JÉRÉMY PEGLION / FONDATEUR QI BASKET
Il va sans dire qu’en échouant à un match des Playoffs la saison passée, le Jazz avait l’impression d’avoir contre-performé. Après une deuxième partie de saison 2014-2015 absolument brillante, tout les feux semblaient au vert pour s’imposer comme une place forte de la conférence ouest pour l’exercice suivant. Malheureusement, entre blessures à répétition de ses cadres, dépendance à son 5 de départ, et difficultés à la création, la franchise échouait à une victoire de la post-saison – en perdant mollement face à une faible équipe des Lakers, menée par un Kobe Bryant dans son match de gala. Face à l’ancienne gloire de Los Angeles, l’effectif d’Utah voyait ses illusions lui glisser sous le nez, et forçait le staff à trouver des éléments pour consolider le groupe pour la saison en cours.
Cet été, a donc vu le roster se renforcer d’éléments notables, notamment des vétérans capables de supporter ce besoin de création, et de scoring. En effet, en s’imposant comme l’une des meilleures défenses de la ligue, la troupe de Quinn Snyder s’est trouvée une identité, et s’est forgée une réputation – aussi après avoir ramené dans un échange en triangle George Hill sur le poste de meneur, elle a ensuite pu obtenir les faveurs de Joe Johnson et de Boris Diaw, attirés par le nouveau statut acquis.
Ces renforts ont fait du bien. Particulièrement l’arrivée de l’ex-Pacer à la mène qui réalise un début de saison tonitruant, et dont les absences pour pépins physiques ont été solidement gérées. De ce fait, à l’heure actuelle, difficile de ne pas imaginer la franchise, arnachée au 5eme spot de sa conférence, ne pas obtenir une place en Playoffs, et donc franchir le premier palier nécessaire pour monter au sommet. Néanmoins, même si elle réalise une saison à la hauteur des espérances, l’avenir du groupe semble entre parenthèse, et va pousser les dirigeants à être inventifs, voire ingénieux pour pouvoir poursuivre leur progression en bonne et due forme.
Pourquoi ? Parce que certains de ses cadres arrivent en fin de contrat, et le staff va devoir faire des choix pour maintenir le cap. Des choix qui pourraient notamment en pousser certains vers la sortie d’ici la fin de l’été 2017. A l’heure actuelle, on sait d’or et déjà que les meneurs George Hill et Shelvin Mack seront en fin de contrat. Si le second n’est pas une priorité, le premier a apporté une plus-value indéniable au roster du Jazz. Mais outre ces 2 noms, c’est surtout le néo-All-Star Gordon Hayward qui activera à coup sûr son option pour sortir de son contrat. Alors que le salary cap a explosé l’été dernier, ne pas profiter de la hausse due à son statut semble impensable, et il sera clairement éligible à un contrat mirobolant, dont le montant pourrait pousser la franchise à adapter ses plans.
Quelle situation financière ?
A l’heure actuelle, le Jazz aurait 93M de salaire à assumer pour la saison 2017-2018. Dans les faits, tout devrait être différent. Entre “l’opt-out” susmentionné de Gordon Hayward, et un Boris Diaw dont le contrat n’est pas garanti par la franchise, le Jazz pourrait descendre son cap sous les 70M. De quoi se mettre en position de prolonger l’ailier sans passer par la case taxe de luxe. Une bonne nouvelle certainement, mais si elle veut progresser, et non pas toucher son pic de performance cette année, quelles options aura la franchise du Jazz ?
Le cas George Hill
Malgré des absences à répétition, le nouveau meneur s’est rendu incontournable dans sa nouvelle équipe. Entre niveau de jeu individuel en hausse par rapport à ses standards en carrière, et style de jeu qui rentre dans le mojo du Jazz, il s’est rapidement imposé comme une présence indispensable au bon fonctionnement de son équipe. Toutefois, entre petites blessures, et impression de surrégime, la question de conserver le nouvel élément va forcément se poser. En effet, si la franchise est prête à dépasser le cap, et pense que parier sur Hill est le meilleur choix, alors elle pourra prolonger le meneur en premier, et faire sauter la banque en s’occupant du cas Gordon Hayward*.
*La franchise ne possède les Bird Rights que sur Hayward.
Toutefois, faire ce pari pousserait forcément la franchise à essayer de faire des économies pour limiter l’impact financier de la luxury tax, surtout dans un environnement où, cela ne transformerait pas cette dernière en un véritable prétendant pour le titre.
Quelles économies ?
