « Le Hoopcast ») vous pensez forcément au “Le dunk de ces Jeux Olympiiiiiiiques !”. George est aujourd’hui le seul et unique commentateur français dont les phrases sont associées aux grands instants de la NBA.
Le francophile
Eddy était donc le premier insider de la NBA pour la France, mais sa singularité réside aussi dans sa francophilie. Car George est aussi un vrai frenchy. S’il garde avec tout son professionnalisme, un sens de la neutralité lorsqu’il est question de commenter la ligue américaine, si c’est en revanche les bleus qui jouent, il n’hésitera pas à arborer sa casquette bleu blanc rouge sur la tête. Lorsque Tony Parker rate un lancer décisif face à la Russie à l’Eurobasket 2007, après une défaite déjà frustrante au match précédent, George enrage : « c’est pas vrai, c’est pas vrai, C’EST PAS VRAI ! FAIT CHIER ! ». Une frustration qui ne manque pas de révéler un journaliste particulièrement dévoué aux bleus, mais qui lui vaudra une brève prise de tête avec Parker en direct peu après.
France-Russie, la frustration de George : https://www.youtube.com/watch?v=6qiOWjvaQrE
Un vrai basketteur
Le floridien est aussi un authentique joueur de basket, avec une vraie carrière derrière lui, en professionnel, dans plusieurs clubs français, en joueur et en entraîneur. Ça semble logique dit comme ça, et pourtant, rares ont été les commentateurs du basket diffusé en France qui avaient un vrai background “basketballistique” à son époque. Evidemment aujourd’hui les choses ont changé, mais il ne faut donc en aucun cas sous-estimer son talent ! Les spectateurs du All Star Game français de 2006 à Bercy sont probablement encore sous le choc d’avoir vu George réaliser un sans faute au skills challenge dont un shoot de la ligne médiane en toute sérénité après avoir enchaîné quelques dribbles dans le dos. Il assurait pourtant aux public que cette épreuve les forcerait à « le ramasser à la petite cuillère ». Mais ce sont ce genre d’images qui ne font que renforcer l’idée que l’homme sait ce qu’il fait et de quoi il parle.
George au skills challenge : https://www.youtube.com/watch?v=7OlZ2Fbw2Pk
Le flair et l’expertise du professeur
Comment voulez vous remettre en cause la qualité de ses connaissances de la NBA quand en 1998 lors du All Star Game, Eddy prophétise : « avec Kobe, je vois bien les Lakers gagner cinq ou six titres d’ici 2010 » oh George…si tu savais… (ps : en voyant Donald Trump dans la salle, tu déclares également : « Il paraît qu’il va tout vendre », restons-en au basket, shall we George ?)
Mais bien entendu, Eddy était aussi le professeur, son expertise était une source d’enseignement, d’abord pour comprendre le fonctionnement de la NBA que nous, européens, avions parfois besoin de mieux appréhender, tant la manière d’aimer un sport peut avoir ses différences outre-Atlantique. Ensuite c’était une parole qui nous introduisait à l’histoire de la ligue, approfondissait nos connaissances de la pratique du basket et en définitive, nous apprenait à mieux le jouer, en regardant, en observant, et en appréciant la tactique et les fondamentaux du basket.
Un travail dans la durée
Alors que la NBA devenait de plus en plus accessible, la présence de George dans les différents supports s’est multipliée : dans des émissions comme le fameux Eddy-time, dans les pubs comme NBA by Dia, les blogs, ou même une série d’Eric et Ramzy « Moot-Moot » dans laquelle George fait la voix d’un personnage et enfin, à notre grand plaisir il retrouve son vieux partenaire Eric Besnard dans les commentaires du jeu NBA Live.
Mais petit à petit, George nous semblait de moins en moins visible, exerçait plus partiellement, sur d’autres chaînes du groupe Canal, commentant d’autres championnats que la NBA. Certains fans pensaient même qu’allait finalement passer à autre chose, il n’en fut rien évidemment. Après l’arrivée de BeIn Sports, qui rapidement aspirait tout journaliste en vue sur le marché, les purges de Canal Plus qui aboutissaient à la fin de la NBA diffusée sur la chaîne -un choc pour beaucoup de fans-, Mister Badaboum nous montrait toujours qu’il savait ce qu’il faisait en refusant notamment de rejoindre le groupe médiatique qatari. Le jordanesque journaliste continuait non seulement de commenter en France, mais aussi en Europe et pendant les compétitions internationales.
Puis ce fut le Hoopcast du site Basket USA, qui recruta le grand chef. L’émission cherchant à combler les départs de Thomas Dufand et Erwan Abautret, le Hoopcast parvint à réaliser un recrutement de luxe avec Jérémy Lebescon et donc George Eddy. Depuis, sa voix se porte de nouveau sur l’actualité de la NBA, dans un show hebdomadaire dans lequel il ne manque pas de continuer à prouver ses connaissances et son expertise de plus en plus précieuse dans une époque où les débats sont de moins en moins rationnels. Enfin, il n’oublie pas ses capacités à répandre le virus du basket sur tous les territoires, et depuis quelque temps, s’engage dans la diffusion du basket et de la NBA sur le marché africain.
Tout a été déjà dit depuis des années sur George Eddy. Il serait bien arrogant de prétendre révéler quoi que ce soit sur lui aujourd’hui. Chez QI Basket, nous aimons cependant écrire avec notre cœur, et nous parlons de ce qui nous a amené à nous associer pour parler de basket et de NBA. Et il est clair que la patte du journaliste est présente dans notre ADN d’amateurs de ce sport aujourd’hui.
George Eddy, c’est un peu comme Michael Jordan : on sait qu’il n’y en aura qu’un. Aussi, il n’est pas inutile parfois d’exprimer un ressenti, un vécu commun, un témoignage unique des premiers âges de la NBA en France que nous ne revivrons jamais.
Ainsi, et pour conclure, si l’on devait résumer George en un mot, ce serait simplement « merci ». Et en le rencontrant, c’est ce que j’ai voulu lui dire,
Merci George Eddy.
Tancrède ADNOT – QI Basket