JÉRÉMY PEGLION / FONDATEUR QI BASKET
“Si je devais en choisir un seul, le plus difficile à défendre dans la ligue, ce serait Carmelo. Il est un unique combo de poids, force, et de qualités athlétiques, le tout en ayant un touché de balle de haut vol et une facilité à se frayer un chemin vers le cercle sans pareille. C’est ce qui le classe au-dessus, chaque aspect de son jeu fait parti de l’élite.” – Paul Pierce.
“Melo est le plus dur à défendre… Tout ce qu’un basketteur veut être capable de faire, il sait le faire. Je fais 80 et quelques kilos, se charger de ce taureau c’est marrant… mais c’est rude” – Kobe Bryant.
“Carmelo Anthony l’est [ndlr : le plus dur à défendre], il possède une force de scoring inégalable” – LeBron James.
Bon, histoire de poser quelques bases dans cet article, je souhaite rappeler une petite vérité. Parce que voilà deux ans, que Carmelo Anthony s’est mué en un joueur plus passeur, plus altruiste. Et c’est louable, c’est vrai. Mais voilà que depuis cette même période, on loue un Carmelo “meilleur que jamais”. Et ne pouvant nier une admiration certaine pour le joueur, me voilà un peu secoué de me rendre compte qu’en dépit d’un statut de superstar, la presse comme le public ne connaît finalement que peu le joueur.
Si l’on me demande, “est-ce que Carmelo à atteint son meilleur niveau en carrière ?”
Je vous laisse vous référer au titre.
Dire que la star des Knicks pratique son meilleur basket, c’est cracher sur 10 années de carrière, sur un mélange de qualités athlétiques, de shoot, et une panoplie de gestes interminables, en faisant sans problèmes l’attaquant le plus complet de la dernière décennie, aux côtés de Kobe Bryant.
Mais avant d’en venir aux faits, balayons un peu les faiblesses d’Anthony, celles qui lui sont justement reprochées. D’abord, et c’est la raison de ce soudain revirement, il a souvent eu tendance à oublier ses coéquipiers, par égoïsme ou par manque de confiance ? Seul lui le sait, et c’est dommage quand on voit certaines merveilles qu’il a distribué dans sa carrière. C’est un joueur qui pense à shooter avant de chercher son coéquipier, et c’est ce qui lui a peut-être fait défaut dans ses années Denver. Au point qu’on le considère comme un “formidable scoreur”, mais un “attaquant incomplet”.
Ensuite, l’autre faiblesse indubitable, c’est son manque de leadership. On attend souvent qu’un “franchise player” soit le patron, qu’il soit vocal, que sa présence influe considérablement sur l’attitude de ses coéquipiers. Carmelo ne fait certainement pas parti de cette catégorie, mais doit-il vraiment forcer sa nature ? Ou est-ce au staff de lui apporter ce chaînon manquant ? Dans les faits, le star des Knicks n’a jamais fait de meilleurs parcours en post-saison que lorsqu’on l’associait à de vrais leaders (Chauncey Billups, Jason Kidd), une lacune certaine, mais qu’on ne peut lier à son statut de basketteur.
Enfin, vient la défense. Souvent décriée, la défense de Melo peut être laxiste, au point qu’on a parfois eu l’impression tout au long de sa carrière, que ses efforts offensifs le dispensaient de se donner de l’autre côté du terrain. Un constat qui ne peut jouer en sa faveur, surtout lorsque l’on connaît l’adage “Defense wins championship”.