Lorsqu’on se retrouve dans une situation telle que celle-ci, on doit en premier lieu cibler les joueurs dont se délester ferait une véritable différence. Dans cette catégorie, on retrouverait Rudy Gobert, Derrick Favors, Joe Johnson et Alec Burks. Il faut ensuite se poser deux questions. Voire trois, probablement, à vrai dire. La première étant le degré d’indispensabilité du joueur. La seconde, la valeur que l’on peut tirer de ce dernier, et pour finir, la qualité de la rotation derrière ce joueur que l’on peut obtenir (ou mieux, que l’on possède).
D’emblée, la première question rend le pivot français complètement intransférable. Tout juste prolongé, ce dernier était un all-star légitime cette saison, et ne bougera sous aucun prétexte (enfin, sauf offre irraisonnable). La seconde question, semble également rendre toute tentative d’échanger Joe Johnson compliquée. En effet, titulaire d’un contrat de +10M sur 2 ans à un âge avancé, rendrait son transfert dur à vendre auprès d’une franchise avant le début de saison (beaucoup moins à la trade deadline 2018, en revanche).
Toutefois, les deux autres éléments survivent à l’examen de ces trois questions. Derrick Favors est jeune et son talent est reconnu, mais sa baisse de production n’a pas handicapé la progression de son équipe, et ce, en raison de l’éclosion du jeune Trey Lyles, qui apporte de solide minutes. Si ses statistiques ont lourdement chutées, sa valeur est certaine. Aussi, récupérer un jeune joueur moins cher en échange n’a rien d’impensable, et permettrait à sa franchise de continuer à ajouter des ressources à son effectif, tout en économisant. Alec Burks, quant à lui est jeune et talentueux. Mais ses blessures et l’embouteillage de choix sur les postes extérieurs ne le rendent absolument pas indispensable à moyen termes. Si son salaire combiné à ses problèmes physiques en font un sujet à risque, il pourrait intéresser une équipe en quête du titre à court terme, ou une équipe en transition qui veut révéler des talents à moyen terme. Là encore, son transfert permettrait de récupérer ou un jeune joueur moins coûteux, ou un vétéran accompagné d’un tour de draft.
En soit, conserver le premier serait plus souhaitable à court terme, car son apport lorsqu’il est en forme est beaucoup plus certain. Néanmoins, s’il affiche un niveau de jeu élevé l’an prochain, il pourra prétendre à un salaire que sa franchise ne pourra assumer. Une situation qu’il vaut mieux éviter, et qui en font le joueur le plus en danger du roster.
Qui pour Favors ?
Si Favors était élu pour un transfert, susciterait-il de l’intérêt, et si oui, de qui ?
La réponse “oui” semble une évidence. Et ça tombe bien, car il n’y a pas de piège : il serait courtisé. Il le sera. Certes un contrat expirant est toujours dangereux, mais on a vu que des franchises qui se cherchent sont prêtes à prendre le risque (New-York avec Rose, Orlando avec Ibaka…).
Avec son profil de 4 besogneux, solide défenseur, mais capable d’apporter des points au poste, Favors a tout d’un joueur proche du statut de All-star, à même de se fondre dans un effectif. Il pesait l’an dernier environ 16pts par match, pour seulement 32 minutes de jeu, tout en pensant dans les autres compartiments du jeu. Gêné par sa santé durant l’exercice en cours, il n’en reste pas moins un élément à même de faire progresser une franchise, et trouvera un intérêt certains de la part des franchises qui cherchent à se construire ou franchir un cap. On peut penser notamment aux Nets, Knicks, Kings ou Heat. Ces franchises ont toutes potentiel à apporter des role-player intéressants, et à bas prix au Jazz. Sans transformer l’effectif, elles pourraient donner de jeunes éléments capables de renforcer le banc d’une équipe qui deviendrait de plus en plus armée pour s’adapter à tous les registres.
Même si abandonner un élément important contre des joueurs plus limités peut être douloureux, il semble tout aussi primordial de choisir quels joueurs abandonner, et donc ne pas se retrouver coincé un été avec plusieurs joueurs à prolonger, et perdre le mauvais par la force des choses, ou en raison d’un choix mal assumé. Dans cette optique, le staff devra chercher à construire un environnement de qualité pour les joueurs qu’elle élira, et dans cette optique, transférer Derrick Favors voire Alec Burke semble important.
Ainsi, construire autour d’un trident Meneur (Hill) – Ailier (Hayward) – Pivot (Gobert) peut être une formule.Si ce trio ne semble pas contenir la superstar à même de faire du Jazz une machine de guerre, il semble impossible en l’état de s’acheter les services d’un joueur de cette trempe. Il s’agit donc de devenir et rester une place forte, et de saisir une éventuelle occasion, ou un éventuel intérêt soudain lorsque la masse salariale de l’équipe sera stable. Par la suite, il faudra utiliser de bons résultats et l’éclosion de certains talents attendus pour passer un nouveau cap, et peut-être devenir un prétendant sérieux.