Alors qu’un second tour de draft est tranquillement en train de se muer en Franchise Player à Denver, le joueur sur lequel la franchise avait bâti le plus d’espoir, ou avait tout du moins drafté le plus haut, vient de vivre une seconde saison NBA pire que la première. Alors qu’il avait terminé sa première saison avec le pire PER de la ligue pour un joueur à plus de 30 minutes/matchs (9,96), il fait à peine mieux cette année (10,95), mais avec un rôle réduit en seconde partie d’exercice. Alors que Murray semble avoir un avenir solide et pourrait prendre le poste 1 en la présence de Nikola Jokic, alors que Gary Harris impressionne un peu plus à chaque match, beaucoup aimeraient le départ de Mudiay à la manière de Nurkic, échangé en cours de saison contre Mason Plumlee. Mais le meneur de 21 ans est-il déjà fini pour le haut niveau ? Est-ce que tout espoir est perdu ?
A vrai dire, dès le début certains points effrayaient. Un manque cruel de régularité au tir, avec une mécanique de shoot des plus imparfaites, une capacité à perdre des balles qui ferait pâlir Russel Westbrook et James Harden… Mais sans l’efficacité qui va avec. Enfin, un Qi Basket inquiétant lorsqu’il s’agissait de gérer le tempo de l’équipe ou de réagir sous pression, ce à quoi il préférait pénétrer dans la raquette, profitant de ses capacités physiques énormes, celle d’un jeune meneur athlétique, plus grand que la moyenne sur son poste (1m96). Ainsi, en mi-décembre, il était le 12eme pire ratio passe décisives/pertes de balles, et ne semblait pas avoir progressé depuis l’exercice précédent – pire, il paraissait même régresser en comparaison au mieux affiché fin 2016.
Mais il n’était pas le seul à souffrir du côté des Nuggets. Jusuf Nurkic qui avait montré des flash de l’étendu son talent depuis sa draft en 2014, semblait complètement perdu dans le jeu. C’est Jokic qui, replacé au poste 4 se sacrifiait et retournait sur le banc, mais les résultats de l’équipe n’en étaient que plus désastreux. Finalement, en Janvier, coach Malone réagit et sort complètement de la rotation le meneur et le pivot Bosniaque. Alors que l’équipe se transformait, Mudiay ne voyait le terrain que par brefs passages et ne revenait finalement qu’en raison de blessures de Jameer Nelson – le vétéran ayant été intronisé titulaire pour sauver une saison bien morne jusqu’à début janvier.
Mais voilà, si l’équipe a retrouvé des couleurs sans lui, la franchise doit-elle faire une croix définitive sur son meneur ? Doit-elle crucifier l’avenir de son jeune guard en l’envoyant où la contrepartie sera la plus intéressante, quitte à passer à côté de quelque chose ? Finalement, tout les torts lui sont-ils imputables, ou doit-on relativiser sa contre-performance ?
Comme on l’a un petit peu abordé au-dessus, Emmanuel Mudiay possède des qualités physiques qui le place dans le haut du panier à son poste, il est donc résolument orienté vers l’intérieur dans son jeu et a d’ailleurs une vraie qualité de finition près du cercle, même lorsqu’il est en déséquilibre. En étant un peu réducteur, c’est essentiellement dans cet aspect du jeu qu’il peut faire la différence. Or, la présence de Nurkic n’était clairement pas une bonne chose pour l’un comme pour l’autre. Regardons de plus prêt… Mudiay a joué 1407 minutes cette année. 501 aux côtés de Nurkic. Sur ces minutes 501, il affiche un ratio offensif de 96,5 points sur 100 possessions, et un différentiel de -19,1 points inscrits que l’adversaire. Dur.
En revanche, sur 906 minutes jouées sans Nurkic, il affiche un ratio beaucoup plus sain de +3, et un ratio de 117,5 points/100 possessions.
Saisissant hein ? Du coup, Mudiay a-t-il été un poison, ou est-ce que l’association proposée par Mike Malone était un désastre ?
Si l’on regarde de plus prêt, on peut dire que Nurkic est un pivot à l’ancienne, qui est ancré près du cercle, et Mudiay un meneur qui repose avant tout sur sa capacité à attaquer le cercle. En plus, le jeu des Nuggets en la présence de Nurkic reposait sur l’ajout d’un autre pivot de métier (Jokic), ou d’un Ailier Fort frustre et sans shoot (Faried), ou d’un joueur capable d’écarter… mais loin du standard des vrais shooteurs poste 4 à la Ryan Anderson (Darrell Arthur). Autrement dit, le début de saison de Denver a été marqué par 3 joueurs qui par leurs qualités étaient forcément amenés à se marcher dessus. Et oui, du coup, Mudiay était obligé de fuir la raquette, sous peine d’être gêné par les défenseurs de ses coéquipiers, et, devait donc s’appuyer sur son tir à mi-distance, parfois en sortie de dribble… Et ça, ça pique.
Du coup, ces combinaisons mettaient en exergue toutes ses faiblesses, et difficile de s’empêcher de pester après le jeune meneur. Et même les situations de Pick&Roll devenaient un désastre puisqu’une fois le décalage créé, il ne pouvait pas décaler pour ses intérieurs qui étaient obligés de s’écarter de la raquette… Sans shoot ! Bref, difficile de faire fonctionner l’option Emmanuel dans ces conditions.