Oui, mais voilà… Melo c’est aussi une capacité de finition exceptionnelle, qu’elle soit de près ou de loin, c’est l’un des shoots les plus rapides de la ligue, tout en restant l’un des plus dangereux, grâce à une coordination du mouvement tout simplement hors norme, une capacité à prendre des tirs de n’importe où, sans spot de tir faibles, à finir des deux mains, à poster ses adversaires, à prendre des fadeaways sur son défenseur, aussi des deux mains. On pourrait s’arrêter là, mais non, c’est aussi une capacité à créer son tir, grâce à un premier pas des plus vifs, et ce malgré une prise de poids importante. Et puis… disons le également, pour qu’on soit clair là dessus, c’est un joueur clutch au possible, demandez aux Bulls ce qu’ils en pensent…
…
Sauf que tomber dans le Melo-bashing est devenu une mode. Une triste mode lorsque l’on s’intéresse à la carrière de l’ex-Nuggets. Déjà, parce qu’il fait parti de la draft 2003, à laquelle il débarque avec le statut de champion NCAA – parce qu’il réalise une première saison rookie à plus de 21 points par match, soit le meilleur total des années 2000, et qu’il aurait pu arracher le trophée de débutant de l’année à un certains LeBron James. Allons, plus loin, il est le dernier rookie à avoir mené, en tant que leader, une “lottery team” en post-saison dès sa première année.
Après cette première année, c’est encore 10 saisons sans manquer les Playoffs, peu importe l’équipe, peu importe les tracas rencontrés en saison, dont 8 terminées entre 25 et 29 pts/matchs. Un rôle de leader dès sa première année, deux franchises portées sur ses épaules, mais hélas, trop peu de grands moments en Playoffs. Parce que Melo “c’est pas un leader, “il sait pas gagner en playoffs”, “à part perdre au 1er tour…”.
Déjà, cassons un mythe, celui du débutant qui casse la baraque dans les joutes d’Avril, en tant que leader dès ses premières années. La plupart n’y sont pas, le reste ne survole pas, et à part Magic Johnson, beaucoup prennent des baffes. c’est ce qu’à vécu Anthony pendant 2 ans, avant de montrer des signes de mieux.
Ensuite, rétablissons un fait, dans combien d’équipes de haute volée, a-t-il évolué ? Certes il y a eu Allen Iverson. Mais l’effectif était-il correctement construit ? Est-ce que leurs profils matchaient ? Combien peuvent citer le roster des Nuggets durant ces 2 années de cohabitation… Si l’on compare Carmelo à ses coéquipiers de draft 2003, combien de All-Star a-t-il côtoyé ? C’est peu dire qu’Anthony a eu peu de top team, et ses parcours sont d’autant plus impressionnants, qu’il a mené certains roster indignes en post-saison.
Et malgré des échecs certains, c’est aussi une finale de conférence, avec un 5 : Chauncey Billups – Danhtay Jones – Carmelo – Kenyon Martin – Néné Hilario. Pas fantastique, mais pourtant l’équipe la plus forte qu’il ait eu. Avec ce groupe, il mène sa franchise à une lourde victoire 4-1 contre les Hornets de Chris Paul, puis une victoire 4-1 contre les Mavericks de Dirk Nowitzki, et une série à plus de 35pts/match. Enfin, ses Nuggets tomberont 4-2 contre le futur champion de Los Angeles, et une série portée à l’égalité par un Carmelo inarrêtable.
Et c’est là, au fond, que le bas blesse. C’est que les fans NBA ont raillé ces images d’un Carmelo jeune, athlétique, mais déjà extrêmement complet. De ce Carmelo qui affronte yeux dans les yeux Kobe Bryant, en route pour son 4eme titre, défend sur lui, et marque plus de 30pts par matchs. Et puisque des images valent parfois mieux que des mots, voici quelques images pour appuyer mes propos. D’un game 2 remporté sur le fil, avec 34 pts (12/29), au sortir d’un match perdu sur le fil, malgré 39 pts (14/20).
Quelques images qui permettent aussi de se souvenir, mais surtout de comparer. De comparer ce old-school Carmelo avec l’actuel. De comparer, et de se rendre compte que la version présente est plus lourde, moins athlétique, et du coup, plus dépendante de son tir. De se rendre compte que ses genoux le gêne, et qu’il est plus lent, notamment en défense où il pouvait se charger de n’importe qui… (et oui, les étiquettes…), qu’il a tout simplement adopté une mentalité plus altruiste, car il ne se fait plus confiance au point de découper une défense tout un match, soir après soir. Alors pitié, appréciez cette nouvelle version de la star des Knicks, mais n’oubliez pas le joueur qu’il fut et ne détruisez pas l’héritage d’un joueur d’exception, qui a remis une franchise moribonde sur la carte NBA.