JÉRÉMY PEGLION / FONDATEUR QI BASKET
C’est un comble que va vivre la franchise de Brooklyn cet été. Un comble assez rare puisque malgré leur rang de bon dernier de la ligue, les Nets se retrouveront sans choix dans le haut de la draft. Au cas où vous découvririez la NBA, ou sortiriez de plusieurs années d’hibernations, ce fameux Graal appelé choix de draft, qui vous permet de vous remettre sur les rails en sélectionnant, lorsque vous êtes dans les bas fonds de la ligue, un jeune prospect issue de contrées lointaines, ou du système universitaire Américain (sans contre-partie autre que votre médiocrité !), dans les tous premiers. Malheureusement, ce choix de draft, comme les précédents, est parti à Boston en échange de Paul Pierce et Kevin Garnett déjà vieillissants à l’époque, pour un résultat bien en deçà des ambitions affichées.
Toutefois, loin ici l’idée de refaire l’histoire, ce qui est fait est fait, et la seule relique de ce bide qui rentrera certainement dans les annales, se nomme Brook Lopez et est probablement le seul joueur de l’effectif avec une vraie valeur de premier plan dans le cercle NBA.
A l’heure actuelle, l’effectif des Nets est une sorte de laboratoire qui sert à tester des joueurs, dans le but d’aider à reconstruire une franchise, qui se retrouve perdue dans les méandres de la NBA, sans choix de draft pour récupérer des joueurs de premiers plan, sans véritables joueurs de premier ordre autour duquel construire, et de ce fait, sans aucune attractivité pour signer des agents libres. Si cela peut paraître un résumé un peu bref et brutal, il n’en reste pas moins extrêmement vrai, et suffisamment simple pour planter le décor que le nouveau General Manager, Sean Marks, doit affronter depuis sa prise de pouvoir.
Arrivé l’été dernier pour mettre fin à une gestion catastrophique, l’ancien pensionnaire de la maison Spurs, a pour mission de commencer à réassembler les pièces qui permettront alors à Brooklyn de décoller lorsque l’aube apparaîtra. Justement, cette nouvelle ère, qui se caractérise comme vous l’aurez deviné par la reprise du contrôle de leur destinée, et donc par la possession de choix de draft, quand arrivera-t-elle ? Hé bien pas tout de suite, puisque sauf miracle, leur premier choix de draft 2018 est lui aussi promis à Boston. Ce qui veut dire que sauf un échange qui paraît complètement improbable, le seul moyen qu’aura la franchise pour récupérer des prospects de haut vol sera d’échanger Brook Lopez, ce qui ne sera pas chose facile tant les choix de drafts prennent une valeur abusive dans le nouvel accord NBA.
Pourquoi ? Parce qu’avec la hausse brutale des salaires, les contrats rookies dont la rémunération est faible deviennent une véritable mine d’or, et que la sélection de jeunes potentiels reste toujours un moyen certains pour débuter un nouveau cycle.
Du coup, que peuvent faire les Nets à court termes pour inverser le cours de leur destinée, et affronter des saisons qui sur le papier, soyons honnête, s’annoncent nauséabondes pour les fans ?
La draft dans les années à venir
Histoire de continuer et de clôturer avec cette histoire de draft, nous allons faire un petit bilan de la situation des Nets sur les années à venir, afin de dégrossir quelles sont, et pourraient être leurs options.
La prochaine cuvée est donc 2017. Si comme nous l’avons déjà dit, Boston aura la main sur leur avenir et devrait donc s’emparer de ce choix très haut placé, Brooklyn pourra tout de même sélectionner quelques joueurs. En effet, l’autre franchise de New-York n’a pas donna sans retour son choix de draft, puisqu’elle a négocié un droit de swap (échange) accordé aux Celtic’s de leur choix. Autrement dit, Danny Ainge, le General Manager de la maison verte, aura la possibilité d’intervertir son pick avec celui des Nets. Actuellement premiers à l’Est, ils effectueront sans l’once d’un doute cet échange et Brooklyn devrait donc sélectionner en fin de 1er tour. Outre cet échange, les Nets se sont adjugés le choix de Washington en tradant Bojan Bogdanovic, et possèdera donc également celui des Wizards figurant eux à la 4eme place de la conférence Est. Là encore, le choix sera bas dans le 1er tour, mais en effectuant un bon scouting, ces 2 choix de draft pourraient être un plus pour construire l’avenir.
Enfin, les Nets possèderont également le premier choix du second tour de Boston. Une très faible de chance d’obtenir un joueur aux standards NBA, puisque ce dernier devrait se retrouver à la toute fin (après la 50ème place). Une maigre consolation, même si dans de rares cas, on trouve de futurs gros joueurs dans les seconds tours (Isaiah Thomas, Nikola Jokic, Paul Millsap, Monta Ellis…).
