JÉRÉMY PEGLION / FONDATEUR QI BASKET
Au sortir d’un All-Star Week qui laissait un goût amer de déception, entre un concours de dunk qui faisait pâle figure et un All-Star Game toujours plus caricatural, la NBA pouvait avoir l’impression d’avoir un peu raté le tournant, loin de l’explosion d’enthousiasme qu’avait laissé le Dunk Contest 2016. Oui, mais voilà, la NBA ne se repose que rarement, et elle nous permet donc de patienter en cette semaine de vacances pour les athlètes de la grande ligue, avec une bonne grosse clôture de la période des transferts au 23 février. En cette période où le spectacle est assuré par les dirigeants NBA, ce sont Vlade Divac (General Manager des Kings) et Dell Demps (General Manager des Pelicans), qui se sont portés volontaires pour épicer la clôture du All-Star Week.
Alors que DeMarcus Cousins répondait aux questions des journalistes, l’interrogeant alors sur son ressenti concernant les festivités en cours, son agent le coupe, lui parle à l’oreille. “Oh really ?” seront les seuls mots du pivot de Sacramento avant de reprendre après une seconde d’absence un discours lissé sur sa chance de participer à la grande fête de la NBA. Pourtant, cette seconde dans le vague n’est pas anodine. Il vient d’apprendre qu’il n’a pas besoin de repartir de la Nouvelle-Orléans, organisatrice de l’évènement. Oui, DMC a été échangé aux Pelicans, en compagnie d’Omri Casspi tandis que Buddy Hield, Tyreke Evans, Langston Galloway, leur 1er TDD 2017 (protégé top 3) et leur 2nd TDD font le sens inverse.
Ce transfert de l’enfant terrible des Kings n’a rien d’une surprise dans le mesure où ce dernier a squatté les rumeurs des années durant. En revanche, si l’échange a fait l’effet d’une bombe, c’est que tous s’attendaient à une contre-partie beaucoup plus importante dans la mesure où son contrat n’était pas expirant, mais aussi car peu voyaient les Pelicans tenir la corde, surtout pour l’associer à un autre intérieur dominant : Anthony Davis.
De ce fait, nous pouvons nous poser une série de questions, concernant cet échange, et évidemment chercher à décrypter ce que pourrait signifier ce dernier pour les deux franchises impliquées.
Pourquoi New-Orleans a remporté les enchères ?
Lorsque l’on annonçait des rumeurs concernant le pivot, peu attendaient voir la franchise d’Unibrow se placer sur le dossier, alors qu’a-t-il pu se passer ?
Tout d’abord, on peut imaginer que des franchises mieux placées ont pu être nombreuses à passer leur tour. En effet, DMC est connu pour être l’une des têtes dures de la ligue. Craint pour ses sautes d’humeurs tant sur le terrain qu’en coulisse, le caractère difficile du joueur, ainsi que son absence totale de résultats collectifs depuis son arrivée en NBA (0 match en post-saison) ont pu faire douter certains GMs. L’autre raison qui a pu détourner certaines équipes : la frilosité. On sait que construire un effectif est compliqué dans la ligue Américaine – aussi, on peut imaginer que plusieurs dirigeants se sont détournés du pivot en raison des attentes élevées en TDD ou en jeunes joueurs. Si DMC a tout d’un joueur de haut vol à même de changer une franchise, statut extrêmement précieux, son incapacité à traduire sa domination statistique par des victoires régulières ont pu faire réfléchir certains managers au moment de lâcher des jeunes considérés “à potentiel”. On pense notamment aux Lakers, qui, selon les rumeurs auraient refusés d’ajouter Ingram à la contre-partie proposée.
A l’inverse, les Pelicans qui possèdent déjà un franchise player, et beaucoup de pièces de valeur moindre comparées au taulier de l’équipe, n’ont pas hésité à donner tours de draft et un jeune prospect pour se mettre en situation unique de devenir attractifs.
Quelle situation contractuelle pour DMC ?
Il y a quelques jours encore, Vlade Divac, probablement toujours en tractation avec le propriétaire, farouchement opposé au transfert de son pivot, se devait de soutenir dans la presse qu’il ne partirait pas, et qu’ils étaient prêts à lui offrir un contrat de 210 Millions sur 5 ans en 2018, en vertu de la Designated Veteran Player Exception.
Une situation qui devait pousser la franchise à considérer que l’avenir avec son joueur n’irait nulle part. Du coup, l’échange change significativement la donne, puisque pour obtenir un tel montant DeMarcus Cousins se devait de rester dans la franchise qui l’a sélectionnée le soir de sa draft. De ce fait, il ne pourra négocier que 4 ans de contrat en 2018, puisqu’il a déjà annoncé qu’il ne resignerait avec aucune équipe avant d’avoir pu étudier ses options dans 1 an et demi. Cette période devra donc s’avérer pleine de promesse, de part et d’autre pour que le bail de Cousins à New-Orleans dure plus qu’une saison et demi.
Quelle suite pour les Pelicans ?
