JÉRÉMY PEGLION / FONDATEUR QI BASKET
Si je devais utiliser un mot pour qualifier les Bucks de Milwaukee, j’opterai pour “anachronique”. Mais pas forcément négativement, non. Il faut bien le dire, cette équipe possède du talent, elle possède de la qualité à tous les étages, un véritable leader qui semble se détacher, en la personne de Giannis Antetokoumpo et un potentiel lieutenant de haut vol en celle de Jabari Parker. Pourtant, on ne peut s’empêcher en regardant leur effectif, de se dire que ce roster n’a pas été imaginé pour jouer en 2017. Il est bien là, aujourd’hui, mais un peu perdu dans les méandres du temps, résolument tourné vers l’intérieur dans une ligue qui s’écarte sans cesse un peu plus. Ne vous y détrompez pas pour autant, sur le papier, l’avenir est plutôt radieux pour la franchise du Wisconsin. Toutefois, on ne peut s’empêcher de se dire, dans un contexte ou les équipes NBA entrent dans de véritables casse tête pour créer toujours plus de spacing pour leurs joueurs, que les Bucks ne jouent pas dans la même NBA. Bien sûr, la franchise en est consciente, et pour preuve, elle s’est attachée les services de Matthew Dellavedova cet été, et surtout ceux de Mirza Teletovic, débarqué de Phoenix pour tirer de loin dès que faire se peut.
Avec ces quelques renforts, le retour à 100% de Parker, et les replacements stratégiques annoncés par Jason Kidd – notamment l’idée ô combien séduisante d’utiliser Giannis Antetokoumpo, ses 2m11 et ses bras interminables au poste de meneur – tout semblait au vert à l’orée de cette saison 2016-2017 pour tenter de retrouver une place dans le top 8 de la conférence Est. Une tâche, qui, loin d’être gagnée d’avance, était un objectif de mise pour la jeune garde des Bucks. Toutefois, la blessure de Khris Middleton (de retour très bientôt), gâchait un peu la rentrée de la franchise, dont il était la principale menace au poste extérieur. En dépit de cette absence, tout ne fut pas dépeuplé, et Milwaukee est encore à la lutte pour une place en post-saison, et si le retour de l’arrière pourrait leur redonner un coup de boost dans cette course effrénée pour les joutes du mois d’avril – il semble évident d’effectuer des changements dans le Wisconsin pour que la franchise puisse franchir un palier.
Mais que faire ? Est-il même possible de bouger à court termes ?
Tout pour son duo
Peu d’équipes possèdent 2 stars en devenir dans le roster. Si Giannis vient de définitivement gagner ce gallon cette année, Parker ne devrait pas tarder à être consacré s’il maintient ce niveau de jeu. En possédant ces 2 énormes potentiels dans l’effectif, la tâche de la franchise est simple : les entourer des bons joueurs. Une tâche facilité par un état qui, s’il est subjectif, paraît à l’heure actuelle évident : la hiérarchie est claire entre les 2 joueurs. En effet, Parker semble accepter sans sourciller ce statut de lieutenant, mieux il le fait avec enthousiasme – et si ce constat peut paraître absolument anecdotique il est pourtant absolument capital tant pour les coachs que pour le General Manager. D’une part pour savoir à qui donner le plus de responsabilité en match, mais aussi pour construire un roster qui facilite l’optimisation de ces capacités.
En portant leur dévolu sur duo 3-4 très mobiles, la franchise s’est offerte la possibilité d’avancer sur un basketball sans postes, où les joueurs doivent être uniquement complémentaires par leurs qualités. Antetokoumpo est le prototype du joueur du futur, immense mais mobile, puissant, rapide. Un ovni qui représente l’évolution de ce sport, symbolisée par LeBron James. En transformant un ailier de cette envergure en meneur, votre principal objectif devient de l’entourer d’artilleurs et de joueurs capables d’exploiter les espaces que sa présence génère, notamment en raison de prises à 2, voire à 3 que ses qualités hors-normes engendrent.
Défensivement, sa présence est extrêmement dissuasive, mais il s’agit de trouver un intérieur suffisamment solide pour jouer le dernier rempart, et profiter des aides que ses tentacules lui permettent – sans pour autant que ce joueur soit un poids mort offensivement (absence de tir à mi-distance par exemple).
Du coup, on pourrait se dire que l’effectif à de bonnes bases, avec Middleton et Monroe. Mais ça, c’est faux, ou insuffisant. D’une part parce que, sur ce qui équivaudrait au poste de meneur, l’équipe manque clairement de ressources et qu’en l’absence de Middleton, les lacunes sur les lignes arrières se sont vues, bien que le rookie Malcolm Brodgon ait surpris son monde, et prouve que l’équipe va devoir se renforcer plus concrètement pour jouer les premiers rôles. D’autre part, parce que le passage de Greg Monroe est un véritable naufrage – lui qui était attendu comme la force de frappe intérieure de l’équipe, dont le skill offensif correspondait aux attentes de la franchise, s’est avéré un véritable poids mort défensif – qu’il a été impossible à transférer jusqu’ici.