Qu’attendre de cette draft ?
Brooklyn est dans une situation où, personne n’est indispensable et de ce fait rien n’est figé. Même Brook Lopez qui est le seul joueur vraiment visible en NBA pourrait partir ou voir un joueur débarquer à son poste. Autrement dit, s’il est encore trop tôt pour avoir une visibilité sur quels joueurs la franchise pourrait sélectionner, on peut d’or-et-déjà affirmer que la stratégie sera de prendre le meilleur joueur disponible pour cet exercice 2017, et non d’essayer de garnir pour compléter son 5.
Dans cette dynamique, malheureusement, 2018 restera. Parce qu’une fois de plus, Brooklyn sera dépossédé de ses droits en faveur d’une équipe de Boston qui pourra librement jouer sa saison régulière, pendant que les Nets devraient continuer à lutter pour arracher quelques victoires. Cette lutte pourrait s’avérer encore plus complexe, à l’heure où le contrat de Brook Lopez sera arrivé à expiration. La franchise essaiera probablement de l’échanger en cours d’exercice s’il n’est pas déjà parti, pour glaner quelque chose en contrepartie. Là encore, l’optique le soir de la draft sera probablement de drafter le joueur le plus talentueux possible.
Toutefois, cette dernière année de disette permettra de se lancer en vue de 2019, 2020… Parce que cette période sera marquée par la reprise de la souverraineté de son destin pour une franchise de Brooklyn qui pourra à nouveau maîtriser ses choix de draft. Dès lors, on comprend que, si elle cherchera à assembler des pièces, l’objectif ne sera pas la compétitivité à court termes, voire à moyen termes.
Cela n’empêchera pas les Nets de tenter d’attirer des joueurs, peuvent-ils ?
Situation financière
Comme l’atteste ce tableau par hispanosnba.com, la franchise des Nets a complètement épurée sa masse salariale. Flirtant avec le salary floor cette saison, et avec plus de 30M de disponibles en vue de la free agency 2017 (moins les prospects sélectionnés), elle a de quoi investir sur le marché. A fortiori que Brook Lopez, malgré un attachement affiché à Brooklyn, est à contre-courant d’un groupe incapable de gagner et pourrait être échangé par peur de le perdre sans retour aucun à l’été 2018. Le conserver avec son accord serait logique pour Sean Marks qui, après-tout vient de la maison Spurs qui soigne ses rapports avec ses joueurs. Néanmoins, on ne peut pas omettre le risque qu’un joueur qui surnage dans un groupe sans ambition à court termes puisse décider d’apporter ses talents ailleurs. S’il partait aussi, la franchise serait dans l’obligation d’utiliser son argent (déjà sur le plan légal), mais surtout pour récupérer des jeunes capables de se développer, en mettant en difficultés des franchises montantes qui souhaitent faire des économies.
Alors que tenter ?
L’été dernier, Sean Marks avait mis la pression sur Pat Riley (Heat) et Neil Olshey (Blazers) en tentant d’arracher respectivement Tyler Johnson et Allen Crabbe à leurs franchises. Si les montants pouvaient paraître absolument exorbitants, et il l’était pour Miami et Portland, la logique était en faveur de Sean Marks qui n’a pas besoin de ce cash pour viser un objectif de haut de classement.
Probablement qu’à l’heure actuelle, le GM a quelques cibles, et on peut imaginer que parmi celles-ci se trouvent quelques jeunes joueurs. Le premier, pourrait être Kentavious Cadwell-Pope. Bien que les Pistons possèderont les droits sur le joueur, ils ne semblaient pas parfaitement enclins à lui donner un contrat maximum, chose que les Nets seront prêts à faire pour obtenir un joueur avec un certain calibre. Toujours sur le poste d’arrière, ils pourraient être tentés de proposer un contrat à Tim Hardaway Jr. Alors que ce dernier semble trouver son mojo du côté d’Atlanta, la franchise pourrait être plus pingre que Brooklyn au moment des négociations. Lorsque vous avez vécu un parcours en dent de scie comme ce dernier, vous pouvez être tenté de remercier ceux qui vous ont donné une nouvelle chance, tout comme vous pouvez décider d’assurer votre avenir financier en acceptant un gros chèque dans une franchise beaucoup moins compétitive. Difficile de trouver le juste sur-paiement pour Hardaway Jr, toutefois, puisqu’il est beaucoup moins prometteur que KCP.