Avec 3 départs majeurs (2 arrières, 1 ailier), légèrement compensés par la présence d’Omri Casspi aux côtés du pivot, le premier objectif pour la franchise de Louisianne sera de chiper la place de 8eme aux équipes qui la devance (Dallas, Portland et Denver), une mission qui si elle semble à la portée du trio Holiday – AD – DMC, pourrait bien demander quelques ajustements. En effet, la franchise a été dépouillée à l’extérieur, et renforcer d’un titulaire dans la raquette. La première conséquence, sera un retour sur le post 4 pour Anthony Davis, après avoir été décalé en tant que pivot. L’autre, voire les autres, seraient probablement une tentative expresse pour les Pelicans de rééquilibrer leur équipe sur les postes extérieurs. Avec le trio suscité, accompagné de Solomon Hill à l’aile, il reste toujours un poste d’arrière assez désertique. Dans le but de se renforcer, un 3&D serait le bienvenu, mais surtout, l’urgence pour New-Orleans sera de tenter de se débarrasser d’un de ses intérieurs, afin de libérer de l’espace pour l’avenir. L’idéal pour la franchise : échanger Omer Asik, qui en plus de ses 11M/an pour encore 2 ans, ne pèse rien sur le jeu de son équipe. Cependant, peu de franchises devraient se bousculer pour obtenir les faveurs du pivot Turc, et donc, Alexis Ajinca et/ou Terrence Jones pourtant satisfaisant seront des pièces plus facilement transférables pour Dell Demps.
Si l’objectif pour la saison, est d’arracher une place en Playoffs, ceci ne doit être qu’une mise en bouche en vue de l’exercice 2017-2018, qui permettra de bénéficier du duo sur une saison entière. Le but des Pelicans doit donc être de renforcer la franchise avec cet objectif en tête. En l’état, la somme virtuelle des contrats devrait se situer autour des 88M, ce qui laisse donc 14M de marge à l’équipe pour recruter.
Oui, mais en fait… Non. Non car une pièce clé (Jrue Holiday) est en fin de contrat cet été et devra être prolongée. De fait, à moins qu’un autre échange d’envergure l’impliquant, lui et d’autres coéquipiers pour une pièce signée à long terme (Goran Dragic ?), les Pelicans risquent de devoir le prolonger, et, compte tenu de son impact et de ses statistiques cette année, l’addition pourrait être salée et gêner la franchise dans sa course à l’armement. Dès lors, si le duo AD/DMC est plein de promesses (malgré une crainte de voir les 2 intérieurs se marcher dessus), on ne peut se cacher que la tâche du GM est loin d’être aisée.
Quelle suite pour les Kings ?
Si les Kings semblaient avoir trouvé la perle rare avec DeMarcus Cousins, celle sur laquelle vous bâtissez votre empire, il va sans dire que la reconstruction autour du joueur a été un échec incommensurable. Le pivot a, pourrait-on dire été une clé de voûte trop fragile pour fonder des bases saines. Bien sûr, ce serait voir le verre à moitié de vide de ne pas signaler la gestion chaotique de la franchise depuis son arrivé, dont le staff a enchaîné choix de draft chaotiques, instabilité au coaching, et prolongations hasardeuses. Au lieu de fonder un empire, les Kings de Sacramento ont transformé leur potentiel royaume en futur désert.
Voilà donc que, presque 7 années après sa sélection, DMC fait ses valises. En échange, 2 TDD, un jeune prospect, un role player et un contrat expirant, lui même ancien pensionnaire malheureux de la franchise. En montant cet échange, Vlade Divac décide de se lancer dans une nouvelle longue reconstruction. De ce fait, nous pouvons probablement attendre de longues années de vide, et à plus court terme, une série d’échanges pour dilapider le reste de vétérans qui se mettraient sur la voie du tanking ouvert par le départ du pivot. En conséquence, seuls Buddy Hield, Skal Labissiere et Willie Cauley-Stein semblent intouchables, tandis que le reste de l’effectif devrait, lui, est éligible à un départ dès que l’opportunité approchera (notamment dans les jours à venir). En effet, étant donné que leur tour de draft ira à Chicago s’il n’est pas dans le top 10, les Kings se doivent de perdre expressément, et ce afin de le conserver, même si à ce moment, les Sixers auront le choix de l’échanger avec le leur.
Pour réussir cette mission, Darren Collison, Aaron Afflalo, Ben Mclemore et autres Kosta Koufos devraient probablement faire leur valises si offre intéressante, et ce alors que la franchise va devoir couper Matt Barnes, pourtant irréprochable, pour rendre le trade entre les 2 équipes viable. L’objectif de ces échanges sera évidemment des tours de draft, mais la franchise pourra se contenter de jeunes prospects qui n’ont encore rien prouvés, ou de contrats expirants. Autant dire, que c’est loin d’être terminé pour les Kings.
Bilan ?
En conséquence, il semblerait que les Sacramento se lance dans un assainissement, qui malgré un échange déséquilibré, a tout l’air d’un renouveau nécessaire. Le chemin pourrait être long, mais avouons le… La franchise n’aurait jamais été capable d’entourer convenablement son pivot pour en tirer quelque chose.
Côté New-Orleans, on a de quoi être excité par cette association de pivot, qui en cas de réussite pourrait proposer un basket aux antipodes des tendances actuelles, le tout en formant un des duos d’intérieurs les plus impressionnants de l’histoire. Pour autant, avec plusieurs contrats difficiles à porter, la tâche des Pelicans n’a rien d’un chemin de santé dans l’optique d’entourer leur duo, en espérant de tout cœur qu’il soit à la hauteur de nos espérances.
Affaire à suivre.