Quelle marge de manœuvre ?
Le premier constat en voyant ce récapitulatif du cap salarial ? Oui, les Bucks sont au dessus cette saison, et potentiellement la saison prochaine. Avec un cap salarial attendu à 102M pour la saison 2017-2018, les Bucks pourraient bien être au dessus de cette limite, et voir leurs tentatives pour s’améliorer complexifiées. Mais pourquoi potentiellement ? Parce que cette couleur bleu pastel dans le tableau, correspond à une “player option”, autrement dit la possibilité pour le joueur de mettre fin ou non à son contrat. Si depuis l’explosion du cap salarial, la majorité des joueurs optent pour mettre fin prématurément à leur contrat afin d’aller chercher le pactole, la situation de Greg Monroe et de Spencer Hawes est plus délicate.
Monroe a clairement le talent pour la NBA, mais il a aussi des faiblesses défensives qui le rendent difficile à utiliser en tant que titulaire, malgré sa superbe palette offensive. Du coup, tester le marché ne serait pas nécessairement une upgrade pour lui, et le manque d’intérêt de l’ensemble de la ligue lorsqu’il a été proposé en échange, pourrait refroidir ses ardeurs.
Hawes quant à lui, a beaucoup voyagé ces dernières années. Pivot fantasque doté d’un tir à distance honnête, il n’en reste pas moins assez imprévisible, et même si son salaire de 6M est assez faible, on est pas à l’abris de le voir activer son option si son agent venait à être frileux.
Toutefois, répétons le, la hausse du cap a été telle, que l’un comme l’autre peut trouver son compte avec un contrat de 2/3 ans, notamment s’ils ne se montrent pas trop gourmands en la matière.
Par ailleurs, en se renforçant cet été, les Bucks ne se sont pas aidés, tant les montants des contrats proposés peuvent sembler disproportionnés par rapport au rôle des joueurs. Aussi, avec Dellavedova et Teletovic qui représente 1/5 du cap, la franchise perd un peu de la flexibilité que le contrat débutant de Jabari Parker lui offrait. Même débarrassée des contrats de Monroe et Hawes, elle ne possèderait pas une flexibilité suffisante pour obtenir un joueur à même de faire franchir un cap au groupe de Milwaukee par sa seule présence.
Du coup, dans l’idéal, la franchise possédera environ 16M de disponibles. Comment les utiliser si elle arrivait à les obtenir ?
Les bonnes affaires ?
Hé bien, en toute honnêteté, il se pourrait bien que le pire soit bien là. Avec des prétentions modestes pour entrer sur un marché devenu complètement dingue, les Bucks ne posséderont que peu d’armes pour se renforcer. Entre des joueurs de haut vol qui ne seront pas intéressés par les émoluments proposés, et un poste de pivot lacunaire sur le marché l’été prochain, il y aura très peu de moyens pour s’améliorer du côté de Milwaukee.
A l’heure actuelle, une des rares cibles possibles, pourrait être George Hill. Bon défenseur extérieur, capable d’évoluer au poste 1 sans pour autant réclamer de porter la balle à outrance, il est en plus de cela un bon tireur extérieur, qui pourrait profiter des espaces prodigués par le duo Antetokoumpo-Parker. Néanmoins, une fois de plus, difficile d’imaginer les Bucks emporter la mise, alors que des équipes mieux classées risquent de se placer sur le dossier, notamment le Jazz où il évolue désormais et où il paraît s’épanouir.
De ce fait, la dernière opportunité que possède les Bucks, et qui n’est pas sans risque, est d’aller chercher un second arrière de métier, et d’évoluer sans “vrai” meneur dans son 5 de départ. Une expérimentation qui permettrait alors à la franchise de passer un cap, par exemple en essayant de s’attacher les services d’un J.J Reddick, ou Tim Hardaway Jr. tous deux capables de dynamiter une défense à longue distance. Evidemment, là encore ils ne seraient pas des cibles faciles, mais la possible implosion des Clippers rend le dossier du premier intéressant, et ce même s’il faudra le convaincre que le processus de construction sera court, car l’ex-star universitaire a passé la trentaine.
En fin de compte, même si Milwaukee possède quelques opportunités, il semble clair que le moyen de progresser, sera par une évolution qualitative et en optimisant les ressources internes… En attendant que le staff possède plus de flexibilité. Un constat un peu dur pour une équipe aussi jeune, mais qui confirme qu’en NBA, aucun contrat ne peut être signé au hasard, sous peine de regretter amèrement une présence encombrante.