Sur le poste d’ailier, il y aura aussi pléthore de talents susceptibles de bouger : Gordon Hayward, Danilo Gallinari, Otto Porter, Rudy Gay, Robert Covington ou encore Shabazz Muhammad. Si les vétérans que sont Hayward, Gallinari et Rudy Gay ne seront pas intéressés quant à l’idée de s’enterrer à Brooklyn, d’autres paris devraient être tentés. Le plus probable semble être Shabazz Muhammad, et pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce que contrairement à Porter, il n’est pas dans une équipe d’or-et-déjà compétitive, et contrairement à Covington il n’est d’une part pas dans une équipe qui a de l’espace sous le cap à revendre, et d’autre part il n’a pas montré l’essentiel de son potentiel dans sa franchise actuelle. Barré par ses coéquipiers, Muhammad pourrait décider de faire ses valises contre un chèque important, et il me semble tout à fait probable que les Timberwolves ne s’alignent pas sur la proposition des Nets. Surtout avec la jurisprudence que représente Allen Crabbe, au regard de sa faible saison, suite aux 19M investis par les Blazers.
Les Ailiers forts seront moins nombreux à intéresser Sean Marks. Il existe toutefois la piste JaMychal Green, du côté de Memphis. Véritable homme à tout faire, même s’il ne brille pas par les statistiques, le néo-GM pourrait exploiter la situation périlleuse dans laquelle se sont plongés les Grizzlies en prolongeant Mike Conley à prix d’or, en arrachant Chandler Parsons en vain à Dallas et les contrats déjà en place comme celui de Marc Gasol. Difficile dans ces conditions, là encore, de prendre le risque de la luxury tax si Brooklyn venait à faire une offre indécente.
Enfin, au poste de pivot, difficile de voir la moindre piste, dans la mesure où Brook Lopez est toujours là, et qu’il semble complexe de titiller Dallas pour Nerlens Noël, ou Phoenix pour Alex Len.
Sur le marché NBA, les moyens de s’améliorer se situeront donc sur les postes 2-3-4. Il existe toutefois une autre possibilité pour progresser, un bon scouting International.
Le scouting International
Il y a quelques jours, nous apprenions que les recruteurs des Nets avaient rencontrés plus de 15 équipes Européennes pour dénicher des talents potentiels. Chercher des talents à l’étranger est devenu de plus en plus tendance au fur et à mesure que ce recrutement international faisait le succès des Spurs.
Ainsi, les Nets vont très certainement surexploiter ce filon dans la mesure où ils n’ont rien à perdre à tenter des paris, même s’ils paraissent improbables. Mais avant d’en arriver là, on peut s’attendre à voir la franchise se positionner sur le cas Milos Teodosic, à l’heure où le prodige Serbe, bien que trop peu athlétique pour la NBA a assuré vouloir rejoindre la grande ligue, mais uniquement s’il avait un rôle majeur. Une problématique que les Lakers ont pu expérimenter l’an passé avec Yi Jianlian, parti car son rôle ne lui convenait pas – à la différence que Teodosic risque de refuser de s’engager dans une équipe sans réelles sans ambitions de classement.
Cette option sera en tout cas, une piste fondamentale pour construire un groupe dans son optique.
Mais que ce soit sur le marché des agents libres, ou en termes de scouting, quels sont les atouts des Brooklyn Nets ?
Comme on l’a déjà dit, le projet est long-termiste, la compétitivité jusque là est difficilement imaginable, et Brook Lopez seul joueur qui pourrait s’approcher du calibre All-Star pourrait partir à tout moment.
Toutefois, comme suggéré précédemment, la franchise possède des atouts. Tout d’abord, ce sera un excellent centre de formation pour les jeunes joueurs, qui pourront bénéficier d’une véritable émulation dans la mesure où tout les postes sont à prendre. En outre, ils offrent une véritable opportunité à des joueurs qui veulent se montrer, voire se pensent capables de devenir la première option d’une franchise, de prendre ce rôle. Une opportunité énorme, donc surtout qu’elle promet un salaire sans pareille puisque la franchise promet de ne payer que sur le potentiel, en l’état.
Quoi qu’il en soit, si les Nets auront probablement l’opportunité de faire bouger les choses cet été, tant en raison de leur position de banque de la ligue, qu’en vertu de leur statut de lanterne rouge qui leur permet de prendre des risques avec des joueurs, sans peur de mauvais résultats. Patience sera mère de vertu, pour les fans de la franchises, en espérant qu’ils aient des jeunes prospects intéressants à suivre dans leur évolution, et que les prises de risques en termes de contrats permette d’obtenir des jeunes talents, à l’inverse de l’été dernier.