En revanche, lorsqu’il est placé avec Jokic et un 3/4 comme Chandler, Gallinari ou Hernangomez (au poste d’ailier fort), les choses changent. En fait, elles changent même lorsque Faried est là, et que Jokic est 5. Si cela peut paraître bizarre, creusons un petit peu. Du coup, sur le temps où il est associé à Jokic sur la saison, soit 540 minutes, ça donne quoi ? Bah autant vous le dire, on voit le jeune meneur sous un autre jour en lisant ceci. Voyez vous-même.
125. 125 points pour 100 possessions ! La meilleure attaque de la ligne met 113,4 points sur autant de possessions et possède Stephen Curry, Klay Thompson et Kevin Durant entre autre chose. Donc autant vous dire, on passe à travers le plafond. Pourquoi ? Car comme je l’avais écrit dans un article consacré à Jokic sa présence change le jeu de son équipe. Le pivot est un point-center, c’est à dire qu’il créé le jeu pour son équipe et pour cela il joue poste haut, il déserte donc la raquette. Du coup, grâce à sa vitesse, sa faculté à éliminer la première ligne de défense, puis à finir, y compris avec contact, Mudiay devient une arme de premier choix lorsque le Serbe dirige le jeu.
Et de fait, même Faried peut cohabiter avec Jokic et Mudiay puisque sa mobilité pour un intérieur lui permet de réaliser des coupes en partant de loin, à la manière des autres extérieurs (Harris, Chandler, Murray et Mudiaypour ne citer qu’eux).
Bien sûr, on peut nuancer un petit peu la chose, puisque tous les joueurs de la franchise sont bons aux côtés de Jokic. C’est également le cas pour Nelson et Murray. On peut aussi ajouter que la franchise encaisse toujours beaucoup de points sur 100 possession en la présence de Mudiay. Effectivement, il n’est pas un défenseur d’élite, et la franchise en général peine de ce côté du terrain. Toutefois, si il a un différentiel positif, on ne peut plus pleinement accuser le meneur d’être un poids – surtout qu’il n’a pas le toupet de monopoliser la balle lorsque le pivot est sur le terrain, ce qui pourrait être le réflexe d’un meneur égoïste et non discipliné. Surtout lorsque l’on sait que sa sélection de tir, et sa réputation de s’entêter même lorsque cela ne rentre pas, n’est pas usurpée. Mudiay est donc capable de laisser la gonfle pour le bien de l’équipe !
Pour autant, il semblerait que Denver ait trouvé 2 pivots qui réponde au besoin du meneur d’attaquer le cercle. Que ce soit Jokic, ou Plumlee, tous deux savent libérer l’espace, et ce match contre OKC (qui par ailleurs a scellé leur saison), avait été un véritable numéro de Mudiay qui a maintenu les Nuggets devant grâce à son impact au scoring. Parce que non seulement, ils savent libérer le cercle, mais même lorsqu’il l’attaque, leur capacité à ressortir la balle proprement permet à Mudiay de posséder beaucoup plus d’espaces pour créer des décalages.
Par conséquent, Mudiay peut être efficace, si on le met avec les bons joueurs. Autant dire que ce constat est plus le résultat des faiblesses qu’il doit combler, et en l’état, il y a du boulot, mais du coup cela fait de lui un bon role player. Il n’est certes pas encore, et ne sera peut être jamais le titulaire en puissance que l’on nous promettait à sa draft. Toutefois, il va devoir améliorer sa gestion du jeu, continuer à construire sur son tir en catch-and-shoot, qui est honorable 36,1% derrière la ligne à 3 points, essayer de travailler sur son tir en sortie de dribble, ou apprendre au moins à en user. De même, contre toute attente, il doit travailler sur son jeu balle en main, puisque ses qualités athlétiques sont beaucoup plus visible lorsqu’il coupe vers le cercle pour obtenir une passe d’un coéquipier que lorsqu’il manie la balle. Et en dépit de sa capacité à finir près du cercle, il se doit d’améliorer sa finition puisqu’il rate encore trop de “paniers faciles”. Il ne tourne qu’à 49,% ce qui est faible pour quelqu’un dont c’est la faculté principale.
Bref, plutôt que de l’échanger, les Nuggets devraient chercher à le faire travailler sur ses faiblesses, et le mettre dans de meilleures conditions pour réussir. Peut-être que Nurkic a fait tout son possible pour partir, mais il n’empêche que c’est un énorme talent que la franchise a donné, et il l’a prouvé dès son départ pour les Portland Trail Blazers. Il vaut parfois mieux laisser partir un joueur plutôt que de pourrir un vestiaire, mais il semblerait que Mudiay fasse preuve d’un comportement exemplaire, et il reste très jeune et donc peut encore exploser en NBA. Laissez le temps au temps pourrait être la meilleure option, quitte à devoir s’adapter aux caractéristiques d’un joueur supposé étudier celle des autres. Tant pis, Denver ne joue pas le titre, mieux vaut encore expérimenter.